dimanche 10 octobre 2021

Indépendance

Source photo – Amar Preciado
Il y a une semaine, j'ai commencé mon nouveau boulot. Mon premier, en fait, qui ne soit pas un stage. J'avais continué à chercher du travail en radio associative en parallèle de ma recherche d'alternance. Je crois que je dois bien être la seule de ma "promo" à ne pas avoir trouvé d'alternance, d'ailleurs, puisque la dame de l'organisme de formation finissait par m'appeler directement pour me demander si telle ou telle offre pouvait m'intéresser alors que la période de recherches avait commencé avec des mails groupés. En postulant à l'offre de mon travail actuel, j'avais dit que le poste m'intéressait tellement que, si je l'avais, je ne serais pas trop fâchée de ne pas avoir trouvé d'alternance. Et c'est vrai. (Mais n'empêche j'ai quand même acheté un livre pour me former de mon côté au journalisme pur.)

Mais en même temps je découvre à quel point les budgets sont serrés ce qui fait que je vais avoir du mal à partir en reportage, ce qui est très frustrant, sans même parler du temps qui manque pour tout faire, et de la problématique qui se met encore par-dessus : je conduis une boîte automatique : donc je ne peux pas emprunter de voiture à ma structure, donc la structure doit me rembourser les frais kilométriques, donc ça plombe les budgets. Puis j'ai eu le malheur de dire à mon patron que je n'étais pas très musique et il m'a dit franco que je n'aurais sans doute pas eu le poste si je l'avais dit en entretien (en même temps, il a jamais demandé si j'avais une bonne culture musicale, donc il avait qu'à poser les bonnes questions). Par-dessus ça, je me révèle particulièrement pas douée avec la technique (console d'enregistrement, etc.). J'ai aussi dit que je n'étais pas trop bonne conductrice et que j'étais infoutue de conduire une boîte manuelle. Ça commence à faire beaucoup, je suis un peu sur la sellette, je crois.

Le gars m'a dit qu'il avait hésité entre moi et un ancien Service Civique devenu bénévole à la radio, autonome en technique et que finalement il m'avait prise parce qu'il avait pensé que j'intellectualisais les choses et que j'avais de la réflexion. À vrai dire ça m'a même pas fait plaisir parce que je ne sais pas ce qui, dans ce que j'ai dit à l'entretien, a pu montrer ça. Mais ça n'empêche qu'avec toutes les problématiques autour de mon embauche, il n'a pas vraiment de raisons de me garder… On verra bien ! En attendant, j'évite de trop décorer l'appartement, et j'ai décidé d'attendre avant d'acheter un canapé… On sait jamais ! Ceci dit si je ne vais pas au bout de ma période d'essai je ne pense pas que je retournerais chez mes parents tout de suite ; je vais d'abord essayer de trouver un job alimentaire dans le coin pour garder ma toute nouvelle indépendance si laborieusement acquise.

J'ai pris un trois pièces pour pouvoir avoir un salon, une chambre, et un bureau. J'ai la chance d'être dans une région pas très chère au niveau des loyers. Après trois ans (enfin, une fois dix mois et deux fois six mois, plutôt) de studios, j'avais besoin d'espace. Je pense que le Covid est aussi un peu passé par-là. Sans le Covid, sans le confinement et sans l'année de chômage passée chez mes parents avec un père au chômage puis ma sœur et ma mère en vacances d'été, etc. je pense que j'aurais pu me contenter d'un deux pièces. Mais là, j'avais besoin de tout cloisonner : on travaille dans le bureau, on dort dans la chambre, etc. Une pièce, une fonction. (Même si dans les faits je mange dans le salon devant la télé (pas bien).) Pour ma concentration, c'est mieux aussi. Une fois que la porte de la chambre est fermée, j'ai l'impression que j'ai plus de facilités à couper des activités que je peux avoir dans le bureau, par exemple. Je suis du genre à ressasser et ruminer, donc ça ne se coupe pas d'un coup, mais j'ai l'impression que c'est plus facile de le repousser. C'est aussi plus facile de dire "je suis dans le bureau, je travaille".

Vivre de nouveau seule, c'est le pied ! Je suis à mon rythme, je ne suis obligée de parler à personne au petit-déjeuner ou quand je rentre, je mange à l'heure que je veux, je mets de la musique si je veux, je parle toute seule si je veux – je ne dérange personne –, et je dors mieux ! En attendant la livraison de mon futon je dors sur un matelas par terre et je dors mieux que dans mon lit chez mes parents (un creux avait fini par se faire dans le matelas, un désastre !). Les volets ne laissent passer aucune lumière, je n'entends personne ronfler ou descendre les escaliers à grands pas… et je n'ai pas à subir les sautes d'humeur de mon père. Ça faisait longtemps que je n'avais pas si bien dormi !

En parlant de saute d'humeur, la veille du déménagement, tous les deux stressés et fatigués, on finit par s'engueuler. Il me crie dessus en me disant qu'il me parle et je lui fais remarquer que ce n'est pas ça, parler. Il me sort, très calmement, sur un ton entre le raisonnable et le mielleux, comme quand on veut calmer un enfant déraisonnable, un peu : "Et puis si je m'énerve c'est à cause de toi, c'est parce que tu m'empêches de parler". Ça m'a choquée. Il aurait dit ça en hurlant, ça aurait juste été dans la ligne des remontrances beuglées. Mais là, calme, ça montre juste qu'il le pensait vraiment, que c'était vraiment comme ça qu'il voyait la situation. Pas comme un mec stressé, qui se sent acculé parce que des problèmes lui tombent sur la tête, et qui explose contre une pauvre fille tout aussi fatiguée et aculée psychologiquement pour plein de raisons, mais comme un pauvre homme qu'on ne laisse pas parler.

Cette phrase, la tournure, la manière de la dire… tout, absolument résume le bonhomme : un mec avec un complexe d'infériorité manifesté en supériorité qui, à l'écouter, n'est jamais responsable de rien parce que tout est toujours de la faute des autres qui ne l'écoutent pas, ne le comprennent pas, et le persécutent. Je le savais déjà ; lors d'une autre explosion, contre ma mère, ma sœur et moi, il avait lâché : "Moi je fais tout pour vous" un truc du genre, avant de nous insulter de salopes. Je pense qu'il nous voit comme ça. Comme des espèces de sorcières qui complotent contre lui et ne lui rendent pas son amour et son affection. Il ne se rend même pas compte qu'il est toujours sur son téléphone et ne parle jamais, ou n'écoute pas quand on lui parle, ne retient pas ce qu'on lui dit, s'énerve pour rien (un jour il a quitté la table juste parce que le plat était pas assez salé, en disant qu'il en avait marre de manger des trucs pas bons). Bref. Tout ça pour dire que ça ne me manque pas. Le coup de "c'est à cause de toi, c'est parce que tu m'empêches de parler" ça m'a achevée. Je ne veux pas avoir à lui parler ni à lui demander quoi que ce soit. Il m'épuise. En même temps c'est pas plus mal, ça va me permettre de me démontrer à moi-même que je suis capable de me débrouiller toute seule plutôt que de toujours demander de l'aide à papa-maman (au point où quand ma mère m'a demandé de lui envoyé une photo du collier de serrage pour le tuyau de la machine à laver, ça m'a irritée…) Enfin, au moins ça me fera un truc à dire au psy. (Je dis ça mais même sans ça j'ai des tas de trucs à dire au psy.)

Psy pour lequel je n'ai toujours pas pris rendez-vous alors que ça fait des mois que je dis que, quand j'aurais ma nouvelle vie, je sauterais sur un psy. Oui, mais voilà : je suis dans une région où c'est un peu le désert. J'ai contacté une psy que je sentais bien, mais malheureusement elle m'a proposé de me mettre sur liste d'attente. J'ai demandé combien de temps ça pouvait prendre et si c'est plus de trois mois j'essayerais d'en contacter une autre. Je dis une autre parce qu'en ce moment mes digues intérieures cèdent, je pleure de plus en plus, certaines choses commencent à me travailler sérieusement, et sincèrement je ne me vois pas dire à un psy homme que j'ai envie d'être touchée par un homme, que j'ai envie de découvrir ce que ça fait d'avoir un amoureux, etc. Trop gênant. Déjà dire ce genre de choses à quelqu'un en particulier plutôt qu'à personne comme sur mon blog c'est difficile, mais alors à voix haute et à un homme… jamais j'y arrive. Du coup, ça réduit pas mal les possibilités aussi. De la même manière je n'ai toujours pas dégoté un médecin parce que j'ai des démangeaisons à un endroit un peu intime, que je me suis déshabillée devant peut-être une dizaine de médecins, et qu'il me faut une femme. Sauf que des femmes, dans ma ville, y en n'a pas des masses.

Histoire que cet article ne ressemble pas à un bureau des plaintes je dois quand même dire que je conduis tous les jours pour aller au boulot, qu'aujourd'hui j'ai conduis jusqu'à la ville d'à côté, et que pour le moment, tout va bien. Sauf quand je perds une demi-heure parce que je suis infoutue de tourner à l'endroit que me dis le GPS… Et je ne sais pas me garer, non plus. Mais j'arrive à déplacer la voiture sans être un danger public, ce qui est déjà un bon point !

Je regarde la date et je me rends compte que ça fait presque un mois que je n'ai pas écrit, depuis que j'ai fini le premier jet de Roman 2. J'ai prévu de reprendre un texte exutoire ce soir, que j'ai relu hier pour me le remettre en mémoire. Je me suis troublée moi-même… je n'avais pas réalisé à quel point j'avais mis des sentiments compliqués dedans.

Je pense aussi prendre un potichat. Je pense que je vais attendre janvier, histoire de mieux y voir question budget et aussi d'avoir trouvé un vrai rythme avec le travail car j'ai des horaires annualisés qui peuvent bouger et que je vais devoir trouver un équilibre pour ne pas laisser le travail bouffer ma vie privée. J'ai décidé que la priorité c'était l'écriture. Reprendre l'aïkido (en novembre, je pense) rentre dedans car se vider la tête, rencontrer des gens, et apprendre des trucs sur la baston (l'aïkido ce n'est pas vraiment de la baston, mais n'empêche que ça m'a bien servi pour les romans !), c'est toujours utile. Mais je dois ne pas me disperser, et renoncer à mes idées de bénévolat dans d'autres médias, pour ne pas m'éparpiller. L'écriture, l'écriture, l'écriture. J'en ai envie, j'en ai besoin. L'écriture et le potichat. J'en ai besoin aussi. J'en rêve depuis que je suis toute gamine. (Et du coup dans les mauvais jours je me dis que c'est égoïste, que le chat, lui, n'aura rien demandé et que si ça se trouve il ne va pas m'aimer, ou que comme je me suis jamais occupé d'un chat je sais sans doute pas faire…, etc.)

En gros, ce début de nouvelle vie ne commence pas aussi bien que je l'avais prévu, surtout dans ma vie psychique. Je me trouve pas mal de signe de stress, des tics qui reviennent et une tendance à vouloir beaucoup parler à une copine de Twitter, avec ce sentiment de trop m'accrocher comme si, si je n'avais personne à qui parler, je tombais dans une sorte de vrille – je ne sais pas trop comment expliquer –, une tendance aussi à ne pas pouvoir ne pas manger devant la télé, pour avoir du bruit et ne pas me retrouver "seule avec moi-même". Même le soir, je mets des méditations ou trucs du genre sur mon téléphone, ça m'évite de trop ruminer (mais à long-terme ça ne fait que bloquer mon cerveau alors qu'il devrait traiter des tas de trucs). Mais paradoxalement je dors assez bien. Avant le déménagement, il fallait le préparer, donc j'avais tout le temps des sollicitations de mes parents, etc. trop de sollicitations, trop de stimuli pour mon cerveau d'introvertie, et je pense que je paye un peu le contre-coup, d'une certaine manière. Je n'ai toujours pas eu une journée où je ne parle à personne, et paradoxalement je suis sortie aujourd'hui parce que j'avais besoin de voir d'autres gens que mon patron (non pas que je ne l'apprécie pas, mais quand je côtoie trop longtemps quelqu'un ou que je bingewatch une série je me retrouve avec les voix et les façon de parler des gens dans la tête, ce qui est assez déplaisant quand c'est pas Tao Ren de Shaman King ;P).

Voilà pour les nouvelles ! Ce n'est pas terrible, mais ça pourrait être pire !
Comment allez-vous ?

vendredi 8 octobre 2021

Mes 5 derniers livres lus (n°8)

Ça faisait un moment que je n'avais pas pondu d'article littéraire !... La faute à l'écriture de Roman 2 ! Je ne vais sans doute pas reprendre le rythme antérieur, même maintenant que la rédaction est finie, car j'ai repris le travail !


Les Dieux verts – Nathalie Henneberg

Frappée par le grand cataclysme il y a bien longtemps, la Terre abrite désormais un empire de l’Homme au bord de l’extinction. Les plantes, véritables souveraines de cette nouvelle ère, règnent à présent en maîtresses sur ce monde à la dérive. Seuls la reine Atléna et le suffète Argo, derniers des Solaires, portent en eux l’espoir d’une humanité aux abois. Et pour tenir tête à ses ennemis, Argo devra plonger dans l’enfer des ténèbres émeraude et faire face aux dieux verts.

En lisant le résumé la premier fois, j'ai hésité, parce que ça sentait la science-fiction bien plus que la fantasy. Mais, finalement, j'y revenais, je tournais autour, et j'ai fini par l'acheter. Et effectivement c'est un mélange de fantasy et de science-fiction. Je ne lis jamais de science-fiction parce que ça ne m'attire pas (les lecteurs récurrents de mes articles littéraires auront compris, à ce stade, que j'ai des goûts plutôt arrêtés ;P). En fait, j'ai bien aimé, mais dans le même temps je ne sais pas trop quoi penser de ce livre.

La dernière phrase du résumé laisse imaginer la grande aventure, mais en fait, c'est très différent. Argo se retrouve effectivement en voyage, si l'on peut dire ça comme ça, mais dans la seconde moitié du roman seulement.

On suit donc l'histoire des héros, Atléna et Argo, qui tentent de tenir tête aux plantes désormais maîtresses absolues de la planète, et bien plus manipulatrices qu'elles ne l'admettent.

Atléna et Argo s'aiment, mais, si l'histoire d'amour sous-tend les choix des personnages et donc l'histoire, ça ne se passe pas dans l'atmosphère d'une passion dévorante ; plutôt dans celle d'une tragédie antique, où tous les sentiments sont décuplés, et avec eux les entraves qui empêchent les personnages d'être ensemble. Ceci dit, ça finit bien (je précise, parce que parfois on peut ne pas vouloir se jeter dans un livre qui finit mal :P).

J'ai beaucoup de mal à décrire la plume de Nathalie Henneberg, je dirais que c'est elle qui crée entièrement l'atmosphère, plus que le scénario en lui-même. En fait, je suis très embêtée parce que, si j'ai eu un peu de mal à entrer dans le livre à cause de termes techniques que je ne connaissais pas et qui rendaient mon imagination parfaitement stérile, j'ai fini par accrocher à cette histoire sans plonger dedans, peut-être parce que le point de vue plutôt externe ne permet pas de s'approcher vraiment de l'intime des personnages, et que j'ai suivi tout cela comme j'aurais suivi une tragédie antique, un peu de loin en loin.

Pour moi, c'est un livre sur ce qu'est être humain, et sur l'amour. J'ai aussi eu l'impression que les unités de mesure choisies par l'autrice (coudées, stades…) participaient à raccrocher l'histoire aux grandes pièces qui nous viennent de l'Antiquité.

L'Assassin royal, première époque – Robin Hobb

Bâtard du prince chevalerie, le jeune Fitz grandit dans l'ombre de la forteresse de Castelcerf, où le roi subtil ambitionne de faire de lui son assassin personnel. Mais pour survivre, et avant même d'apprendre à manier la lame, il lui faudra faire preuve d'une connaissance parfaite des arcanes de la politique.

Après Ki et Vandien, j'ai voulu relire Robin Hobb. Grâce à Luxya (coucou si tu passes par ici ! :P) qui m'a mis sur les rails, j'ai commencé le long Cycle des Anciens tout dans le bon ordre (ce qui n'était pas une mince affaire, puisqu'il y a déjà neuf intégrales et que deux sont encore en attente ; c'est quand même un sacré bordel). J'ai donc commencé par la première époque de L'Assassin royal, qui tient en deux intégrales de plus de mille pages chacune. Gros morceau, et un peu risqué pour une lectrice lente de s'y mettre vingt jours seulement avant de se lancer dans la rédaction de son deuxième roman (je ne peux pas lire beaucoup et écrire beaucoup en même temps). Mais ma foi j'y suis parviendue.

J'ai été très emballée par la première partie, et j'ai un peu déchantée avec la deuxième. D'abord, j'ai été perturbée par le récit à la première personne, parce que je n'en lis jamais et je n'aime pas ça. Ce qui m'a permis de m'accrocher, c'est la bonne plume de Robin Hobb et aussi le personnage de Fitz en lui-même avec lequel je me suis trouvée plein de points communs, du coup je me suis accrochée à lui au point de, je pense, sans le vouloir, lui attribuer une fonction psychologique pour moi.

On le suit donc dans ses années d'apprentissage comme assassin royal, et sa lutte pour empêcher son demi-oncle de prendre puis garder le pouvoir. Fitz est un personnage complexe et le début de la deuxième partie est bienvenue pour nous permettre, au travers de discussion qu'il entend, de savoir comment les autres personnages le perçoivent (ce que l'on ne sait jamais habituellement puisque l'on est à la première personne). Tous les personnages ont leur complexité, d'ailleurs, et sont bien faits.

En fait, avant d'aller plus loin et de donner vraiment mon avis sur ce qui m'a dérangée, je me sens obligée d'avouer que cette lecture m'a permis d'apprendre une chose sur moi : je suis allergique aux histoires de prophétie. Je pense que ça tient au fait que, profondément, je rejette l'idée de destin et de fatalité, et du coup les prophéties c'est bien gentil mais ça va à l'encontre de ce en quoi je crois, et du coup je ne vois plus la lutte des personnages, l'histoire et tout le reste, mais juste qu'on ne leur laisse pas le choix. Je pense que c'est en partie ce qui fait que je n'ai pas aimé la fin. Ça, et le fait que ça part un peu en couille, quand même.

Au début, en plus des Pirates rouge qui transforment les gens en espèces de zombies et attaquent les côtes du royaume, on affronte aussi Royal, demi-oncle par son père de Fitz, trop loin à son goût dans la ligne de succession, et dont la mère a monté le bourrichon. Royal, jaloux de ses demi-frères et ayant grandi avec l'idée qu'il doit se méfier d'eux et qu'il mérite plus le pouvoir qu'eux veut donc le pouvoir. Donc, au début, c'est juste un intrigant rusé avec des tendances à la cruauté. Et puis, dans la deuxième partie, ça part en cacahuète. Tout à coup, il se transforme en méchant psychopathe, représentant des Forces du Mal, véritablement cruel et tyrannique. Mais la bascule est tellement brusque ! Pourquoi ?!… Pourquoi faire de Royal un personnage de block-buster alors que l'Intrigant devenu Usurpateur suffit bien ?

Voilà l'histoire : sauver le monde. Si Royal règne, il est le petit engrenage qui détraque la machine et précipite le monde dans la catastrophe, par une sorte d'effet papillon. Ça, je suis prête à l'admettre. OK, ça marche. Mais du coup, pas besoin de faire de Royal une sorte de méchant psychopathe frappadingue. En faisant ça, on dirait qu'on veut légitimer le fait qu'on l'affronte, comme si l'effet papillon était insuffisant et qu'il fallait une vraie raison, qu'il fallait un Méchant contre lequel doivent lutter les Gentils. Bof. Pour moi, ça enlève toute la complexité et l'ambivalence et de cette histoire de sauver le monde, et du personnage de Royal en lui-même. Même si le côté "enfant gâté à qui on a bourré le cerveau" est rappelé à la fin, il paraît un peu dérisoire pour expliquer un tel déchaînement de la part de Royal, et surtout aussi brusque. Peut-être que ça tient en partie au fait que l'on est du point de vue de Fitz, qui n'est pas dans les parages de Royal, et donc on ne peut pas constater son évolution à vouloir toujours plus de pouvoir. Mais même si on avait pu la constater, je trouve ça en peu dommage de la faire d'une manière si peu mesurée.

Autre point qui part en couille : la résolution de l'intrigue autour de Molly. Je ne veux pas divulgâcher, donc je vais être générale et évasive : je dois reconnaître à l'autrice que ce dénouement est préparé, par plusieurs points disséminés un peu partout, et auxquels on ne prête pas forcément attention parce qu'on suit les choses du point de vue de Fitz ; mais la dernière scène, celle qui conclue cette intrigue très secondaire, semble elle aussi précipitée, sortie de nulle part, brutale… Tellement brutale, d'ailleurs, que j'en suis sortie complètement incrédule (à moins que mon attachement à Fitz n'ait joué un peu ?) et que j'ai dû me raisonner pour me dire "ah mais regarde ici, et là, et là, ça avait été préparé". En fait, là encore, on suit les choses de loin en loin, au travers des rêves magiques de Fitz qui bien-sûr arrivent toujours au moment opportun pour nous montrer une scène-clef – et on ne pourrait pas faire autrement puisque Fitz est loin de Molly : ses rêves magiques, ce sont les seuls moyens pour le lecteur d'avoir des retours des autres personnages.

En fait, le problème vient sans doute de là : on est du point de vue de Fitz, et le point de vue interne montre ses limites sur la fin. À la toute-toute fin, au moment où on raconte un peu ce qu'il se passe pour tout le monde, on doit encore le faire du point de vue de Fitz et j'ai parfois eu l'impression que les choses qui expliquent que Fitz soient au courant étaient un peu poussives, un peu davantage comme des prétextes ou des "comme par hasard". Les choses auraient été plus naturelles avec un point de vue omniscient : pas besoin de prétexte : il faut montrer ça, je te montre ça. Mais là, par les yeux de Fitz, c'était parfois un peu poussé.

Puis ça part un peu dans tous les sens. On a des armées dans les Montagnes mais qu'on ne traite pas trop à cause encore une fois du point de vue, puis les Pirates mais finalement ils sont plus si importants puisqu'on est concentrés sur Royal et le fait de trouver Vérité, puis… etc. C'est un peu la pagaille et du coup à la fin on résout tout d'un coup de baguette magique. Je ne sais pas… Je pense aussi que j'ai plus de mal avec ce genre d'histoires de sauvetage de l'univers contre un Grand Méchant, où les personnages principaux se multiplient et où donc il faut trouver des prétextes à raconter ce qu'ils deviennent. Ceci dit, j'avais adoré le Cycle de Ji, qui a aussi une prophétie (même si elle n'est pas tant centrale) et dont le but des personnages est de sauver le monde ; donc au final je pense qu'avec L'Assassin royal le problème tient plus à la manière dont c'est fait, qui éclate de partout, hésite entre traiter vraiment les choses et juste les mentionner pour donner une situation géopolitique, et résout tous les problèmes en une seule fois comme par enchantement.

Ceci dit, ça reste une bonne histoire, et on ne s'ennuie pas, les personnages sont sympa (même si j'ai eu du mal à déterminer l'âge de certains d'entre eux, comme le fou et Burrich) et on voit Fitz grandir, apprendre, tout en gardant son petit côté immature. J'ai beaucoup aimé aussi le personnage de Vérité. Mais je pense que ces histoires de prophéties ce n'est vraiment pas pour moi, et que ce n'est pas le genre d'histoire que j'avais besoin de lire en ce moment, même si ma projection dans Fitz m'a sans doute apporté des trucs (j'ai fait des rêves un peu bizarres…). Du coup, je lirai la suite (elle est déjà achetée, de toute façon) mais sans me presser et pas tout de suite. En fait, ça m'a "séchée" (je ne sais pas comment l'expliquer autrement, j'ai l'impression d'être un peu vidée de mon énergie de lectrice et de ma capacité à me jeter dans un univers).

C'est une bonne histoire, une bonne histoire bien faite et bien construite avec de bons personnages, mais pas pour moi en ce moment et le côté point de vue interne, prophétie, et personnages qui virent de bord brusquement m'ont empêchée de vraiment apprécier le dénouement et la fin de ma lecture.

Mon sentiment est un peu comme dans les émissions d'immobilier, quand l'agent montre un appart' qui correspond à tous les critères des personnes, mais qu'il n'y a "pas coup de cœur". En fait, voilà : avec mon cerveau je vous dis : "c'est une bonne histoire", et avec mon cœur je vous dis : "y a pas l'étincelle".


Les Aventures de Setnê
– J.-H. Rosny aîné

L’armée d’Égypte, ce grand fleuve d’hommes et de mort, s’est déversée sur les contrées d’Asie. Mais Ninive, la ville d’airain, résiste à la soif de conquêtes du roi-guerrier Thoutmès III. Pour prendre l’ennemi de court, le pharaon entrevoit un sentier qu’abrite une forêt séculaire. Setnê, un jeune chef de guerre, s’y engouffre donc, sans imaginer que derrière cet immense lac d’arbres et d’herbes s’étend une terre ancienne, pleine de forces secrètes, celle des légendes et de la vieille nature invaincue, celle des Dragons, des Tigres et des Hommes de l’Eau.

C'est un petit livre de soixante-seize pages qui était offert pour l'achat de deux livres des éditions Callidor. C'est d'ailleurs ça qui m'a décidé à acheter Les Dieux verts alors que je repoussais depuis un moment.

J'ai bien aimé cette lecture dans laquelle on suit le voyage de Setnê au travers des contrées sauvages et dangereuses. On découvre Setnê courageux et déterminé, ambitieux, aussi. J'ai eu parfois un peu de mal à me repérer dans l'espace (Est, Ouest, etc.) mais ça n'a pas été un trop gros problème même si c'est toujours un peu frustrant. Je crois que j'ai mis un peu de temps à entrer dans l'histoire, et pour le coup je ne saurais pas du tout dire pourquoi !

Je dois aussi souligner que j'ai eu un gros coup de cœur pour les illustrations de Maxime Desmettre qui ponctuent l'histoire ! J'aime beaucoup son trait, dans lequel je trouve qu'il y a du mouvement, et j'aime aussi le jeu de contrastes. En fait, j'adorerais, si je peux publier mon roman et qu'on me laisse proposer des noms d'illustrateurs pour la couverture, pouvoir le lui demander !

Dragons, entre sciences et fiction – Jean-Marie Privat (dir.)

"Il y avait à cette époque, en bordure du Rhône, un dragon mi-animal mi-poisson, plus gros qu'un bœuf, plus long qu'un cheval, avec des dents aiguisées comme des épées […]. Sainte Marthe le lia avec sa ceinture et il fut tué sur le champ par le peuple à coups de lance et de pierres."
Bénéfique ou maléfique, l'étrangeté du dragon a longtemps troublé les savants et continue de fasciner notre imaginaire : dragons d'ici et dragons de Chine, dragons de l'Apocalypse et dragons de carnaval, dragons des eaux et dragons des airs, dragons des contes ou des mythes et dragons des peintres, dragons antiques et dragons d'aujourd'hui, dragons des tout-petits et dragons des philosophes, dragons de la science et dragons des artistes. Cet ouvrage pluridisciplinaire (à l'iconographie très riche et originale) donne la parole à des paléontologues et à des historiens des sciences, à des linguistes et à des médiévistes, à des écrivains et à des anthropologues, à des experts en théologie ou en art contemporain. Chacun nous initie avec clarté au monde des dragons, ces créatures hybrides… entre sciences et fictions.

J'ai mis très longtemps à le lire, en partie parce que je me suis retrouvée à le commencer sur une période d'insomnie et donc où j'étais fatiguée rapidement après avoir commencé ma lecture, et en partie parce que je l'ai lu alors que je suis en pleine période d'écriture et qu'il est toujours difficile pour moi de lire beaucoup quand j'écris beaucoup. Mais j'ai aussi tardé à le lire parce que je l'ai trouvé compliqué.

J'adore les dragons depuis toujours, ce sont mes bêtes favorites et quand j'ai appris l'existence de ce catalogue d'expo assez ancien j'ai bondi sur Leboncoin, je l'ai trouvé tout de suite et j'en ai été ravie ! Mais voilà… j'ai eu beaucoup de mal à "entrer dedans" (si tant est que l'on peut dire ça pour une publication scientifique) durant toute la première moitié car beaucoup d'articles sont écrits sur un plan plus scientifique que vulgarisateur, avec tout un tas de mots savants, et que je n'ai pas tout compris. Ce que j'ai compris m'a passionnée, mais je dirais que pendant toute la première moitié j'ai dû m'accrocher. C'était un peu mieux après, les textes sont plus faciles à saisir, et toujours intéressants, mais quand même pas une bonne lecture de détente pour l'été, hein :P

En fait, ce livre m'a ramenée au même sentiment que j'éprouve parfois quand je navigue sur le forum d'écriture dont je suis membre : celui de ne pas être assez cultivée, voire même d'être proprement idiote. Et pourtant, si je ne suis experte en rien et que je suis très loin d'être une universitaire j'aime bien penser que je ne suis pas trop stupide ou inculte… Mais là… Surtout que dans l'une des contribution le passage en anglais n'est pas traduit. Et dans une autre on nous parle d'un tableau que l'on ne nous montre pas. Bon.

En revanche, j'ai quand même retenu quelques trucs sympa qui me permettront d'y revenir sérieusement si j'en ai besoin un jour. Et lire quelques articles pendant ma période d'écriture m'a permis d'intégrer un dragon dans mon roman, donc je ne suis pas trop fâchée !

En revanche, il y a énormément de fautes dans les articles, que ce soit des fautes de frappe, d'orthographe, d'accord, d'un mot manquant, d'un mot pour un autre, etc. et c'est assez agaçant, je dois dire. En stage, j'ai travaillé à la relecture d'une production, et il restait encore des fautes à la fin, donc je sais que c'est un travail difficile, que parfois on manque de temps pour le faire parce qu'on a accumulé le retard et que donc il faut bien rogner sur quelque chose, mais ce n'est quand même pas très sérieux, surtout pour une publication du CNRS.

Les Aventuriers de la mer – Robin Hobb

Chaque famille de Marchands possède une vivenef, un navire intelligent et sensible qu'on se lègue de génération en génération, et sans lequel la navigation sur le fleuve du Désert des Pluies et le commerce des objets magiques seraient impossibles. Althéa aurait dû hériter de Vivacia, la vivenef du clan Vestrit, mais c'était sans compter les machinations de son esclavagiste de beau-frère, Kyle…

J'ai donc fini par reprendre la graaaaaande fresque romanesque de Robin Hobb ! Je l'ai lu sur environ trois semaines (je crois) avant de déménager (je vous en reparle). Je me suis dépêchée, dépêchée, dépêchée parce que j'avais le sentiment que je devais finir avant de pouvoir passer à autre chose, comme si ce que j'avais mis dans le livre comme émotions, etc. faisait partie du cycle à clôturer avec le déménagement, ce qui fait que je me suis retrouvée le dernier jour à lire jusqu'à trois heures du matin (alors que je suis une couche-tôt et que j'ai besoin de neuf heures de sommeil et que je vous avais déjà parlé de ma peur de détruire mon cerveau, du coup c'est vous dire si j'ai mis sentimentalement des choses dans ma lecture).

J'ai mis beaucoup de choses sentimentalement parce qu'à un moment je me suis un peu reconnue en Althéa et je me suis accrochée à elle et à son histoire d'amour (en mode : si ça marche pour elle, ça marchera pour moi (oui, c'est idiot)), au point que je suis allée me spoiler l'histoire pour savoir si ça allait bien finir (et me préparer psychologiquement en cas contraire).

J'ai beaucoup préféré Les Aventuriers à L'Assassin royal et je pense que le côté moins manichéen des "méchants" et surtout le récit à la troisième personne y sont pour beaucoup. Les personnages sont toujours aussi bien fait (même si j'ai eu beaucoup de mal avec Hiémain qui est assez insupportable sans que l'on puisse vraiment dire si c'est parce qu'il est réussi et donc réaliste, ou raté et que donc on ne sait pas comment le prendre). J'ai par contre un peu regretté que les mêmes mécanismes reviennent beaucoup que ça soit dans le scénario ou dans la plume. Par exemple une tension émotionnelle est créée quand plusieurs personnages croient morts quelqu'un qu'ils aiment alors que le lecteur les sait vivants. Ou bien, pour ce qui est de la plume, souvent, comme on saute des semaines d'histoire, on prend un personnage en train de boire un café et, comme il est dans ses pensées, on fait le résumé des semaines précédentes. Je comprends que Robin Hobb n'ait pas eu le choix, mais du coup ça crée une routine qui est assez agaçante vers la fin, quand on arrive à 800 pages et qu'on a fini par capter le principe.

Le côté un peu "prophétie" qui pointe vers la fin m'a aussi un peu fait tiquer mais il est géré différemment que dans L'Assassin royal et d'une manière moins brusque qui m'a moins perturbée.

J'ai aussi eu un peu de mal parfois avec le côté revendications féministes, etc. Même si je dois reconnaître que c'est super bien fait, que ça s'intègre super bien aux personnages et à l'univers et qu'on n'a jamais l'impression de lire une leçon de morale qui tombe de nulle part de la part de l'autrice, ça m'a quand même un peu irritée parce que 1) Robin Hobb prêche une convaincue et 2) je ne lis pas de l'imaginaire pour me retrouver face à des problématiques aussi sérieuses de manière aussi "crues", si je peux dire ça comme ça. Du coup c'était en décalage avec ce que j'ai besoin de lire en ce moment, même si, encore une fois, c'est hyper bien fait, beaucoup mieux fait que dans Dragons et mécanismes ou même Le Fléau des rois que j'avais chroniqués ici.

À part ça, j'ai beaucoup aimé l'histoire, les personnages. Le rythme ronronnait parfois, ce qui est dommage, mais je ne me suis jamais forcé à lire, j'ai toujours été intéressée de savoir la fin. Les histoires parallèles des personnages finissent par se rejoindre presque de manière totalement fluide (on ne peut quand même pas éviter un "comme par hasard !..." mais ça reste bien fait).

J'ai fini la grosse série d'intégrales il y a une semaine à peu près et je n'ai pas repris sur la suite car Robin Hobb a un style auquel je suis très poreuse et j'aimerais lire un ou deux romans avant d'enchaîner sur L'Assassin royal, deuxième époque.


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