jeudi 29 juillet 2021

Journal d'écriture, Roman 2, n°1

Source photo – Tatiana Syrikova

C'est un carnage. Au début, j'étais vraiment perdue, maintenant ça va un peu mieux mais je suis quand même déboussolée.

Quand je vous ai présenté le projet le mois dernier, j'avais mis comme défi supplémentaire (comme si écrire un roman n'était pas déjà en soi un truc un peu compliqué et prise de tête, ahem) d'écrire 50 000 mots par mois (soit l'équivalent d'un NaNo (mois de l'écriture, qui se déroule en Novembre)) pendant trois mois. Je m'étais basée sur mes statistiques de Roman 1 où j'avais écrit un premier jet de 150 000 mots, à peu près. Il me fallait donc 1 667 mots par jour sur trente jours. Comme pour Roman 1 j'étais à peu près à 800 mots par heure, dans mes souvenirs, je savais que j'en aurais pour deux heures par jour, ce qui est quand même loin d'être insurmontable, surtout quand on est jeune diplômée au chômage comme moi. Donc je me suis lancée. Et j'ai explosé les stats.

Au début, je tournais sur du 1 000 ou 1 200 mots par heure, voire un peu plus, soit la vitesse que j'atteins dans les projets exploratoires/exutoires ou je n'écris que pour le plaisir, sans chercher vraiment la belle phrase, juste pour me vider la tête, et donc un peu mal. Mais je ne m'inquiétais pas trop parce que je mettais ça sur le fait de réécrire mon vieux brouillon de 2017, du coup j'étais "téléguidée", je n'avais pas besoin de réfléchir : toute ma trame était déjà là. Sauf que ça a continué quand j'ai dépassé l'endroit du récit de mon brouillon. Ça m'a beaucoup perturbée parce que pour moi écrire aussi vite d'habitude c'est écrire mal, et plus on écrit vite ou beaucoup d'un coup, plus on écrit mal et donc plus il y a de corrections à faire à la fin. Or, si je voulais écrire mon premier jet en trois mois, c'était pour essayer d'éviter les incohérences qui étaient nées au fil du récit dans Roman 1 à force de ne pas me souvenir de ce que j'avais écrit trois semaines avant, et aussi pour terminer mon roman en un an plutôt qu'en quinze mois. Donc si je tartine plus vite le premier jet mais que je passe trois fois plus de temps à corriger l'intérêt est nul (ce serait quand même ballot).

Donc soit j'écris vite mais mal et quand je vais relire mon premier jet je serais vraiment dans la mouise et je pleurerai toutes les larmes de mon corps ; soit l'accélération de mon rythme d'écriture est due au fait qu'à force d'écrire tous les jours (même des bêtises plus grosses que moi) je me suis améliorée, notamment ma capacité à réfléchir vite à l'endroit où j'allais emmener l'histoire, et que j'ai pris des automatismes. Actuellement, je penche plus pour cette explication, parce que j'ai pu repérer des incohérences pendant l'écriture (ce qui n'est pas très agréable d'ailleurs parce qu'on se dit : "oh lala qu'est-ce que je suis nulle", alors que quand on les voit en relecture on se dit plus : "roooh oh oh mais c'est n'importe quoi xP", du coup ça passe mieux (même quand des phrases n'ont pas le moindre sens xD)), et aussi parce que j'ai regardé mes stats.

J'ai fait la moyenne du nombre de mots par heure sur mon premier jet (sachant que ce n'est vraiment qu'une indication parce que sur deux, trois jours j'avais oublié de fermer le document donc il est resté ouvert sans que j'écrive pendant au moins dix heures) et je suis tombée sur 930 mots par heure. Actuellement, je suis à 1 129 de moyenne. Donc j'ai gagné environ 200 mots par heure. Je trouve ça un peu flippant, en fait. Je suis à la fois plutôt contente, voire fière (et être fier de soi, c'est bien !), mais en même temps je trouve ça carrément flippant, parce que je m'étais attendu à galérer à écrire mes 1 667 mots par jour, étant donné que je bloquais à 800, environ, par jour pour Roman 1. Je m'étais déjà préparée à sauter des jours, ou à ne pas arriver au bout, et à galérer à atteindre mes cinquante milliers de mots. Or là, en fait, je suis à un peu plus de 57 000 mots. On est que le 29, et il y a trois jours où je n'ai pas écrit du tout parce que j'étais fatiguée et n'arrivais pas à me concentrer, ou bien mon créneau d'écriture a été utilisé pour regarder un certain match de volley contre l'Argentine (que les Bleus ont perdu à un cheveu T.T), ou encore parce que j'avais utilisé mon créneau à mieux cerner mes personnages.

Parce qu'il y a ça aussi. Au-delà de mes considérations statistiques je me suis retrouvée à me sentir complètement perdue : je n'aimais pas trop ce que je faisais mais je sentais bien que c'était quelque chose de plus profond que : "je n'aime pas mes phrases, c'est moche". Et en fait j'ai réalisé que je ne tenais pas mes personnages.

Pour Roman 1, une bêta-lectrice m'avait reproché d'avoir donné des petits anecdotes historiques sur tous les personnages, même les figurants (et à la relecture après sa remarque, j'ai réalisé que ah oui quand même xP). Là, je ne l'avais pas fait du tout. Pas parce que je me suis retenue : mais parce que je n'avais même pas pensé. Je ne savais pas moi-même ce que mes personnages foutaient là. Ils étaient des rôles, des pions, et pas des gens. Or pour moi les personnages, avant d'être des créatures fictives, sont des gens, des vrais gens avec des aspirations, des peurs, des doutes, etc. Même les figurants. On manipule des gens. Et moi, j'avais des marionnettes. Pas glop.

Donc j'ai pris deux heures pour faire un truc que préconise la méthode flocon (je ne suis aucune méthode particulière, j'ai juste pioché ça parce que je trouve ça intéressant) : j'ai écrit un synopsis du point de vue de chacun de mes personnages principaux, pour mieux les cerner. Quelques jours plus tard, une membre du forum d'écriture sur lequel je suis demandais comment on s'y prenait pour nos personnages, parce qu'elle cherchait des trucs pour mieux les cerner psychologiquement et bien les distinguer. Du coup, je l'ai renvoyé vers l'article que j'avais fait. C'est bien tombé parce que j'ai réalisé que je n'avais moi-même pas suivi ma méthode : en remplissant mes fiches, j'avais omis volontairement les besoins fondamentaux, notamment, en me disant que je n'en aurais pas besoin. Ha. Ha. Ha. Du coup j'ai pris le temps d'y réfléchir et comme par magie ça fonctionne beaucoup mieux ! (Comme c'est étrange… ahem).

Je pense que ce mois d'écriture m'a permis d'apprendre que, même si on a réussi un premier roman (ou un premier projet, de manière générale) ce n'est pas pour ça que réaliser le deuxième sera plus facile. À chaque projet son défi, ses problèmes. Et je pense aussi que dans ma tête je me voyais écrire dès le premier jet un truc de la qualité du manuscrit fini de Roman 1, ce qui est impossible pour moi (peut-être dans dix ans, et encore). Donc je devais bien revenir au fait que un premier jet n'est jamais parfait.

Du fait que j'écris plus vite, je me retrouve à un peu devancer le point auquel j'en suis dans ma tête, et du coup je dois parfois retoucher ce que j'ai pu écrire avant parce qu'une idée me vient qui correspond plus (ça peut être un truc tout bête comme changer une coupe de cheveux). Mais je me retrouve aussi à me laisser surprendre davantage par mes personnages et aussi à réfléchir plus vite : ce matin j'arrivais au moment où des personnages font changer une autre d'avis et l'incitent à désobéir. Au début j'avais prévu des garçons pas sages qui l'obligent un peu. Puis arrivée là j'ai réalisé que ça rendrait un truc affreusement manichéen, que ça ferait les méchants garçons molestant la pauvre petite gamine fragile… pitié. Plus manichéen que ça, tu meurs. Et comme le manichéisme est ce que je reproche le plus dans les romans que je lis, c'est pas pour m'amuser à faire pareil. Donc au final ce sont tous une bande de gamins paumés en recherche d'eux-mêmes (ce qui fait écho à mon personnage principal, en réfléchissant, donc c'est pas plus mal).

Je suis contente de ce que j'écris, je pense que je peux arriver à en faire un truc vraiment bien.

Pendant la majeure partie du mois, j'ai complètement arrêté de lire, même mes National Geographic et mon catalogue d'expo sur les dragons. Puis j'y suis un peu revenue. Sur ça je dois vraiment écouter mon instinct, parce que je pense que la lecture et l'écriture prennent les mêmes parties de mon cerveau et donc de ma créativité.

Pour revenir à des considérations statistiques, je suis flippée. Parce que je suis, en nombre de mots, un peu plus loin que le tiers prévu du premier jet. Sauf que quand je regarde ma frise chronologique, je ne suis pas du tout au tiers ! Alors certes, ma frise n'est pas à l'échelle. mais ma frise a aussi beaucoup de trous. J'ai essayé de me rassurer en allant voir où j'en étais de l'histoire au même nombre de mots pour Roman 1 et ça m'a un peu apaisée mais plus ça va et plus je me dis que le roman va être plus long que prévu. En soi ce n'est pas très grave, je pourrais toujours couper plus tard (même si j'aime pas ça T.T) mais s'il fait plus que 180 000 mots (en partant du principe que je vais pondre 60 000 mots en août et septembre) ça veut dire que je n'arriverais pas à le finir en trois mois, et ça, ça m'emmerde.

J'essaye de me rassurer en me disant que je mets des choses en place et que le récit va s'accélérer, mais je suis quand même moyen-sûre. Surtout que Roman 1 et ses 160 000 mots est déjà long du point de vue ce certaines maisons d'éditions, dont imaginez mon gros bébé de 180 000...  (Mais bon, d'ici à ce qu'il soit fini j'aurais signé Roman 1 et mon éditeur me prendra bien Roman 2, n'est-ce pas ? xP)

Donc voilà où qu'est-ce que j'en suis ! Grosse frayeur sur les personnages, et crainte lancinante à cause de mes statistiques difficiles à analyser ! (Tout en sachant que se focaliser dessus est mauvais, et que ça doit s'utiliser comme des indications.)

Et de par chez vous, comment avancent les projets ?

dimanche 25 juillet 2021

Langue de vipère et bienveillance

Source photo – Lisa
C'est un article que j'ai essayé de publier hier mais finalement en relisant mon ton ne me convenait pas et j'ai eu peur d'avoir trop visé une personne en particulier alors que ce n'était pas le but. Je ne sais pas si c'était juste une affaire de perception ou pas, et je crains que ma nouvelle tentative soit semblable à la première, mais on verra bien ! :)

En fait, c'est une réflexion que je nourrie depuis un moment mais que des événements ces derniers jours ont particulièrement relancés.

Il y a sur le forum d'écriture que je fréquente une membre que je trouve dans une attitude passive-agressive perpétuelle, même à l'égard de membres qui ne sont pas méchants, tête de mule, mais juste stressés et en manque de confiance en soi. Elle utilise toujours l'ironie, le cynisme, la pique acide parfois même sans fond, une attaque gratuite. Du coup, elle en voit aussi dans les propos des autres là où il n'y en a pas (personnellement, si je veux dire quelque chose, je le dis…). Elle se qualifie elle-même de "vache" ou de "harpie" et semble s'en satisfaire (s'en glorifier ?). Même la question (redondante) d'une jeune fille de treize ans très stressée attire une pique. Et je dois admettre que je ne comprends pas ça. C'est comme si ses relations avec les autres – ou avec l'Autre – se résumaient à se sentir attaquée, en danger, et donc en situation de défense perpétuelle, pour arracher sa place. Elle m'a laissé entendre être impressionnée par ma patience avec certains autres membres, mais je crois que c'est moins proche de la patience innée que de la bienveillance cultivée.

Dans la vraie vie, je suis une langue de vipère. La petite phrase ironique, le petit sous-entendu un peu bas, vicieux, acide peut me venir aussi rapidement que la morsure d'un serpent en bord de chemin. Mais, comme certaines morsures de serpent, sans venin. Je ne suis pas méchante : j'ai l'esprit agile et acide. Je ne parle jamais pour blesser, et de manière à ce que les personnes visées ne puissent pas m'entendre (les personnes dans la télé ne m'entendent pas, je crois :P), et sitôt dite ma petite provocation pleine de malice, je reviens à ma recherche de compréhension des autres, de leurs raisons d'agir, et à ma bienveillance.

En disant ça, j'ai un peu l'impression d'être une sorte de gourou illuminée qui veut montrer la voie de la Sagesse à de pauvres ères égarés sur le chemin de la Conscience, mais pourtant je pense que la bienveillance, la recherche de la compréhension des autres et de ce qui est important pour eux devraient être à la base des relations entre les gens.

Un jour, j'ai eu un entretien d'embauche où le recruteur – d'à peu près mon âge, c'était pour une radio estudiantine – m'a demandé ce qui était selon moi le plus important dans la gestion de bénévoles. J'ai répondu : "la bienveillance", et à sa tête j'ai compris que le jeune homme ne s'attendait pas du tout à cette réponse. Et pourtant, il faut de la bienveillance pour gérer les bénévoles amateurs d'une radio associative, bénévoles qui n'ont pas forcément tout le temps du monde pour préparer leurs émissions, répondre rapidement aux mails, même urgents, etc. Il faut aussi de la bienveillance avec les gens, d'une manière générale, parce qu'avant de leur demander quelque chose, il faut comprendre pourquoi ils font autrement.

C'est sans doute bête, mais quand je vois des membres d'un forum d'écriture en agresser d'autres sans raisons, je me demande comment c'est possible. Écrire, se mettre dans la peau de personnages aux parcours et aux ambitions divers aurait dû les rendre plus empathiques à l'égard de l'humain. Surtout qu'un auteur lit en général beaucoup, et que la lecture favorise l'empathie. Ça doit être mon côté candide, j'imagine…

L'autre jour, je me baladais en ville, et j'ai surpris des gens en train de faire des reproches agressifs aux personnes qui les accompagnaient. Et je me suis dis : "mais comment les gens se parlent…" ; tout en songeant à la manière dont je parle moi-même aux gens. Parce qu'en plus d'être une méchante et vicieuse langue de vipère je suis une râleuse invétérée et incurable avec une tendance à me montrer agressive quand une remarque ne me plaît pas, me renvoie à mes peurs, mes insuffisances, mes craintes, mes doutes, la mauvaise image que je crois donner aux autres, etc. Alors, même si je comprends ce que ces remarques me font, et que je comprends la réaction des autres à mes propres réactions, je suis incapable de réfléchir avant de dresser ma barrière : je suis un animal blessé et je mords pour me défendre. Je crois qu'au fond, on ne sait pas se parler.

Très tôt, j'ai admiré les animaux, d'ailleurs. Les chats, les chiens, quand on les caresse à un endroit qu'ils n'aiment pas, nous préviennent, redressent les babines, secouent des oreilles, grimacent une fois, deux fois, trois fois avant de griffer ou mordre. Les humains ne font pas ça. Les humains croient être civilisés alors les humains gardent leurs reproches à l'intérieur d'eux-mêmes et ça gonfle, gonfle, gonfle comme une voile sous le vent jusqu'au moment où il y a trop de vent pour la voile et où ça craque, pète, explose sans que bien sûr la personne en face soit capable de comprendre, puisque jamais auparavant on ne lui a demandé d'arrêter de faire telle ou telle chose, de dire telle ou telle autre. On aurait beaucoup à apprendre des animaux, je crois.

J'admire aussi beaucoup Laurent Tillie, l'entraîneur de l'équipe de France masculine de volley-ball. Son équipe peut être en train de perdre deux sets à zéro avec six points d'écart à chaque fois un match éliminatoire d'une grande compétition, lui reste calme, serein. Je ne l'ai jamais vu élever la voix contre ses joueurs. Quand la caméra est sur lui pendant un set on peut le voir soucieux, embêté, mais il ne s'emporte jamais. Et pendant les temps-morts, il ne crie pas, il parle calmement, comme s'il n'y avait rien de grave et que tout allait bien se passer. Je ne sais pas comment il fait. Pour moi, c'est incroyable. Et c'est ce à quoi j'aspire, quand j'aurai résolu mes problèmes de gestion des émotions et donc de la colère. Pour le moment, je suis davantage comme Earvin Ngapeth qui tape dans un ballon pour évacuer sa frustration ! xP (P'tit poussin…)

Un jour, il y a quelques temps, ne même pas ressentir de colère à l'intérieur m'est arrivé. C'est une impression très étrange. J'avais reçu un reproche injuste, hors de propos, et pourtant tout à coup mon indignation s'est effacée, avec la soudaineté de la mer redevenue calme après la tempête. C'était comme un temple intérieur. Je n'ai pas fait exprès, et je n'ai jamais pu le refaire jusqu'à maintenant. Pourtant, c'est assez incroyable comme sensation. Tu es très calme tout en sachant que tu "devrais" être énervée et même cette pensée n'arrive pas à te sortir de ton calme. J'aimerais arriver à faire ça tout le temps.

La plupart du temps, les gens réagissent à la forme de ce que vous dites, pas au fond. Surtout si la forme est agressive, moralisatrice, colérique. C'est pour ça qu'il est inutile de se mettre en colère : le message ne passe pas, vous réussissez juste à braquer la personne en face, et vous vous desservez. (Mais ne le dites pas aux féministes radicales ; elles pensent que leur reprocher leur colère est sexiste, parce qu'elles se sont tues trop longtemps.) Donc garder son calme, c'est primordial. Celui qui garde son calme a un peu plus raison que celui qui s'énerve aux yeux des spectateurs. Du coup, j'ai commencé à m'intéresser un peu à la communication non violente : faire passer le message sans que la personne en face se sente agressée. C'est intéressant parce que c'est une autre manière de réfléchir la tournure de ses phrases, et ça demande une gymnastique, au début, tant on n'est pas habitués. Mais c'est assez valorisant quand on arrive à en tirer quelque chose !

C'est toujours dur pour moi de l'utiliser en direct, parce que je suis un volcan, que je m'énerve avant de réfléchir, et que c'est dur de dire à quelqu'un : "écoute, ça va m'énerver donc je te réponds demain, si ça te va". Par contre, c'est plus facile sur internet.

Sur internet, forum ou réseaux sociaux, il n'y a aucune obligation de répondre dans l'immédiateté, en dépit de ce que les plateformes tentent de vous faire croire en vous envoyant des notifications. On peut lire le message, fermer la page, réfléchir posément à sa réponse, et revenir plus tard, comme une fleur, comme si on découvrait tout juste la réponse d'Untel. C'est simple, efficace, net et sans bavure.

Si je peux comprendre que l'on utilise l'ironie mordante contre une personne, un membre de forum, tête de mule, obtus, fermé à la discussion, je ne comprends pas qu'on l'emploie à l'encontre d'une jeune fille de treize ans un peu perdue, en recherche de confiance en elle, au point de la faire se sentir obligée de dire qu'elle est autiste Asperger pour tenter de capter un peu de compréhension artificielle de la part de ses bien peu élégants interlocuteurs. La pique pour la pique, sans remarque de fond derrière, je ne comprends pas. Attaquer pour attaquer, je ne comprends pas. Je ne comprends même pas comment des membres d'un forum d'écriture, d'entraide, où aucun sujet n'est vraiment grave, peuvent se taper dessus. Si un lieu où les gens doivent s'aider est le théâtre d'agressions, d'algarades gratuites, alors comment espère-t-on apaiser le reste d'internet ?

Une amie me dit souvent : "Urgent ? Es-tu en train de te vider de ton sang sur le sol ? Donc, ce n'est pas urgent.". Je la paraphraserais en : "Si tu n'es pas en train de te vider de ton sang sur le sol, alors ce n'est pas grave.".

Je crois que l'on oublie que les idées ne tuent pas les gens. Les actes le font. Les idées peuvent donner lieu à des actes qui tuent des gens, mais à l'origine une idée ne tue pas les gens. Donc c'est inutile de s'écharper pour des idées. D'autant que les gens ont construit bien davantage leur avis sur l'expérience, donc ils ne changeront pas d'avis en vous écoutant parler. Un débat ne change jamais l'avis des débatteurs – il peut, éventuellement, permettre aux auditeurs de se positionner.

Par contre, il est vrai de dire que des vies sont en jeu : celles des personnes agressées. Une jeune fille de treize ans malmenée sur des forums va avoir du mal à fonder sa confiance en soi. Pouvez-vous imaginer ce que l'on ressent quand on se retrouve obligée d'avouer ce qui est largement considéré comme une faiblesse pour essayer de gratter un peu d'indulgence à défaut de bienveillance ? Moi oui, parce que je l'ai vu en vrai.

J'étais au tout début de ma première année de Licence quand un camarade de classe a fait répéter le prof plusieurs fois sur quelque chose. Il avait une façon de parler qui pouvait laisser croire à un demeuré. Le prof (très gentil et plutôt pédagogue par ailleurs) s'est un peu irrité. À la fin du cours, mon camarade, rangeant ses affaires tandis que tout le monde était presque sorti, a dit au prof qu'il était désolé, que parfois il avait un peu de mal à comprendre, parce qu'il est autiste Asperger. La manière dont il a dit ça m'a brisé le cœur. Il n'aurait jamais dû avoir à dire ça.

De même, ce collégien auquel j'ai parlé quand j'assurais un remplacement comme assistante d'éducation, et qui avait du mal à formuler ses idées, de sorte que sa phrase avait difficilement du sens, n'aurait jamais dû avoir à me dire : "je suis désolé, j'ai un peu de mal à m'exprimer, des fois". Et pourtant, je ne lui avais fait aucune remarque : j'avais juste gardé le silence le temps de remettre toutes les idées dans l'ordre. Je me sens très coupable de l'avoir fait se sentir mal, insuffisant, au point de le pousser à s'excuser. J'espère que ça ne m'arrivera plus jamais.

Je crois que, sur internet, beaucoup oublient que derrière l'écran il y a des humains. Et que sous la chair et les os il y a une conscience qui peut être blessée, avoir mal, souffrir.

Dans un de ces récents articles, Virevolte a rappelé les trois filtres de Socrate :
Es-tu absolument certain que ce que tu vas me dire est vrai ?
Ce que tu vas me dire, est-ce quelque chose de bien ?
Ce que tu vas me dire va-t-il me servir ?
Si ce que tu souhaites me dire n’est ni vrai, ni bon, ni utile, pourquoi voudrais-je le savoir ?
Je pense que certains gagneraient à répondre à ces questions avant de partager leurs piques acides, méchantes, sans fond et donc sans intérêt autre que de mater, brimer, intimider d'autres personnes en tentant de les tourner en ridicule ou de les rabaisser (pour se remonter à leurs propres yeux).

Quand j'étais au collège, j'ai eu le déclic : on ne peut pas plaire à tout le monde (aujourd'hui j'aime aussi dire le contraire, qui est tout aussi vrai mais que l'on ne dit jamais : on ne peut pas déplaire à tout le monde). Ces dernières années, mon déclic s'est fait sur la bienveillance. Je ne sais pas comment s'est arrivé. Ça doit être à force de toujours chercher à comprendre les autres, ce qui est important pour eux, le contexte dans lequel ils agissent, leurs valeurs… En tout cas, ce que je sais, c'est que ce n'est pas inné, ce n'est pas mon caractère : c'est quelque chose que j'ai gagné. Malgré mes défauts, ma langue de vipère, le fait que je ne suis "pas une gentille" comme je me dis parfois à moi-même tant j'ai la mesquinerie facile, malgré ma nature de râleuse et mes problèmes de gestion de mes émotions. J'ai conquis cette bienveillance. Si moi j'y suis arrivée, tout le monde peut le faire.

Peut-être qu'un jour, je dirais à cette membre dont je parlais plus haut que je n'aime pas sa façon de s'adresser aux autres. Je tournerais bien ma phrase, et je m'armerais de ma carapace la plus dure en l'attente du contre-coup xP (Je suis incapable de lâcher-prise, et j'ai moyen envie de me retrouver à gamberger toute seule au milieu de la nuit.) En attendant, je vais m'évertuer à continuer d'apaiser les tensions, même si c'est plus dur quand c'est moi qui suis dedans (les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés, comme on dit).

P.-S. : Soyez gentils dans ce monde de brutes. (Au cas où l'article n'était pas clair ;P)

samedi 10 juillet 2021

Conduite, dyspraxie et autres nouvelles

Source – Nubia Navarro

Depuis l'article où je vous parlais de mon appréhension à conduire et de mes problèmes de conduite, j'ai fini par réaliser que j'étais sans doute simplement incapable de conduire. Ça me demande vraiment beaucoup d'énergie rien que pour changer les vitesses (que je ne visualise toujours pas, donc je dois sans cesse jeter un œil sur le levier pour savoir en combien je suis ou ce que je fais). J'ai appris qu'il y avait des tests psychotechniques pour savoir si on avait le droit de conduire ou pas. Mais dans les articles que j'ai lus, ils parlaient toujours d'une demande faite par un préfet, donc j'ai demandé à Line Mourey, de La Parenthèse Psy, si elle savait si un particulier pouvait en faire la demande. Elle n'a pas du me répondre, mais elle m'a dit que tous mes problèmes lui faisaient penser à de la dyspraxie et que je pouvais voir avec un neuropsy pour un diagnostic.

Du coup, je me suis renseignée et effectivement, le fait que je doive penser au geste pendant que je le fais et que ça me coûte de l'énergie, ma lenteur que ma mère et ma sœur relèvent tout le temps (même si moi je ne me sens pas plus lente que les autres), ma nullité en sport, le fait que j'ai du mal à me repérer dans l'espace (et pour ce qui est de là voiture, à savoir si la voiture "passe" et comment elle bouge quand elle recule), que faire plusieurs choses à fois est difficile (par exemple, en conduite, je me fixe devant, je regarde rarement dans le rétroviseur du milieu, je n'y pense pas, pour moi c'est comme s'il n'y avait personne derrière, en fait), le fait que je sois une mauvaise lectrice, et nulle en math, etc. ; tout ça tend plutôt à me faire me dire que je suis effectivement sans doute dyspraxique (et si je ne le suis pas, eh bien retour à la case départ : je ne pourrais que me qualifier de boulet).

Donc, j'ai sauté le pas. Ce matin, j'ai appelé un neuropsy pour savoir s'il faisait ce genre de diagnostic. Je suis tombée sur la messagerie, ce qui ne me rassure pas trop parce que j'ai tendance à ruminer et j'aurais voulu pouvoir faire avancer les choses vite.

Apparemment, un test coûte deux cents euros, et c'est ce qui m'a fait regimber, puis ensuite je me suis dit que je devrais quand même, mais quand même il ne me reste pas beaucoup d'économies de mon dernier stage… Je crois que j'étais tellement dans tous mes états après mon heure de conduite d'hier que mon insécurité financière a joué un duel contre mon insécurité intérieure.

Entre-temps de tout ça, je suis passée sur boîte automatique après qu'un tour avec la voiture de mon père m'ait beaucoup trop stressée. C'est mieux. J'ai l'impression d'avoir de la place de cerveau disponible maintenant que je ne dois pas gérer les vitesses. Mais du coup, tout ce que je ne faisais pas avant (comme bien regarder autour de moi) je n'arrive pas à le faire parce que je n'en ai pas l'habitude.

Hier, j'ai fait une heure de conduite mais je dois me rendre à l'évidence : je n'y arrive pas. Je ne vois pas la moitié des choses que je suis censée voir. Je m'arrête pour analyser un endroit alors que je devrais juste ralentir ; je frêne sans regarder derrière moi avant et surtout quand de toute façon je suis prioritaire et que ralentir suffirait… Je ne suis juste pas faite pour conduire. Donc quel que soit le résultat du test pour la dyspraxie, j'essaierai d'avoir un rendez-vous pour un test psychotechnique (et je pense qu'il reviendra négatif et que je serais réformée de la conduite haha xP).

Si d'ici-là des entreprises me contactent pour l'alternance (on y croit pas trop, mais bon), je serais transparente sur les tests en cours, pour pas qu'ils me proposent un contrat alors que si ça se trouve je pourrais pas travailler puisque j'aurais pas le droit de conduire (l'écrasante majorité des postes de journalistes sont des postes pour lesquels il faut le permis pour partir en reportage). Et même si je ne suis pas dyspraxique et que je ne suis pas interdite officiellement de conduire, soyons sérieux trente secondes : je suis un danger public et je n'arrive à rien. Ça m'empêche de dormir tellement je rumine. (Déjà que mon sommeil n'est pas des plus paisibles…) Donc j'arrêterai.

Et je ne serai pas journaliste (à moins de trouver un poste avec seulement du studio : interviews, journaux et flashs), et ce ne sera pas grave. Il y a suffisamment de choses qui m'intéressent pour je puisse faire une croix là-dessus.

Mardi, je dirai à ma monitrice que c'est ma dernière heure "au moins jusqu'aux résultats des tests". Je n'annule pas le rendez-vous parce que je trouve ça plus respectueux de lui dire directement plutôt que par SMS. Et je veux quand même me laisser une dernière chance d'y arriver – et aussi ne pas prendre de décisions alors que je suis dans un état émotionnel super instable.

dimanche 4 juillet 2021

"Impose-toi, on dirait que tu t'excuses d'être là !"

Source – Gylfi Gylfason

Vendredi, j'ai perdu un poste en alternance parce que la directrice de la radio a eu peur que je me laisse marcher sur les pieds par le journaliste qui aurait été mon collègue. Elle m'a dit que j'avais été son coup de cœur, qu'elle avait hésité, mais qu'elle ne m'avait pas retenue à cause de ça. Je suis d'autant plus frustrée que, dans la vraie vie, je suis plutôt grande gueule, râleuse et volcanique. Je sais me maîtriser au boulot, hein, je m'amuse pas à gueuler sur les collègues, mais je sais ne pas me laisser marcher sur les pieds, dire quand je ne suis pas d'accord, et hausser le ton plus ou moins quand il faut (c'est un apprentissage, vous savez ; sur le forum d'écriture sur lequel je suis je me pose en médiatrice des embrouilles, mais quand c'est moi qui me retrouve dans une discussion qui part en couille, c'est plus difficile, de suite xP). Je pense que la directrice de la radio a pensé ça parce qu'en entretien d'embauche je me transforme en petite chose fragile : je parle d'une petite voix, je cherche mes mots tous les trois mots, j'hésite, en partie parce que je réfléchis pendant que je parle je bafouille, etc. Du coup, elle a dû se dire que j'étais du genre timide à pas trop m'affirmer. Alors qu'au contraire (et ce n'est guère mieux) mes problèmes d'affirmation de soi prennent plus la forme de la mauvaise humeur.

Line Mourey de La Parenthèse psy m'avait dit en commentaire de l'un de mes articles que l'on sentait une estime de soi un peu fragile. C'est le moins qu'on puisse dire. C'est marrant parce qu'elle m'avait dit aussi que l'estime était le socle de la confiance et de l'affirmation de soi. Or ça fait plusieurs années que l'on me fait régulièrement des remarques sur l'affirmation de soi. La première fois, c'était un prof de fac, en Licence, qui m'avait dit en me rendant ma dissertation d'Histoire, que je devais arrêter avec les "il semblerait", "peut-être" et compagnie, que je ne devais pas faire d'hypothèse mais affirmer. Dans les mêmes années, un formateur de radio quand j'étais bénévole dans une station locale, m'avait lancé : "Impose-toi ! On dirait que tu t'excuses d'être là !". Ma monitrice d'auto-école, qui me donne des heures de perfectionnement à la conduite, m'a elle aussi dit que je devais m'imposer : j'ai tendance à hésiter, je mets mon cligno puis je vois que la personne derrière l'a fait aussi, donc je reste sur ma voie pour le laisser passer au lieu d'y aller.

Ce problème d'affirmation de soi je ne l'ai jamais trop pris à bras le corps. J'aimerais bien le faire avec l'aide d'un psy, mais pour ça il me faut un travail pour pouvoir le payer, et pour le moment tout ce qui ressemble à une opportunité part en cacahuète. D'un côté je me dis que je devrais commencer à chercher des postes de vendeuse quelconque pour assurer mes arrières, et d'un autre côté je suis incapable d'abandonner complètement la recherche d'alternance même face au fiasco que c'est.

Le fait d'avoir perdu une opportunité de job à cause de ce problème – dans une radio pour laquelle j'avais vraiment envie de travailler, en plus, parce que si la directrice a eu un coup de cœur pour moi, faut savoir que le coup de cœur était partagé ; j'avais vraiment super, super envie de bosser avec elle – ça m'a mis un coup, quand même. Jusque-là, je pensais que je pouvais me débrouiller en traînant ce manque d'estime de soi comme un boulet, genre mettre un petit pansement sur les fissures, jouer à, faire genre, faire comme si, et que ça passerait. Mais apparemment, non. D'ailleurs, je suis en train de me demander si les autres postes que j'ai pas eu à la suite d'un entretien, où l'on m'a dit "on a préféré quelqu'un avec plus d'expérience", ce n'était pas aussi un problème d'affirmation de soi : quelqu'un qui manque un peu d'expérience, s'il est sûr de lui et vend bien son affaire, on est plus susceptible de lui faire confiance.

La directrice de la radio m'a proposé de m'aider en passant mon CV au réseau, et m'a donné des noms à qui envoyer une candidature. Elle m'a dit qu'elle était sûre que j'allais trouver. Un autre recruteur, qui ne m'avait pas donné le poste parce que je ne vis pas dans la bonne région et que la politique de leur association est de ne recruter que dans leur coin, m'avait dit que vu mon CV il était sûr que j'allais trouver. C'était il y a à peu près un an. Le truc c'est que, c'est gentil de m'encourager en me disant ça, mais si tout le monde me dit ça on ne va pas aller très loin. Ça ne m'aide pas non plus à avoir un peu plus confiance en mes capacités à trouver mon alternance – ou un travail. En première année de Master, j'ai travaillé quelques jours à McDo (finir à 1h du mat' : plus jamais, c'est vraiment pas mon rythme, je vais me tuer, littéralement !). J'ai fini par réaliser que leur stratégie c'était de dire oui à tout le monde pour remplir leurs effectifs et de virer pendant la période d'essai ceux qui ne convenaient pas. Super, pour l'estime de soi. Bref.

Donc il va falloir que je trouve des petits trucs à mettre en place. Déjà, travailler sur mon roman ça me fait plaisir et ça me mets le moral. C'est bête à dire, mais sur mon roman, je ne doute jamais. Bien sûr, j'ai des passages, des suites de jours où je me dis que rien ne va, mais ça ne dure jamais, parce que j'ai confiance en mes capacités à corriger le tir si jamais mon texte ne me plaît pas. C'est la preuve que l'estime de soi, en fait, ce n'est qu'une question de point de vue sur soi-même, et qu'il n'y a aucun argument objectif selon lequel on est "nuls". (C'est rare que je termine mes articles sur une note positive, profitez-en ! :P)

Et vous ? Côté estime de soi, comment ça va ?