jeudi 24 novembre 2022

Faire bêta-lire son roman

Source – Caio
Je voulais faire cet article quand je publiais encore sur Instagram et que je parlais d'écriture, et puis j'ai arrêté de publier sur Instagram et je me suis demandée si c'est article vous intéresserait, et puis je n'ai pas pris le temps parce que j'écrivais mon premier jet et puis… Puis j'ai discuté avec une membre du forum d'écriture que je vais bientôt quitter, et par hasard en cherchant des blogs sur Instagram je suis tombée sur l'article d'un auteur qui se plaignait d'avoir été l'objet d'un mauvais bêta-lecteur, et tout à coup je me suis dit que j'avais bien envie de faire cet article même si pour mes lecteurs habituels ça ne sera peut-être pas le plus parlant ou le plus intéressant (vous en faites pas, je raconterai bientôt ma vie haha xP).

Avant toute chose, nous allons nous mettre d'accord sur les définitions, parce que je sais que tous les auteurs ne parlent pas exactement de la même chose quand ils parlent de bêta-lecteurs. Pour moi, le bêta-lecteur dit à l'auteur tout ce qu'il voudra bien lui dire sur ce qu'il a pensé de son roman, de sa nouvelle, bref : de son texte ; un bêta-lecteur ne lit pas un premier jet (j'ai vu passer le terme "d'alpha" lecteur, mais personnellement j'aime bien qu'on me laisse tranquille quand j'écris mon premier jet) ; et un bêta-lecteur n'est ni un lecteur-expert (par exemple un policier pour un thriller, etc.), ni un sensitivity reader.

Si pour moi le bêta-lecteur ne lit pas de premier jet, c'est parce que je crois que l'écriture fonctionne comme un oignon. Quand on écrit, on habille l'oignon, quand on corrige, on lui enlève quelques couches, le bêta-lecteur en enlève d'autres, et en corrections on le rhabille un peu autrement. Mon idée c'est que, plus vous réglez des problèmes, plus vous pouvez voir les problèmes plus fins, les problèmes cachés. Si vous faites lire à vos bêta-lecteurs un premier jet (ou un roman que vous auriez pu corriger encore un peu), le bêta-lecteur va enlever à l'oignon des vêtements que vous auriez pu enlever vous-mêmes et surtout ces couches vont potentiellement les empêcher de voir des choses que vous n'auriez pas vues mais que eux auraient vues si vous aviez assez déshabillé l'oignon avant. Je ne sais pas si je suis trop claire mais en gros dans mon idée il faut envoyer le texte en bêta-lecture quand on ne peut plus avancer seul dessus.

Trouver des bêta-lecteurs


Je ne savais pas trop comment découper mon article alors je suis allée voir un peu les autres articles qui traitent de bêta-lecture pour savoir comment les autres avaient fait. Revient souvent cette question du comment diantre trouver des bêta-lecteurs et à qui demander. Donc je fais comme les autres et je fais un paragraphe là-dessus, voilà :P

Trouver des viviers de bêta-lecteurs, ma foi, c'est pas le plus compliqué. Il y a des blogs, des communautés d'auteurs sur les réseaux, sur Discord, et je suis persuadée que l'on a tous dans notre entourage, absolument tous, une ou des personnes capables de faire une bêta-lecture de qualité – ne serait-ce que notre ancienne prof de Français, ou la prof de nos enfants. Des lieux pour trouver, il y en a plein. Il y a même des gens qui vous font payer leur service (mouarf mouarf mouarf).

La question vraiment importante, c'est de savoir à qui on va demander. Je trouve que dans les articles qui existent sur le sujet, il y a une espèce de tendance à vouloir rationnaliser le choix d'un bêta-lecteur. Je pense que l'on ne peut pas plus rationaliser ça que le fait de se faire des amis. Des fois, on vous dira qu'il ne faut pas de personnes de votre entourage, parce qu'ils voudront éviter de vous blesser : c'est faux, il y a des gens parfaitement honnête intellectuellement et qui sont capables de vous dire quand ils n'ont pas aimé. Des fois, on vous dira aussi que c'est mieux si le bêta-lecteur fait partie de vos lecteurs-cibles et connaissent le genre dans lequel vous écrivez, pour pouvoir trouver les clichés, etc. Moi, je pense surtout que ça ne se rationalise pas vraiment : c'est l'instinct, et puis il faut savoir aussi ce que vous demandez à la personne.

Par exemple, dans mes bêta-lecteurs habituels, j'ai deux bêta-lecteurs qui pour ainsi dire ne lisent jamais de fantasy, qui sont des personnes de mon entourage à la retraite, et dont j'aime l'intelligence et le regard sur le monde : bien entendu, je leur demande avant tout un avis général, les séquences qui fonctionnent moins, etc. J'ai une amie qui écrit elle-même, quand je l'ai bêta-lue j'ai été bluffée par sa technique ; c'est ce que je recherche chez elle. Je ne lui demande pas que ça, mais c'est son avis technique que je vais chercher plus particulièrement.

Quand une autrice du forum m'a demandée de la bêta-lire, elle m'a demandé parce qu'elle avait l'impression qu'on s'entendait bien ; quand un membre m'a proposé de me bêta-lire, c'est parce qu'il appréciait la personnalité que je pouvais montrer dans mes messages sur le forum ; et quand j'ai proposé à un autre membre de le bêta-lire, c'est pour la même raison, et parce que ce qu'il disait de son roman m'intéresse.

Je crois que choisir un bêta-lecteur, c'est comme choisir un ami : ça ne se choisit pas vraiment. Il suffit juste de savoir ce que l'on cherche. Après, je porte de l'attention à la diversité de mes lecteurs en âge et en genre. J'aimerais aussi en classe sociale, mais je n'ai pas eu l'occasion. Plein de lecteurs d'horizons différents, c'est autant de visions du monde et des choses et c'est très intéressant de voir comme deux personnes vont comprendre des choses différentes sur un passage.

Par lubie, je cherche plutôt un chiffre impair, je me dis qu'en cas de désaccord ça sera plus facile de trancher x) Je reste autour de cinq bêta-lecteurs, parce que moins il me manquerait des retours, je pense, et plus j'en aurais trop et ce serait difficile de naviguer entre tous les avis, je pense.

À ce stade, vu que j'ai mentionné les bêta-lectures payantes, je vais détailler un peu mon point de vue. C'est très simple et très tranché : c'est inutile, ça sert à rien. Comme je le disais, je pense que l'on a tous dans notre entourage proche ou un peu plus éloigné quelqu'un capable de faire une bêta-lecture de qualité. Sans compter que certains prestataires font reposer leurs arguments commerciaux sur… rien. Autant quand vous avez des éditeurs indépendants, éventuellement directeurs de collections, qui ont fait des études là-dedans, on se doute bien qu'ils ont un regard de professionnel et qu'on en a pour notre argent, normalement. Autant quand l'argument commercial c'est de dire : "j'ai étudié la narratologie en autodidacte pendant dix ans" ou "j'ai fait soixante bêta-lectures pour des amis", j'ai envie de dire… bon. T'as fait soixante bêta-lectures, merveilleux, mais les auteurs ont été publiés, grâce à toi, ou ? Et quand ces personnes valorisent le fait d'être publiées en petites maisons d'éditions, elles sous-entendent que parce qu'on est un bon joueur, on est un bon entraîneur, et c'est faux. On peut bien écrire et avoir une mauvaise pédagogie/analyse (puis faudrait déjà admettre comme une consécration le fait d'être publié).

Une bonne bêta-lecture, c'est quoi ?


Je crois que l'on ne peut pas faire reposer la qualité d'une bêta-lecture seulement sur le bêta-lecteur. Une bonne bêta-lecture c'est une bêta-lecture qui est bien préparée, c'est-à-dire que l'auteur a expliqué ce qu'il cherche et le genre de retour qu'il veut, sur la mise en place des commentaires (personnellement j'aime bien recevoir/faire des commentaires à chaud sur le texte et un résumé à froid par mail, un peu global), etc. Par exemple, moi, je ne demande jamais de faire attention à l'orthographe parce que j'estime que c'est compliqué de faire attention au fond et à la forme et que je préfère qu'ils fassent attention au fond, et puis ils vont potentiellement corriger des fautes sur des passages que je vais potentiellement réécrire donc c'est inutile, et enfin je fais un passage exprès pour l'orthographe (s'ils corrigent des fautes en passant, je prends, mais ce n'est pas une demande). Enfin bref. Je leur demande aussi s'ils veulent mes questions avant ou pas, en fonction de s'ils pensent qu'ils peuvent être influencés par le fait d'avoir mes questions avant.

C'est très important de se mettre d'accord parce que ça change beaucoup de choses. J'avais envoyé mon premier roman à une amie qui m'avait dit vouloir le lire par curiosité. Elle me le rend avec tout plein de commentaires mis directement sur le texte, et me dit qu'elle était bien embêtée parce qu'elle ne savait quel type de retour je voulais. Ben évidemment ! Elle s'est lancée toute seule dans une bêta-lecture sans prévenir ! x) Et du coup, son avis a été celui qui m'a été le moins utile.

Une bonne bêta-lecture, c'est aussi une bêta-lecture pour laquelle le bêta-lecteur ne se laisse pas dépasser par ses émotions. Et je le dis d'autant plus que c'est une erreur que j'ai faite et que je regrette encore. J'ai accepté de bêta-lire une copinaute dont je n'avais pas mesuré l'hypersensibilité. J'ai accepté de la bêta-lire alors que je relisais en même temps mon propre roman, je me faisais donc des cessions de dix heures par jour et à la fin de la journée je n'avais plus de patience. Comme l'autrice était déjà publiée, j'avais une attente, je m'attendais à aimer son texte, et j'ai été déçue. Et le mélange de tout ça a fait que j'ai été trop dure, et du coup, j'ai fait une mauvaise bêta-lecture. Peu importe à quel point mes commentaires étaient pertinents ou mes remarques intéressantes : si l'autrice l'a mal vécu, alors je ne la mets pas dans de bonnes dispositions pour les prendre en compte. Une bonne bêta-lecture, c'est aussi une bêta-lecture bienveillante et j'admets en toute humilité que j'en ai manqué, voilà.

La qualité d'une bêta-lecture, c'est aussi l'auteur qui la fait. Il faut être prêt à se prendre des remarques, parfois sur des choses basiques, parfois un peu durement. Un ton un peu dur signifie aussi que la personne était émotionnellement investie dans sa lecture, et c'est une bonne chose (si c'est mesuré, bien sûr, il ne s'agit pas de dézinguer la personne). C'est le travail de l'auteur de ne pas se laisser bouffer. C'est aussi le travail de l'auteur de rester ouvert à toutes les remarques. Parfois, le bêta-lecteur fait un remarque qui n'est pas à prendre au pied de la lettre : il faut l'analyser.

Je me souviens sur Twitter qu'une discussion avait été lancée sur "vos bêta-lecteurs les plus insolites" ou un truc du genre. Une autrice s'était plainte de ce qu'un bêta-lecteur lui avait reproché ses "avoir" et ses "être" alors que le texte était au plus-que-parfait ; et une autre de sa bêta-lectrice qui n'avait pas cessé de lui demander où était passé le cheval des héros alors que les héros étaient dans un passage compliqué et que la bêta-lectrice aurait dû s'intéresser à eux. Alors oui, on ne compte pas les répétition de "avoir" et "être" quand ce sont des auxiliaires : n'empêche que, si le bêta-lecteur le mentionne, c'est probablement qu'il a trouvé ça lourd, et donc qu'il faudrait améliorer ce passage ou du moins considérer la question. Quant à l'affaire du cheval il faut se rendre compte qu'un cheval est un animal sensible qui sera donc considéré comme un personnage : vous ne feriez pas apparaître et disparaître un personnage sans explications juste en fonction de vos besoins ? Ben c'est pas pareil pour le cheval. En tant que personnage, le cheval peut aussi attirer une forme d'identification du lecteur, qui va donc se demander s'il a assez d'eau, assez de nourriture, est bien installé, etc. Donc pour moi cette bêta-lectrice avait raison de parler de ce cheval. L'autrice, au lieu de railler la remarque sur Twitter, aurait bien mieux fait de s'y intéresser : c'est comme ça qu'on s'améliore et qu'on fait une bonne bêta-lecture : non pas en corrigeant à tout va en suivant aveuglément tous les retours : mais en se posant les questions.

L'auteur que je mentionne en tout début d'article m'a donné l'impression de descendre complètement son bêta-lecteur, de dire, finalement, "il a été trop violent avec moi, donc rien de ce qu'il dit n'est juste". Je pense au contraire que, même si des fois on se trompe de bêta-lecteurs et qu'ils voient des problèmes qui n'existent pas, ou s'emmêlent les pinceaux, etc., il y a toujours quelque chose à en tirer. À titre d'exemple, l'autrice dont je parle plus haut a contacté des lecteurs sur Wattpad pour leur soumettre mes remarques et avoir leur avis, naviguer dans tout ce que j'avais dit ; elle a fait appel à une autre personne pour l'aider à corriger, etc. Bref : elle peut être fière d'elle parce qu'elle a su rebondir malgré toutes les émotions négatives que j'avais participé à lui faire ressentir. Et je trouve ça incroyable, en fait.

Donc pour faire une bonne bêta-lecture il faut que tout le monde y mette un peu du sien, voilà !

Je crois avoir fait le tour de ce que je voulais dire, et j'espère que c'est utile ! :)

11 commentaires:

  1. Coucou, moi c'est un article qui m'a vachement intéressé car tu sais que j'ai un roman en tête et je sens que je suis sur le point de me lancer...
    Tu as raison de prendre plusieurs bêta lecteur a fin de savoir prendre ce recul si des remarques reviennent ou te blessent...
    Je me souviens quand j'avais dix sept ans j'avais commencé à écrire, une amie a voulu me lire et me faire ses remarques. Elle a joué à la prof en fait... Du rouge partout sur mon texte et des remarques cinglantes genre je suis nulle faut dire ça et parler de ça.... Elle m'avait carrément refroidie.... Je l'avais prévenu que ce n'était qu'un brouillon, qu'un simple début mais elle m'avait tellement gonflée pour le lire... Je crois que tu as raison de faire ton texte quand ce n'est plus un premier jet!
    En tout cas merci pour cet article qui me donne même envie de devenir bêta lectrice de quelqu'un lol.

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    1. Oh lala mais je suis contente que tu sois sur le point de te lancer !! C'est trop bien !! :D
      Je crois que ton amie a effectivement voulu jouer à la prof... c'est bien un truc d'ado ! x) Je crois que pour bien bêta-lire il faut être capable de comprendre ce que l'auteur a voulu faire. On s'en fiche de comment nous, nous aurions fait. L'important c'est de savoir ce que lui a voulu faire et si ça marche ou pas. C'est pour ça que ça m'arrive d'écrire des commentaires pour dire "je comprends mais ça marche pas parce que ; pour moi tu as trois solutions, 1) 2) 3)" et l'auteur choisi (ou en invente d'autres).
      Ah bah tant mieux si ça t'a intéressée !! Ça me fait trop plaisir !
      Je vais probablement avoir besoin d'un bêta-lecteur en plus, si jamais... :)

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    2. Tu me proposes de te lire? J'ne serais ravie mais j'ai peur de manquer de temps , tu laisses combien de temps pour un retour?

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    3. Eh bien là, tel que mon calendrier est prévu, j'envoie en bêta-lecture début-mars et j'aimerais bien récupérer mon pavé (de 190 000 donc autour de 570 pages d'un roman de librairie) début-juillet si possible ou dans le courant juillet.

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    4. Peut-être pourrais je me lancer dans ce genre d'expérience quand j'aurais plus de temps pour moi, quand le petit dernier aura grandi... tu seras à ton dixième roman lol

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    5. Au dixième roman j'aurai encore besoin de bêta-lecteurs :)

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  2. Bonjour
    Premier commentaire ici, après une promenade sur des blogs amis.
    J'ai été bêta lectrice, ben... Je ne le referais plus. Je ne participe plus aux forums où l'on donne son avis, je n'écris pas aux écrivains ni ne sollicite leurs dédicaces, je me contente de lire d'une façon parfaitement égoïste.
    Je n'étais pas une bonne bêta lectrice dans le sens où je n'arrivais pas à construire critiques et suggestions d'une façon aidante et efficace pour l'artisan-écrivain. Dans les détails, c'était pertinent et utile, mais le gros de mes interventions manquait d'optimisme et de chaleur alors que l'écrivain a été publié par une maison d'édition "normale", ce qui m'a surpris, je ne l'aurais pas crû. Heureusement que ne ne lui ai pas nui, finalement !

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    1. Je pense que c'est à l'auteur de construire quelque chose d'aidant, en posant des questions pour préciser et en recoupant avec les retours d'autre bêta-lecteurs. Des fois, c'est un peu pour l'auteur comme une enquête !

      Je trouve intéressant que tu parles du fait qu'il soit édité comme d'un gage de qualité : avec tout ce que j'ai appris cette dernière année et demie, je peux te dire que ce n'est pas parce que l'on est publié que l'on écrit bien.

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    2. Un écrit publié par une maison d'édition ayant pignon sur rue est, au minimum, correct concernant son expression écrite. Ce n'est pas garanti dans l'auto-édition. Après, écrire bien... Il y a des degrés et des niveaux.

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    3. Si on parle que d'expression écrite, OK. Mais j'ai bêta-lu une autrice publiée par de grandes ME et franchement c'était pas fameux. Toutes les phrases construites pareilles des incohérences, des trucs anatomiquement faux… faut voir qu'il y a aussi l'aspect commercialisation : quelqu'un qui a beaucoup d'abonnés sur les réseaux ou qui est "fils de" vendra mieux qu'un inconnu. Je ne dis pas que c'est le seul critère – je ne suis pas cynique à ce point-là – mais ça compte.

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    4. Bien entendu... Je n'ai pas d'expérience en la matière. Je vais juste aux salons littéraires de ma région, et je suis souvent curieuse de ce que sortent les petites maisons d'édition. C'est assez inégal, il y a parfois de bonnes surprises alors que certaines auraient sérieusement besoin d'un correcteur basique. Et concernant les bourdes et incohérences, Je crois que c'est un héros de Houellebecq qui conduisait une Bentley qui, la page d'après, était devenue une Mercédès, ou l'inverse...

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