mercredi 19 avril 2023

Printemps

Source – Vie Studio

Il y a deux semaines deux personnes m'ont dit, presque coup sur coup, qu'elles espéraient que le printemps me mettaient du baume au cœur. Une d'elle à même ajouté, je crois, "comme tout le monde", et moi, ça n'allait pas du tout, alors j'ai pensé : "mais allez vous faire foutre avec votre printemps, je m'en fous". Bon. Même le printemps a eu raison de ma mauvaise humeur – enfin, relativement. Disons que je reconnais que, quand même, l'allongement des jours, les rayons de soleil, la chaleur quand je sors du travail et que je monte dans la voiture, ça fait plaisir. Il y a des jolies choses à voir aussi, des fleurs, tout ça. Alors je crois pouvoir dire que oui, le printemps, mine de rien, me met un peu de baume au cœur. Suffit quand même pas à dégeler mon cœur, pourtant.

C'est marrant parce que, sur la poignée de personne avec laquelle je discute, deux m'ont dit : "tu m'aides tout le temps et moi je ne t'aide jamais", et elles étaient, je crois, un peu désemparées, ou en tout cas souhaitaient réparer ce déséquilibre. Mais moi, j'ai pensé : "normal, je ne me mets pas en position d'être aidée". Je me cache. Je biaise, je cache, je mens, je ne réponds pas, ou je minimise, et au final, hors thérapies, il n'y a sans doute qu'une seule personne qui m'entendra dire que ça ne va pas, qui m'entendra parler même des sujets les plus intimes, et râler, et me plaindre sur mon sort… Je ne sais pas si elle compte : nous ne nous sommes jamais rencontrées, et la psy parle de relation fictive.

Il y a plus d'un mois je parlais de solitude et, le truc très paradoxal avec la solitude, c'est qu'à la fois je cherche à la contrecarrer en parlant à des gens, je suis en demande de discussions, quand les réponses tardent à venir je commence à me poser des questions, à me dire que j'embête tout le monde, tout ça (même si c'est moins pire qu'avant), et en même temps je ne prends même pas rendez-vous chez le coiffeur, je ne veux voir personne, je veux juste lire des livres et écrire des histoires. Rencontrer des gens me fait peur, je crois. Puis je me dis aussi que ça ne sert à rien, vu que j'aurais déménagé dans six mois (je me dirais encore ça dans dix ans, sans doute, bloquée ici avec de faux espoirs). Je crois aussi que les invités qui viennent à la radio et constituent en fait mes seules interactions sociales me saoulent, me remplissent de vrais gens, et après je veux très très fort me cacher avec un livre et plonger dans un autre monde.

Je n'arrive pas à trouver trois points positifs par jour. Ces derniers jours, c'est moins. Ou pas du tout. Je suis fatiguée. Physiquement, et moralement aussi, je crois. Mon humeur fait des vagues, de "vague entrain" à "déprime" et ça va, et ça vient, et ça fait des marées et un petit rien peut me mettre par terre pendant trois jours, ou plus. Pourtant je suis capable d'avoir de la résilience, vu que j'y arrive quand il est question du roman : j'arrive à me relever les manches et à travailler, même quand ça ne va pas comme je veux, et à me dire que tout se terminera bien parce que je maîtrise la situation, que je sais ce que je fais. Même s'il est probable que je fasse en fait n'importe quoi.

Je ne sais pas trop ce qu'il s'est passé, hier je me suis remotivée pour les cours de hiéroglyphes, je me dis que je vais rattraper mon retard pendant ma semaine de vacances, les deux semaines sans cours, et reprendre les choses correctement à la rentrée, et que je peux le faire. Je ne sais pas trop d'où ça sort. Le printemps, sans doute. Ou le besoin viscéral de trouver des domaines dans lesquels je suis capable. Tiens, ça me fait penser que l'autre jour la cheffe d'un média associatif m'a dit que j'avais progressé, et je ne l'ai même pas mis dans mes points positifs du jour. Enfin, avoir progressé ce n'est pas être compétent : c'est être moins nul. Pas de nouvelles du podcast depuis, d'ailleurs. Je ne sais pas si je dois réenregistrer une relance ou pas. Je vais écrire le texte de présentation et le soumettre, on verra bien ce que ça donne.

Je me dis que j'ai hâte de partir, mais la vérité c'est que je n'ai aucune vraie piste, que des fantasmes, des projections dans un futur nécessairement faux et imaginaire. Je dis "je vais me barrer de c'trou" comme si j'avais signé un nouveau contrat de travail ailleurs. La blague. Je me demande si je m'investis vraiment dans la recherche d'emploi, ou si je suis un peu en retenue par peur d'être déçue (mais du coup, je serais forcément déçue à la fin).

Au moins, ma pauvre plante verte va mieux depuis que j'ai rempoté (la pauvre ! vous auriez vu ses racines !!) et mis de l'engrais. Cela aussi, c'est le printemps.

J'ai enlevé mon blog de ma description sur Discord. Je ne crois pas que j'ai envie, finalement, que de nouvelles personnes viennent ici, ou plutôt j'ai trop peur que les personnes qui viennent ici veuillent après me parler en privé, devenir amis, tout ça. Y en a trop. Je suis mal à l'aise. J'avais dit que je ne me censurerai pas, mais des fois aujourd'hui j'en ai eu envie, parce que je me cache. Alors que je ne devrais pas me cacher, ici. Je suis mieux comme ça, cachée. Cachée, dans ma petite coquille, dans un trou dans le sable entre deux rochers, là où on ne peut pas trop me voir. Pas trop m'aider non plus, mais surtout pas trop me voir.

Difficile de mesurer le degré de vraie émotion, et le degré d'émotion à cause de mon humeur.

Ce soir, j'ai perdu du temps à faire des trucs basiques, et maintenant, je suis tellement fatiguée que je ne vais même pas pouvoir écrire, alors que c'est mon seul jour de la semaine pour le faire – et encore, seulement parce que je vais pas à l'aïkido.

Au moins, au printemps, il y a un peu de lumière. Des vacances, et des longs week-end, et je vais pouvoir me cacher pour lire, pour écrire, et pour me cacher.

Cet article est un peu fouillis.
On ne dirait pas l'article d'une fille avec du baume au cœur.