mardi 2 mars 2021

Instable

Source – Marius Venter

J'ai toujours eu des problèmes de gestion de mes émotions, je crois. D'ailleurs, j'avais fait un article sur la colère il y a déjà un petit moment. Aussi, je ne sais plus pleurer, parce que je me suis longtemps convaincue, adolescente, que pleurer c'est pour les faibles et donc... ben on se retient, hein, ce serait quand même dommage de se montrer vulnérable devant des gens en qui on n'a pas confiance ; c'est beaucoup trop risqué. Du coup, aujourd'hui, je ne sais plus pleurer. J'ai aussi constaté que je suis rarement joyeuse ou heureuse, même dans les moments de bien je suis "neutre" ascendant pessimiste. Par contre, je peux avoir des gros pics de fierté quand on me dit un truc bien. Mais c'est aussi violent que c'est fugace. Ensuite, je trouve toutes les raisons du monde pour nuancer ce que j'ai entendu. Et me voilà redescendue dans ma sorte de spleen. Et comme je ne laisse pas parler mes émotions, mon anxiété s'exprime la nuit et je ne dors pas. J'ai dormi cette nuit à peu près six heures en deux fois avec cinq heures d'espace entre les deux... Un rien peut aussi me jeter dans la tourmente, par exemple si on me fait une remarque, ou que j'ai l'impression que mes amies ne s'intéressent pas à moi, etc. J'ai envie de penser que l'on peut me répondre "comme tout le monde" mais je pense être vraiment trop instable dans mon ascenseur émotionnel pour que cette remarque soit juste.

Par exemple, il y a peu j'ai commencé (et me suis arrêtée à deux chapitres de la fin), Macabre. Traité illustré de la Mort. J'ai trouvé ça intéressant mais... il y a beaucoup d'illustrations (ce qui est somme toute assez logique). Du coup, pendant des pages et des pages et des pages, en plus de parler de la Mort (ce qui n'est pas un problème véritable pour moi parce que je considère la Vie comme un cycle), ce sont des dizaines de crânes aux yeux vides qui scrutent les lecteurs, de danses macabres aux squelettes drôlement expressifs, et de memento mori. J'étais presque à la fin du livre quand j'ai réalisé que l'espèce de lourdeur, la vague détresse passive qui montait en moi, venait de là. C'est là que j'ai regretté de n'avoir déjà plus le roman d'amour sous la main pour me remonter un peu dans l'ascenseur.

Le même genre de truc arrive quand je lis de la dark fantasy, avec son atmosphère très glauque, spongieuse, gluante et dérangeante. D'autant que quand je passe mes journées à lire, je rêve de ce que j'ai lu, et ainsi mes rêves déjà bien tintés d'une ambiance souvent assez malsaine deviennent encore pire (sans pour autant que l'on puisse les appeler cauchemars). Ça fait aussi remonter des angoisses profondes, et je me retrouve à imaginer ce que je ferais si un ami avait un accident, par exemple (très joyeux...).

Au contraire, un compliment tout bête m'emmène loin au-dessus de la ligne moyenne de mon ascenseur émotionnel. Beaucoup trop loin pour que ce soit raisonnable, d'ailleurs.

C'est assez compliqué à gérer parce que je sens bien que même dans les moments de mieux, je n'arrive pas à accéder à de la joie véritable. (Ou juste de l'optimisme.) Et quand j'éprouve de la joie, ou de la fierté, je la mâte parce qu'elle me paraît déplacée, injustifiée, imméritée. Comme si une partie de moi se complaisait dans des émotions médiocres. C'est assez difficile à expliquer, en fait...

L'effet "éponge" en ce moment est exacerbé, j'ai l'impression. D'ailleurs, c'est ce que j'ai dû expliquer sur le forum d'écriture dont je suis membre, quand un internaute m'a signifié que refuser de lire des livres à la simple mention du mot "épidémie" ou "covid" dans son résumé faisait preuve d'un esprit fermé. Oui, c'est vrai ; je suis fermée d'esprit. Ou alors je me protège. Je choisis des lectures paisibles, pleines de bons sentiments. Ce qui explique mon irritation en découvrant la leçon de morale dans Engrenages et sortilèges, ou le fait que Le Fléau des rois qui frôle avec la limite de la dark fantasy ne m'ait pas laissée totalement indemne (mes chroniques sont ici). Je me protège parce que l'effet éponge est trop fort et que le but n'est pas non plus de me complaire dans un état léthargique ou dépressif. D'autant moins maintenant que j'ai quelques petites choses à faire pour une asso.

Dans toutes les méditations ou hypnoses que j'ai pu écouter, ils disent que rejeter ses émotions ne fait que les renforcer et qu'il faut les accueillir et les accepter. Plus facile à dire qu'à faire. J'ai dressé des digues dans lesquelles à la fois je suis enfermée et à la fois qui me protègent de ce que les interactions avec les autres pourraient me faire. Les abattre, c'est à double-tranchant, et assez ardu tant que je n'aurais pas vu un psy.

D'un autre côté, comme j'ai décidé que prendre soin de moi (et de mon corps en particulier) serait mon objectif pour cette année, j'ai aussi décidé de commencer à dire des trucs jamais dit à personne à part ici (où je ne m'adresse à personne en particulier et à tout le monde à la fois, en profitant de la tendance à oublier la présence d'humains derrière les écrans). Du coup, hier, en voyant une amie, j'ai pris sur moi de raconter des trucs (l'épisode de la noyade ratée, par exemple (bien sûr, le fait qu'elle soit manquée est une bonne chose, sinon je ne serais pas là héhé :P)). Ça m'a laissé une drôle d'impression de vulnérabilité (amoindrie par le fait que j'étais face à une bonne amie) doublée d'une sorte d'attente de réaction, de fébrilité. Assez désagréable. Mais pas mortel.

Et vous ? Comment arrivez-vous à gérer vos émotions ?

8 commentaires:

  1. Oula moi c'est tellement le contraire ! Mes émotions passent à 100% par les pleurs ^^ Quand je suis en colère, j'ai envie de pleurer (et je pleure, mais heureusement ça n'arrive pas souvent), quand je suis triste, je pleure, quand je suis heureuse (ou plutôt quand je regarde ou lis quelque chose d'heureux) je pleure... bref j'en ai marre de pleurer, je vis les choses trop intensément apparemment !
    On est jamais content ^^ Faudrait un juste milieu je pense..

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    1. Haha c'est drôle ce que tu dis parce que ma sœur est hypersensible et est un peu pareil x) Des fois, elle se force même à pleurer juste parce qu'elle a envie de pleurer !

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  2. je ne gère pas trop bien mes émotions, surtout celles qui sont négatives, mais pas à l’extrême comme toi....
    j'essaie de me protéger aussi, apparemment tu y arrives mieux que moi...

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    1. Les émotions négatives sont les plus dures à gérer, je pense, parce que c'est plus dur de les mettre à distance...

      Mieux oui et non... disons que maintenant je commence à savoir quand j'ai une réaction à quelque chose qui est induit par ma "mauvaise humeur" et du coup je me force à me dire "OK, ça on prendra cette décision plus tard parce que t'es pas dans le bon mood donc laisse en stand by". Je pense que ça vient aussi du fait que je m'analyse beaucoup depuis que je suis jeune ado et du coup je me connais plutôt bien, je fonctionne aussi pas mal à l'instinct et du coup si mon instinct est tout vrillé ou que y a un "conflit" entre une décision que je veux prendre et mon instinct, je me dis que je suis pas dans un spectre d'émotions propice et je repousse la prise de décision/réflexion. Mais j'y arrive pas toujours ! Et y a quand même plein de moments où je me laisse pas mal bouffer. Surtout pour tout ce qui est "j'ai pas envie de sortir, j'ai pas envie de travailler, ça sert à rien façon" etc. et je me complet dans le vague x)

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  3. Justement j'allais écrire un article sur les émotions.
    Gérer ses émotions je trouve que c'est incohérent, mais il m'a fallu du temps pour en arriver là!!
    Une émotion est l'expression de notre humanité. C'est un peu comme les vagues de la mer. On ne les gère pas, on les laisse être.
    Je crois que c'est en laissant être qu'on comprend mieux ses émotions et qu'on les vit plus sereinement!
    Moi aussi j'ai de sacrés pics parfois et j'ai beaucoup culpabilisé pendant longtemps de les avoir.
    Maintenant j'apprends à les apprivoiser!

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    1. Ah ! Je suis curieuse de le lire ! :)

      Ah oui, je vois ce que tu veux dire... je pense que c'est parce que tu fais le lien entre "gérer" et "contrôler" alors que je pense que "gérer" se rapproche plus de "maîtriser". Une amie qui s'est reconvertie dans la sophrologie m'a expliqué que "contrôler" et "maîtriser" étaient deux choses différentes. Le contrôle, c'est le mal. La maîtrise, par contre, c'est bien. Je ne me souviens plus exactement des détails mais, en gros, maîtriser est un terme moins fort, qui signifie justement qu'on laisse être. Alors que contrôler c'est même empêcher la survenue, décider de quand apparaît quoi. Alors que maîtriser c'est plus "réguler les niveaux". Par exemple, il serait un peu mal vue et pas très efficace d'un point de vue communicationnel d'exploser en pleurs au milieu d'une réunion parce que le patron a formulé une critique. Mais il ne serait pas non plus fonctionnel de s'empêcher totalement de pleurer et donc d'être dans le contrôle.

      Je pense que tu as raison ! En laissant être, on peut aussi observer, alors qu'en empêchant et en brimant, on ne voit rien du tout...!

      Je pense que tu as soulevé un truc très important c'est la culpabilité... Je pense que je l'ai aussi un peu, sous une certaine forme, parce qu'on est quand même dans une société je trouve où on ne montre/parle pas trop des émotions, et puis se laisser déborder par elles montre aussi une certaine "faiblesse" alors que tous les autres arrivent à gérer...

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    2. Complètement du point de vue de la société...
      Je ne suis pas certaine que beaucoup de personne savent "gérer" leurs émotions. On croit mais je pense que beaucoup en sont coupés et ceux qui y arrivent ont déjà fait un bout de chemin sur le sujet!

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