dimanche 30 octobre 2022

Ça va et autres nouvelles

Source – Melanie Wupperman

Vous allez vous dire que c'est une personne différente qui écrit cet article par rapport au précédent. Mais en fait, ça va. C'est grâce à un manga dont on m'a parlé, Haikyuu. C'est un shônen sur le volley, après avoir fini les quatre-vingt-cinq épisodes, j'ai enchaîné sur les tomes qui n'ont pas encore été adaptés, et depuis, ça va. Je ne sais pas trop pourquoi, parce que des shônen j'en ai lu et regardé un certain nombre, et ça ne m'a jamais fait ça. Mais là, ça va. Mes fantasmes m'envahissent, me submergent moins ; je m'y réfugie moins à chaque émotion négative, je ne m'y noie plus. J'ai l'impression d'avoir l'esprit plus souple, moins rigide, moins fixe. Je dors mieux, globalement. Je ne sais pas ce sur quoi ce manga a tiré, comme cordes, mais ça fonctionne super bien. Ça fait presque un mois que ça dure. Mes pensées accrochées qui m'empêchaient de réfléchir sur le roman me laissent tranquilles, j'ai pu avoir accès au roman, dans ma tête. Ça va. Même si je constate déjà de petits retours en arrière, l'incursion des fantasmes, de nouveau, ça fait un mois que, globalement, ça va mieux, bien. C'est un sentiment un peu bizarre, d'ailleurs. Et j'ai très peur que ça s'arrête, que plus le temps va passer, plus le manga sera un souvenir, et plus le chemin parcouru par la force des choses me ramènera en arrière. Et fatalement, plus j'ai peur plus j'angoisse, et plus j'angoisse, plus y a des chances que je revienne en arrière.

Je crois que je me suis fait flashée. Avant, j'aurais annulé mes vacances pour payer (financièrement et moralement) : j'y ai pensé, mais je ne l'ai pas fait. Donc je pars en vacances. Je vais voir la mer et les mouettes. Peut-être que je mettrais une ou deux photos sur Instagram même si j'ai supprimé toutes celles que j'ai publiées depuis l'ouverture. Peut-être que je vais renouer avec – ou plutôt découvrir – une sorte de spontanéité que je n'ai pour l'instant qu'avec une ou deux personnes, sans même savoir si recevoir des messages sur tout ce qui m'arrive quasiment en temps réel les saoule ou pas. Des fois, je me dis que je dois les saouler, ou que c'est mal de les utiliser juste pour décharger quelque chose, ou partager quelque chose. La psy dit qu'on a le droit d'avoir des émotions positive, et le droit de dire qu'on a des émotions positives. C'est marrant parce que, au collège et au lycée aussi, je crois, je me répétais souvent que dire quand on était joyeux c'était ridicule, que ça faisait genre : "je me la pète", qu'on s'en fichait.

Je vais voir la mer, parce que j'aime la mer. Je crois que mon écosystème préféré reste la forêt ; la mer, c'est un peu hors catégorie. C'est pour se ressourcer. C'est tous les possibles, c'est calme et fort. J'adore le bruit. Donc, je vais voir la mer. Je vais me balader dans les parcs. Je ne pense pas prendre mon ordinateur, même si la partie angoissée de moi craint un cambriolage. J'aimerais couper. Couper parce que je viens de passer quatre mois intensifs sur le roman, et aussi couper pour savoir si après, quand je reviendrai, l'effet manga sera toujours là. Je n'ai pas vraiment tout regardé. Je n'ai pas vu les films ni les épisodes hors série. Pour l'instant, je les garde pour les jours où je n'irai pas bien.

C'est assez perturbant de me sentir bien parce que c'est un sentiment parfaitement nouveau qui me fait réaliser à quel point avant, même quand je me croyais bien, j'étais juste moins mal ; qui me fait réaliser comme mon esprit est arcbouté toujours sur les mêmes choses, rigide. Qui me fait comprendre l'esprit ample de Musashi.


« Votre esprit doit être ample et déterminé, sans tension ni désinvolture excessives. Il doit rester centré et se mouvoir rapidement, librement, sans jamais s'arrêter, afin de ne pas rester figé lorsque la situation change. » – Miyamoto Musashi, Le Traité des Cinq Roues, traduction en français : Laurence Seguin, Synchroniques éditions, 2019.


Je le comprends mais surtout je le ressens. Ou plutôt je le ressentais vraiment quand j'étais en plein visionnage ; maintenant, c'est un peu estompé, déjà. Mais je sais vers quoi je dois tendre, à quoi je peux prétendre, en terme de bien-être mental, et c'est assez étrange, comme sentiment. Alors j'espère que ça va durer !

Je suis tellement bien que j'ai fini Roman 3 comme une fusée, en claquant des journées à presque 6 000 mots. Si ça pouvait être ça tout le temps, ça me simplifierait beaucoup la vie haha !

D'un autre côté, je me craque beaucoup les doigts, en ce moment, donc je me demande si ça va vraiment mieux que ça. Incapable de dire si je ma craquais les doigts quand le bingewatchais l'anime. Et en plus, j'ai perdu mon fidget cube…

En ce moment, j'essaye de lutter contre ma propension à ne pas ranger. À empiler les briques de lait et autres emballages sur le bord de la fenêtre de la cuisine, à ne pas nettoyer la cuisine après avoir mis de la farine partout (elle peut rester là, sur le plan de travail, deux semaines), à laisser mes pelotes de cheveux traîner sur le bord de la baignoire. Ce n'est pas que j'ai la flemme, c'est que, sur le coup, ça me paraît insurmontable, chronophage, empiéter sur mes autres activités (oui, on parle juste d'un coup d'éponge). Je le vois comme un environnement. Mon environnement est comme ça, alors je fais avec les miettes et les coques de noix sur la table comme je ferais avec une souche tombée en travers d'un chemin forestier ou un bosquet de ronces. On ne se promène pas en forêt avec une tronçonneuse. Ensuite, une fois qu'une mouche m'a piquée et que j'ai rangé, je réalise que le bordel qui frise de Hauru du Château dans le ciel m'oppressait, mais, sur le moment, je ne me rends pas compte que je suis oppressée. Un peu comme quand un bruit de fond s'éteint soudain et que ça va mieux. Donc, j'essaye de prendre un peu le taureau par les cornes. On verra.

Pour le moment, ça va.

Mais je vais quand même quitter mon travail.

Si j'y arrive. C'est pas parce que ça va que tout à coup je me prends pour une super-héroïne et que je ne vois plus toutes les barrières. Les probabilités ne sont pas trop de mon côté. Mais le fait que ça aille me permet aussi de voir que, si ce poste ne me plaît pas, ce n'est pas juste parce que je ne vais pas bien : c'est parce qu'il ne me convient pas.

Comment allez-vous ?

dimanche 2 octobre 2022

Coûts irrécupérables

Source – Rakicevic Nenad
Une amie m'a fait réaliser que j'étais tombée là-dedans. Je ne connaissais pas ce concept, mais elle avait raison. En fait, les coûts irrécupérables, c'est quand on se force à faire quelque chose qui ne nous plaît pas parce qu'on y a investit (par exemple, terminer de voir un film parce qu'on a dépensé de l'argent pour l'acheter).

Quand j'ai postulé à mon emploi actuel, je me disais que j'y resterai maximum cinq ans avant de revenir à un endroit où je pourrais faire plus de reportages, mais aussi me rapprocher de la mer (les goélands, ça manque !). Au bout du premier mois, j'étais tombée à trois ans. Au bout même des quinze premiers jours, d'ailleurs, je crois, dans mon souvenir. Finalement, le poste ne correspondait pas trop à la fiche ou en tout cas pas dès le début (quand dans l'annonce on te parle de faire des ateliers avec les jeunes (c'est le cas maintenant) et des prises de sons extérieures mais que dès le début le chef dit qu'on n'a pas le temps). Et puis aussi il y a ce moment où, disant que je n'ai aucune culture musicale, le chef me dit que si j'avais dit ça à l'entretien, je n'aurais pas eu le poste (en même temps, l'avait qu'à l'écrire dans l'annonce ! j'ai pas postulé aux endroits où ils écrivaient "bonne culture musicale exigée", "culture musicale serait un plus", etc.). Ça m'a un peu plombée. Aujourd'hui, je n'arrive pas à me concentrer sur le positif. Je trouve l'émission que je fais vide d'intérêt, la plupart du temps, puisque je ne fais que des annonces d'événements. Je prends mon pied quand j'ai un invité pendant une heure sur un sujet sérieux. Mais c'est rare.

J'ai voulu faire comme Jacques Salomé conseille : me responsabiliser : voir ce que je pouvais faire avec les cartes que j'avais pour améliorer ma situation. J'ai émis l'idée de faire une deuxième émission, mensuelle, sur le thème des journées mondiales, pour traiter des sujets sérieux. J'ai lancé des invitations à des structures et des personnes, dans l'idée de préparer le calendrier à l'avance et d'avoir deux ou trois émissions d'avance. Une seule personne a répondu (la super sexologue !) : je n'ai pas pu faire cette nouvelle émission. Du coup, j'essaye d'injecter du sérieux dans mon émission quotidienne, mais ce n'est pas facile. Je n'aime pas ce que je fais. J'aime mon travail quand j'ai du son à monter, que je peux m'amuser à tailler dans le gras ce que les gens disent pour en tirer le plus important. Mais je fais ça rarement, parce que je manque de temps. Gérer les publications sur les réseaux sociaux, ça ne m'intéresse pas non plus.

Quand j'ai pris mon poste, le chef a dit que répondre aux messages sur Facebook et tout ça ne le dérangeait pas tant que le travail était fait. Et j'ai pensé très fort que c'était très con, que j'étais là pour travailler, pas pour parler avec des amies. L'été dernier, j'ai commencé pourtant à parler avec des amies, à me connecter sur le forum d'écriture… en fin d'année, tout le monde est en vacances, donc c'est plus difficile de trouver des intervenants dans les émissions, et au final il n'y a pas grand-chose à faire. Et puis comme je n'avais pas grand-chose à faire, je repoussais ce que j'avais à faire pour en garder pour le lendemain. Quand j'ai minimisé auprès de la psy en disant que c'était juste parce que j'avais envie des vacances et qu'il n'y avait pas beaucoup de travail, elle m'a dit : "vous êtes sûre ?". J'ai dit oui. Nous sommes en septembre, et je me connecte sur le forum, je me connecte sur Discord, je joue au Sutom bien avant la pause déjeuner… je perds du temps de travail par dizaines de minutes pour répondre à un seul message privé. Et je n'ai plus l'excuse des vacances. D'ailleurs, il faut que j'arrête ça parce que l'autre jour le chef m'a demandé ce que je faisais – ça faisait plusieurs fois en quelques jours que, passant derrière moi, il voyait la page marron sur l'écran – et j'ai dû répondre que je prenais cinq minutes pour répondre à un truc important sur un forum. Comme il a le sens politique, je pense qu'il a demandé comme ça juste pour me faire comprendre qu'il avait bien vu malgré mes tentatives de changer de fenêtre avant son passage, etc. Donc je vais devoir me calmer x)

Mais j'avais dit que je restais trois ans, donc je devais faire cette année et la suivante. C'est là que mon amie m'a parlé des coûts irrécupérables, et que rien ne m'oblige à rester trois ans. C'est vrai. Et c'est intéressant d'ailleurs parce qu'à l'origine c'était "maximum trois ans" et au final mon esprit a dérivé sur "je dois rester trois ans" pour : faire de l'expérience, mettre de l'argent de côté pour le déménagement, espérer améliorer mes compétences (genre, je sais même pas poser ma voix). Mais le coût est trop important. Et, en fait, je suis vraiment soulagée et plus calme depuis que j'ai décidé que mon amie a raison, et de chercher du travail au printemps (le moment où les offres sont publiées dans mon domaine).

C'est bête parce que j'ai toujours pensé que je pourrais avoir un travail dans lequel je suis bien et je trouvais dommage mon camarade de Master qui partait déjà du principe qu'il aurait un job juste pour l'alimentaire et s'épanouirait dans ses passe-temps, distractions, passions, etc. Nous passons tellement de temps au travail, que partir du principe que nous n'allons pas nous y plaire, je trouve ça horrible ! Et de fait, j'aime travailler et avoir un chouette travail c'est chouette. Mon stage de M1 s'est bien passé, j'adorais aller travailler malgré les heures de trajets quotidiens, la fatigue chronique encore pire que d'habitude… Mon Service Civique aussi, j'ai aimé ! Les gens étaient sympa, l'émission que je faisais intéressante, j'apprenais plein de trucs. J'aimerais retrouver ça.

La région ne me plaît pas non plus. C'est vrai que les paysages sont jolis, mais bon, la France, c'est beau partout. Moi, j'aime la mer. Entendre les goélands piaffer à trois heures du matin en été, ça me manque. Et les voir dans le ciel, trancher l'air comme des lames, aussi. Puis, j'aime pas les gens. Partout où je suis allée, on vous demande : "tu viens d'où ?" – tout en s'attendant à peu près, réponse habituelle peut-être, à ce que vous donniez le nom du patelin du coin, mais au moins la question est ouverte – ; ici, on vous demande : "tu viens d'ici, du coup ?". Non. Non, je ne viens pas d'ici. Et je t'*mm*rd*. Je ne trouve pas les gens particulièrement sympa. Donc j'aimerais partir. L'herbe est toujours plus verte ailleurs, comme on dit. (Et donc j'ai peur que, partant, je me retrouve dans une région que j'aime pas non plus.)

Le chef, au début, quand je doutais, disait que j'étais la bonne personne pour le poste. Peut-être que je suis la bonne personne pour le poste, mais l'inverse n'est pas vrai : ce n'est pas le poste fait pour moi. J'aimerais faire plus de journalisme que d'animation, plus de montage, et aller au fond des choses.

Je vais partir. Enfin, "je vais"... C'est un grand mot. Je vais essayer. Étant donné le calendrier de recrutement et mon préavis de trois mois, je dois trouver avant fin-mai. Les offres sont publiées fin-mars, au plus tôt. Sachant qu'il me manque des compétences de bases qui vont forcément s'entendre dans la maquette, et que les patrons prêts à vous former ne courent pas les rues ; sachant que je ne suis pas aussi mobile qu'il y a deux ans pour passer des entretiens d'embauche en présentiel à l'autre bout de la France ; je ne donne pas cher de ma peau. À mon avis, je serais toujours là dans huit ans, incompétente et aigrie. Ou je me serais peut-être flinguée avant. Mais je vais essayer. Des candidatures spontanées et des réponses à des offres. J'aimerais une RCF, pour rester dans l'associatif tout en faisant du journalisme (alors que je suis agnostique, c'est quand même cocasse haha). J'aimerais près de la mer, mais pas trop dans le Sud. (Oui, parce qu'en plus j'ai une liste de critère longue comme celle d'un candidat à Recherche appartement ou maison, m'voyez.)

Avant, je regardais les annonces d'appartements à louer à l'autre bout de la France juste pour rêver, soulager ma frustration, maintenant je regarde pour voir comment je m'en sortirais dans une ville plus grande, donc plus chère, avec globalement le même salaire. Je vais devoir passer d'un trois-pièces à un deux-pièces, je pense, mais ça ne pose pas de problèmes !

J'aimerais partir.