vendredi 29 janvier 2021

Journal d'écriture, mois 11

Source – Dzenina Lukac

Le mois dernier je vous avais dit qu'il ne me restait qu'une relecture avant d'envoyer à mes bêta-lecteurs. Haha... C'était sans compter les imprévus. Arrivée à quelques chapitres de la fin (et donc à la fin de mon programme de corrections), je me rends enfin compte de ce qui coince dans le problème de rythme que j'avais soulevé : les phrases en "qui". "Truc bidule qui cela... puis qui cela... et qui cela...". Pour le rythme, c'est l'Enfer ! Si vous me suivez sur Twitter vous avez peut-être dû voir que j'en avais 1 376 en 158 000 mots de manuscrit soit cinq par page ! Grosse cata ! Et ça, c'est sans compter les "qu'il" et "qu'elle", et toutes leurs déclinaisons. Au final, j'en ai retiré presque 750. Ça m'a pris deux jours. Merci la fonction "rechercher" de Word !

À la suite de quoi je me suis dit que quand même relire vraiment en entier depuis le début ne pourrait pas me faire de mal. Tu m'étonnes ! Je me suis quand même rendue compte que j'avais un problème de chronologie dans mes chapitres et que je devais en couper un pour passer la première partie avant le chapitre précédant... Et ça alors que j'étais à ma cinquième relecture... J'arrive moi-même pas à croire que je suis à cinq relectures. Ça passe tellement vite que je ne m'en suis pas rendue compte ! Un peu comme quand je calcule depuis quand j'ai quitté le lycée et que je me rends compte que ça fait déjà sept ans ! Mais je suis bien à cinq relectures : j'ai relu une fois pour faire le diagnostique, puis ensuite pour corriger les fautes que j'avais relevées, puis j'ai tout relu d'un coup pour plus me concentrer sur la forme, puis j'ai fait un balayage pour retirer mes "qui", et maintenant j'en suis là. Et je trouve encore des fautes, des paragraphes mal placés voire des trucs que je dois totalement reconstruire ! Moi qui n'étais dit que je ne relirais pas douze fois non plus, je me rends compte qu'en fait ça va hyper vite ! Sachant que derrière j'en aurais encore une en retour de bêta-lecture.

D'ailleurs, c'est ce qui me fait le plus peur actuellement. Car même si j'améliore ma plume en relisant (aussi en revenant sur des corrections antérieures, l'emploi d'expressions qui ne sonnent pas bien dans ma voix, etc.), je commence de plus en plus à me dire que je ne suis pas au niveau, que je vais faire perdre du temps à tout le monde... d'autant que j'ai fait perdre du temps à mes interviewés durant un reportage puisque je suis revenue avec du son saturé et que je vais sans doute devoir recommencer l'interview. Certes, ça n'a rien à voir, mais ça ne me rassure pas vraiment sur mon sentiment de compétence et ma capacité à ne pas faire perdre du temps aux autres. Perdre du temps à cause de moi-même ne me dérange pas, faire perdre du temps aux autres me hérisse le poil. Or, je vais avoir quatre bêta-lecteurs et une amie qui lit par curiosité et se transformera en bêta-lectrice si elle se sent. Si mon roman est tout nul je vais donc faire perdre du temps à cinq personnes. Beaucoup de temps.

Le manuscrit est presque à 159 000 mots (si vous me suivez depuis le début de cette aventure, vous savez que j'étais super frustrée de ne pas avoir atteint les 150 000 en premier jet comme j'étais vraiment, vraiment pas loin !) ce qui fait, pour un livre fini vendu en librairie l'équivalent de 530 pages à raison de 300 mots par page. Sachant que de mon côté je lis trente pages par heure, il y en a pour dix-sept heures de lecture. Sachant que tout le monde ne lit pas au même rythme, qu'on lit plus lentement sur écran que sur papier, et qu'un bêta-lecteur ne lit pas un manuscrit comme un lecteur lit un roman, je vais faire perdre vraiment beaucoup, beaucoup de temps à mes bêta-lecteurs si finalement tout ça n'en vaut pas la peine. Je dois dire que ça me bouffe, quand même. Je ne sais pas si c'est à cause de mon déficit d'affirmation de soi, de confiance en soi, ou juste une grande lucidité à l'égard de la qualité de ce que j'ai écrit (on a déjà parlé de cette tendance à ne voir que sous le prisme de ce qui ne va pas) mais c'est problématique...

J'ai super peur que mes bêta-lecteurs me disent que c'est trop nul, que le problème de rythme que je subodore (j'avais envie de caser ce mot, je cherche à le caser dans le roman (oui, je commence à m'amuser à essayer de caser des mots, comme si c'était le moment ! (mais j'ai réussi à caser "sabouler", vous savez :P))) est effectif est abyssal, que les personnages ne vont pas, que la fin tombe comme un cheveu sur la soupe... Mon épilogue est trop ouvert pour un one-shot, je pense que je devrais le remanier. Ma plus grande peur étant que mes bêta-lecteurs me disent qu'ils n'ont pas fini le manuscrit tellement ça leur tombe des mains. Ou qu'ils se sont forcés à finir pour ne pas rompre l'engagement qu'ils avaient pris.

Du coup, j'essaye de ne pas y penser et de me concentrer sur ma dernière relecture. J'avance à à peu près huit pages par heure alors que mes autres relectures étaient plutôt à cinq. J'essaye de me dire que c'est parce que l'écriture s'est améliorée et que donc c'est plus facile à lire. On y croit !

Je pense que j'aurais fini au pire dimanche. Ce qui tombe très bien car ce sera le dernier jour de janvier et moi qui aime quand les périodes sont bien coupées et bien logiques je suis aux anges ! (Je ne supporterais pas de finir genre un mercredi 12 (le 15, passe encore, c'est le milieu du mois), par exemple (névroses, bonjour)).

Quand j'ai fait mes demandes à mes bêta-lecteurs j'avais dit mars. Du coup, je suis un peu en avance et j'aimerais beaucoup qu'ils soient dispo pour prendre le manuscrit en avance parce que ça me donnerait peut-être une chance de faire mes premiers envois en maison d'édition en mars, soit après un an de travail puis que j'ai commencé le premier jet début mars de l'année dernière ! (déjà ! huhu ToT)

Après ça, je pense que je me lancerais dans la préparation du deuxième. J'ai plus ou moins la carte de mon univers (qui est plus à titre indicatif/de travail que véritablement à prendre au pied de la lettre) mais il me manque les fiches de personnages (pour ce que je m'en sers...) et la chronologie (le morceau le plus dur). Je dois aussi avouer que même si j'ai les grandes lignes j'ai encore du mal à raisonner en terme de péripéties donc... il y a des trous dans ma tête et j'ai peur de pas réussir à les remplir pour faire un vrai roman qui tient debout. Je pense que je vais aussi chiper un truc à la méthode flocon : écrire un synopsis du point de vue de chaque personnage principal pour mieux faire sortir comment il vit la situation. D'un côté, je me dis aussi que si j'ai des trous dans la tête c'est parce que la pelle chargée de les boucher est occupée avec la cinquième relecture d'un certain manuscrit...

Sinon, ça n'a rien à voir, mais pour la première fois depuis que j'écris je pense être capable de terminer l'une des histoires "juste comme ça", commencée juste comme exutoire et remplies de mièvreries romantiques x) J'admets que ça me rendrait trop fière ! J'en ai quand même commencé... au moins cinq ! En finir une me ferait plaisir !

Est-ce que ça vous intéresserait que je continue mes journaux d'écriture pour le deuxième roman ? (il est de toute façon fort à parier que je le fasse puisque ça m'aide à réfléchir, mais je serais contente de savoir si ça vous intéresse ou pas :P) (vous avez le droit de dire non).

Et vous ? Où en êtes-vous dans vos projets ?

mercredi 27 janvier 2021

Derrière l'écran, il y a des humains

Source – Anete Lusina

J'ai envie d'écrire ici sans trop savoir quoi raconter alors ça sent l'épanchement déprimant pour vous ou l'article bien décousu... je verrai ce que j'en ferais à la fin, de toute façon. Depuis quelques temps, je pensais écrire un article sur le lien social et j'avais commencé à me faire une petite bibliographie mais finalement j'ai mis les priorités sur d'autres choses et je n'ai pas vraiment avancé dans ce sens. Pourtant je trouve que c'est un sujet particulièrement intéressant surtout en ce moment.

D'une part évidemment parce qu'on est pris dans les questions sanitaires, mais aussi avec l'évolution (ou ce que je crois constater être une évolution) des relations sur les réseaux sociaux et du débat public. Il y a d'un côté le vrai lien social, le fait de voir ses amis ou ses proches d'une manière générale, de voir des gens en allant à la salle de sport, etc., mais aussi les interactions sur les réseaux. Parce que oui, ces interactions sont aussi une sorte de lien social. Je suis de plus en plus déprimée de constater que l'on ne se parle plus. On "aime".

Sauf qu'un "j'aime" peut vouloir dire tellement choses ! Il peut vouloir dire "je suis d'accord", ou "je n'y avais jamais pensé", ou bien encore "merci pour le fou rire !", "oooh trop mignon !", "j'adore ce que tu fais", ou tout simplement être un coup de pouce pour faire remonter la publication dans les fils d'actualité des autres internautes. Je trouve ça dommage de juste "aimer" quand on pourrait écrire ce que l'on pense à la personne ! Par exemple l'autre jour je me suis prise à "aimer" le tweet d'une personne qui disait qu'elle serait moins présente pour cause de déménagement, histoire de dire "on comprend, t'excuse pas". Puis je me suis dit que quand même dire quelque chose serait plus sympa. Plus humain. Alors j'ai écrit quelque chose. C'est tout bête, mais je pense que l'on a tendance à oublier que l'on ne parle pas à des ordinateurs et des algorithmes mais à des gens.

C'est difficile de dire quel impact ont eu les confinements et les mesures d'éloignement, mais je me demande si ça n'a pas exacerbé un processus déjà enclenché. Il y a quelques temps, j'ai discuté avec une lectrice par commentaires, on parlait de suivi psychologique, et elle me disait que "maintenant les séances peuvent aussi se faire via un écran, c'est plus pratique :)". De même, une copinaute sur Twitter  faisait une l'étude de marché pour son projet d'accompagnement et d'atelier d'écriture thérapeutique . J'y ai participé. Elle demandait dans son questionnaire si l'on préférait des séances en présentiel ou à distance. Nous en avons reparlé par téléphone et nous sommes tombées d'accord pour dire que c'est une activité qui est dans l'humain et que le présentiel est quand même mieux. Une séance de psy par un écran, c'est sans doute très pratique, mais où est la relation humaine ? Je veux dire... regarder un écran n'a rien à voir avec se rendre auprès d'une personne, la voir en chair et en os, capter les émotions, etc. Pour moi, suivre des séances de psy par visio reviendrait à parler avec un robot.

La technologie est super, mais ça n'a rien à voir avec le fait de voir vraiment des gens. Un cours en vidéo est pratique, on peut le lancer quand on veut, le consommer comme une vidéo sur YouTube, mais on perd l'aura du prof. Or, des profs avec des auras qui captaient même le fond d'une classe remplie de soixante personnes, j'en ai connus ! D'ailleurs, j'ai fini par comprendre que je me mettais devant en cours parce que j'aime capter l'aura des profs. Et je n'ai jamais compris les gens qui, au théâtre ou lors d'un one man show, regardent au travers de l'écran de leur téléphone.

J'ai l'impression aussi qu'on ne se parle plus. On "aime". Je me demande d'ailleurs si ça n'a pas commencé avec Facebook, quand on a utilisé les publications de nos amis pour savoir ce qu'ils devenaient sans avoir besoin de leur parler pour le leur demander. Tout ça dans un contexte de polarisation du débat où le gris n'existe plus et où tu dois choisir entre le blanc et le noir ; où les autres cherchent à te convaincre ou te faire taire. Je ne suis pas la seule à l'avoir remarqué. Je crois que Macron disait quelque chose de similaire dans sa longue interview à L'Express il y a quelques temps. Et le journaliste Thomas Sotto, sur Twitter, a mis en légende "Je chéris la nuance. Oui, je sais, c’est complètement démodé.".

Tout ça aussi dans un contexte où on soupçonne les autres. Plutôt que de leur laisser le bénéfice du doute, de penser qu'ils ont commis une maladresse à l'égard de telle ou telle "minorité", les militants partent du principe que le propos visé est une insulte, un dénigrement, une malveillance ("pourquoi mettre cet exemple là si ce n'est pas pour dire que toutes les femmes trans participant avec les femmes dans les disciplines sportives trichent ?").

On ne se parle plus. On se tape, on crie, on se dénigre, on part du principe que l'autre nous veut du mal. Disparue la bienveillance. D'ailleurs, quand j'ai répondu en entretien d'embauche que le plus important dans la gestion de bénévoles c'était la bienveillance, l'un des recruteurs m'a regardée bizarrement : visiblement il ne s'attendait pas à cette réponse !

Un sociologue invité dans C Politique il y a deux semaines disait aussi que ceux qui savent vraiment ne parlent pas. Du coup, les places en plateau TV mais aussi dans le débat public sont prises par ceux qui savent moins mais croient savoir plus. Et ces personnes, avec toutes leurs certitudes, participent à la polarisation du débat. Et on ne se parle pas.

Une camarade de lycée m'a bloquée sur Facebook parce que je lui ai demandé la source des chiffres qu'elle publiait et que je lui ai ensuite dit qu'ils étaient faux (non, l'espérance de vie des femmes trans n'est pas de trente ans!). Alors, je n'ai peut-être pas été très diplomate dans ma manière de dire, mais elle m'a quand même bloquée "pour ça".

On ne se parle plus.

Cet extrémisme dans les relations me dérange. Je vous en avais déjà parlé il y a plusieurs mois, d'ailleurs.

Ici et là, dans les commentaires laissés chez d'autres blogueuses, j'ai pu me plaindre de ne pas moi-même recevoir de commentaires. Ce n'est pas pour les statistiques que je m'en préoccupe. Mais je m'interroge. Est-ce juste la disparition de plateformes comme Hellocoton et d'effet de communauté qui fait ça ? Ou le fait que l'on lit davantage les blogs sur téléphone ce qui rend l'écriture de commentaire plus ardue ? Ou bien le fait que l'on ne se parle plus ?

Un petit mot, même tout bête, même tout simple, produit beaucoup plus chez une personne qu'un "j'aime". Je pense que l'on est entré depuis un moment déjà dans une ère de consommation. Et je vous dis ça alors que je n'ai rien de particulier contre le système capitaliste. Je ne dis pas ça par militantisme, pour chercher à appuyer une démonstration : je vous propose une analyse, ou du moins une interrogation que j'ai actuellement. On consomme les réseaux sociaux, on se tape dessus comme une bande de fauves, comme si rien n'avait de conséquence, comme si on s'adressait à des machines.

Mais, vous s'avez quoi ?
On s'adresse à des gens.

Derrière les écrans, il y a des gens.
Des gens qui souffrent quand on les accuse de malveillance. Quand on leur tombe dessus pour rien.

Je discutais avec une internaute sur Twitter. Elle a conclut en disant "la transphobie tue".
La haine tue. Peu importe si on parle à l'échelle d'un groupe ou d'une personne.
La haine tue. Le harcèlement scolaire tue. La transphobie tue. L'homophobie tue. Le racisme tue.
C'est la haine, qui tue.
Et la haine, on la voit de plus en plus.

Le fait d'être au chômage m'a fait développer mon utilisation de Twitter, puisque j'ai du temps. Je me suis laissée prendre au piège et me connectais plusieurs fois par jour, pour rien ; parfois parce que je m'ennuyais, parfois juste "pour voir" (alors que clairement avec trente abonnés c'est pas les notifications qui se bousculent ! (et c'est très bien comme ça)). C'est pesant.

Je me suis éloignée de Twitter parce que j'ai beaucoup de mal à lâcher-prise et que constater tous les jours la bêtise des gens, l'incapacité à parler, à se comprendre, à discuter sans se sauter à la gorge, me pèse. Les gens sont fous.
Si je restais sur Twitter à cette fréquence, je pourrais tomber en dépression.
La dépression tue.

J'ai parfaitement conscience de ce que je viens d'écrire. Justement, je voudrais que ça permette de faire réaliser à chacun que les mots que nous choisissons, collectivement et individuellement, peuvent être porteurs d'immenses conséquences chez les gens qui les reçoivent.

Pensons toujours que nous nous adressons à des personnes.
Des êtres doués de sensibilité.

"Détruire ou être détruis" est une mauvaise règle.
Arrêtons de chercher à convaincre les autres et cherchons à les comprendre.

Parlons-nous !

mardi 5 janvier 2021

Se relativiser pour apprendre à s'aimer

Source – Karolina Grabowska

Hier, on parlait acceptation de soi avec Eikomania sur Twitter et un peu plus tard dans la soirée je laissais mes pensées divaguer sous la douche quand soudain une idée plus forte que les autres a transpercé mon esprit : c'est dur de s'aimer. Puis j'ai réfléchi et je me suis dit qu'en même temps je suis meilleure à débusquer mes défauts et traquer mes mauvais mécanismes qu'à me trouver des qualités. Je pense que ce blog est d'ailleurs un assez bon reflet de cette capacité que j'ai à m'examiner fort bien et avec recul et lucidité... mais d'un seul point de vue.

Il y a quelques temps je vous avais fait un article dans lequel je vous disais que je ne me trouvais pas assez bien. Pas assez ceci ou assez cela. Dans le fond, dans cette idée de ne pas être assez il y a celle de ne pas être parfaite. Or justement "sois parfaite" est l'un de mes messages contraignants forts. Avec "fais des efforts". Du coup, je me retrouve à me dire que même si un jour je tombe amoureuse ce ne sera sans doute pas réciproque puisque je ne suis pas assez musclée pour qu'on s'intéresse à moi (oui, c'est stupide) : donc pas assez parfaite. Le "fais des efforts" est pas mal gratiné aussi parce que comme j'ai l'impression de ne jamais en faire vraiment, de me reposer sur mes facilités de raisonnement et d'apprentissage, je culpabilise de ne pas savoir assez de choses, de ne pas faire assez bien, de n'avoir aucun talent (talent qui est une chimère mais chhhut, faut pas le dire). J'avais déjà remarqué à quel point mes problèmes et mes questionnements sont imbriqués mais c'est drôle de voir à quel point c'est vrai !

Parfois, je me lance dans une liste de qualités pour essayer de me démontrer que j'ai de la valeur, comme tout le monde. Et il se passe à peu près la même chose qu'il se passe avec la fierté dont on parlait hier : la voix qui souffle "oui, mais". Oui mais cette qualité est moins intéressante qu'une autre. Oui mais quand même y a ci ou ça. Ou alors, tout simplement, je n'y crois pas. Parce que le truc avec la méthode Coué c'est qu'il ne suffit pas de se le répéter pour y croire : il faut associer image/sensation/émotion. En gros, il faut faire ressentir au cerveau que ce que vous dites est vrai.

Cette année, j'ai décidé de me concentrer sur l'essentiel, poussée par un tirage de cartes oracles qui insistait dessus. L'essentiel, c'est de faire remonter cette estime de soi toute nulle sur l'échelle de Rosenberg dont je vous parlais hier. C'est de se pardonner, de se respecter, et de prendre soin de soi (d'ailleurs je pense que c'est ce que j'ai le plus dis quand j'ai souhaité la bonne année !). Pour prendre soin de soi, il faut s'aimer.

Et je réfléchissais à tout ça, à cette incapacité à me voir en tout entière, à ce biais qui consiste toujours à pointer ce qui ne va pas – d'ailleurs c'est bien connu que l'on parle des trains qui arrivent en retard et pas de ceux qui arrivent à l'heure – quand je me suis rappelée d'une méditation qu'Olivia Kissper a publiée il n'y a pas si longtemps. Elle parlait plus ou moins du fait de s'accepter et elle a fait un parallèle qui a fait mouche : elle a dit que, dans les romans, quand les personnages font des erreurs, ont des défauts, on les aime quand même. D'ailleurs, on peut même aller plus loin que ça : on les aime parce qu'ils ont des défauts, qu'ils nous ressemblent.

Il n'y a rien de pire qu'une Mary Sue à la Tara Duncan, ce personnage parfait à qui jamais rien de vraiment triste ou mal n'arrive. Perd-t-elle ses parents ? Elle peut se rendre dans le monde des morts pour leur parler. Rencontre-t-elle une difficulté ? Elle a toujours un objet magique pour augmenter ses pouvoirs. Etc. Agaçant. Les personnages qui ne nous ressemblent pas, qui ont l'air inhumain tant ils sont parfaits, on ne les aime pas. On aime les personnages avec un caractère, ceux qui dont des erreurs et se relèvent, ceux qui se trompent, ceux qui ont des défauts. Bref : les personnages comme nous.

C'est intéressant parce que si l'on est capables d'aimer ainsi nos reflets, on devrait être capables de s'aimer nous-mêmes !

On a peut-être même pas besoin d'aller chercher dans les romans – même si ce parallèle permet de prendre un peu de distance – : nos amis ont des défauts, et on les aime quand même.

Donc peut-être que nous pourrions décider de nous aimer comme on aime nos amis, et de nous aimer comme on aime les personnages de nos romans préférés. Peut-être que nous pourrions nous regarder comme si nous étions le personnage de notre propre roman.

Parfois pour relativiser je repense à ce truc que j'ai entendu dans je-ne-sais-plus-quel animé : imaginez si le monde, tous vos souvenirs et tout ce que vous connaissez avait été créé il y a cinq secondes. C'est bête et complètement impossible, mais cette idée me procure un certain apaisement, un peu comme si ça écrasait les déterminismes et les repoussait un peu plus loin, vous voyez ?

Alors peut-être qu'on pourrait gommer un peu ce qui nous fait peur en nous disant que ça n'a que cinq secondes d'existence, et se voir comme le personnage de notre propre roman. Pour se relativiser et prendre du recul. Et voir que finalement c'est pas si pire et qu'on a tout autant de valeur que les autres personnages du même roman et des autres romans sur l'étagère.

Et vous ? avez-vous réussi à vous accepter tel(le) que vous êtes ?

lundi 4 janvier 2021

Apprendre à être fier de soi

Source – Vlad Bagacian

Je ne sais pas trop comment m'y prendre pour écrire cet article, j'ai l'impression que mon propos va être un peu décousu, mais je me lance quand même parce que j'imagine que ça va me faire du bien, et puis qui se préoccupe de savoir si mon article fait trois parties avec trois sous-parties par partie ? Personne. (Je suis traumatisée : je n'ai jamais réussi, en trois ans d'Histoire, à faire un plan aussi organisé.) En fait, je me suis posée la question de la fierté quand il y a quelques jours j'ai terminé la première relecture de mon roman (ne vous en faites pas, on va pas parler d'écriture tout de temps, je vous ai déjà assez bassiné pour un moment ;P). Je me suis sentie ultra fière. Et je me suis empressée d'étouffer cette bouffée de fierté parce que... je ne sais pas trop, en fait. Je l'ai fait un peu comme un automatisme. La raison rationnelle serait que le roman est loin d'être fini, donc calme-toi, je te laisserais être fière à la fin ; la raison irrationnelle serait que y a vraiment pas de quoi être fière d'en être arrivée que là, et puis aussi c'était la première fois que je me suis sentie fière par moi-même depuis... euh... tellement longtemps que je ne saurais même pas dire ! et donc une lanterne s'est allumée dans ma tête, en mode "ah, c'est de la fierté. Je suis fière ?" et la surprise mêlée d'émerveillement a éteint la magie de l'émotion.

Du coup, j'étais quand même assez contente d'avoir été fière de moi. La dernière fois je ne crois même pas que c'était vraiment de la fierté, en tout cas ce n'était pas la même. Quand j'étais en stage, et que mon chef m'a dit que je bossais bien, je me suis sentie super contente et flattée, mais dans mon souvenir c'était un ressenti très différent de quand j'ai fini de lire mon roman. Peut-être parce que justement ça venait de quelqu'un d'autre. Cette fois-là, je n'ai pas étouffé l'émotion dans l'œuf. Je suis en train de me dire que c'est peut-être parce qu'elle provenait de quelqu'un d'autre, et que donc ce n'était pas moi qui me lançais toute seule des fleurs et que donc puisque ça provenait de quelqu'un d'autre, c'était la vérité et j'avais le droit d'être contente. Tout ça est un peu ridicule. Et un peu triste aussi, parce que dans les secondes qui ont suivi je me suis attachée à démonter le manque de justesse du compliment. En mode "il me dit qu'il s'attendait à ce que je travaille comme ça en fin de stage, mais alors à quoi est-ce qu'il s'attendait en début de stage ?!". En gros, je ne travaille pas spécialement bien, je travaille juste comme j'étais censée travailler. Circulez, y a rien à voir.

Pour mon bac, je n'étais pas fière. Les gens de la classe étaient tous contents, y en a même qui ont pleuré... Moi, je suis allée chercher ma note, c'était celle du reste de l'année, j'ai hoché la tête et... c'est tout. Si, quand même j'étais contente parce que la seule matière pour laquelle j'ai vraiment travaillé – l'Histoire – j'ai eu dix-sept alors c'était cool. Mais par exemple, à la fac, en dernière année de Licence, quand j'ai enfin attrapé quelques dix-huit, j'étais satisfaite mais en même temps je me disais "OK, il suffisait juste de recracher le cours par cœur. Si j'avais su..." (j'avais nourri cette illusion que l'on me demandait de réfléchir...).

Pour mon permis non plus, je n'étais pas fière. D'abord, j'étais persuadée que je ne l'aurais pas. Du coup, quand j'ai reçu mes résultats et que je l'ai eu, de me suis dit que je ne le méritais pas. Et comme mes parents n'ont pas eu l'air plus contents que ça (en même temps, vu que je ne sais toujours pas conduire, c'est normal) : personne pour valider la réussite (pauvre petite chose incapable d'être fière par elle-même !) (je n'ai eu mes amies que par SMS, du coup je trouve que ce n'est pas pareil qu'en face à face). C'est aussi que je n'ai jamais vraiment voulu le passer, et rien que pour me motiver pour le Code de la route j'ai dû procéder à un "changement cognitif" et essayer de rattacher le passage du Code à une motivation intrinsèque pour manipuler mon propre cerveau.

Alors quand j'ai été fière d'avoir passé une étape dans la correction de mon roman, j'ai commencé à me demander pourquoi là et pas dans un autre domaine, et comment fonctionne la fierté, d'ailleurs ? J'avais quelques bouts de réponses soufflés par mon instinct et je me suis mise à chercher des trucs sur le mécanisme de la fierté, comment ça apparaît, etc. Je me suis retrouvée à lire Comprendre les émotions de Silvia Krauth-Gruber, Paula Niedenthal, et François Ric.

En fait, la fierté fait partie des émotions réflexives (avec la jalousie, la honte, la culpabilité et l'envie), ce qui veut dire qu'elles peuvent nous pousser à adopter un comportement, qu'elles ont des implications interpersonnelles, et des fonctions sociales et morales. Ce sont aussi des émotions qui s'apprennent (au contraire des émotions universelles "de base" comme la colère ou la joie). La fierté et la honte sont liées à notre perception de notre valeur (on est fier d'avoir réussi une tâche jugée difficile). Les chercheurs ont découvert que la fierté avait des résultats positifs dans les domaines où la personne est fière, qu'elle permet plus de motivation, un sentiment d'efficacité de soi, favorise la créativité, la productivité, l'altruisme... et permet le développement de son estime de soi !

Je vous parle estime de soi parce que, au fil de mes recherches, je me suis retrouvée à parcourir un petit livre général sur les émotions (un petit Que sais-je de Robert Dantzer, je crois) et suis tombée sur l'échelle de l'estime de soi de Rosenberg. Par curiosité, j'ai répondu aux questions. J'ai eu un score de dix-huit. En dessous de vingt-cinq, on considère que l'estime de soi est très faible. Ah. Mince. Bon, en même temps, je me doutais bien que j'étais pas au top (tellement que je pense que parfois j'ai sous-estimé mes réponses), mais avoir un chiffre-sanction sur lequel me baser m'a fait tout drôle. Du coup, je trouve ça intéressant de savoir que le sentiment de fierté peut aider.

D'ailleurs, c'est ce que je ressens un peu tous les jours quand je travaille sur mon roman. Je ne suis pas fière tous les jours, parce qu'il faut quand même réussir pour être fière, donc terminer quelque chose, et je suis en plein dans mon travail, mais bizarrement l'écriture de ce roman est la seule chose en laquelle j'ai confiance et pour laquelle je suis optimiste. Je dois dire que ça fait beaucoup de bien de se dire qu'on peut y arriver et réussir vraiment ! D'un autre côté, j'ai commencé à me dire que ces sentiments de confiance et émotion de fierté étaient une évolution de mon tempérament naturel qui sert à ma survie. Je veux dire... Si je n'étais pas sûre de mon coup, j'arrêterais là. Je ne passerais pas des heures à corriger mon texte ; je me dirais juste "OK, j'ai mis le point final à mon texte, maintenant on passe au suivant" et c'est tout. Ou alors je corrigerais un peu sans y croire, et j'enverrai aux maisons d'éditions une lettre d'accompagnement un peu mal faite et je me saboterais toute seule. Être contente de moi, c'est m'assurer de faire du bon travail et de me donner les chances.

C'est aussi sauver ce qui reste de mes "digues émotionnelles" dans la mesure où l'écriture est la seule chose que je pense savoir vraiment faire, alors si je me rendais compte que je n'avais aucune chance de réussir, je sombrerais sans doute dans une sorte de cercle vicieux à base de "je n'arriverais jamais à rien". L'écriture est autant un besoin que mon ancre, de ce point de vue-là. (C'est assez triste de me dire que j'ai besoin d'une ancre pour tenir la route, mais enfin passons.) Mais d'un autre côté, une fois que je recevrai refus sur refus des maisons d'éditions (oui parce qu'on s'appelle pas tous Olivia Ruiz ; quand on envoie à douze maisons d'éditions, les douze ne disent pas "oui") je serais déçue mais pas surprise.

En même temps, j'expérimente le fait d'être content de soi, de se trouver efficace, et de vouloir aller au bout pour le plaisir et en pensant pouvoir obtenir de bons résultats et je dois dire que c'est vraiment... reposant ! C'est reposant de ne pas s'inquiéter trop de l'échec, et de penser que "tout va rouler comme sur des roulettes" parce que j'ai la capacité de le faire, etc.

Mais du coup je me demande quand même qui de l'œuf ou de la poule. Je veux dire... Ai-je une mauvaise estime de moi parce que je n'ai pas appris à être fière ? Ou ne suis-je jamais fière de moi parce que j'ai une mauvaise estime de moi ? Ou les deux en un système de vases interdépendants ?

J'aimerais bien aussi trouver une astuce pour empêcher mon cerveau de pirater mes sentiments de satisfaction envers moi-même. Parce que par exemple hier j'ai enfin terminé mon livre en anglais (dont je vous avais présenté les deux premiers tomes de la trilogie) et au lieu d'être contente d'être arrivée au bout, d'avoir appris du nouveau vocabulaire, etc. je me suis retrouvée à me dire que "bah oui mais bon, t'as quand même fini les dernières pages en passant des paragraphes entier dans un traducteur donc c'est un peu de la triche". Mais en même temps je suis satisfaite et j'ai pris du plaisir à lire en VO, donc je vais enchaîner avec le livre des contes mexicains en espagnol qui traîne toujours sur une étagère ! ;P

C'est quand même terrible d'avoir sans cesse une petite voix qui minimise les réussites sous tel ou tel prétexte. Et d'être plus fière quand quelqu'un a validé la réussite que quand on est seul – comme les enfants, quoi, sauf que je n'ai plus cinq ans depuis longtemps donc va falloir mûrir émotionnellement parlant ! x)

Tout ce que je vous dit est décousu et un peu mal construit, j'ai l'impression que ça va dans tous les sens dans un article complètement ébouriffé ! Mais ce que je voulais dire, au fond, c'est que je ne sais pas si c'est que moi ou si c'est quelque chose qui se remarque à grande échelle, mais j'ai quand même l'impression que l'on ne nous apprend pas à être fiers et qu'on ne valorise pas la fierté. Parce qu'avec la fierté vient le soupçon d'orgueil, qui lui est mauvais (et la personne accusée d'une telle émotion peut se voir marginalisée socialement). J'ai l'impression aussi qu'on ne valorise pas les gens. On dit à ceux qui échouent "tu as échoué, tu es nul" et à ceux qui veulent entreprendre quelque chose "mais tu es sûr ? c'est quand même pas très raisonnable". Alors qu'aux États-Unis, même si leur société a ses problèmes, quelqu'un qui échoue est encouragé à recommencer, et quelqu'un qui veut entreprendre est encouragé par ceux qui l'entourent. Nous, on nous descend. Et je pense que dans le fond ça participe de cette mauvaise appréhension individuelle de la fierté (en plus de tout ce qu'il peut se passer à l'échelle d'un foyer et d'un parcours personnel, bien entendu !).

En fait, ce que je voulais dire c'était qu'au final c'est très gratifiant de se sentir fier de soi, fier d'avoir réussi quelque chose, d'avoir réalisé quelque chose, tracé son chemin, etc. et je voulais vous encourager tous à être fiers de vous et à cultiver cette fierté !