mercredi 28 décembre 2022

Mes 5 derniers livres lus (n°11)

Les vacances m'ont permis de lire les deux derniers gros pavés de cet article ! Je n'ai pas lu autant que je le voudrais, la faute au Serpent Ouroboros sur lequel j'ai été plus lente, et je ne vais pas relire sérieusement avant un moment, puisque je vais être occupée avec les corrections de mon roman et que j'ai toujours du mal à lire des romans dans ces périodes ; je ne peux lire que des mangas, des magazines ou des truc scientifiques type catalogue d'expo.

L'avis du deuxième livre n'est pas très précis car je l'ai écrit un assez long moment après lecture ; je les ai lu dans ma période de déprime du mois d'août et je n'avais à ce moment-là aucune envie, ni motivation, ni intérêt ni quoi que ce soit d'écrire la chronique…


Le Château des nuages – Diana Wynne Jones

Loin du pays d’Ingarie, dans le sultanat du Rajpout, un jeune marchand se plaît à rêver à une vie différente. Il s’imagine ainsi fils de roi, promis depuis sa naissance à une belle princesse, bien loin de sa vie miséreuse et de son père ingrat, bien loin de son petit étal de tapis. Lorsqu’un beau jour, un étranger lui vend un tapis volant. La vie d’Abdallah prend un tournant pour le moins inattendu. Les péripéties s’enchaînent et le destin de notre héros semble soudain lié à celui de la superbe princesse Fleur-dans-la-Nuit. Pour la retrouver, il part pour une incroyable odyssée, semée de Djinns légendaires, de sorciers, de prophéties anciennes… et d’un mystérieux château dans les nuages.

Il s'agit de la suite de la Trilogie de Hurle dont le premier tome a inspiré Le Château ambulant d'Hayao Miyazaki.

Je crois que j'ai préféré ce tome-là. Dans mon souvenir, le premier m'avait paru un peu confus, vers la fin surtout, alors que celui-là est plus clair. Les personnages sont bien faits, c'est assez drôle par moments, et on sent la petite touche féministe au passage sur les princesses, à la fin.

J'ai eu un peu de mal à entrer dedans, ça a mieux été à partir de la deuxième moitié ! J'ai beaucoup aimé suivre les personnages, c'est une lecture toute mignonne, sans prise de tête, bien construite, bien menée, et j'ai donc enchaîné sur le tome 3 direct ! Tome 3 qui prend de nouveaux personnages dans un nouveau royaume, donc les tomes sont indépendants. On peut choisir de ne pas lire les 2 et 3 ou de commencer par les 2 et 3 (même si ça occasionnera quelques infos divulgâchées vers la fin).


La Maison aux mille détours – Diana Wynne Jones

Charmaine se voit confier la garde de la maison du sorcier royal Guillaume, son grand-oncle. La mission paraît simple et propice à beaucoup de temps libre. Elle ignore toutefois que la bâtisse n’est pas ordinaire ! Celle-ci est en effet conçue comme un labyrinthe dont chaque porte vous mène à travers le temps et l’espace, vers des lieux différents ! Rejointe par Pierre, un apprenti sorcier pour le moins maladroit, la jeune femme se perd au cœur de la maison aux mille détours et découvre qu’un gigantesque complot s’organise dans le royaume. Le temps est désormais compté. Charmaine et ses amis n’auront que peu de temps pour percer les mystères auxquels ils font face, et empêcher le pire de se produire…

J'ai apprécié ma lecture même si je dois m'avouer déçue qu'il n'y ait pas eu d'histoire d'amour au contraire des deux tomes précédents (c'est mon côté fleur bleue, que voulez-vous !). On y retrouve le ton et l'univers un peu frappé de Diana Wynne Jones. En revanche, la quatrième de couverture est mal écrite. Elle laisse penser à une histoire très vive, avec une bande d'amis qui court partout pour sauver le monde dans les méandres du pouvoir… ce n'est pas vraiment le cas, car ce n'est pas le style de Diana Wynne Jones. Du coup, j'étais assez surprise d'un rythme finalement assez tranquille. Mais c'est une histoire agréable à lire ! Je n'ai par contre pas compris l'histoire du chien. J'étais censée faire, sans doute "ooooh" et "aaaah" et ça ne s'est pas produit, et je n'avais pas l'énergie d'aller chercher dans le texte les indices.


Le Sang des parangons – Pierre Grimbert

Le monde des hommes est en train de s’effondrer. Et toutes les prières, tous les sacrifices, semblent incapables d’y remédier. L’humanité assiste, impuissante, à son crépuscule. Une dernière chose doit cependant être tentée. Une folie, à la hauteur de cette situation désespérée.
Chaque nation, chaque territoire a ainsi désigné son champion. Certains sont des sages, des savants, ou des dévots. D’autres sont des mercenaires, des aventuriers ou des chevaliers. Il y a même des rois et des reines… Ils ne se connaissent pas, ils ont parfois des intérêts contraires, mais ils ont été réunis pour former le groupe des parangons. Une escouade d’exception dont la mission représente la dernière chance de survie de leurs peuples respectifs.
Ensemble, ils vont devoir pénétrer la montagne sacrée, siège du palais souterrain des dieux. Et s’ils parviennent jusqu’aux éternels, malgré les dangers légendaires que renferme cet endroit, ils devront les convaincre de sauver leur monde agonisant. En les suppliant… ou bien en les défiant, si nécessaire.
Mais combien de parangons verront leur sang versé sur le chemin, pour permettre aux autres de continuer ?
En restera-t-il un seul, qui pourra prouver que l’humanité mérite vraiment d’être sauvée ?

Je n'ai pas aimé la fin.

Les personnages sont excellents, comme toujours chez Pierre Grimbert ; c'est sa grande force. Le rythme est bon aussi. Mais je n'ai pas aimé la fin. Le "combat final" m'a paru précipité, un peu tombé de nulle part, trop rapide, comme s'il s'était dit "vite-vite, je n'ai droit qu'à cinquante pages pour tout conclure, ça ne va jamais tenir !". J'ai été perturbée par le rythme de la scène du combat, ou chaque personnage attaque chacun son tour ; j'ai trouvé que ça ralentissait le rythme (les rares personnes qui ont lu mes romans ont droit, à cette remarque, de se gausser :P). Dans un manga, ça passe bien parce que l'on voit bien que chaque intervention de chaque personnage est rapide ; mais dans un roman, le temps de lecture c'est du temps de combat, et du coup même en sachant que c'était hyper rapide, j'avais cette impression de lenteur. C'est difficile d'en dire davantage sans trop en révéler, mais ce qui arrive à certains personnages qui comprennent des choses sur eux m'a paru aussi trop dit, balancé comme ça, je ne sais pas… Je ne pense pas que ce qui m'ait posé problème soit le scénario de cette scène finale : je crois que c'est vraiment le rythme, trop rapide, trop brusque.

J'ai été mal à l'aise de la révélation de ce qu'il y a sous la montagne, aussi. J'avais cette impression de plongée en science-fiction. Si c'était le but de Pierre Grimbert eh bien, ma foi, c'est réussi !

La première partie de l'épilogue a un côté très cynique, rattrapé par la seconde, que j'ai bien aimée, où des couples sont confirmés même si dans tout le roman les rapprochements étaient discrets (je mentionne ça parce que… je suis fleur bleue, que voulez-vous !).

J'ai été rassurée de la fin, aussi, d'ailleurs. Pierre Grimbert avait dit dans une interview que vu le nombre de héros au début (quarante-et-un !) ils n'allaient pas tous survivre. Je prévoyais déjà de perdre les chouchous et de me vider de mes larmes sur les pages mais fort heureusement les morts sont plutôt parmi les héros secondaires. Je dois dire que ça m'a plutôt plu/rassurée/convenu parce que je n'imaginais pas Pierre Grmbert, qui de ce que j'ai lu de lui a plutôt tendance à faire des histoires avec de l'espoir et du bonheur, tuer les préférés ou du moins ceux sur l'épaule desquels on s'était penchés le plus.

J'ai lu une critique sur Babelio qui mettait la foi comme l'un des messages de ce livre : je trouve au contraire que la religion en prend pour son grade, notamment dans la conversation de la mage avec Kamandra, et à la fin, avec Jio, quand ils sont presque arrivés au palais des dieux.

J'ai aimé toute ma lecture jusqu'à la fin, le rythme du voyage dans la montagne et des péripéties est bon, le choix des points de vue aussi. J'ai par contre regretté que certaines blessures soient oubliées. Je pense notamment à Dukern, blessé à l'aine, qui parvient quand même à marcher et à grimper alors que son baudrier aurait dû le gêner. Même dans le chapitre sous son point de vue où il dit se sentir fatigué, il n'est pas fait mention de la gêne, voire la douleur, que cette blessure peut causer. J'ai trouvé dommage que la fatigue et la douleur, ce que les corps enduraient, ne soit pas un peu davantage traité. C'est dit plein de fois, qu'ils mangent et dorment peu, mais on ne le voit pas vraiment (sauf si on considère que ne jamais les voir endormis montre justement qu'ils ne dorment pas :P), voire on fait disparaître une blessure comme celle de Dukern. C'est dommage.

J'ai trouvé intéressant de plonger de nouveaux dans des galeries, un peu comme dans Gonelore et le Cycle de Ji ; même si c'était différent, je trouve intéressant de voir Pierre Grimbert explorer encore ce rapport aux souterrains et à la pierre, particulièrement à la magie de la pierre, ce qu'il avait déjà fait dans le Cycle de Ji. On pourrait tourner ça négativement comme un auteur qui ne se renouvelle pas mais personnellement je ne trouve pas du tout ! C'est davantage comme une variation, en fin de compte.

Donc pour résumer j'ai aimé toute ma lecture, j'ai dévoré les pages, et j'ai achoppé sur la fin, sur la révélation et le combat final. J'ai quand même hâte de lire le roman suivant (vivement 21 lames tome 2 !) !


Les Cités des Anciens, tomes 1 et 2 – Robin Hobb

Les dragons. Leur puissance. Leur magnificence. Leur clairvoyance. Mais leur fragilité, aussi. À celles et ceux qui sauront les comprendre et les protéger s'ouvrira la route des mythiques Cités des Anciens. Les autres, ennemis ou simples imprudents, le paieront de leur vie.

J'ai mis beaucoup de temps à entrer dans le premier tome en partie à cause du résumé : je ne voyais pas vraiment où on allait, où Robin Hobb voulait nous emmener et quelle était l'intrigue. Ensuite, quand ça a commencé à se dessiner un peu mieux, c'était plus facile. Cependant, même si c'est une bonne histoire avec de bons personnages, des choses m'ont un peu dérangées.

Je commence à connaître Robin Hobb, donc certains développements des personnages se devinent dès leur première rencontre avec d'autres personnages. Ensuite, il y a Grig, le chat du bateau, qui apparaît tellement rarement que quand il était signalé je me disais parfois : "ah oui ! c'est vrai, il y avait un chat !" (et il disparaît tout à fait à la seconde intégrale, sans explication aucune) alors que sur une petite gabare, sans le voir toutes les deux lignes, il devrait être plus visible (où fait-il ses besoins ? qui s'en occupe ? n'a-t-il pas peur des dragons ? n'est-il pas dérangé quand la population du bateau augmente du simple au double ?). Comme Robin Hobb a beaucoup de personnages, la majorité n'est pas vraiment développée et ils sont souvent seulement appelés "les gardiens", sans identité à eux. Le fait qu'il y ait une liste de personnages au début du roman n'était déjà pas vraiment bon signe. Je trouve ça un peu dommage, même si c'est vrai qu'il faut aussi faire des choix et qu'il vaut mieux réduire les points de vue que les multiplier vu que la multiplication peut diluer l'évolution des personnages, mais j'aurais quand même aimé en savoir plus sur certains d'entre eux, au moins de manière indirecte.

Du coup, le développement de certains personnages va aussi trop vite, comme la relation entre Sédric et Carson. Le développement d'Alise est assez prévisible, surtout que Robin Hobb a déjà développé un personnage abusif dans Les Aventuriers de la mer ; j'étais un peu embêtée qu'elle ait refait la même chose ici. Passer des messages féministes et humanistes c'est super, mais je trouvais ça un peu redondant, même si c'est toujours bien fait.

Quand ils arrivent enfin à leur objectif, Alise évoque les possibilités de ces nouvelles terres arables mais, quelques pages plus tard, Leftrin lui en parle comme si elle ne se rendait pas compte alors qu'elle vient juste d'en parler. Je mets ça sur le compte des quelques incohérences qui surviennent parfois – comme dans les autres tomes du Cycle des Anciens, d'ailleurs. Par exemple, Kanaï, qui au contraire ce que pensent les personnages, n'est évidemment pas mort, raconte que l'eau les a emporté, lui et sa dragonne, dans le sens du courant : en aval, donc. Là où ils sont arrivés, ils se sont rapprochés de leur but, puisqu'ils ont trouvé des terres arables. Mais le but, quand ils y arrivent tous à la fin, est en amont. Kanaï et Gringalette n'ont pas pu se rapprocher du but en se laissant emporter par la rivière vers là d'où ils venaient. Même en empruntant un effluent. C'est illogique.

En fin de compte, je ne sais pas trop quoi penser de ce premier intégral. J'ai aimé ma lecture mais elle est émaillée de petites contrariétés. J'ai pourtant acheté les intégraux suivant avec mes chèques de Noël. J'ai bien envie de savoir comment tout ça se finit, surtout que je me souviens avoir vu passer la publication Instagram d'une lectrice qui évoquait une sorte de grande révélation qui remet pas mal de choses comprises jusque-là en cause et demanderait de relire tous les tomes à la recherche des indices.

Je ne sais pas trop quoi penser non plus de la seconde intégrale. Là encore, c'est émaillé d'incohérences : Hest de Reddine qui commencent par se vouvoyer puis se tutoient, le dragon Crache qui devient dragonne le temps de quelques lignes, la provenance de la robe cadeau de Leftrin à Alise, la couleur des griffes de Thymara qui passe de noire à cobalt à noire, Ephron Vestrit désigné comme le père de Malta alors que c'était son grand-père… C'est agaçant. Je devrais avoir l'habitude, pourtant, comme il y en a dans tous les tomes de ce cycle, mais j'ai trouvé qu'il y en avait particulièrement beaucoup dans ce tome-là.

J'en ajouterais peut-être même deux. La première, plus de l'ordre de l'invraisemblance – je divulgâche un peu, faudra pas m'en vouloir, surtout que ma divulgâcherie est assez logique du point de vue des besoins de Robin Hobb pour le scénario – ; Hest meurt mangé par un dragon qu'il a provoqué. Il tombe dans l'eau du bain, la jambe arrachée. Ensuite, personne ne sait où est diantre passé Hest. Il m'a fallu un jour ou deux pour me faire la réflexion que, même si les dragons se mettent du sang partout en mangeant, il n'y en a sans doute jamais assez pour colorer le bassin. Or, dans un être humain, il y en a beaucoup, des litres et des litres, et Robin Hobb dit que le sang colore l'eau. Personne ne s'est donc demandé pourquoi il y avait tout ce sang dans l'eau ? Mouais. Même si le bassin est assez grand pour contenir un dragon, l'eau devrait quand même avoir une coloration suspecte. La deuxième, c'est que Tintaglia, à un certain moment, s'inquiète pour ses œufs dans son ventre, dont elle attend la maturité pour pouvoir les pondre et donner naissance à la première génération de dragons. Un peu plus tard, Kalo dit que les œufs de l'année prochaine seront les siens : il faut donc un an pour que les œufs fécondés par un mâle soient prêts à pondre. Or, il y a plusieurs années que Tintaglia a rencontré Glasfeu, puisqu'elle s'accouple avec lui pour la première fois aux alentours du moment où le Fou, dans la partie précédente, apprend qu'Althéa est enceinte, et que quand on rencontre de nouveau Althéa dans cette partie, le petit marche et parle un peu mais surtout que la narration rappelle que l'on n'a plus de nouvelles de la dragonne depuis plusieurs années qu'elles a rencontré son compagnon. Du coup, les premiers œufs auraient déjà dû être pondu et l'avenir des dragons assuré. Ça aussi, il m'a fallu quelques temps pour le réaliser; sur le moment c'est passé crème.

Donc, si j'ai pas calculé n'importe comment, ça ajoute un problème. Je trouve ça dommage car jusque-là Robin Hobb maîtrise sa chronologie, tout s'emboîte entre Terrilville et les Six-Duchés, les histoires des uns et des autres… Alors vous allez me dire, dans une fresque aussi grandiose et immense, on s'en fiche de savoir quand une dragonne pond ses œufs. Ben oui, on pourrait, mais c'est quand même dommage que ça vienne érafler la carrosserie, surtout que ça s'ajoute aux autres petits problèmes, et du coup ça me laisse encore plus un sentiment mitigé à la lecture. J'espère vraiment que la fin du cycle vaut le coup, sinon je vais finir par me demander pourquoi Robin Hobb est autant porté aux nues. Je trouve ça dommage aussi que personne parmi ses relecteurs (elle doit bien en avoir, quand même !) ou éditeurs ne lui aient fait la remarque. J'imagine que, hors intégrales, il a fallu plusieurs années pour écrire tout ça, donc je comprends parfaitement qu'il puisse y avoir des accrocs et c'est extraordinaire qu'il n'y en ait pas plus, sans doute, mais je me demande quand même pourquoi personne n'a eu la vigilance de lui faire ces remarques, surtout que souvent les petites incohérences sont des détails faciles à corriger – et que perso ça fait plusieurs années que j'ai lu les intégrales précédentes et je m'en souviens suffisamment bien pour remarquer certaines choses, donc c'est que c'est possible même sans tout relire avant.

Certaines choses, comme la survie de Tintaglia, qui débarque pile au moment où on trouve de quoi la soigner, est au compte des choses prévisibles.

En fait, je suis en train de me dire que c'est le problème avec les longues sagas, quand les tomes du milieu dépendent de la suite. Tu peux avoir les meilleurs personnages du monde, les plus précis, les mieux construits (et ceux de Robin Hobb sont comme ça – avec un bémol sur les viols qui suscitent tous la même chose chez les victimes, la même ligne d'évolution) : tu es quand même bloqué par ce dont tu as besoin pour la suite. Je crois que Les Cités des Anciens sont des tomes de transition : on place des changements dans le monde comme tremplin à la suite. Et on se retrouve bloqués. Pour conclure l'arc d'Alise et Sédric et leur affranchissement à Hest, on est obligé de faire disparaître Hest, puisqu'il est impossible de raisonner Hest et que, sans sa mort, l'intrigue ne serait pas achevée à la fin du roman. Et pour que Malta et Reyn restent en vie et servent pour la suite, on est obligé de sauver Tintaglia. J'étais surprise quand elle a failli mourir, je me suis dit : "tiens, Robin Hobb a décidé de nous surprendre" et en fait non, parce qu'elle est bloquée (et en vrai je comprends aussi de ne pas faire mourir les personnages, je n'aime pas faire souffrir les miens xP) pour la suite, si elle fait ça.

J'ai aussi trouvé moins de finesse à Robin Hobb dans ses messages féministes. Elle y va de front et devient redondante : encore des viols et violences psychologiques, sur plusieurs personnages (j'en ai compté 6 sur 15 femmes sur tout le cycle auxquelles il faut ajouter Selden et Sédric – et toujours avec le même développement, alors qu'il y a autant de niveau de résilience que de victimes donc l'argument du "oui mais dans la vraie vie" ne tient pas) ; encore de méchants manipulateurs abusifs ; encore des garçons qui ne pensent pas aux conséquences des grossesses des filles. Je la trouvais plus fine avant, moins directe, et surtout moins à raconter toujours la même chose. Ça m'a aussi agacée ; peut-être que je n'étais simplement pas de bonne humeur pour lire des triangles amoureux tendus et des leçons rabâchées.

Je n'ai pourtant pas cessé ma lecture, je voulais savoir le fin-mot de l'histoire et j'en garde le souvenir d'une lecture agréable une fois que les passages agaçants sont passés. C'est pour ça que je ne sais pas quoi penser de cette lecture. Les personnages sont bien fait, c'est assez bien construit. Mais, là encore, je ne sais pas si c'est parce que je commence à connaître Robin Hobb ou parce que les ficelles étaient grosses, mais certaines choses sont prévisibles, certains développements, comme la relation d'Hennessie et Tillamon – quoi que Robin Hobb ait eu la bonne idée de le traiter rapidement sans en faire des caisses. Donc, je ne sais pas.

J'ai aussi trouvé que la multiplicité des personnages n'était pas forcément bien gérée (même si je sais que c'est un exercice très difficile) : beaucoup de dragons ne sont jamais nommés si bien qu'on les oublie, et de même, sur peut-être les deux tiers du livre voire un peu plus, Alum n'apparaît jamais. Il est dans les conversations et les pensées de Skelli et Leftrin, par exemple, mais il n'est jamais nommé quand on est avec les gardiens : on ne le voit jamais participer à la chasse, au soin des dragons, etc. C'est un peu corrigé ensuite, mais c'est dommage qu'il disparaisse ainsi, car du coup on l'oublie et il ne paraît pas avoir d'existence réelle.

Je crois que je m'attendais à être complètement retournée, comme toujours jusque-là avec les personnages de Robin Hobb, mais ça ne s'est pas produit, et les défauts m'ont encore plus sauté au visage par contraste. Je n'ai pas détesté ma lecture, je l'ai même appréciée et je n'en garde pas un mauvais souvenir, mais je ne l'ai pas non plus adorée, parce qu'elle s'est émaillée de contrariétés. J'ai suivi l'histoire de manière un peu détachée, je crois, par rapport à d'habitude.


Le Serpent Ouroboros – E. R. Eddison

Sur la lointaine Mercure, les trompettes de la guerre viennent de retentir, les tambours de chanter le fracas des armes et les épées de se parer de leur manteau de pourpre. L’honneur des Démons a été foulé aux pieds par le roi de Sorcerie, et pour laver l’affront, le seigneur Juss et ses alliés s’apprêtent à livrer un combat épique. Leur périple les conduira à travers forêts et déserts, mers et marais, au coeur des fabuleuses contrées de la terre du milieu, depuis leur majestueuse Démonie aux mille montagnes jusqu’aux plus hautes cimes enneigées de la terre.

C'est Lessingham, Terrien comme vous et moi, qui emprunte un charriot magique et se retrouve spectateur de l'histoire sur Mercure, mais je me demande si ce n'est pas juste un prétexte à Eddison pour faire entrer le lecteur dans son univers en un temps où la fantasy naissait à peine, parce qu'en fin de compte Lessingham disparaît tout à fait et on ne le retrouve même pas dans un épilogue.

C'est un roman étrange. Toute la première partie traite moins de la guerre en elle-même que des aventures de Brandoch Daha et Juss pour retrouver Goldry enlevé par une espèce de diable invoqué par le roi de Sorcerie. Puis, ensuite, il est question de guerre, de mouvement des armées, mais dans un style vif et rapide, et pas en interminables expositions, donc je ne me suis pas du tout ennuyée. C'est un roman entre le rêve, le conte, le roman médiéval, le récit d'aventure à la Jules Verne avec ses quêtes impossibles taillées pour des héros extraordinaires, dans un univers imaginaire qui en fait un roman de fantasy.

J'ai aimé mais j'ai quand même repéré des contrariétés. À un certain moment, une prise d'armes a lieu dans une salle de banquet : il n'est jamais fait mention des dames présentes : si elles crient, se cachent sous les tables, prennent un coup perdu… elles disparaissent purement et simplement. Quand ils sont en Lutinie, Crachefeu se trouve séparé de Juss et de Brandoch Daha, puis on ne parle plus de lui, puisqu'on suit les deux autres, et on le retrouve à faire face à la guerre, en Démonie, de l'autre côté de la mer, sans qu'on sache comment il est arrivé là puisqu'aux dernières nouvelles il était pourchassé. Et enfin, quand Juss et sa bande de preux reviennent au lac de Ravary pour, cette fois, libérer Goldry de sa prison, je n'ai pas trop compris comment ils étaient arrivés là, parce que la première fois ils ont dû traverser des montagnes abruptes, donc l'ont-il refait, ou y avait-il un autre chemin ? On parle d'un bateau qui attend, mais ensuite on dit qu'ils repartent (à pied) pour retourner à leurs bateaux beaucoup plus loin. Puis même avant ça, on les avait laissé bien des chapitres plus tôt à ce même endroit avec un probable départ en Démonie pour chercher un œuf, mais finalement quand on les retrouve en Démonie, l'œuf est récupéré comme ça, comme sur un coup de tête, comme s'il avait été précédemment oublié. Cette suite de séquences-là, surtout le retour au lac, m'a paru un peu bancale.

J'ai beaucoup aimé la place des femmes dans ce livre, à la fois "à leur place de femmes" et à la fois indépendantes, qui se déjouent des hommes, parfois.

J'ai bien aimé, et j'ai bien aimé la fin, assez étrange aussi, qui colle pas mal à l'histoire et donne un autre relief au titre, j'ai trouvé.

J'ai aimé le style aussi, avec ses phrases parfois construites bizarrement et ses métaphores. Je pense que ça ne plaira pas à tout le monde ; il faut aimer les plumes marquées, les styles personnels.


J'enchaîne sur des mangas, je pense, pour chasser de ma tête ce style bizarre et reparamétrer un peu mon cerveau avant de corriger mon propre roman :)

Que lisez-vous en ce moment ?

lundi 5 décembre 2022

La confiance et le rejet

Source – Ruca Souza

Il s'est passé aujourd'hui un truc très étrange, enfin… ça n'aurait pas été étrange un an en arrière mais, aujourd'hui, ça l'était : je n'ai pas ressenti le besoin d'envoyer des messages autour de moi à chaque truc qui m'arrive (une boulette en studio, réaliser que j'avais peut-être pas éteint le radiateur en partant ce matin, etc.). Ce n'est même pas que j'ai dû résister à l'impulsion ; c'est mieux que ça : je ne l'ai pas ressentie. Sur le chemin des toilettes, en milieu de journée, je me suis même surprise à penser qu'aujourd'hui mes pensées n'étaient rien qu'à moi, et à en éprouver une sorte de soulagement. J'ai toujours été secrète, jusqu'à ses derniers mois où j'ai commencé à envoyer des messages à deux amis au cours de la journée pour me décharger d'émotions que je ne pouvais gérer de l'intérieur, sans être vraiment sûre que ce soit bien consenti ou bien perçu de l'autre côté, et surtout sans le choisir vraiment puisque c'était plus de l'ordre de l'impulsion. Rétrospectivement, je n'ai pas eu cette impulsion hier non plus. Ni samedi, pas trop. 

Et je me rends compte en fait que ça me faisait souffrir ou du moins que j'étais bien aujourd'hui, avec mes pensées rien qu'à moi, et surtout à me surprendre à être capable de gérer et de prendre du recul par moi-même. Quand j'ai réalisé que je n'avais peut-être pas éteint le radiateur de la salle de bain ce matin, je me suis dit que je n'aurais qu'à pas l'allumer dans les jours qui viennent pour compenser, et que de toute façon j'étais encore bloquée en studio et que je ne pouvais rien y faire. J'avais laissé mon tapis sécher dessus. C'est un sèche-serviettes, donc normalement pas de risques, mais j'ai quand même approché mon téléphone d'une fenêtre pour vérifier si on ne m'avait pas appelée pour me prévenir d'un incendie. Dans la voiture, je me disais que tous ces messages que j'envoie depuis des mois à longueur de journée pour me décharger ne font en fait que me diluer. Je me dilue dans l'attente que les autres m'apportent un soulagement, reconnaissent mon existence alors même que je suis pour eux une relation fictive ; je me dilue en espoir d'être reconnue, d'être englobée par l'autre pour ne pas avoir la sensation d'être rejetée ; je me dilue et je perds mon énergie, celle qui me permettrait de gérer moi-même.

Sur un article précédent, Virevolte m'a parlé de la blessure de rejet et m'a donné le lien d'un article de magazine. Je m'y suis beaucoup reconnue. Le soir-même j'ai fait un rêve dans lequel une amie qui n'était pas vraiment elle (pas la bonne coupe de cheveux et couleurs d'yeux) listait ses complexes et je me disais : "moi aussi quand ce sera mon tour dans le groupe de parler, je dirais ça" et elle a parlé de sa taille et tout à coup je me suis sentie me redresser. Je me suis demandée si le fait que j'ai tendance à être tassée n'était pas en lien avec le fait de vouloir passer inaperçue, trait de la blessure de rejet. Le refuge du monde intérieur, se sont bien sûr mes fantasmes envahissants ; quant au faux-self, ce sera celui du signe extérieur de valeur et cette pensée qui me traverse parfois : "quand je serais publiée, ils verront tous que…" – ils verront tous que rien du tout, puisque ça ne veut rien dire. En revanche, je ne me suis pas reconnue dans les causes. J'en ai parlé à la psy lors du dernier rendez-vous. Je voulais parler de blessure de rejet, et elle m'a amenée sur ma famille ; je n'ai pas trop compris le lien, j'ai toujours l'impression d'être sortie de là sans avoir parlé de ce pour quoi j'étais venue.

À peu près au même moment j'ai réalisé que le forum d'écriture sur lequel j'étais me prenait beaucoup d'énergie pour pas grand-chose : les messages échangés en privé devenaient plus intéressants et stimulants pour moi que les sujets du forum. J'y perdais aussi énormément de temps à chercher à répondre à des choses (je me demande si ça n'a pas un lien avec une sorte de "si je les aide, si je réponds, ils ne pourront pas me rejeter" ?). J'ai réalisé qu'à force de mettre mon nez dans les débats stériles avec des wokistes frappés du bulbe je m'étais usée en anxiété et en baisse de l'estime de moi. Quand vous ne discutez qu'avec des personnes qui vous prennent de haut avec condescendance et admettent débattre avec cette idée de vous convaincre et de penser mieux que vous, vous avez beau être certain d'avoir raison et de bien agir, ça use. Or, au même moment, sur un groupe Discord avec quelques membres du forum, on me faisait comprendre que je n'étais pas la seule à trouver certains comportements limites, et on me faisait des compliments. J'ai aussi réussi à retourner à l'aïkido après plusieurs semaines sans en faire, et le prof m'a dit qu'on avait demandé après moi et qu'ils étaient contents de me voir. Ça m'a fait plaisir, je me suis sentie comme une gamine, et j'ai réalisé à quel point ça me manquait, d'entendre et de lire des choses gentilles. C'est fou comme on peut changer de regard sur soi quand on parle aux bonnes personnes.

Grâce à Haikyuu j'avais déjà compris que mes fantasmes envahissant me font plus de mal que de bien, parce qu'ils creusent encore plus profondément le gouffre qu'ils essayent frénétiquement de combler. Hier j'ai pris toute la mesure du problème, ou du moins sur une dimension autre. Pour la première fois depuis longtemps je me suis masturbée sans fantasme particulier, sans imaginer quelqu'un avec moi, juste en me concentrant sur les sensations (vous m'excuserez de ne pas avoir recours à des euphémismes et de jolies formules comme "plaisirs solitaires", etc. : appelons un chat, un chat) et j'en suis ressortie beaucoup mieux, dans mon corps, dans ma tête, que quand il y a fantasme envahissant. Faut dire aussi que j'ai un rapport compliqué à l'auto-érotisme, je crois même que je n'en ai jamais parlé ici, encore, parce que je n'ai jamais su vraiment trouver les mots ; mais, bien souvent, j'ai cette impression que le désir revêt plus un côté pulsionnel et soulageant plutôt que réel. Je sais maintenant que je suis beaucoup mieux en moi quand mes fantasmes me laissent tranquilles et quand je les repousse au lieu de les accueillir.

Je parle de cette découverte parce que je me demande à quel point elle a eu des répercussions dans ce qu'il s'est passé aujourd'hui ou plutôt dans ce qui ne s'est pas passé.

Hier, j'ai aussi lu toute la journée, et dans le roman un dragon envoie ses pensées à un humain avec frénétisme – un peu comme moi avec mes messages, me suis-je dis tout à l'heure dans la voiture. J'ai découvert que je pouvais éprouver de la joie par moi-même, aller mieux par moi-même, sans avoir quelqu'un qui me guide ou qui conditionne ma joie. Donc, je peux aussi réguler mes émotions par moi-même, sans avoir besoin d'envoyer des messages frénétiques, impulsifs, et de me diluer. Je peux passer une bonne journée sans m'inquiéter de recevoir ou non des messages (j'ai encore tendance à regarder beaucoup mes boîtes de réception quand je m'ennuie, en revanche, ou plutôt quand les tâches qui m'attendent ne me bottent pas plus que ça ~ et aussi quand j'ai vraiment peur qu'une personne ne réponde pas ou ne réponde plus pour X raisons qui lui appartiennent mais qui m'effraient). En studio, j'avais mal au dos ; j'ai pensé au vieux fantasme de l'ami qui me masserait, et je me suis morigénée : si j'ai mal au dos, plutôt que d'attendre un soulagement extérieur qui de toute évidence n'arrivera jamais, je peux tout aussi bien faire mes étirements correctement. Personne ne m'apprendra à mieux parler une langue, dessiner ou jouer du piano : si je veux apprendre, je prends le temps et je fais moi-même. Personne ne me motivera de l'extérieur à faire mes exercices pour le dos, les étirements et la musculation, pour rester plus droite. Ça m'a fait une sorte de petit électrochoc (ce qui est étrange en soi, d'ailleurs, car je sais depuis longtemps que ces vieux fantasmes d'un "ami-enseignant" ne sont justement que pur fruit de mon imagination). Je ne sais pas s'il sera vraiment suivi d'effets immédiats dans la mesure où prendre soin de moi a toujours été compliqué.

En tout cas, j'aime cette sensation d'avoir mieux la maîtrise, de moins subir ce que je pense ou mes impulsions – même si je reste très à fleur de peau, ces derniers temps, et facilement irritable. J'aime cette sensation de ne pas me sentir obligée d'aller voir sur Whatsapp si une amie a répondu. J'ai l'impression que c'est un changement plus balbutiant que celui qui a suivi Haikyuu, mais aussi plus profond et, donc, plus durable si je l'accompagne.

Je ne sais pas si je voudrais parler de ça à la psy tout de suite. On a beaucoup parlé (enfin, elle m'a beaucoup fait de remarques) sur le fait de s'accorder le droit d'avoir de la joie ou du plaisir (qui ne soit pas forcément sexuel, je précise) et d'accepter de ressentir ça. Je ne lui ai pas encore dit que quand j'étais au collège je me trouvais ridicule de vouloir partager les choses qui me rendaient joyeuses, que je trouvais ça niais, et que donc, je ne le faisais pas, ou je me rabrouais après. Je n'y pense jamais, mais il va falloir.

La prochaine fois, je voudrais plutôt parler du bruit dans ma tête. Ça chante beaucoup en ce moment, beaucoup trop. Samedi dans la grande ville du coin quand je dépensais mes chèques de Noël dans des livres (oui, j'ai tout passé dans des livres !) ça allait, je n'ai rien entendu chanter. Quand je lis non plus, ça ne chante pas. Généralement, en ce moment, ça chante plutôt le matin et le soir. Mais la semaine dernière c'était très permanent.

En tout cas, j'espère que ce qu'il s'est passé aujourd'hui va continuer, et que je vais garder mes pensées pour moi toute seule. J'ai l'impression d'être plus entière, plus libre, et de mieux réfléchir quand je garde mes pensées pour moi toute seule au lieu de me diluer dans les autres. J'étais soulagée aussi, je crois, que mon amie dans une situation grave ne m'ait pas répondu : le fait de devoir réfléchir à sa situation me prend beaucoup d'énergie, j'y pense beaucoup trop et ça s'entremêle à mes propres problèmes, je me laisse envahir et mes pensées ne sont plus à moi. Je vais essayer de ne me connecter à Whatsapp qu'à la pause déjeuner seulement chaque jour, voir si ça aide. J'aime bien garder mes pensées que pour moi et ne pas m'éparpiller. J'ai remarqué aussi que ces derniers mois, quand je parlais toute seule chez moi pour m'aider à réfléchir, c'était seulement pour mon amie, ou en lien avec le forum, et plus pour moi (sauf pour le roman), pour démêler mes pensées, alors que parler toute seule pour réfléchir m'a toujours permis de réfléchir plus vite et de mieux me comprendre.

Dites : est-ce que les papillons dans le ventre qu'on a pour soi-même quand on tombe amoureux, c'est les mêmes que quand on lit des romans ?

jeudi 24 novembre 2022

Faire bêta-lire son roman

Source – Caio
Je voulais faire cet article quand je publiais encore sur Instagram et que je parlais d'écriture, et puis j'ai arrêté de publier sur Instagram et je me suis demandée si c'est article vous intéresserait, et puis je n'ai pas pris le temps parce que j'écrivais mon premier jet et puis… Puis j'ai discuté avec une membre du forum d'écriture que je vais bientôt quitter, et par hasard en cherchant des blogs sur Instagram je suis tombée sur l'article d'un auteur qui se plaignait d'avoir été l'objet d'un mauvais bêta-lecteur, et tout à coup je me suis dit que j'avais bien envie de faire cet article même si pour mes lecteurs habituels ça ne sera peut-être pas le plus parlant ou le plus intéressant (vous en faites pas, je raconterai bientôt ma vie haha xP).

Avant toute chose, nous allons nous mettre d'accord sur les définitions, parce que je sais que tous les auteurs ne parlent pas exactement de la même chose quand ils parlent de bêta-lecteurs. Pour moi, le bêta-lecteur dit à l'auteur tout ce qu'il voudra bien lui dire sur ce qu'il a pensé de son roman, de sa nouvelle, bref : de son texte ; un bêta-lecteur ne lit pas un premier jet (j'ai vu passer le terme "d'alpha" lecteur, mais personnellement j'aime bien qu'on me laisse tranquille quand j'écris mon premier jet) ; et un bêta-lecteur n'est ni un lecteur-expert (par exemple un policier pour un thriller, etc.), ni un sensitivity reader.

Si pour moi le bêta-lecteur ne lit pas de premier jet, c'est parce que je crois que l'écriture fonctionne comme un oignon. Quand on écrit, on habille l'oignon, quand on corrige, on lui enlève quelques couches, le bêta-lecteur en enlève d'autres, et en corrections on le rhabille un peu autrement. Mon idée c'est que, plus vous réglez des problèmes, plus vous pouvez voir les problèmes plus fins, les problèmes cachés. Si vous faites lire à vos bêta-lecteurs un premier jet (ou un roman que vous auriez pu corriger encore un peu), le bêta-lecteur va enlever à l'oignon des vêtements que vous auriez pu enlever vous-mêmes et surtout ces couches vont potentiellement les empêcher de voir des choses que vous n'auriez pas vues mais que eux auraient vues si vous aviez assez déshabillé l'oignon avant. Je ne sais pas si je suis trop claire mais en gros dans mon idée il faut envoyer le texte en bêta-lecture quand on ne peut plus avancer seul dessus.

Trouver des bêta-lecteurs


Je ne savais pas trop comment découper mon article alors je suis allée voir un peu les autres articles qui traitent de bêta-lecture pour savoir comment les autres avaient fait. Revient souvent cette question du comment diantre trouver des bêta-lecteurs et à qui demander. Donc je fais comme les autres et je fais un paragraphe là-dessus, voilà :P

Trouver des viviers de bêta-lecteurs, ma foi, c'est pas le plus compliqué. Il y a des blogs, des communautés d'auteurs sur les réseaux, sur Discord, et je suis persuadée que l'on a tous dans notre entourage, absolument tous, une ou des personnes capables de faire une bêta-lecture de qualité – ne serait-ce que notre ancienne prof de Français, ou la prof de nos enfants. Des lieux pour trouver, il y en a plein. Il y a même des gens qui vous font payer leur service (mouarf mouarf mouarf).

La question vraiment importante, c'est de savoir à qui on va demander. Je trouve que dans les articles qui existent sur le sujet, il y a une espèce de tendance à vouloir rationnaliser le choix d'un bêta-lecteur. Je pense que l'on ne peut pas plus rationaliser ça que le fait de se faire des amis. Des fois, on vous dira qu'il ne faut pas de personnes de votre entourage, parce qu'ils voudront éviter de vous blesser : c'est faux, il y a des gens parfaitement honnête intellectuellement et qui sont capables de vous dire quand ils n'ont pas aimé. Des fois, on vous dira aussi que c'est mieux si le bêta-lecteur fait partie de vos lecteurs-cibles et connaissent le genre dans lequel vous écrivez, pour pouvoir trouver les clichés, etc. Moi, je pense surtout que ça ne se rationalise pas vraiment : c'est l'instinct, et puis il faut savoir aussi ce que vous demandez à la personne.

Par exemple, dans mes bêta-lecteurs habituels, j'ai deux bêta-lecteurs qui pour ainsi dire ne lisent jamais de fantasy, qui sont des personnes de mon entourage à la retraite, et dont j'aime l'intelligence et le regard sur le monde : bien entendu, je leur demande avant tout un avis général, les séquences qui fonctionnent moins, etc. J'ai une amie qui écrit elle-même, quand je l'ai bêta-lue j'ai été bluffée par sa technique ; c'est ce que je recherche chez elle. Je ne lui demande pas que ça, mais c'est son avis technique que je vais chercher plus particulièrement.

Quand une autrice du forum m'a demandée de la bêta-lire, elle m'a demandé parce qu'elle avait l'impression qu'on s'entendait bien ; quand un membre m'a proposé de me bêta-lire, c'est parce qu'il appréciait la personnalité que je pouvais montrer dans mes messages sur le forum ; et quand j'ai proposé à un autre membre de le bêta-lire, c'est pour la même raison, et parce que ce qu'il disait de son roman m'intéresse.

Je crois que choisir un bêta-lecteur, c'est comme choisir un ami : ça ne se choisit pas vraiment. Il suffit juste de savoir ce que l'on cherche. Après, je porte de l'attention à la diversité de mes lecteurs en âge et en genre. J'aimerais aussi en classe sociale, mais je n'ai pas eu l'occasion. Plein de lecteurs d'horizons différents, c'est autant de visions du monde et des choses et c'est très intéressant de voir comme deux personnes vont comprendre des choses différentes sur un passage.

Par lubie, je cherche plutôt un chiffre impair, je me dis qu'en cas de désaccord ça sera plus facile de trancher x) Je reste autour de cinq bêta-lecteurs, parce que moins il me manquerait des retours, je pense, et plus j'en aurais trop et ce serait difficile de naviguer entre tous les avis, je pense.

À ce stade, vu que j'ai mentionné les bêta-lectures payantes, je vais détailler un peu mon point de vue. C'est très simple et très tranché : c'est inutile, ça sert à rien. Comme je le disais, je pense que l'on a tous dans notre entourage proche ou un peu plus éloigné quelqu'un capable de faire une bêta-lecture de qualité. Sans compter que certains prestataires font reposer leurs arguments commerciaux sur… rien. Autant quand vous avez des éditeurs indépendants, éventuellement directeurs de collections, qui ont fait des études là-dedans, on se doute bien qu'ils ont un regard de professionnel et qu'on en a pour notre argent, normalement. Autant quand l'argument commercial c'est de dire : "j'ai étudié la narratologie en autodidacte pendant dix ans" ou "j'ai fait soixante bêta-lectures pour des amis", j'ai envie de dire… bon. T'as fait soixante bêta-lectures, merveilleux, mais les auteurs ont été publiés, grâce à toi, ou ? Et quand ces personnes valorisent le fait d'être publiées en petites maisons d'éditions, elles sous-entendent que parce qu'on est un bon joueur, on est un bon entraîneur, et c'est faux. On peut bien écrire et avoir une mauvaise pédagogie/analyse (puis faudrait déjà admettre comme une consécration le fait d'être publié).

Une bonne bêta-lecture, c'est quoi ?


Je crois que l'on ne peut pas faire reposer la qualité d'une bêta-lecture seulement sur le bêta-lecteur. Une bonne bêta-lecture c'est une bêta-lecture qui est bien préparée, c'est-à-dire que l'auteur a expliqué ce qu'il cherche et le genre de retour qu'il veut, sur la mise en place des commentaires (personnellement j'aime bien recevoir/faire des commentaires à chaud sur le texte et un résumé à froid par mail, un peu global), etc. Par exemple, moi, je ne demande jamais de faire attention à l'orthographe parce que j'estime que c'est compliqué de faire attention au fond et à la forme et que je préfère qu'ils fassent attention au fond, et puis ils vont potentiellement corriger des fautes sur des passages que je vais potentiellement réécrire donc c'est inutile, et enfin je fais un passage exprès pour l'orthographe (s'ils corrigent des fautes en passant, je prends, mais ce n'est pas une demande). Enfin bref. Je leur demande aussi s'ils veulent mes questions avant ou pas, en fonction de s'ils pensent qu'ils peuvent être influencés par le fait d'avoir mes questions avant.

C'est très important de se mettre d'accord parce que ça change beaucoup de choses. J'avais envoyé mon premier roman à une amie qui m'avait dit vouloir le lire par curiosité. Elle me le rend avec tout plein de commentaires mis directement sur le texte, et me dit qu'elle était bien embêtée parce qu'elle ne savait quel type de retour je voulais. Ben évidemment ! Elle s'est lancée toute seule dans une bêta-lecture sans prévenir ! x) Et du coup, son avis a été celui qui m'a été le moins utile.

Une bonne bêta-lecture, c'est aussi une bêta-lecture pour laquelle le bêta-lecteur ne se laisse pas dépasser par ses émotions. Et je le dis d'autant plus que c'est une erreur que j'ai faite et que je regrette encore. J'ai accepté de bêta-lire une copinaute dont je n'avais pas mesuré l'hypersensibilité. J'ai accepté de la bêta-lire alors que je relisais en même temps mon propre roman, je me faisais donc des cessions de dix heures par jour et à la fin de la journée je n'avais plus de patience. Comme l'autrice était déjà publiée, j'avais une attente, je m'attendais à aimer son texte, et j'ai été déçue. Et le mélange de tout ça a fait que j'ai été trop dure, et du coup, j'ai fait une mauvaise bêta-lecture. Peu importe à quel point mes commentaires étaient pertinents ou mes remarques intéressantes : si l'autrice l'a mal vécu, alors je ne la mets pas dans de bonnes dispositions pour les prendre en compte. Une bonne bêta-lecture, c'est aussi une bêta-lecture bienveillante et j'admets en toute humilité que j'en ai manqué, voilà.

La qualité d'une bêta-lecture, c'est aussi l'auteur qui la fait. Il faut être prêt à se prendre des remarques, parfois sur des choses basiques, parfois un peu durement. Un ton un peu dur signifie aussi que la personne était émotionnellement investie dans sa lecture, et c'est une bonne chose (si c'est mesuré, bien sûr, il ne s'agit pas de dézinguer la personne). C'est le travail de l'auteur de ne pas se laisser bouffer. C'est aussi le travail de l'auteur de rester ouvert à toutes les remarques. Parfois, le bêta-lecteur fait un remarque qui n'est pas à prendre au pied de la lettre : il faut l'analyser.

Je me souviens sur Twitter qu'une discussion avait été lancée sur "vos bêta-lecteurs les plus insolites" ou un truc du genre. Une autrice s'était plainte de ce qu'un bêta-lecteur lui avait reproché ses "avoir" et ses "être" alors que le texte était au plus-que-parfait ; et une autre de sa bêta-lectrice qui n'avait pas cessé de lui demander où était passé le cheval des héros alors que les héros étaient dans un passage compliqué et que la bêta-lectrice aurait dû s'intéresser à eux. Alors oui, on ne compte pas les répétition de "avoir" et "être" quand ce sont des auxiliaires : n'empêche que, si le bêta-lecteur le mentionne, c'est probablement qu'il a trouvé ça lourd, et donc qu'il faudrait améliorer ce passage ou du moins considérer la question. Quant à l'affaire du cheval il faut se rendre compte qu'un cheval est un animal sensible qui sera donc considéré comme un personnage : vous ne feriez pas apparaître et disparaître un personnage sans explications juste en fonction de vos besoins ? Ben c'est pas pareil pour le cheval. En tant que personnage, le cheval peut aussi attirer une forme d'identification du lecteur, qui va donc se demander s'il a assez d'eau, assez de nourriture, est bien installé, etc. Donc pour moi cette bêta-lectrice avait raison de parler de ce cheval. L'autrice, au lieu de railler la remarque sur Twitter, aurait bien mieux fait de s'y intéresser : c'est comme ça qu'on s'améliore et qu'on fait une bonne bêta-lecture : non pas en corrigeant à tout va en suivant aveuglément tous les retours : mais en se posant les questions.

L'auteur que je mentionne en tout début d'article m'a donné l'impression de descendre complètement son bêta-lecteur, de dire, finalement, "il a été trop violent avec moi, donc rien de ce qu'il dit n'est juste". Je pense au contraire que, même si des fois on se trompe de bêta-lecteurs et qu'ils voient des problèmes qui n'existent pas, ou s'emmêlent les pinceaux, etc., il y a toujours quelque chose à en tirer. À titre d'exemple, l'autrice dont je parle plus haut a contacté des lecteurs sur Wattpad pour leur soumettre mes remarques et avoir leur avis, naviguer dans tout ce que j'avais dit ; elle a fait appel à une autre personne pour l'aider à corriger, etc. Bref : elle peut être fière d'elle parce qu'elle a su rebondir malgré toutes les émotions négatives que j'avais participé à lui faire ressentir. Et je trouve ça incroyable, en fait.

Donc pour faire une bonne bêta-lecture il faut que tout le monde y mette un peu du sien, voilà !

Je crois avoir fait le tour de ce que je voulais dire, et j'espère que c'est utile ! :)

jeudi 10 novembre 2022

N'importe quoi

Source photo – Andrew Neel
Je fais n'importe quoi. Je me plains de ne pas réussir à me lever le matin, mais je me couche tard. Je pousse alors que j'ai les yeux qui piquent. Dimanche, j'ai dû me forcer à aller au lit, sinon je serais restée devant la télé jusque minuit voire même une heure mat', comme en août avant la reprise du boulot. À ce moment-là j'avais parfaitement conscience que je faisais quelque chose que je ne fais pas d'habitude quand je travaille le lendemain avec cette pensée magique que si je me couchais tard peut-être que je n'aurais pas à me lever le lundi. Bien sûr, ça ne fonctionne pas comme ça (ce serait trop facile). Lundi, j'ai regardé un anime aussi, un shôjo à la con, très mimi tout plein, que j'ai déjà vu et voulu revoir un peu sur un coup de tête, parce que Netflix me l'a proposé (je suis influençable). D'habitude le lundi je ne regarde pas la télé, je n'allume même pas l'ordi ; puisque je termine tard je mange et je vais me coucher. Après, je me suis retrouvée à ne pas pouvoir lire parce que mes yeux piquaient (ils piquaient déjà depuis une bonne heure). Hier, j'aurais dû aller me coucher à 18h30. J'ai poussé, et au final en comptant aussi le temps de lecture, c'était davantage 23h. Et comme le jeudi je commence tard je m'étais mis dans la tête de faire des trucs (vaisselle, prise de rendez-vous médicaux, tout ça) si je me levais assez tôt. Du coup, quand je me suis réveillée vers six heures, je n'ai pas pu me rendormir, bouffée par des espèces de retours d'angoisses (que je me crée toute seule puisque je me rends de plus en plus compte que les fantasmes ne me font aucun bien, voire, creusement le mal) et avec une partie de mon cerveau concentrée sur l'heure. Alors que si j'avais gardé ma souplesse d'esprit, j'aurais juste dormi.

Au travail aussi, je fais n'importe quoi. On mettra sur le compte de la reprise les boulettes de lundi. Mais je repousse aussi des trucs qui me prendraient pas longtemps à faire mais me saoulent, et je zieute les forums et Discord à la recherche de temps à tuer (alors que par ailleurs j'ai un reportage à dérusher et des petits enregistrement d'une minute à monter). Mardi, j'ai fait une émission spéciale sur le harcèlement scolaire puisque c'est aujourd'hui la journée de lutte contre le harcèlement scolaire. J'ai tenu les deux heures. Au bout d'une demi-heure je trouvais que le temps avançait pas vite, mais c'était une impression différente de quand j'ai rien à mettre dans l'émission. Quand j'ai rien à mettre dans l'émission, je compte les secondes. Là, c'était différent, l'émission m'a demandée de la concentration, de l'attention, de l'organisation. J'aimerais qu'elles soient toutes comme ça.

Quand j'ai pris mon poste, le chef a dit que je n'aurais pas le temps de m'ennuyer. Ça me perturbe un peu. Je me souviens lors de mon stage de Master 2, à la com' de l'armée de Terre, le capitaine s'était montré surpris que je lui envoie avant le point en visio l'article qu'il m'avait demandé. Il m'a dit : "t'as travaillé vite !" et moi j'ai buggué en mode : "mince, ça doit pas être bien, j'aurais dû y passer plus de temps ?". En Master 2 les profs nous avaient dit qu'on n'aurait pas le temps de s'ennuyer. Mouais. J'étais loin du burn-out, mais pour le coup je ne me suis sans doute pas investie autant que d'autres camarades qui en avaient par-dessus la tête. En fait, je suis perturbée, je ne sais pas trop si c'est moi qui travaille trop vite (et donc mal parce que je devrais y passer plus de temps), si j'ai pas assez de trucs à faire (sachant qu'il y a des trucs que je repousse juste parce que je suis désœuvrée ou pas intéressée), ou si les autres, les chefs, les profs, estiment mal la charge de travail ou cherchent à nous faire peur ou nous impressionner. En gros : est-ce que je cloche ?

Je me demande aussi quand est-ce que l'on va se rendre compte que je manque de compétences. Je gère la page Facebook de la radio, mais je suis très loin d'être experte, et ça m'intéresse assez peu. Disons que le côté théorique du comment ça marche, qu'est-ce qui est mis en avant, les enjeux sociétaux, légaux, etc. m'intéressent davantage que la pratique. Je ne sais pas poser ma voix, non plus. Le chef dit qu'il "faut s'entraîner" mais enfin sans la technique c'est comme dire à un élève d'auto-école :bah, faut conduire.

On a reçu une demande de stage d'une jeune femme qui est passée par RCF. Elle doit être plus compétente que moi. Ce serait cocasse, une stagiaire plus compétente que la salariée. Ce qui me dérange, ce n'est pas que quelqu'un hiérarchiquement en-dessous soit plus compétent – on apprend de tout le monde de toute façon – mais davantage ce que cette personne pourrait penser de moi et de ma présence au poste. Un genre de "qu'est-ce qu'elle fout là ?" qui entrerait en résonnance avec mes propres insécurités et mes propres peurs. Le premier jour, le chef avait dit que si je lui avais dit en entretien que je n'ai aucune culture musicale, je n'aurais sans doute pas eu le poste. Quand j'ai dit à un bénévole (qui briguait le poste) que je n'ai aucune culture musicale, il s'est moqué de moi en me lançant : "et tu travailles dans une radio ?" oui 'fin bon mon coco, j'veux pas être méchante, mais si j'étais à RTL on se ficherait de savoir si j'ai une culture musicale ou non. C'est pas "la radio" qui fait le besoin en culture musicale : c'est en fonction des studios. Bref. Depuis, je n'arrive pas à m'enlever ça de la tête : je n'aurais pas dû avoir le poste. Conjugué à mon manque de compétences, ça fait un cocktail bizarre qui suinte pratiquement en permanence.

Aujourd'hui, au lieu d'avancer mes publications Facebook (ou plutôt de les terminer, comme demain c'est férié), j'ai perdu du temps à discuter sur Discord avec une membre réinscrite du forum d'écriture. La conversation était intéressante, et de mon côté j'avais besoin de vider mon sac et de bitcher un peu, mais n'empêche que j'ai retardé le moment de finir Facebook. Sauf qu'ensuite je devais encore discuter avec le chef. Si j'avais fini Facebook en vitesse, je ne serais pas partie du travail avec quasiment une demi-heure de retard.

Je fais n'importe quoi. Je crois qu'une partie de moi se morfond dans son malheur. Se "vautre" comme dit Oeil-de-Nuit à Fitz dans L'Assassin royal. Au moins maintenant, je le remarque. Et comme je sais ce que ça fait d'aller bien, je remarque aussi ma tendance à végéter dans mon état morose. Et du coup, une autre partie de moi se révolte, je crois, ou essaye, du moins. Donc demain, je vais lire. Ça fait un an que je n'ai pas avancé le Cycle des Anciens ; il me fallait au moins ça pour me remettre et prendre mon élan. Les personnages de Robin Hobb me font toujours quelque chose tout au fond, touchent toujours des cordes sensibles, que ce soit Fitz ou Althéa ; ça me bouleverse toujours de tout au fond, alors je ne pouvais pas enchaîner tout de suite. Là, j'aimerais terminer les deux intégrales de La Cité des Anciens en fin-décembre. Ce qui me fait réaliser la nuance que je voulais exprimer quand je parlais objectifs d'écriture avec un membre du forum : ce n'est pas un objectif, c'est un souhait. C'est moins carré, moins contraignant.

Fin-août, quand j'ai eu ma phase de grosse déprime, je n'arrivais pas à me concentrer en lisant, et j'avais peur de ne pas avoir retrouvé cette concentration. C'est peut-être pour ça que je traîne à me remettre à la lecture, que je végète dans mon malheur à regarder un anime tout mimi. Alors que, pour le moment, j'arrive à me concentrer ; c'est bien que le problème était juste dû à la déprime. Peut-être aussi que je redoute ce que Robin Hobb va encore me faire.

Je fais n'importe quoi, je me couche trop tard, je suis fatiguée, et après, forcément, je m'en veux de ne pas aller à l'aïkido, de me sentir trop fatiguée pour ça. Hier, j'ai sauté. Encore. Quatrième coup de suite (bon,la semaine dernière, j'étais en vacances à Brest). Le premier saut, j'avais super envie (ce qui est assez rare) mais je n'y suis pas allée car je voulais écrire et que je n'avais pas pu le faire puisque j'avais eu une amie au téléphone. Quand j'ai commencé l'aïkido pendant mon Service Civique il y a quelques années, c'était très dur d'y aller. Des fois, je rebroussais chemin à vingt mètres de l'entrée du bâtiment, en larmes, dans tous mes états, parce que j'avais du retard et que je ne savais pas comment faire, socialement parlant, et que je me détestais pour ça. Ou bien j'y allais en me flagellant, en me disant que sinon j'allais m'en vouloir, me détester (ça s'appelle la régulation introjectée, c'est une motivation extrinsèque, et c'est mauvais), ou bien je me disais : "si je n'y vais pas ce soir, je n'irai plus jamais". Au final, je suis toujours contente quand je repars du cours, je suis mieux dans ma tête. C'est en Service Civique, après les séances d'aïkido, que j'arrivais à me mettre complètement nue hors de la salle de bain (je crois que j'ai déjà raconté ça ?).

Des fois, j'ai peur de ça : de ne plus jamais y retourner si je rate trop de cours d'un coup. Alors à chaque fois je me promets : "j'irai la semaine prochaine, j'irai la semaine prochaine" et je me dis que OK, j'y vais pas cette fois-là, mais alors je fais mes exercices d'étirements de la kiné et de renforcement musculaires pour empêcher mon épaule de monter toute seule et d'être en avant. Mais je ne le fais pas, parce que j'oublie. C'est n'importe quoi. Je ne sais pas ce qui est le plus n'importe quoi entre vouloir compenser de pas aller au sport, comme une sorte de condition ou de punition, et finalement ne pas le faire. Ou peut-être que la pensée de la compensation vient par automatisme mais que je suis assez stable en moi-même pour passer outre au lieu d'obéir aux ordres du despote. N'empêche, il faudrait vraiment que je fasse ces exercices. J'avais commencé à les faire, à un moment. Ça dure quelques jours, et puis après je ne sais pas, j'oublie, ça sort de mon esprit, comme les petits exercices avant de dormir : j'ai réalisé hier que je ne les faisais plus et je suis incapable de vous dire quand est-ce que ça a commencé, si ce n'est que la semaine dernière je ne les faisais déjà pas. Je crois que je n'ai aucune volonté.

Ou bien, prendre soin de soi, c'est compliqué. Ça a toujours été compliqué.

La dernière fois que j'ai eu une amie au téléphone (il y a un mois, je dirais, puisque c'est le jour où je ne suis pas allée à l'aïkido) je lui ai parlé des emballages et autres bouteilles qui traînaient sur le bord de la fenêtre de la cuisine parce que je ne me décide jamais à les descendre dans la poubelle de tri et je me laisse envahir. Eh bien, depuis, j'ai eu une sorte de déclic, je ne sais pas, je n'ai plus pensé que c'était "comme ça parce que c'est mon environnement" et j'ai décidé de tout jeter. Je tiens. Y a rien sur le bord de la fenêtre de la cuisine (ni ailleurs, d'ailleurs). Je nettoie les pots en verre avant de les mettre dans le sac de tri, aussi. Va falloir que je nettoie le frigo dans pas longtemps… (Enfin, le "pas longtemps" de mon échelle ne correspond sans doute pas à la votre : je devais déjà le faire cet été.) Je crois que c'est finalement plus simple de prendre soin de mon environnement que de mon corps. Ce qui est un peu effrayant, d'ailleurs, car je pense que ça devrait être l'inverse. Mais même là, je fais petit à petit. Le linge traîne toujours sur le manteau de la cheminée du salon, la vaisselle dans l'évier, et je laisse les moutons de poussières paître dans la chambre (pas bien, mais mon sol est gris, et je ne les vois pas toujours, du coup (puis je repousse toujours à la semaine suivante)).

Des chansons se remettent à chanter dans ma tête. Des angoisses d'abandon et de solitude reviennent, je recommence à courir après les réponses des gens avec qui je parle. Moins qu'avant Haikyuu, donc ça va. Et avec ce côté où je le remarque et où je sais aussi que c'est en partie parce que je m'ennuie au travail. Avec cette conscience aussi que je fais n'importe quoi, et que je m'éloigne d'un état de bien-être et, surtout, qu'il est à ma portée de remettre le sens du courant dans l'autre sens, que mon environnement ou mon état n'a rien d'une fatalité, et que personne ne va venir me sauver (et surtout pas un amoureux venu d'on-ne-sait-où (surtout vu que je ne rencontre personne et qu'il est plus que probable que mon "âme sœur" n'existe pas)).

dimanche 30 octobre 2022

Ça va et autres nouvelles

Source – Melanie Wupperman

Vous allez vous dire que c'est une personne différente qui écrit cet article par rapport au précédent. Mais en fait, ça va. C'est grâce à un manga dont on m'a parlé, Haikyuu. C'est un shônen sur le volley, après avoir fini les quatre-vingt-cinq épisodes, j'ai enchaîné sur les tomes qui n'ont pas encore été adaptés, et depuis, ça va. Je ne sais pas trop pourquoi, parce que des shônen j'en ai lu et regardé un certain nombre, et ça ne m'a jamais fait ça. Mais là, ça va. Mes fantasmes m'envahissent, me submergent moins ; je m'y réfugie moins à chaque émotion négative, je ne m'y noie plus. J'ai l'impression d'avoir l'esprit plus souple, moins rigide, moins fixe. Je dors mieux, globalement. Je ne sais pas ce sur quoi ce manga a tiré, comme cordes, mais ça fonctionne super bien. Ça fait presque un mois que ça dure. Mes pensées accrochées qui m'empêchaient de réfléchir sur le roman me laissent tranquilles, j'ai pu avoir accès au roman, dans ma tête. Ça va. Même si je constate déjà de petits retours en arrière, l'incursion des fantasmes, de nouveau, ça fait un mois que, globalement, ça va mieux, bien. C'est un sentiment un peu bizarre, d'ailleurs. Et j'ai très peur que ça s'arrête, que plus le temps va passer, plus le manga sera un souvenir, et plus le chemin parcouru par la force des choses me ramènera en arrière. Et fatalement, plus j'ai peur plus j'angoisse, et plus j'angoisse, plus y a des chances que je revienne en arrière.

Je crois que je me suis fait flashée. Avant, j'aurais annulé mes vacances pour payer (financièrement et moralement) : j'y ai pensé, mais je ne l'ai pas fait. Donc je pars en vacances. Je vais voir la mer et les mouettes. Peut-être que je mettrais une ou deux photos sur Instagram même si j'ai supprimé toutes celles que j'ai publiées depuis l'ouverture. Peut-être que je vais renouer avec – ou plutôt découvrir – une sorte de spontanéité que je n'ai pour l'instant qu'avec une ou deux personnes, sans même savoir si recevoir des messages sur tout ce qui m'arrive quasiment en temps réel les saoule ou pas. Des fois, je me dis que je dois les saouler, ou que c'est mal de les utiliser juste pour décharger quelque chose, ou partager quelque chose. La psy dit qu'on a le droit d'avoir des émotions positive, et le droit de dire qu'on a des émotions positives. C'est marrant parce que, au collège et au lycée aussi, je crois, je me répétais souvent que dire quand on était joyeux c'était ridicule, que ça faisait genre : "je me la pète", qu'on s'en fichait.

Je vais voir la mer, parce que j'aime la mer. Je crois que mon écosystème préféré reste la forêt ; la mer, c'est un peu hors catégorie. C'est pour se ressourcer. C'est tous les possibles, c'est calme et fort. J'adore le bruit. Donc, je vais voir la mer. Je vais me balader dans les parcs. Je ne pense pas prendre mon ordinateur, même si la partie angoissée de moi craint un cambriolage. J'aimerais couper. Couper parce que je viens de passer quatre mois intensifs sur le roman, et aussi couper pour savoir si après, quand je reviendrai, l'effet manga sera toujours là. Je n'ai pas vraiment tout regardé. Je n'ai pas vu les films ni les épisodes hors série. Pour l'instant, je les garde pour les jours où je n'irai pas bien.

C'est assez perturbant de me sentir bien parce que c'est un sentiment parfaitement nouveau qui me fait réaliser à quel point avant, même quand je me croyais bien, j'étais juste moins mal ; qui me fait réaliser comme mon esprit est arcbouté toujours sur les mêmes choses, rigide. Qui me fait comprendre l'esprit ample de Musashi.


« Votre esprit doit être ample et déterminé, sans tension ni désinvolture excessives. Il doit rester centré et se mouvoir rapidement, librement, sans jamais s'arrêter, afin de ne pas rester figé lorsque la situation change. » – Miyamoto Musashi, Le Traité des Cinq Roues, traduction en français : Laurence Seguin, Synchroniques éditions, 2019.


Je le comprends mais surtout je le ressens. Ou plutôt je le ressentais vraiment quand j'étais en plein visionnage ; maintenant, c'est un peu estompé, déjà. Mais je sais vers quoi je dois tendre, à quoi je peux prétendre, en terme de bien-être mental, et c'est assez étrange, comme sentiment. Alors j'espère que ça va durer !

Je suis tellement bien que j'ai fini Roman 3 comme une fusée, en claquant des journées à presque 6 000 mots. Si ça pouvait être ça tout le temps, ça me simplifierait beaucoup la vie haha !

D'un autre côté, je me craque beaucoup les doigts, en ce moment, donc je me demande si ça va vraiment mieux que ça. Incapable de dire si je ma craquais les doigts quand le bingewatchais l'anime. Et en plus, j'ai perdu mon fidget cube…

En ce moment, j'essaye de lutter contre ma propension à ne pas ranger. À empiler les briques de lait et autres emballages sur le bord de la fenêtre de la cuisine, à ne pas nettoyer la cuisine après avoir mis de la farine partout (elle peut rester là, sur le plan de travail, deux semaines), à laisser mes pelotes de cheveux traîner sur le bord de la baignoire. Ce n'est pas que j'ai la flemme, c'est que, sur le coup, ça me paraît insurmontable, chronophage, empiéter sur mes autres activités (oui, on parle juste d'un coup d'éponge). Je le vois comme un environnement. Mon environnement est comme ça, alors je fais avec les miettes et les coques de noix sur la table comme je ferais avec une souche tombée en travers d'un chemin forestier ou un bosquet de ronces. On ne se promène pas en forêt avec une tronçonneuse. Ensuite, une fois qu'une mouche m'a piquée et que j'ai rangé, je réalise que le bordel qui frise de Hauru du Château dans le ciel m'oppressait, mais, sur le moment, je ne me rends pas compte que je suis oppressée. Un peu comme quand un bruit de fond s'éteint soudain et que ça va mieux. Donc, j'essaye de prendre un peu le taureau par les cornes. On verra.

Pour le moment, ça va.

Mais je vais quand même quitter mon travail.

Si j'y arrive. C'est pas parce que ça va que tout à coup je me prends pour une super-héroïne et que je ne vois plus toutes les barrières. Les probabilités ne sont pas trop de mon côté. Mais le fait que ça aille me permet aussi de voir que, si ce poste ne me plaît pas, ce n'est pas juste parce que je ne vais pas bien : c'est parce qu'il ne me convient pas.

Comment allez-vous ?

dimanche 2 octobre 2022

Coûts irrécupérables

Source – Rakicevic Nenad
Une amie m'a fait réaliser que j'étais tombée là-dedans. Je ne connaissais pas ce concept, mais elle avait raison. En fait, les coûts irrécupérables, c'est quand on se force à faire quelque chose qui ne nous plaît pas parce qu'on y a investit (par exemple, terminer de voir un film parce qu'on a dépensé de l'argent pour l'acheter).

Quand j'ai postulé à mon emploi actuel, je me disais que j'y resterai maximum cinq ans avant de revenir à un endroit où je pourrais faire plus de reportages, mais aussi me rapprocher de la mer (les goélands, ça manque !). Au bout du premier mois, j'étais tombée à trois ans. Au bout même des quinze premiers jours, d'ailleurs, je crois, dans mon souvenir. Finalement, le poste ne correspondait pas trop à la fiche ou en tout cas pas dès le début (quand dans l'annonce on te parle de faire des ateliers avec les jeunes (c'est le cas maintenant) et des prises de sons extérieures mais que dès le début le chef dit qu'on n'a pas le temps). Et puis aussi il y a ce moment où, disant que je n'ai aucune culture musicale, le chef me dit que si j'avais dit ça à l'entretien, je n'aurais pas eu le poste (en même temps, l'avait qu'à l'écrire dans l'annonce ! j'ai pas postulé aux endroits où ils écrivaient "bonne culture musicale exigée", "culture musicale serait un plus", etc.). Ça m'a un peu plombée. Aujourd'hui, je n'arrive pas à me concentrer sur le positif. Je trouve l'émission que je fais vide d'intérêt, la plupart du temps, puisque je ne fais que des annonces d'événements. Je prends mon pied quand j'ai un invité pendant une heure sur un sujet sérieux. Mais c'est rare.

J'ai voulu faire comme Jacques Salomé conseille : me responsabiliser : voir ce que je pouvais faire avec les cartes que j'avais pour améliorer ma situation. J'ai émis l'idée de faire une deuxième émission, mensuelle, sur le thème des journées mondiales, pour traiter des sujets sérieux. J'ai lancé des invitations à des structures et des personnes, dans l'idée de préparer le calendrier à l'avance et d'avoir deux ou trois émissions d'avance. Une seule personne a répondu (la super sexologue !) : je n'ai pas pu faire cette nouvelle émission. Du coup, j'essaye d'injecter du sérieux dans mon émission quotidienne, mais ce n'est pas facile. Je n'aime pas ce que je fais. J'aime mon travail quand j'ai du son à monter, que je peux m'amuser à tailler dans le gras ce que les gens disent pour en tirer le plus important. Mais je fais ça rarement, parce que je manque de temps. Gérer les publications sur les réseaux sociaux, ça ne m'intéresse pas non plus.

Quand j'ai pris mon poste, le chef a dit que répondre aux messages sur Facebook et tout ça ne le dérangeait pas tant que le travail était fait. Et j'ai pensé très fort que c'était très con, que j'étais là pour travailler, pas pour parler avec des amies. L'été dernier, j'ai commencé pourtant à parler avec des amies, à me connecter sur le forum d'écriture… en fin d'année, tout le monde est en vacances, donc c'est plus difficile de trouver des intervenants dans les émissions, et au final il n'y a pas grand-chose à faire. Et puis comme je n'avais pas grand-chose à faire, je repoussais ce que j'avais à faire pour en garder pour le lendemain. Quand j'ai minimisé auprès de la psy en disant que c'était juste parce que j'avais envie des vacances et qu'il n'y avait pas beaucoup de travail, elle m'a dit : "vous êtes sûre ?". J'ai dit oui. Nous sommes en septembre, et je me connecte sur le forum, je me connecte sur Discord, je joue au Sutom bien avant la pause déjeuner… je perds du temps de travail par dizaines de minutes pour répondre à un seul message privé. Et je n'ai plus l'excuse des vacances. D'ailleurs, il faut que j'arrête ça parce que l'autre jour le chef m'a demandé ce que je faisais – ça faisait plusieurs fois en quelques jours que, passant derrière moi, il voyait la page marron sur l'écran – et j'ai dû répondre que je prenais cinq minutes pour répondre à un truc important sur un forum. Comme il a le sens politique, je pense qu'il a demandé comme ça juste pour me faire comprendre qu'il avait bien vu malgré mes tentatives de changer de fenêtre avant son passage, etc. Donc je vais devoir me calmer x)

Mais j'avais dit que je restais trois ans, donc je devais faire cette année et la suivante. C'est là que mon amie m'a parlé des coûts irrécupérables, et que rien ne m'oblige à rester trois ans. C'est vrai. Et c'est intéressant d'ailleurs parce qu'à l'origine c'était "maximum trois ans" et au final mon esprit a dérivé sur "je dois rester trois ans" pour : faire de l'expérience, mettre de l'argent de côté pour le déménagement, espérer améliorer mes compétences (genre, je sais même pas poser ma voix). Mais le coût est trop important. Et, en fait, je suis vraiment soulagée et plus calme depuis que j'ai décidé que mon amie a raison, et de chercher du travail au printemps (le moment où les offres sont publiées dans mon domaine).

C'est bête parce que j'ai toujours pensé que je pourrais avoir un travail dans lequel je suis bien et je trouvais dommage mon camarade de Master qui partait déjà du principe qu'il aurait un job juste pour l'alimentaire et s'épanouirait dans ses passe-temps, distractions, passions, etc. Nous passons tellement de temps au travail, que partir du principe que nous n'allons pas nous y plaire, je trouve ça horrible ! Et de fait, j'aime travailler et avoir un chouette travail c'est chouette. Mon stage de M1 s'est bien passé, j'adorais aller travailler malgré les heures de trajets quotidiens, la fatigue chronique encore pire que d'habitude… Mon Service Civique aussi, j'ai aimé ! Les gens étaient sympa, l'émission que je faisais intéressante, j'apprenais plein de trucs. J'aimerais retrouver ça.

La région ne me plaît pas non plus. C'est vrai que les paysages sont jolis, mais bon, la France, c'est beau partout. Moi, j'aime la mer. Entendre les goélands piaffer à trois heures du matin en été, ça me manque. Et les voir dans le ciel, trancher l'air comme des lames, aussi. Puis, j'aime pas les gens. Partout où je suis allée, on vous demande : "tu viens d'où ?" – tout en s'attendant à peu près, réponse habituelle peut-être, à ce que vous donniez le nom du patelin du coin, mais au moins la question est ouverte – ; ici, on vous demande : "tu viens d'ici, du coup ?". Non. Non, je ne viens pas d'ici. Et je t'*mm*rd*. Je ne trouve pas les gens particulièrement sympa. Donc j'aimerais partir. L'herbe est toujours plus verte ailleurs, comme on dit. (Et donc j'ai peur que, partant, je me retrouve dans une région que j'aime pas non plus.)

Le chef, au début, quand je doutais, disait que j'étais la bonne personne pour le poste. Peut-être que je suis la bonne personne pour le poste, mais l'inverse n'est pas vrai : ce n'est pas le poste fait pour moi. J'aimerais faire plus de journalisme que d'animation, plus de montage, et aller au fond des choses.

Je vais partir. Enfin, "je vais"... C'est un grand mot. Je vais essayer. Étant donné le calendrier de recrutement et mon préavis de trois mois, je dois trouver avant fin-mai. Les offres sont publiées fin-mars, au plus tôt. Sachant qu'il me manque des compétences de bases qui vont forcément s'entendre dans la maquette, et que les patrons prêts à vous former ne courent pas les rues ; sachant que je ne suis pas aussi mobile qu'il y a deux ans pour passer des entretiens d'embauche en présentiel à l'autre bout de la France ; je ne donne pas cher de ma peau. À mon avis, je serais toujours là dans huit ans, incompétente et aigrie. Ou je me serais peut-être flinguée avant. Mais je vais essayer. Des candidatures spontanées et des réponses à des offres. J'aimerais une RCF, pour rester dans l'associatif tout en faisant du journalisme (alors que je suis agnostique, c'est quand même cocasse haha). J'aimerais près de la mer, mais pas trop dans le Sud. (Oui, parce qu'en plus j'ai une liste de critère longue comme celle d'un candidat à Recherche appartement ou maison, m'voyez.)

Avant, je regardais les annonces d'appartements à louer à l'autre bout de la France juste pour rêver, soulager ma frustration, maintenant je regarde pour voir comment je m'en sortirais dans une ville plus grande, donc plus chère, avec globalement le même salaire. Je vais devoir passer d'un trois-pièces à un deux-pièces, je pense, mais ça ne pose pas de problèmes !

J'aimerais partir.

mardi 6 septembre 2022

Je suis un gouffre

Source – ArtHouse Studio
Je ne sais pas comment titrer cet article, donc je verrai plus tard. Je vois la psy jeudi, il y aurait beaucoup de choses desquelles parler avec elle, mais je veux vraiment aborder le corps, cette fois ; je veux parler démangeaisons, ce qui va amener à parler relations sexuelles, j'imagine, rapport au corps. J'ai envie de parler de ça. De toute façon, c'est comme tout, c'est lié au reste, alors je peux bien tirer sur le bout du nœud que je veux : au final j'obtiens la même corde à la fin. Je coupe une séance d'écriture pour cet article, c'est dire si ça me travaille (des fois je me demande pourquoi je n'arrive pas à compartimenter mon esprit ; l'exercice des portes dans le couloir fonctionne assez bien, pourtant).

Je ne sais pas trop ce qu'il se passe chez moi, mais je m'accroche désespérément aux contacts sur internet. C'est très étrange, d'ailleurs, car avant j'ai l'impression que je le faisais moins. Ceci dit, j'ai peu de souvenirs de "avant", donc je ne sais pas trop, et puis je m'accrochais pas mal aux personnes de la vraie vie, camarades de classe, etc., même si c'était plus dans des projections que des envois de messages pour lesquels je m'inquiétais de ne pas avoir de réponse, je crois. Donc ce ne doit être qu'une impression. Ce qui est sûr, c'est que je parle avec beaucoup plus de personnes qu'avant. L'amie rencontrée il y a un an – celle qui rencontre une situation difficile –, un jeune homme qui m'a contactée sur Discord et qui doit être quelque part dans le coin à lire ces lignes (coucou ! :P), une membre du forum à laquelle j'avais demandé des nouvelles mais qui ne répond plus – je pense qu'elle n'a rien à répondre –, la membre qui m'avait contactée parce qu'elle avait l'impression que l'on pouvait bien s'entendre, et une autre membre qui m'a envoyé un message privé suite à quelque chose que j'ai dit dans un sujet, sur mon rapport à la nourriture ; il y a aussi une personne sur Discord qui m'a contactée d'abord pour une question d'écriture, nous parlons un peu de tout et de rien. Je parle aussi avec un membre que j'apprécie, surtout écriture et pas trop discussions perso – je crois qu'il n'a pas trop envie. Et puis deux amies, par SMS, de manière très irrégulière, comme on a presque toujours fait. Je n'ai jamais parlé à autant de gens d'un coup. Pourtant il y a...  neuf personnes. Ce n'est pas tant que ça, objectivement, si ? En tout cas, c'est à peu près sept fois plus que d'habitude ou depuis un certain temps. Je crois même que ce n'est jamais arrivé.

Je crois que c'est parce que je suis assez bien avec moi-même pour parler aux autres. Je suis aussi un peu plus active sur Discord et je dis des choses un peu plus perso sur le forum ; ça doit montrer une partie de ma personnalité et attirer des gens, j'imagine. Le problème c'est que, je m'accroche.

Par exemple, je n'ai plus de réponse de l'amie rencontrée il y a un an depuis à peu près une semaine. En soi, rien d'inquiétant dans le sens où avec mes autres amies on peut ne pas se parler plus longtemps que ça. Mais, simplement, je ne suis pas habituée. Depuis plusieurs mois, elle me répond plus régulièrement, et du coup j'en arrive à me demander si elle ne veut plus me parler. Le membre avec lequel je parle d'écriture ne m'a pas répondu pendant quelques jours, lui aussi, et quand j'ai reçu une réponse, je venais juste d'accepter le fait qu'il n'avait peut-être juste rien à me dire, ou qu'il en avait marre que j'écrive des pavés à chaque fois. En fait non, bien sûr : il a juste une vie, des trucs à faire, comme tout le monde.

Le problème des relations fictives c'est que l'on ne sait pas trop ce qu'il y a dedans, ce que l'on met dedans. Par exemple, avec l'amie rencontrée il y a un an, avec laquelle je parle sur Whatsapp, nous nous sommes construites je crois sur l'idée d'une acceptation mutuelle, d'une absence de jugement, de points communs au niveau personnalité/psychologie. Depuis quelques mois, du fait de sa situation, c'est plutôt elle qui se confie et moi qui gère, comme un journal intime qui répond. De mon côté, en tout cas, je sais que j'y trouve une personne dans laquelle me "projeter" dans le sens où je trouve une personne que je crois être un peu comme moi, et l'idée me rassure. J'ai aussi fini par comprendre que j'utilise le fil de la conversation Whatsapp comme une décharge de trucs qui m'arrivent, alors que ce n'est pas forcément intéressant, et que je pourrais juste sortir l'émotion en parlant à voix haute toute seule ou en écrivant sur un bout de papier, ou un brouillon de mail jamais envoyé. Je me demande si, du coup, c'est une vraie amitié, ou simplement, je ne sais pas, une espèce de décharge, où l'on se parlerait par besoin plutôt que par un intérêt mutuel.

Des fois je me dis que, s'il m'arrivait un truc grave, genre un viol (oui, j'ai ce genre de fantasmes un peu sombre et glauque), elle ne pourrait pas me réceptionner, parce qu'elle n'a pas le temps, que je suis un gouffre, et que la relation s'est basée plutôt sur un sens inverse. Plusieurs fois elle m'a dit qu'elle attendait le moment où elle pourrait m'aider à son tour, mais je crois qu'elle ne peut pas. Déjà parce qu'elle n'est pas actuellement en état et doit d'abord, en priorité absolue, se gérer elle-même ; et puis parce que si je suis un journal intime qui répond, on n'aide pas un journal intime. J'espère me tromper, ou j'espère que, si j'ai raison, nous pourrons faire évoluer notre relation vers autre chose, mais en fait, en l'état actuel des choses, je me demande si me parler l'intéresse vraiment, si je l'intéresse vraiment. Mais je sais aussi que souvent ma perception des choses et des situations, des autres, est liée à mes émotions, à mes humeurs, et que d'un jour à l'autre ça peut être complètement différent. Donc j'attends juste que ça passe.

Et je m'accroche. Ce membre avec lequel nous parlons d'écriture, j'adore quand je reçois un message. C'est bête, il ne dit presque rien de lui, au final je ne sais même pas vraiment quel genre de personne il est, c'est simplement une projection, un petit pansement sur mon cœur cabossé. Il m'intéresse, mais je ne sais pas s'il m'intéresse vraiment, ou si c'est juste l'effet de ma projection. Je crois qu'il m'intéresse, le sujet qu'il avait ouvert et sa manière de parler dedans m'intéressait avant la discussion en messages privés. Finalement, c'est un peu dur les relations humaines avec des relations fictives. Je cherche trop frénétiquement quelqu'un en qui avoir toute confiance, quelqu'un pour remplir le gouffre que je suis, et du coup ça influence ma manière de considérer les relations aux autres.

Je ne sais pas trop si je rattrape toutes les années passées à me couper de mes émotions (par exemple, je peux pleurer juste parce que je sens la vibration d'un concert de djembé dans mes poumons : est-ce que c'est de l'hypersensibilité ou juste l'effet d'un rattrapage ?), si le fait de me prendre en main, d'aller voir une psy, etc. me fait aller plus vers les autres, ou si c'est le signe que je me sens encore plus seule. En gros, est-ce un indice du fait que je vais mieux, ou un indice du fait que je m'enfonce ? Question un peu compliquée.

L'autre jour, j'ai eu une réponse beaucoup plus simple (comme ça, Petite ombre arrêtera de dire que je réfléchis trop huhu :P).
Si toutes ces personnes ne me répondent pas pendant plusieurs jours, alors, d'une part, je ne parle à personne de mes émotions, donc je ne les décharge pas et je les garde pour moi alors que, me connectant à elles, je cherche précisément à m'en débarrasser (et en même temps en parler en vrai c'est dur et même à l'écrit, des fois) ; et d'autre part, je ne parle à personne. Aujourd'hui, j'ai parlé à mon chef, j'ai dit bonjour à une dame d'un autre service, j'ai interviewé trois personnes, dont deux par téléphone, et je suis allée acheter du pain. Voilà. Donc si toutes ces personnes ne me parlent pas – ou que moi je ne me connecte pas sur les divers sites pour voir si j'ai une réponse et donc répondre à mon tour –, alors je ne parle à personne. Et en même temps, je ne peux pas leur dire (oui, je dis ça alors que certains lisent mon blog, mais j'ai décidé de ne pas me censurer ici, vu que c'est à peu près le dernier espace où je peux ne pas le faire), parce que si je leur dis, la pression devient trop forte.

Imaginez quelqu'un qui vous dit que, si vous ne lui parlez pas, il ne parle à personne ; que, les jours où vous n'envoyez pas de message, il ne parle à personne ? Si quelqu'un me disait ça, je trouverai ça horriblement triste, je me sentirais horriblement coupable de vivre ma vie sans penser à cette personne, et du coup je me sentirais sans doute obligée d'envoyer un message, ou bien je n'enverrais pas de message, mais une partie de moi se sentirait mal de ne pas l'avoir fait. Or, je refuse absolument de faire subir ça à quelqu'un. Je trouve ça horrible de faire peser une telle pression sur une personne qui peut-être ne va pas super bien elle-même. Je veux dire… quand on a besoin de parler à quelqu'un, on appelle SOS Amitié, et puis voilà (il y a sans doute un jour où ça m'arrivera, d'ailleurs…, je me suis dit ça, ce matin). Une relation d'amitié où l'un des deux au moins se sent obligé d'envoyer des messages et de répondre, même quand il n'a pas envie ou n'a rien n'a dire ou n'a pas le temps ou que sais-je, c'est une relation malsaine. Il n'y a aucune chance que ça dure. Ça fait juste souffrir tout le monde. Et puis ce n'est pas aux autres de gérer mon manque de réussite dans le domaine des relations humaines. De toute façon, personne ne peut. Je suis un gouffre.

Je suis sans doute dans un tel état de besoin affectif, de câlins, de confiance, que je suis un gouffre. Il suffit de lire les histoires – les romances – que j'écris en parallèle des romans pour s'en convaincre. Dans certaines, de plus en plus, d'ailleurs, le garçon finit très vite par prendre la fille dans ses bras à longueurs de pages. Je suis un gouffre. Le but, c'est d'être capable de me remplir toute seule. La psy est là pour ça, pour m'aider à détruire le gouffre ou faire le truc qu'on fait quand on a un gouffre dans le dedans. Mais personne ne peut le combler à ma place, ni le détruire à ma place, ni faire à ma place le truc qu'on fait quand on a un gouffre dans le dedans.

L'autre jour, quelqu'un (je ne savais pas si tu voulais que je mette le lien de ton blog donc je ne l'ai pas fait mais si c'est OK, je peux !) a commenté un article que j'ai écrit il y a à peu près trois mois. Je l'ai relu un peu en travers avant de lire le commentaire, pour me le remettre en mémoire. Je me souviens que, au moment où je l'ai écrit, je me trouvais très raisonnable, et stable, et "normale", dirons-nous. En le relisant, j'ai eu l'impression de lire l'article d'une autre, d'une fille complètement paumée et complètement par terre. Expérience très bizarre. Du coup, j'ai encore plus l'impression d'être un gouffre, et ça m'a fait un peu "peur" aussi, dans le sens où je n'ai plus eu l'impression d'avoir autant de recul que ça sur moi alors que j'ai toujours eu l'habitude de me regarder sous toutes les coutures.

Je suis un gouffre. Et je m'accroche aux autres, comme une moule à un rocher, pour ne pas tomber, ou pour ne pas avoir affaire à ce qu'il y a, au fond dans le noir.

Toutes ces discussions avec toutes ces personnes me font croire que je vois du monde, que j'ai une vie. C'est souvent ce que je dis, d'ailleurs ; qu'ils peuvent me répondre quand ils veulent, que je comprends qu'ils aient une vie. En creux, le sous-entendu est que, moi, je n'en ai pas. Mon amie sur Whatsapp m'a dit un peu légèrement que si, j'avais plein de trucs dans ma vie. Je cherche le "plein". Je voulais me remettre au japonais en septembre, j'ai raté ma première séance samedi, j'ai juste oublié. On était dimanche, je me suis dit : "je pourrais le faire aujourd'hui, à la place". Une partie rigide de moi a songé : "non, c'est le samedi". C'est pas gagné. Des fois je me dis que je pourrais m'engager dans plus de trucs, apprendre plus de trucs, mais ça me fait aussi peur parce que ça me ferait du temps en moins pour l'écriture, j'ai l'impression (alors que sans doute que non, puisque c'est du temps "libre").

Je suis un gouffre.