mardi 29 juin 2021

Journal d'écriture, Roman 2, n°0

Source – Vlada Karpovich

La dernière fois j'avais dit que c'était le dernier journal d'écriture sur Roman 1 mais que j'en ferais sans doute un sur Roman 2. Ben voilà :P En fait, je pense que je serais absolument incapable de ne pas en faire : ça m'aide beaucoup à prendre du recul et déstresser, donc même si jamais vous vous en fichez, je les écrirais quand même haha :P

Ce matin, j'ai envoyé mon manuscrit à Mnémos bien que je n'ai pas encore eu les ultimes retour sur les extraits corrigés de ma bêta-lectrice. En fait, je m'y suis retrouvée obligée pour être tranquille psychologiquement car j'ai prévu de commencer la rédaction de Roman 2 le 1er juillet et j'avais absolument besoin d'avoir fait le premier vrai envoi avant. Surtout que je me sens un peu tendue pour cette rédaction donc je vais éviter de me rajouter des motifs d'anxiété !

En fait, ça me fait carrément peur. Je vous avais déjà parlé de mon appréhension à reprendre une rédaction sérieuse après des mois passés en simples corrections ou à écrire des choses un peu nulles sur mes projets explorations/exutoires ; et cette appréhension n'est pas passée. J'ai repris mon vieux brouillon de 2017 pour voir les différences, ce que je gardais ou pas. Je ne peux pas le reprendre et le corriger, parce que le style est beaucoup trop bancal et que plein de points centraux pour l'intrigue se sont modifiés avec les années passées dans ma tête, donc il vaut mieux carrément tout réécrire. Mais en même temps j'ai peur de ne pas en être capable. Je me dis souvent que si je perdais Roman 1 et que je devais tout réécrire, je ne saurais pas le faire. Là, c'est un peu pareil avec ce début. Alors que la scène d'ouverture est un type de scène que j'ai écrit déjà plusieurs fois, donc je sais que je sais le faire.

Je pensais que commencer Roman 2 serait plus facile parce que je sais où je mets les pieds, puisque je l'ai déjà fait, mais en fait c'est au moins aussi difficile que de me lancer dans Roman 1 ! Pour le coup, l'expression "se jeter à l'eau", trouve parfaite illustration ! Parfois, j'ai envie de repousser le lancement, et tout de suite après je me dis que si je repousse je ne l'écrirais jamais parce que ça sera jamais le bon moment ; et en parallèle je sens bien que j'ai besoin d'écrire cette histoire, qu'elle pousse derrière mon front, et que c'est maintenant ou jamais. Je pense que le problème vient aussi de là : j'ai besoin d'écrire cette histoire. Je vais y mettre beaucoup plus de moi que dans le premier roman.

Quand on écrit, on met forcément un peu de soi, des sentiments, des valeurs, des croyances, des sensations, etc. Mais là, ça va un peu plus loin : mon personnage a mon âge, est à cheval sur les questions d'honneur et a des problèmes de confiance en les autres, d'ailleurs le roman tourne autour de ça. Notre ressemblance s'arrête ici ; mon héroïne est beaucoup plus radicale que moi sur l'honneur et la loyauté, par exemple, ce n'est pas une colérique et elle prend tout avec beaucoup de calme, c'est une guerrière sûre de sa force. Mais, même si elle n'est pas mon double, je l'ai créé avec des points communs suffisamment forts pour que ça me handicape dans mon appréhension de l'histoire. Et c'est normal : à l'origine, cette histoire avait été commencée comme un projet exploratoire/exutoire, et pas comme un roman. Dans mes projets exploratoires, je mets toujours beaucoup de moi, même si je n'en ai pas forcément conscience (d'ailleurs, en 2017 je vous aurais dit que cette histoire tournait autour de la relation à l'argent, et pas de la confiance en les autres). Ce trait-là n'a pas disparu avec les années de maturation. Et je me retrouve un peu embêtée. Parce que si je n'y prends pas garde, je vais me retrouver à partir dans tous les sens sans mesure, pour mon bien à moi et pas celui de mon histoire.

Mon autre problème c'est que j'ai prévu une histoire d'amour. Sauf que comme je ne suis jamais tombée amoureuse, je ne sais pas ce que ça fait. Mes seuls modèles sont dans la littérature, les films, les manga… du coup j'ai un peu peur d'être dans une sorte de caricature et de mal doser mon affaire. Ce qui est un problème vue que l'intrigue sentimentale croise l'intrigue principale et n'est pas juste là pour faire joli. Je pense aussi que ce qui me fait un peu peur là-dedans c'est que ce sera un peu le même genre de roman que Ayesha, d'Ange, et j'ai peur de copier.

J'ai aussi peur d'avoir "perdu mon style" à force de corriger le premier roman et d'écrire des bêtises sur des projets exutoires, mais aussi d'avoir trop lu la même autrice d'un coup. À peu près au milieu du mois je me suis lancée dans le grand Cycle des Anciens de Robin Hobb avec la première époque de L'Assassin royal. Le problème, quand on lit beaucoup un seul auteur, c'est qu'on peut se retrouver avec l'effet éponge, et écrire vaguement "dans le style de". D'ailleurs, quand j'ai eu fini les quatre livres des Mille et Une Nuits, je commençais à penser dans ma tête avec des expressions des contes, et j'avais enchaîné sur des manga pour me "reparamétrer".

Là, c'est ce que j'ai fait : après ma lecture, je n'ai rien lu pendant un jour, puis j'ai lu une petite nouvelle de fantasy et un manga, pour ouvrir mon cerveau à d'autres styles. J'ai choisi le manga pour me reparamétrer parce qu'il n'y a pas de narration à proprement parler, juste les dialogues, donc c'est pas mal quand on a une "musicalité d'écriture" dans la tête, pour la faire partir. Au début, j'ai cru que cinq jours ne serait pas suffisant, mais finalement, ça va. Il me reste encore demain. Je pense que j'aurais réussi à me sortir Robin Hobb de la tête. Mais je me suis filée une sacrée frayeur xP Sans compter que je me suis beaucoup retrouvée dans Fitz (le fait qu'il se sente seul, qu'il ne fasse vraiment confiance à personne, qu'il n'ait pas de souvenirs de sa petite enfance, etc.), je me suis accrochée à lui à tel point qu'il a bien dû remplir une fonction psychologique, et du coup me décoller après ma lecture était un peu plus dur que si ça avait juste été une question de style.

Quand je commence à penser à écrire Roman 2, ou que je travaille dessus (vérifier la carte, chercher la musique avec laquelle je vais écrire, etc.) je suis vraiment trop enthousiaste, c'est aussi comme ça que je sais que c'est le moment. Quand je me dis "demain j'écris" et que mon cerveau complète tout seul "Roman 2" alors que c'est pas encore tout à fait le moment et que ce que j'ai prévu d'écrire c'est un projet exutoire, c'est que je suis prête xP D'ailleurs, ce projet exutoire je l'ai presque fini, j'aimerais bien mettre le point final avant de commencer Roman 2, ça serait quand même vachement cool.

Pour Roman 1, mon objectif était juste de finir, donc je n'avais pas d'objectifs chiffrés de nombres de mots, sauf à la toute fin quand j'en ai eu marre d'avoir l'impression de ne pas avancer. Là, j'aimerais bien finir mon premier jet en trois mois. En partant du principe que je vais écrire la même quantité que la première fois (150 000 mots à la louche) il me faut 50 000 mots par mois, donc 1 600 mots et des brouettes par jour. Je sais que j'écris à peu près 800 mots par heure sur les projets sérieux, donc que j'en ai pour deux heures à deux heures et demi par jour. (C'est là qu'on voit que c'est important de bien se connaître.) C'est faisable. Pour les deux prochains mois, c'est même plus que réalisable. Si je travaille en septembre, ça sera sans doute un peu plus compliqué, mais pour moi l'écriture est une priorité (quand j'ai vu que dans l'une des villes où j'ai candidaté à un travail tout était au centre-ville et que ça réduisait les temps de trajet je me suis dis "chouette ! du temps gagné pour écrire !") donc je devrais pouvoir m'en sortir sans trop de peine, je pense.

Bizarrement, me mettre ce genre d'objectifs et défi ne me stresse pas du tout. Peut-être parce que je raisonne moins en termes d'objectifs que de pronostiques. Si jamais je n'arrive vraiment pas à écrire 1 600 mots par jour de manière satisfaisante (parce qu'à un moment donné on peut écrire très vite des choses pas très qualitatives, mais ensuite c'est beaucoup plus compliqué de corriger parce que ça prend plus la forme d'une réécriture que d'une correction donc ça ne vaut pas le coup), je m'arrêterais, et j'irais à mon rythme.

J'essaye aussi d'apaiser mes petites anxiétés en me disant que, quand je lancerais la musique pour me concentrer, ça partira tout seul ! J'espère, en tout cas. Une habitude se prend en vingt-et-un jours, donc les vingt-et-un premiers jours de juillet seront les plus tendus. J'ai toujours un petit trou dans ma frise chronologique, mais même ça, face à ma peur de "perdre mon style", ça ne fait pas le poids x) J'ai déjà quelques idées pour combler, donc on verra bien !

Et vous ? Comment avancent vos projets ?

vendredi 11 juin 2021

Mes 5 derniers livres lus (n°7)

Me voilà pour une nouvelle série de chroniques ! :) Il y a du très bon et du moins bon, mais surtout du bon ! :) C'est un peu moins diversifié que les fois précédentes, mais j'espère que vous trouverez tout de même votre bonheur !

Pour ne rien vous cacher, j'avais super hâte de vous partager tout ça !

Dragons et mécanismes
– Adrien Tomas

Dague est voleur et espion. Il vit de cambriolages et de petits larcins. Alors qu’il est en mission de surveillance, il assiste à l’agression de Mira, une étrangère qui a fui son pays suite à un coup d’Etat. L’adolescente est archiduchesse, poursuivie par un tyran qui veut l’épouser et s’accaparer ses talents. Car elle fait partie des mécanomages, des sorciers capables de combiner leurs pouvoirs à de savants montages d'ingéniérie mécanique. En sauvant Mira, Dague est blessé, et les deux jeunes gens sont d’abord contraints de se cacher. Mais l’aristocrate est déterminée. Pour échapper à son ennemi et – accessoirement – tenter de récupérer le trône d’Asthénocle auquel elle peut prétendre, elle est résolue à s’enfoncer au cœur de la jungle. Un territoire hostile, quasi inexploré, et peuplé de dragons sanguinaires.

Bon. J'avais dit après Engrenages et sortilèges que j'allai donner une nouvelle chance à cet auteur parce que les deux premiers tiers du livre et les héros étaient sympa mais… si je n'ai pas eu la même impression très dérangeante d'un manichéisme poussé à fond, ça reste un roman… mauvais. Je suis toujours un peu réticente à utiliser les grands mots parce que j'écris moi-même, donc je sais le travail que ça demande, les heures que l'on passe dessus, et je pense que je ne vivrais pas très bien qu'on me dise que l'histoire sur laquelle j'ai passée autant d'heures avec autant d'amour soit mauvaise. Mais là : c'est juste mauvais.

Les deux personnages principaux sont assez sympa, mais pas autant que dans le premier opus, ce qui enlève tout le charme qui sauvait ledit premier opus. Quant au reste… On a un Arlov complètement caricatural et manichéen, qui ressemble à un personnage de manga shônen, mais sans toute la profondeur des méchants de manga.

Un méchant de manga, on sait toujours pourquoi il est méchant et on a toujours une petite prise de sensibilité. Par exemple, dans certains les méchants sont en fait devenus fous à cause d'un traumatisme. Dans d'autres, les méchants agissent mal pour des buts louables. Dans d'autres encore, des immortels s'ennuient ferme de l'éternité et cherchent un peu par tous les moyens à se divertir. Peu importent les raisons : on sait toujours pourquoi le méchant est méchant, pourquoi il se comporte comme un salopard, pourquoi il aime tuer des gens et pourquoi il veut le pouvoir. Les raisons peuvent être clichées ou un peu plus originales, on s'en fiche complètement : on a besoin d'une raison, et on l'a.

Là, avec Arlov, on peut penser à un méchant de manga avec son côté excessif, frappadingue et dégénéré, mais sans le fond derrière. Arlov est terriblement creux et c'est ce trou béant dans sa personnalité qui le rend irrémédiablement manichéen et caricatural. Or, si avec de bons personnages on fait une bonne histoire, avec un bon méchant (on lui préférera même "antagoniste" si on veut souligner le fait qu'il n'est pas forcément du côté des Forces du Mal) on fait une excellente histoire.

Ensuite, je me suis à un moment fait la réflexion que c'était un peu long à démarrer, sans que ce soit justifié derrière par le besoin de mettre des choses en place. En tout cas je n'ai pas eu l'impression de rouages bien agencés où on se dirait à la fin "ah mais oui parce que…!"

Adrien Tomas a aussi voulu traiter trop de choses. Du coup, deux problèmes en découlent : on garde une impression de creux, puisque rien n'est vraiment traité à fond ni même bien traité ; et ça s'empile sans logique avec cette impression de partir dans tous les sens dans l'anarchie la plus totale.

En plus de la poursuite d'Arlov, on a : un autre méchant lancé dans une quête de destruction pas plus convaincante que la celle du premier ; on survole l'amputation de Dague ; on doit traiter son passé, sa vraie famille, son origine ; la question de l'orientation sexuelle, de la transidentité ; une notion d'altérité par les relations avec les dragons ; la réflexion sur les régimes politiques, les tirants, les types qui gouvernent seuls sans écouter les conseillers ; assumer les conséquences de ses décisions ; les choses pas très honnêtes/difficiles que doivent faire les gens du petit peuple pour survivre… C'est juste trop ! Des thèmes sont chassés au profit d'autres, ou apparaissent tout d'un coup au milieu de nulle part. Et dans tout ce fatras Adrien Tomas a décidé de privilégier les questions sociétales (transidentité/genre et régimes politiques) au détriment des questions individuelles, sensibles (l'amputation, la famille).

Sauf que c'est un choix mal assumé. L'amputation est quand même abordée alors qu'elle pourrait tout simplement disparaître du paysage pour ne pas disperser le lecteur : soit on traite bien, soit on ne traite pas, mais le cul entre deux chaises, ça ne fonctionne pas. Comment, en trois jour, un adolescent qui perd son bras peut-il être sur pied, sans les douleurs fantômes, sans la difficulté à se réapproprier son corps…? Caser des handicapés dans les romans ? Formidable ! Mais traiter le sujet n'importe comment fait plus de mal que de bien, à mon humble avis.

Quant au personnage de Shumbi, c'est un rôle, pas un personnage : il sert uniquement à traiter les questions de genre, du coup il est terriblement creux, lui aussi, et ses sentiments à l'égard de Dague ne sont pas développés (pas plus que ceux de Dague pour Shumbi, d'ailleurs, puisqu'il n'a presque l'air de ne s'intéresser qu'à son corps : pardonnez-moi, mais, même si le coup de foudre existe, je ne pense pas que quand on tombe amoureux on tombe amoureux d'un corps). C'est d'autant plus gênant qu'Adrien Tomas sait mettre des sentiments en place, puisqu'il l'a déjà fait dans d'autres romans. Là, il n'en avait sans doute pas le temps : difficile à placer dans moins d'un tiers de livre et quelques jours à peine de récit. Du coup, il en ressort une "relation-prétexte" mal menée, et d'un aspect moralisateur. J'ajouterais que j'avais deviné que Dague et Shumbi se mettraient ensemble, parce que je me suis dit : "y en a qui reprochent aux romans de jamais permettre aux personnages LGBT de rafler la mise en se mettant en couple, donc vu ce qu'Adrien Tomas veut faire passer comme message, il fera ça". Pour moi, c'est un indice de plus que ce roman a un problème : on ne doit pas pouvoir deviner ce qui va se passer en fonction des idées de l'auteur, mais de la psychologie des personnages.

Et surtout, surtout je n'ai pas eu l'impression de lire le narrateur omniscient me rapportant l'histoire, l'univers, les personnages, mais de lire l'auteur me faisant la morale et faisant passer ses idées. J'ai eu l'impression que l'on ne me parlait plus des personnages et de l'univers, mais qu'on me parlait à moi, directement, lectrice du XXIème siècle, de son monde du XXIème siècle. Bien sûr que, quand je lis un roman, y compris de fantasy, je le lis avec tout mon bagage de Française contemporaine de la sortie du livre. Évidemment. Mais je ne dois pas le sentir. Sinon, je ne lis plus un roman : je lis un essai, un manifeste, et je sors de l'univers créé par l'auteur. Or, il n'y a rien que je déteste plus que d'être sortie de ma lecture quand je lis. D'autant plus quand c'est le livre lui-même qui me sort de ma lecture.

J'avais eu un peu le même problème à certains endroits du Fléau des rois mais, au moins, les thèmes traités ne partaient pas dans tous les sens, ils étaient traités sur l'ensemble du livre, ne tombaient pas comme un cheveu sur la soupe, et, si l'on pouvait se dire "elle nous parle à nous", au moins je n'avais pas cette impression de "morale", et c'était circonscrit à des passages très précis, des dialogues notamment, et non sur l'ensemble du récit !

La fin arrive à fond les ballons, et en paraît presque incohérente : pour libérer le dragon il faut incanter des formules magiques, mais pour l'emprisonner il suffit de mettre la clef dans la châsse sans un mot ? Logique. Là encore, pas le choix : notre héroïne est décrite comme une mauvaise mage, donc elle ne pourrait rien incanter de si puissant… Puis une petite incohérence sur le voyage : Shumbi déclare avoir mis deux jours à l'allée, mais ils mettent le double pour le retour ? Ou bien la flaque d'huile étalée devant la porte dans laquelle les méchants sont censés marcher sauf qu'ils ont défoncé ladite porte qui est tombée vers l'avant sur le sol, donc elle devrait empêcher les méchants, précisément, de marcher dedans. Ou ce passage où Dague n'a qu'un bras mais "se met la tête dans les mains". Aïe. Ce n'est presque rien, mais ça agace quand ça vient couronner un fatras de trucs agglomérés sans liaisons. Surtout que, c'est le genre de trucs qu'on finit par repérer quand on lit son manuscrit pour la douzième fois (je le sais, ça m'est arrivé), donc rien d'insoluble.

Quant à l'épilogue, il clôture à toute vitesse le devenir des personnages, comme attendu, mais précise aussi les buts du second méchant. Buts qui paraissent tellement dérisoires que ça en est ridicule. L'objectif d'Adrien Tomas est bien sûr qu'on se dise "mais ce méchant est vraiment stupide !", mais je me suis plutôt dit "OK, ben, comme le reste, l'auteur a fait n'imp'". Pour moi, c'était une info à mettre dans le corps du récit. Ou alors dans l'épilogue, mais d'une meilleure manière.

Du coup, au contraire du premier opus, au lieu d'avoir les problèmes principaux dans le dernier tiers d'une manière décuplée, on les a un peu partout en plus lancinant, ce qui fait que je n'ai jamais vraiment été emportée dans l'histoire…

Je ne comprends même pas pourquoi des critiques sur Babelio mettent cinq étoiles… Je sais que c'est méchant de dire ça, et je comprends qu'on n'ait pas tous les mêmes goûts. Mais là ça dépasse la question des goûts et des couleurs : l'histoire est mal construite, et les personnages complètement archétypaux.

Vous l'aurez donc compris, c'était ma dernière tentative sur Adrien Tomas. Je jette l'éponge. Pour moi, ce n'est "pas au niveau". Je sais que c'est super dur de dire ça, et que si on me disait ça à moi je le vivrais vraiment mal, mais c'est mon ressenti. C'est un roman raté, encore. Donc je passe mon tour. D'autant qu'apparemment, les méchants d'un autre de ses romans Jeunesse sont aussi manichéens, du coup c'est un problème qui a l'air de revenir dans tous ses livres et moi ça me pose un vrai problème du point de vue de mes valeurs les plus ancrées : on n'est jamais tout Blanc ou tout Noir, une crème ou un abject personnage.

Je passe donc mon tour sur cet auteur.


Le Jeu de la Trame
– Sylviane Corgiat et Bruno Lecigne

Trente-neuf, c’est le nombre de cartes du Jeu de la Trame que Keido, fils du seigneur du Roseau, doit réunir afin de ressusciter sa sœur, morte de l’avoir trop aimé. Et il ne laissera rien n’y personne le distraire de son but. Des guerres sauvages du pays des Mille Nuages aux combats contre les pirates sans merci du fleuve Salé en passant par la bataille contre le terrible Ordre des Ananke, Keido ira même jusqu’à franchir la Muraille de Pierre pour se livrer aux brûlures inconnues des Terres de Cendre et affronter les légendaires créatures de feu. Mais que trouvera-t-il au bout du chemin ?

J'ai beaucoup aimé, mais c'est une histoire très triste, qui m'a mise par terre (à moins que je sois trop sensible ?). Le style des auteurs est à la fois précis et poétique, j'ai beaucoup aimé les comparaisons et les métaphores et la manière dont étaient tournées les choses. L'atmosphère est assez gluante. On n'est pas dans la dark fantasy, mais il y a un côté lourd, pesant.

À la fin de chaque arc, Keido reçoit un indice sur où se rendre ensuite, mais sans que ça fasse trop "bah oui, comme par hasard !" ; c'est plus que c'est comme ça et puis c'est tout, comme si on passait à l'étape suivante de sa quête après avoir battu le "grand méchant" du niveau.

Les femmes se succèdent aux côtés de Keido. Je ne sais pas trop quoi penser des scènes de sexe. Elles sont crues. On pourrait se demander ce qu'elles font là et en même temps si elles n'y étaient pas l'histoire ne serait pas tout à fait la même, la personnalité de Keido ne ressortirait peut-être pas autant, et l'atmosphère du livre serait tout à fait différente. Par ailleurs, il y en a moins dans les deux dernières parties (c'est un intégral, donc je devrais plutôt dire les deux derniers tomes). Peut-être que je ne sais pas trop quoi en penser parce que j'ai trop de questionnements autour de la sexualité.

Keido pourrait être qualifié d'anti-héros. Il est impatient, agressif, et sème la mort derrière lui sans se poser de questions, complètement obnubilé par sa quête dans laquelle il s'enferme jusqu'à l'obsession. Comme l'on suit son point de vue, son côté un peu dérangé, ou fou ne ressort que par touches par les yeux des personnages qui l'accompagnent. La fin est intelligemment amenée, tout fonctionne très bien !

Pendant un moment – à peu près tout le roman, en fait – je ne savais pas trop si j'aimais bien Keido. C'est un personnage ambivalent. Mais comme à la fin j'ai versé ma petite larme, je pense qu'au final je me suis plutôt attachée à lui ;) Il faut dire que, malgré ses défauts, son côté un peu détaché du monde dans lequel il est, tout entier dévoué à sa quête, est contrebalancé par le fait qu'il sursaute souvent, a peur, est rusé, mais lâche : bref, il est humain. Ce n'est pas une espèce de grand fort invincible qui bat tout le monde à coups de cartes magiques. C'est pour ça que ça fonctionne.

La fin de chaque tome, bien que rapide, tombe avec précision et n'est pas précipitée. Tout est logique au regard de la psychologie des personnages.

En revanche, j'ai regretté quelques fautes de frappe dans l'édition : des espaces absents, ou des phrases dont il manquait un mot (trois, dans mon souvenir). Mais aussi une petite incohérence : Keido tue son père et la servante avec laquelle il dort (rassurez-vous, je ne divulgâche rien : c'est le point de départ ! :P) mais plus tard il est dit que c'était l'épouse de son père. À un autre moment, je ne sais pas si c'était une incohérence ou un mensonge de la part de l'un ou l'autre des personnages, mais l'histoire de la jeune Ananke diverge. Comme les personnages ont tendance à mentir, la thèse du mensonge d'un personnage se tient.

L'histoire se déroule sur plusieurs années et, comme dans dans Ki et Vandien, j'aurais bien aimé pouvoir savoir avec un peu plus de précision le défilement des années.

En fin de compte, j'ai beaucoup aimé cette lecture assez troublante.

De la Terre à la Lune
et Autour de la Lune – Jules Verne

À la fin de la guerre fédérale des états-Unis, les fanatiques artilleurs du Gun-Club (Club-Canon) de Baltimore sont bien désœuvrés. Un beau jour, le président, Impey Barbicane, leur fait une proposition qui, le premier moment de stupeur passé, est accueillie avec un enthousiasme délirant. Il s'agit de se mettre en communication avec la Lune en lui envoyant un boulet, un énorme projectile qui serait lancé par un gigantesque canon !
Tandis que ce projet inouï est en voie d'exécution, un Parisien, Michel Ardan, un de ces originaux que le Créateur invente dans un moment de fantaisie, et dont il brise aussitôt le moule, télégraphie à Barbicane : "Remplacez obus sphérique par projectile cylindroconique. Partirai dedans..."
Avec ses personnages parfaitement campés, son humour toujours présent, De la Terre à la Lune est une des grandes œuvres de Jules Verne, une de ses plus audacieuses anticipations.

Ça commence avec une idée un peu folle ! Envoyer un boulet sur la lune quand même…! Mais j'ai adoré ! Je suis entrée tout de suite dedans ! J'ai eu plus de mal, peut-être, à bien m'immerger dans la partie autour de la lune parce qu'avec nos connaissances scientifiques actuelles on sait que ce n'est pas trop possible de procéder comme ça pour aller sur la lune, donc c'était un petit peu plus dur. En revanche, j'ai adoré la fin !

C'est souvent drôle, surtout grâce au personnage de Michel Ardan (qui, ma foi, a finalement bien fait d'emporter avec lui des jeux de société !), qui ne comprend rien aux maths (un peu comme moi) et se retrouve enfermé dans un boulet avec deux scientifiques pour qui l'algèbre se lit comme le journal !

J'ai pas tout compris aux questions scientifiques (que voulez-vous, je suis une L, on n'ce refait pas), mais ce que j'ai compris m'a intéressée ; c'est toujours bien écrit et agréable à lire. C'est chouette !

Par contre, je veux pas critiquer Jules Verne, mais il a oublié un truc dans la super organisation de sa capsule : des toilettes. Je sais bien que, dans les romans, on évite de parler de ce genre de choses triviales, mais là les mecs ils partent pour plusieurs jours dans l'espace, dans une petite boîte en aluminium, et y en a pas un qui se demande comment on va évacuer les déchets ? Je veux bien qu'on ouvre une porte pour larguer les trucs inutiles, mais je ne les imagine pas accroupis devant ladite porte, m'voyez. Et comme je suis plutôt stressée pour ce genre de questions, le fait de ne pas avoir de réponse m'a perturbée x)

Le Fort intérieur et la sorcière de l'île Moufle
– Stella Benson

Le regard sans cesse accroché au ciel constellé de bombes allemandes, Sarah Brown n’a pour toute richesse que sa valise, baptisée Humphrey, de bonnes intentions et une bienveillante inefficacité… Mais lorsqu’elle croise la route du fidèle Harold, un balai égaré par une sorcière londonienne, c’est pourtant bien à elle qu’il incombe de le restituer à sa propriétaire. Avec son chien David, Miss Brown découvre alors l’île Moufle, nichée entre la Forêt Enchantée et la Commune de la Faërie, où se dresse une petite maison curieusement nommée « le Fort Intérieur »…

J'ai beaucoup aimé, même si je ne suis pas sûre d'avoir saisi entièrement la conclusion. Peut-être un truc tout bête : on peut être bien en vivant seul. Ou peut-être que j'extrapole pour que ça colle à mes préoccupations actuelles. Quoi qu'il en soit, c'était une lecture très sympa !

J'avais découvert les éditions Callidor lors d'une vente de livres d'une bibliothèques de ma ville, où j'avais trouvé Lud-en-Brume sur un rayonnage. Comme j'avis beaucoup aimé, j'étais allée voir ce que les éditions avaient publié d'autres. Dès que j'ai mis le nez sur le résumé du Fort intérieur, j'ai su que ça allait me plaire !

C'est parfaitement farfelu ! Les personnages sont tous un peu archétypaux et frappadingues, déconnectés, mais les magiciens sont pires que les autres ! Ils sont parfaitement inaptes à vivre en société, un peu à l'Ouest, et en même temps ils donnent parfois l'impression de comprendre plus de choses qu'ils n'en ont l'air. L'écriture sert parfaitement ce côté décalé, de part les comparaisons, par exemple.

L'intrigue est assez diffuse, et même si Stella Benson décrit parfois les sons, j'avais du mal à les "entendre", un peu de manière étouffée et, ajouté aux scènes farfelues, ça donne un peu l'impression d'être dans un rêve, où on sauterait d'une action à une autre de manière à la fois étrange et étrangement logique. La fin est rapide, mais pas précipitée.

Je me suis parfois retrouvée dans les caractéristiques des êtres magiques. De là à penser que je suis une sorcière, il n'y a qu'un pas ;) (ou alors c'est que je suis moi-même parfaitement farfelue, ce qui fort possible !)

Le Cloître des vanités
– Manon Ségur


1231, Occitanie…

Cela fait plus de mille ans que le cloître des vanités attire des âmes gangrenées par le désir et le désespoir. Sernin le bâtisseur, démon à la fois cruel et raffiné, règne en maître dans cette cour ensorcelée. Il a façonné Albeyrac, la fière cité Languedocienne entourant son piège et goûte à présent une retraite bien méritée mêlée de torture, de meurtres et de dégustation de souvenirs volés...Hélas, l’arrivée d’un groupe de prêcheurs Albigeois va tout changer à proximité de son garde-manger. Les Parfaits et Parfaites de la secte cathare risquent de lui saccager son arme favorite par leur foi. Les pouvoirs du démon s’affaiblissent à leur approche, l’empêchant de se débarrasser d’eux par voie directe. Pour ne rien arranger, une des croyantes commence à attirer son attention d’une manière encore inédite, étrangement douloureuse…

Ce roman, je voulais le lire alors qu'il n'avait même pas encore trouvé d'éditeur, c'est vous dire si j'étais contente quand je suis allée retirer ma commande à la librairie ! Il est plus court que ce que je pensais – 250 pages –, du coup, comme je l'ai attaqué une après-midi, je pensais pouvoir le finir le lendemain (je suis une lectrice assez lente). Bon. En vrai, je n'ai pas pu décrocher et j'ai poussé jusqu'à minuit passée pour le finir ! x') C'est une sensation très étrange, d'ailleurs, car ce n'a pas été un empressement passionné à tourner les pages ; c'était un sentiment plus diffus, moins palpable, mais je tournais quand même les pages et, au moment de me coucher je n'ai pas pu le remettre au lendemain : j'ai été hypnotisée. Cependant, il y a quand même des petits bémols, donc on va commencer par-là, comme ça, ce sera fait et on pourra se lancer dans les choses sérieuses ;)

La plume a quelque chose de simple et en même temps je lui ai trouvé un certain mordant qui colle parfaitement à l'histoire ! Seulement, j'ai eu un peu de mal à imaginer parfois les scènes d'action (l'épisode du lustre dans la chapelle de Sernin, et quand l'une de ses proies le met à mal dans son garde-manger, par exemple). Parfois, les pronoms "elle" ou "il" ne trouvaient pas tout de suite à qui se rattacher et je devais lire la phrase plusieurs fois pour comprendre (en même temps, lire après 20h quand j'ai plus les yeux en face des trous n'a pas dû aider). Ou, à d'autres moments, quelque chose n'était pas précisé du coup j'avais du mal à imaginer la scène et je découvrais deux ou trois pages plus loin qu'en fait la petite fille était sur le dos de Sernin, par exemple. J'ai été un peu perturbée, aussi, par le fait que, dans la description des mouvements, la main utilisée, gauche ou droite, était toujours précisée ; parfois, la scène venait naturellement, et parfois je devais réfléchir à quelle main je devais faire lever dans mon esprit. Assez régulièrement, on lit des choses comme "Untel avait raison quand il avait dit que", sans que je parvienne à me souvenir de la conversation, un peu comme si Sernin et moi n'avions pas assisté à la même interaction, c'était un sentiment un peu étrange.

C'est un roman un peu féministe aux entournures, c'était moins violent que chez Adrien Tomas, ça m'a rarement donné l'impression que l'on s'adressait à moi, et ça m'a donc moins dérangée. J'ai mis assez longtemps à réaliser qu'un aspect de l'écriture inclusive était utilisé : le fait de préciser à chaque fois qu'il y a des hommes et des femmes (toutes et tous, Parfaits et Parfaites). Une fois que je m'en suis rendue compte, ça avait tendance à me déconcentrer un peu à chaque fois. Je ne pense pas que ce soit qu'une question d'habitude, plus que j'imaginais déjà des hommes et des femmes, du coup la précision avait peut-être quelque chose de redondant pour mon esprit ("une pierre, c'est gris par défaut", ai-je lu dans un fil de la Communauté Auteur sur Twitter, et il y a un peu de ça) (maintenant, je sais qu'il y a des vrais enjeux de représentations, etc. et j'en ferais peut-être un article bientôt). Ceci dit, ça reste très peu répandu, donc la plume n'est pas alourdie.

À part ces détails (parce que même si la liste peut paraître impressionnante, ça reste des détails !!), j'ai beaucoup aimé ! Je n'ai jamais lu de roman gothique, donc je ne peux pas dire si les codes sont respectés, détournés, ou entre les deux. Je peux juste dire que j'ai apprécié ma lecture. Les personnages sont tout en nuances et j'ai absolument adoré Sernin ! Finalement, pas si méchant démon, qui découvre ce qu'est être humain, l'amitié et l'amour. C'est d'ailleurs un livre sur l'amour plus que sur la recherche de soi, autour de Sernin, mais aussi autour de Hermine. J'ai pas mal pleuré (est-ce qu'on pourrait arrêter de me faire lire des trucs qui font pleurer, siouplaît ? :P), mais ça finit plutôt bien, en fin de compte, donc je n'étais pas totalement au bout du rouleau en refermant le livre ! ;) (Mais ça a dû toucher des cordes en moi parce que je n'ai pas pu m'endormir avant 3h du matin…) 

Les personnages étaient tous un peu attachants à leur manière. Leur évolution est très bien amenée, dans le bon rythme, surtout pour Sernin, ni trop rapide ou trop brusque (et pourtant l'histoire se déroule sur une semaine), ni trop lente et toujours bien dosée !

Dans le déroulé de l'histoire, il y a un petit quelque chose de La Belle et la Bête, un peu détourné ou disons exploré différemment et c'est une chose plutôt sympa à constater ! D'ailleurs, la "morale", si l'on peut l'appeler comme ça, tient un peu du conte, elle aussi.

C'est un petit roman très sympa, que je n'aurais sans doute jamais lu si je n'avais pas été membre d'un forum d'écrivains, donc d'autant plus jolie découverte qu'elle me serait passée entre les doigts en d'autres circonstances !

En revanche, dans l'édition elle-même, quelques coquilles typographiques. Et j'ai eu un peu de mal avec les décors en bas de page, qui ont tendance à alourdir la page, je trouve.

C'est tout :) Si vous aimez les histoires qui finissent bien, un peu sombres, mais pas pesantes, avec de super personnages et une plume agréable vous pouvez y aller ! :) (Je vous encourage à y aller :P)

mercredi 9 juin 2021

Surmonter la peur de conduire

Source – Kelly Lacy
Sur YouTube je suis quelques personnes qui proposent des méditations et des hypnoses. Un jour, l'une d'elle à fait une hypnose sur l'amaxophobie, la peur de conduire, et je me suis dit que de toute évidence j'étais un peu concernée. J'ai écouté l'hypnose, et à un moment je me suis retrouvée au bord des larmes. (Oui, je suis un être sensible, c'est de pire en pire, va vraiment falloir faire quelque chose de toute urgence avant que je me transforme en chouineuse.) Quand je pense à la conduite, je ne fais de crise de panique, ce n'est pas aussi violent que ça, mais je me sens… je ne sais pas trop, "vaseuse" ne serait pas vraiment le bon terme, mais disons un peu stressée, pas sûre de moi, parce que je ne comprends rien.

Je ne comprends rien à la mécanique, je ne comprend rien à l'espace autour de moi (si ça passe ou pas, si les roues arrière vont suivre, si je suis bien placée ou si je vais me prendre les voitures de la file d'à côté…). J'ai aussi quelques problèmes de coordination, donc parfois je frêne en même temps que j'appuie sur l'embrayage, mais je ne m'en rends pas compte. Comme je suis stressée, et qu'il y a beaucoup trop d'informations à regarder pour mon petit cerveau et de trucs à faire (déjà, gérer le passage des vitesses, la coordination avec les pédales, ça a pris trois plombes, mais en plus s'il faut regarder dans les rétroviseurs, surveiller les autres véhicules…!), je me précipite, je panique, je ne sais pas où regarder, donc je panique encore plus. J'ai aussi énormément de mal à me concentrer.

Des fois, je me prends à conduire un peu en "automatique", détachée, comme si le pare-brise était un écran projetant un jeu vidéo. En fait, je crois que j'en avais déjà parlé sur le blog, mais j'ai une petite roue de hamster dans la tête, qui tourne tout le temps, tout le temps, tout le temps. Ce qui me fait mes problèmes de sommeil. Ce qui me fait aussi que parfois, quand je conduis, j'ai la sensation que mon cerveau réfléchis à des tas d'autres trucs en arrière-plan, mais pas à la conduite. Quand c'est pas encore trop marqué, et que j'ai le temps, j'essayais de me répéter un petit mantra (que j'ai à moitié oublié, maintenant) trouvé dans le Traité des Cinq roues de Musashi, et de me recentrer sur mes cinq sens. Mais quand je suis trop paniquée, je ne pense même pas à faire ça (c'est con, c'est au moment où j'en ai le plus besoin).

Il y a quelques temps, j'ai eu mon permis. Donc j'ai commencé à conduire avec ma sœur à côté, sauf qu'elle est très stressante. Donc, j'ai commencé à conduire avec mon père. C'est un peu mieux, mais comme il a pas les pédales, ça me stresse, ses remarques me stressent (même s'il est patient et tout), et comme j'ai déjà du mal à me concentrer, c'est encore pire. Du coup, la dernière fois que j'ai conduis avec lui, j'ai fait n'importe quoi, et en me garant entre deux voitures je m'en suis pris une. Le pire c'est que, en regardant toutes les places vides au fond du parking avant de commencer la manœuvre, dans mon préconscient une petite voix m'a soufflé que me garer là-bas serait mieux. Puis après je me suis dit "nan, c'est bon, ça va le faire". Moralité : quand je n'écoute pas mon instinct tout tourne toujours mal. Je le sais depuis des années et j'arrive quand même encore à me faire avoir. Grande championne. Bref. 

C'est à ce moment-là que j'ai commencé à reprendre des heures de perfectionnement. La dame est très gentille, elle me donne des repères mieux que mes anciens moniteurs pour que je puisse bien me garer, bien savoir si ça passe, et tout. Sauf que, quand je panique, je panique : donc je ne sais plus où regarder, et je fais tout vite comme si une partie de moi voulait prouver que je sais conduire (alors que je ne sais pas conduire, donc je devrais m'arrêter régulièrement, dans une manœuvre par exemple, pour bien tout vérifier de partout). Ça s'est encore vérifié à mon heure de conduite ce matin. Faut dire aussi qu'avec seulement trois heures de sommeil, c'est un peu plus compliqué que d'habitude de ne pas faire n'importe quoi. Je pense que j'ai un peu énervé la monitrice, la pauvre.

En fait, je suis désemparée.
Complètement perdue.

Le jour du permis, à la fin, quand je suis sortie de la voiture, j'étais certaine que je ne l'avais pas, parce que l'examinatrice m'avait fait des remarques, et aussi qu'au début elle voulait avancer l'examen, puis quand elle a vu que j'avais pas confiance elle l'a remis à l'heure normale. Si un examinateur sent que tu n'as pas confiance, je crois qu'il peut ne pas te donner le permis. Donc moi, j'étais sûre que je ne l'avais pas. Quand j'ai eu les résultats, et que je l'ai eu, ça avait un côté un peu irréel, comme s'ils s'étaient trompés de personne. Je crois que, malgré mon petit papier rose, je n'ai toujours pas intégré que j'ai le permis, ou alors je considère que je ne le mérite pas, que je l'ai eu dans un paquet de Miel Pops, et du coup ça ne m'aide pas vraiment à avoir confiance.

J'ai essayé de trouver des petites hypnoses ou des méditations. Ça m'aide sur le coup, mais c'est plus dur dans la longueur, surtout les jours où le moral est moins là (comme aujourd'hui…) parce que toutes mes peurs et mes insuffisances se mélangent. J'ai dormi 3h cette nuit, je suis claquée, mais je dois avoir cumulé seulement 1h de sieste sur mes deux tentatives. Sachant qu'un humain normal a besoin de de 7h, et que moi j'ai besoin de neuf. Et que je dois me lever demain pour aller à un entretien d'embauche (enfin, me lever… vu que je dors mal en ce moment, de toute façon…).

C'est à deux heures trente de ma ville. Je voulais prendre le train ; mon père a proposé de m'emmener. Du coup, c'est moi qui conduit sur une partie du retour. Génial. Ça me stresse encore plus. Va falloir que je négocie de conduire moins d'une heure. Surtout si j'ai pas rattrapé mon sommeil. J'ai déjà failli me prendre un muret de séparation des voies, une fois, juste parce qu'en regardant ailleurs j'avais tourné le volant sans m'en rendre compte. Donc si la fatigue se mêle à la partie, on va bien s'amuser.

Je ne sais plus trop par quel bout prendre le truc, en fait. Ma monitrice de perfectionnement est vraiment sympa, elle m'explique tout bien et elle me dit que c'est pas si pire que ce à quoi elle s'était attendue quand on lui avait présenté la situation ; mais en même temps des fois elle me reprend sur des trucs pour lesquels elle ne devrait pas avoir à le faire pour quelqu'un qui a déjà son permis. Moi, c'est ça que je regarde, pas les encouragements un peu creux qu'on me donne. Les hypnoses et méditations, je sens bien que ça me donne un coup de fouet, mais quand le moral est pas là…

Et puis, si je trouve une alternance, comme je serais journaliste, je devrais partir en reportage. Conduire. Toute seule. Rien que cette idée me stresse. Dans un monde de brute de gens qui s'impatientent et qui te klaxonnent. Et comme j'ai une manie à vouloir être trop honnête (on a les défauts de ses qualités), j'ai dit à une recruteuse que je prenais des heures de perfectionnements (alors qu'en plus c'était même pas le sujet : elle me demandait juste quand j'étais dispo). Et c'est en disant ce genre de choses que je pense pouvoir obtenir le poste. Tout va bien. En même temps, vu le score que j'ai fait à un test de psychologie sur l'estime de soi…

Je suis perdue complet.
Faut dire aussi que conduire ne m'a jamais intéressée. Pour passer le code j'avais déjà dû agir sur ma façon de voir les choses (appraisal, "évaluation") en utilisant mes cours de psychologie du sport, pour monter ma motivation. Je n'aime pas conduire, ça me stresse, ça me fait peur. C'est simple, j'ai peur de tout : les routes à double-sens, les ronds-points, les camions, les bus, les gens, de rouler à plus de cinquante, de me prendre les voitures garées le long de la route… Je ne maîtrise pas la voiture, je ne comprends pas, c'est trop complexe, on dirait un cockpit de vaisseau spatial (Thomas Pesquet, si tu passes par-là, ne te moque pas trop, s'il te plaît xP).

Donc, j'en suis là. À me dire que je ne suis pas faite pour conduire et que je n'y arriverais jamais.

Et vous ? Aimez-vous conduire ?

mercredi 2 juin 2021

Démence

Source – Mariana Montrazi
C'est un article que je pense faire depuis longtemps, presque depuis l'ouverture du blog, même, je pense bien ; mais je l'ai toujours repoussé parce que ce n'était pas le bon moment ou que je ne savais pas comment m'y prendre. Peut-être que dans le fond ça me fait un peu peur – ce qui est très bête parce qu'au final il n'y a rien de fou, c'est juste une peur comme toutes les autres, toutes celles que j'ai abordées sur ce blog. Le fait est que, si j'ai du mal à prendre soin de mon corps (c'était une bonne résolution pour 2021, on est déjà à la moitié de l'année et je n'ai rien amélioré de concret en ce sens, d'ailleurs) et que me maltraiter ne me pose "pas trop de problèmes", c'est différent avec mon esprit. Je songe souvent que, quitte à choisir, en vieillissant, je préférerais ne plus pouvoir me lever de mon lit pourvu que j'aie encore toute ma tête pour raisonner. J'ai très peur de "perdre la boule".

Du coup, mes insomnies m'inquiètent, parce que le manque de sommeil cause des dommages au cerveau. Donc, quand je dors vraiment très peu, je prends peur et je dors encore moins parce que je me dis "oh lala, je fais des dommages à mon cerveau, qu'est-ce que je vais faire, je suis vraiment nulle" (quoique ce n'est pas arrivé depuis longtemps). Dans un autre genre, avant, de me retenais d'éternuer, pour ne pas faire trop bruit, déranger les autres, me faire remarquer, etc. Puis c'est devenu un automatisme, et j'ai fait ça pendant des années. Vous ne m'entendiez jamais faire "atchoum". Un jour, je crois que je suis tombée sur l'interview d'un monsieur dont j'ai oublié le nom et la qualité, mais je crois que c'était un numéro de C à dire sur France 5. Il parlait d'Alzheimer et j'ai appris que, se retenir d'éternuer fait exploser des vaisseaux dans le cerveau, parce qu'il faut bien évacuer la pression quelque part, et que si elle ne peut pas sortir, elle explose à l'intérieur. Du coup, ça peut favoriser Alzheimer. Oups. Depuis ce jour ne me suis plus jamais retenue d'éternuer. D'autant plus qu'il y a Alzheimer dans ma famille du côté de mon père, donc j'aimerais bien que ça ne soit pas pour ma pomme.

Mais la démence, la sénilité, c'est aussi l'état psychologique. Je vous avais déjà parlé du fait que je ressemble à mon père, et que j'ai tendance à m'énerver comme lui. Voyez-vous, son comportement empire. Il se victimise de plus en plus, passe son temps à nous reprocher des choses qu'il fait lui-même, mais nous ne pouvons rien lui reprocher du tout, il s'énerve pour un rien… Dans son blog La Parenthèse psy, Line Mourey avait parlé de l'affirmation de soi et du fait que, quand ce n'était pas équilibré, ça pouvait partir dans la colère. C'est ce qui arrive, je pense. Ça aussi, ça pourrait être pour ma pomme. J'aimerais autant pas, raison pour laquelle j'ai prévu d'aller voir un psy, j'ai même commencé à faire des repérages sur internet, pour regarder les psy dans mes potentielles villes d'alternance. Je sais que j'en ai besoin, pour ça et tout ce dont je peux parler sur ce blog.

Je me demande aussi si mon insécurité intérieure ne me joue pas des tours, alliée avec la fatigue. Il y a quelques temps, un soir, je lisais dans mon lit et tout à coup je vois une coccinelle. Je me suis sérieusement demandé si ce n'était pas une hallucination. Je l'ai mise dehors, avec toujours ce doute, et elle n'est pas partie, elle est restée sur le volet. Je l'ai même re-regardée en me disant "si elle est toujours là, ce n'est pas une hallucination". Elle était toujours là. Mais mon doute aussi. Si ça ne vous est jamais arrivé je peux vous dire que c'est une sensation super déroutante. Un peu comme dans les films, quand le réalisateur fait en sorte qu'on ne sache pas si une chose est vraie ou pas. À un moment, je me suis aussi convaincue que les odeurs de crack qui entraient dans ma chambre (les voisins fument…), comme je les sentais encore en fermant la fenêtre, étaient des hallucinations olfactives parce que j'étais stressée ou "pas bien". Je ne sais même pas si c'est possible, les hallucinations olfactives ! (Bon, je vous rassure, ma sœur sentait aussi, donc c'était vrai.)

Je songe aussi souvent que, si jamais un jour on m'annonce que j'ai Alzheimer, et qu'à ce moment-là la médecine n'est toujours pas capable de le guérir, j'opterais pour le suicide. Parce que je refuse vraiment de perdre la boule. Plus probablement je demanderais un petit coup de main à quelqu'un, parce que je manque du courage nécessaire pour le faire moi-même (je sais qu'il ne faut pas dire que le suicide est un acte de courage, parce que ça peut encourager les personnes sensibles qui hésitent, mais je ne suis pas journaliste, je suis sur mon blog et je dis mes ressentis tels qu'ils sont ; si quelqu'un lit ces lignes et souhaite mettre fin à ses jours : appelez l'un des numéros des lignes d'écoute !). Il faudrait encore que je trouve quelqu'un en qui j'ai assez confiance, et pour qui ça ne serait pas trop dur. Mais j'espère bien que j'aurais ce genre de personne sous la main dans quelques décennies si jamais le cas devait se présenter !

Ce que je dis peut paraître hyper violent, mais franchement, mourir à petit feu en ne me souvenant de rien ni personne, ne plus être capable d'écrire des romans, faire souffrir tout le monde et ne même plus comprendre le monde qui m'entoure, soyons sérieux, qui voudrait de ça ?

Donc, voilà, j'ai peur de devenir un peu folle. Je crois bien que j'ai davantage peur de devenir folle que peur de mourir. Après tout, ça, on va tous y passer. Mais j'aimerais bien y passer avec toute ma tête. Du coup, quand je ressors un jeu de Memory, et que je ne suis plus aussi bonne que quand j'étais enfant, ça me fait peur aussi (et écrire cet article me donne envie de finir le jeu que j'avais commencé à créer pendant le confinement).