vendredi 22 mars 2019

Le chemin parcouru

Source – Vincent Brassinne
L'autre jour, enfin, il y a un moment, parmi les cartes que j'ai tirées il y en avait une qui disait qu'il était temps de réfléchir ; de réfléchir au chemin parcouru. Je me suis dis "boarf", j'ai essayé de chercher des trucs, puis au bout d'un moment j'ai laissé tombé. Et pourtant !... Aujourd'hui, je me suis rendue compte que quelque chose a profondément changé. Ce n'est pas une question d'état d'esprit. Je crois que c'est plus profond que ça, comme un apaisement (alors que je jure toujours comme un charretier, allez comprendre...!).

Demain, avec ma partenaire de reportage photo, nous partons sur le terrain (je vous en reparlerais sans doute dans pas très longtemps), comme ça, au pied-levé, parce qu'il fait beau et que les personnes qui vont nous accueillir nous ont proposé. Elle m'a dit que ça la stressait. Moi aussi, ça m'aurait stressé, avant. J'aurais été stressé de ne pas avoir pu me préparer longtemps à l'avance. J'aurais été stressée de me retrouver avec des inconnus sans avoir pu les rencontrer avant. J'aurais été stressée par le simple fait que ça brise ma routine presque bien huilée. Mais là, bizarrement, rien. Oh, sans doute je stresserai demain sur le chemin vers le point de rendez-vous, mais, pour le moment, ça va.

Et puis, ma partenaire m'a dit, par SMS, qu'elle avait pris conscience que, là où nous nous rendons pour la journée, il n'y aurait pas de toilettes. Ça aussi, avant, ça m'aurait stressée. Il faut dire que j'ai toujours eu des problèmes avec ma vessie. Quand j'étais en primaire, je me souviens que, l'hiver, ça m'arrivait d'aller aux toilettes littéralement toutes les deux minutes pendant la récrée. Pendant ma première année de lycée, j'étais tellement stressée – et je pense que mes problèmes relationnels d'alors y étaient pour beaucoup – que j'y allais trois ou quatre fois avant d'aller en cours en sortant d'une récrée (oui, j'en étais là). Du coup, avant les cours, à la fac, je faisais bien attention d'aller aux toilettes, surtout s'ils duraient plus de deux heures, et je m'encourageais, en me disant que deux heures, en vrai, c'était que dalle.

Donc, j'ai une relation un peu conflictuelle avec ma vessie. D'ailleurs, j'ai longtemps fait pipi au lit, et si j'ai arrêté ce n'est que parce qu'un psychologue est passé par là. Les voyages en voiture sont pour moi le pire des cauchemars à ce niveau-là. Mais aujourd'hui, je ne stresse pas en me disant que là où nous allons y n'y a pas de toilettes (il y a des arbres, par contre), et que nous serons accompagnées de plus d'une dizaine d'inconnus (donc super facile de crier "pause pipiiiii !"). Zéro stress.

La première fois que j'ai remarqué que j'étais plus zen, c'était il y a quelques mois, pourtant. J'étais avec une amie dans sa voiture pendant les vacances, on discutait, et, tout à coup, j'ai pris conscience que les dates de rendu serrées demandées par les profs ne me faisaient pas du tout peur. Rien à battre. Vraiment ; rien à battre. Je ne sais pas si mon Service Civique en est la cause, si grâce à lui je connais mieux la masse de travail que je peux abattre, comme je le pensais alors, ou si ça vient d'autre chose.

Paradoxalement, j'ai parfois l'impression d'appréhender beaucoup plus les interactions sociales avec des personnes que je connais déjà. Pour mon avant-dernière séance de sophrologie, j'ai été prise d'une grande peur, peur de ne pas savoir comment dire bonjour, quoi dire, comment me comporter, alors même que je connais la personne depuis quelques mois maintenant, et que ça n'avait jamais posé problèmes. Alors peut-être que mon cerveau se re-paramètre, tente des trucs dans son coin.

Ce qui est perturbant, c'est que ça à l'air de tomber du ciel. Je n'ai rien fait pour régler mes "problèmes" de stress pour tout ce qui sort de la routine, tout ce qui n'a pas été prévu. Mais ça fait plusieurs semaines que je me rends compte que, sur des situations ou avant j'aurais regardé le chemin à faire avec Google Maps à plusieurs reprises une semaine avant minimum, j'attends maintenant la veille sans que ça ne me crée la moindre angoisse. Sauf que je ne sais pas d'où ça vient, et que c'est très bizarre d'avoir l'impression que c'est venu tout seul, sans que rien ne fasse tilt, sans que personne ne me dise quoi que ce soit ou ne fasse quoi que ce soit. Et du coup, ça sous-entend aussi que je n'en suis pas la cause, que je ne le contrôle donc pas, et que ça peut s'en aller du jour au lendemain.

jeudi 7 mars 2019

Discours intérieur

Source – Jean-Pierre Dalbéra
Hier l'amie de qui je suis l'une des cobayes pour sa reconversion en sophrologie a annulé notre rendez-vous d'aujourd'hui. C'est pas de chance, parce que je voulais lui parler d'un truc... En fait, à notre première séance, elle m'a un peu expliqué comment ça allait se passer, et elle m'a dit qu'elle allait parler à la première personne du singulier, comme si elle était la petite voix dans ma tête. Sauf que la petite voix dans ma tête, elle ne dit pas "je". Et je me suis rendue compte, que, en fait, entendre "je" d'une manière positive durant les séances était très reposant.

Ça fait plusieurs années que je me suis rendue compte que je ne me parlais pas souvent à "je" dans ma tête, et souvent pas pour des choses positives. Mais, peut-être par un effet diffus de la sophrologie, ça ne fait que quelques jours que j'ai pris conscience du point jusqu'où ça pouvait aller.

Par exemple, certaines des pensées que je m'adresse à moi-même, ne contiennent pas du tout "je". L'autre jour, je me suis dit : "on va se mettre un petit peu d'ASMR, ça va te faire du bien". Et quand il y a "je" c'est soit de manière négative qui infantilise en quelque sorte ("qu'est-ce que je vais bien pouvoir te faire à manger" me demandai-je devant le frigo ouvert), soit un "je" négatif qui critique ; par exemple : "je suis trop nulle" ou "les filles comme moi méritent pas tel ou tel truc". Dans ma tête, il y a le "je" qui commande ; le "tu" qui agit, tout ce qui a trait au corps et aux besoins naturels (manger, faire des courses, faire ses devoirs : "demain, tu feras ça, tu commenceras par ça" etc.) ; et le "on" qui est une espèce de mélange des deux mais qui donne les ordres comme le "je". Et je trouve ça un petit peu... inquiétant, quelque part. Je pense que c'est une forme de marque du contrôle que je voudrais avoir sur moi.

Le "je" qui dit "je suis nulle" et tout le reste, est aussi le "tu" des ordres donnés, le "tu" qui se laisse diriger. En gros, quand ça va pas, c'est la faute du "tu", du corps, de celui qui agit. Comme s'il y avait l'esprit qui tentait de manipuler un corps qui lui faisait résistance. Comme quand vous avez des gens dans la rue qui tirent bêtement sur la laisse de leur chien pour l'amener là où ils veulent, sans patience. C'est un peu comme si mes pensées traduisaient une séparation du corps et de l'esprit. Avec un esprit tout-puissant, agacé par un corps pataud (pour à peine caricaturer).

Comme je voulais en apprendre un peu là-dessus, j'ai essayé de chercher si la manière dont on s'adresse à nous-même n'avait pas un nom. Et bien sûr, comme à peu près tout en ce monde, ça en a un. C'est le discours intérieur. Qui se différencie du discours privé en ceci que le discours intérieur est dans la tête, alors que le discours privé est dit à voix haute.

J'ai trouvé un article de Charles Fernyhough sur Pourlascience, que je n'ai malheureusement pas pu lire en entier puisqu'il faut s'abonner et que le site ne propose pas de n'acheter que l'accès à cet article. Et malheureusement mes recherches sur Cairn ont été plutôt infructueuses. Cependant ça a permis de poser un peu les bases des bases du schmilblik.

A priori, les objectifs du discours intérieur sont entre autres de planifier et contrôler notre comportement, d'encourager la créativité, et de réguler nos émotions. Pour expliciter un petit peu ce dernier point, je vais aller puiser dans mes cours de psychologie du sport.

Notre professeur nous a parlé du modèle processuel de régulation des émotions de James Gross. Il existe cinq catégories de choses qui nous permettent de réguler nos émotions : sélectionner les situations auxquelles on se confronte pour ressentir ou éviter de ressentir certaines émotions ; modifier la situation ; se distraire de la situation (typiquement, les joueurs de foot qui ont un casque sur les oreilles en entrant sur le terrain) ; procéder à un changement cognitif (j'y viens), et la modulation de la réponse émotionnelle (par exemple lever le poing quand on est content pour renforcer notre contentement).

Je pense que le discours intérieur intervient sur le changement cognitif. En fait, nous appréhendons les situations auxquelles nous sommes confrontés avec notre cerveau. Je vais essayer d'expliquer ça aussi bien que notre prof l'a fait avec nous. On évalue une situation selon : son importance, si elle va ou non dans le sens de notre estime de nous, et ou non dans le sens de nos buts. On évalue aussi une situation en fonction de notre sentiment de responsabilité, et de notre sentiment de capacité à faire face à la situation. Par exemple un examen : c'est important parce qu'on peut rater notre année, ce qui n'irait ni dans le sens de nos buts, ni dans le sens de notre estime. Et on peut ne pas se sentir capable de réussir. Ce qui provoque du stress.

Du coup, je pense que c'est là que le discours intérieur intervient. En mettant en place des pensées comme "tu vas y arriver, t'as révisé toute l'année, t'as réussi tous les autres examens, y a aucune raison de pas réussir ceux-là", etc. pour renforcer le sentiment de capacité et réduire peut-être un petit peu l'importance (si c'est pas clair, faut me faire signe !).

Sauf que moi, mon discours intérieur, il a plutôt tendance à me tirer vers le fond plutôt qu'à m'aider. Sauf poussée d'orgueil (type : "t'as jamais redoublé, tu vas pas commencer maintenant"), je suis plutôt souvent en train de me punir et de me flageller. Le "je" qui jette tout sur la faute du "tu" essayes en plus de le contrôler à coups de "je t'interdis de faire ça" ou "il faut que". En gros, j'ai un problème de fusion cognitive : mes pensées remplissent fonction d'ordres. Ce qui fait mon discours intérieur ne m'aide sans doute pas comme il faudrait qu'il m'aide.

Surtout quand on sait que, pour le cerveau, le discours intérieur fonctionne comme une conversation. Charles Fernyhough, dans son article, rappelle que ça a la même qualité qu'une conversation à voix haute, à savoir un dialogue entre différents points de vue. Il dit aussi que le discours intérieur peut certes être bénéfique à la personne qui pense, mais aussi lui nuire.

Alors du coup, maintenant, j'essaye de me corriger. Quand une pensée mal construite passe, je la corrige, je la reformule pour la passer à la première personne. Ce n'est pas aussi reposant qu'une séance de sophrologie, et j'ai un peu peur que me forcer ne fasse que cacher le symptôme d'un dérèglement dans mon esprit, mais je me dis qu'il est un peu temps que je prenne le problème en mains..

lundi 4 mars 2019

Symboles

Il y a quelques jours, à la suite d'un article de Rosa sur les cartes oracle, je me suis procurée un jeu. Avec ce jeu, je suis censée me reconnecter à la Terre Mère, entendre les Messagers de Gaïa. Mais ce n'est pas du tout ma vision des choses.

Quand j'étais en troisième année de Licence, il y a environ deux ans, je suivais en option des cours de paléographie médiévale et notre professeur nous avait mis entre les mains des photocopies de pages d'un bestiaire de l'époque, écrit en minuscules carolines ("ça se lit comme du journal !" lui avait dit son propre prof quand elle était étudiante). L'un des animaux fantastiques dont la description était faite m'a énormément plu. Ça a comme fait tilt, en fait. Et cet animal, je me suis dit que ça serait mon tatouage (il faut d'abord que je passe par la case dermato, mais je vous en reparlerais sans doute). Et quand j'ai cherché un petit peu la symbolique de cet animal, ça correspondait tout-à-fait – et correspond toujours – à ce dont j'avais besoin d'un point de vue psychologique.

Dans un autre genre, cet été, une connaissance qui apprend le Tarot a voulu se servir de moi comme cobaye. J'étais très curieuse, donc j'ai dit oui, tout en me disant que, par SMS, ça ne fonctionnerait peut-être pas pareil qu'en "vrai". Et pourtant !... Le résultat m'a bluffée ! Il correspondait parfaitement à une photographie de mon état d'esprit à ce moment-là. Alors que je n'avais fait que donner des chiffres et des nombres.

C'est ce qui m'amène à penser que, même si nous ne connaissons pas tous les symboles de l'univers, les chiffres, etc., notre inconscient, lui, par un effet de "collectif" et d'Histoire, les connaît et, que, résonnent en nous les choses dont notre inconscient reconnaît la signification.

C'est pour cette raison que je ne crois pas à la divination des cartes oracles, pas plus que je crois au fait que nous entrions en contact avec des êtres surnaturels, des anges gardiens, des messagers des dieux, ou comme il vous plaira de les appeler. D'une part, je pense que ces êtres surnaturels, les forces qui régissent notre univers, n'ont pas que ça à faire que de ce plier à notre volonté et de répondre à nos questions quand on le leur demande (manquerait plus que ça...). D'autre part, je pense que la seule personne avec qui on entre en contact par le biais de ces cartes (et d'autres jeux comme le Tarot, par exemple), c'est en réalité... nous-mêmes. Notre inconscient. En ça je me rapproche assez de la vision que Cyanhydrique exposait dans un article sur sa vision du Tarot y a peu.

Les cartes, leur signification, leur message, notre inconscient les a intégré, il les mélange pour nous dire ce que l'on veut savoir.

De temps en temps, comme j'ai besoin d'avoir des choses dans les mains pour m'aider à réfléchir, et que je garde le boitier du jeu à côté de moi dans mon lit (non, ce n'est pas bizarre du tout...), je réfléchis en regardant les cartes défiler. Ce qui fait que je me dis que mon inconscient en connaît l'ordre par coeur. Et quand j'ai une question, je la pose en mélangeant les cartes, et j'annonce quel tirage je vais faire (le livret qui accompagne le jeu en propose). La plupart du temps je tire juste les quatre premières. Pour moi, ça ne fonctionne pas du tout de poser toutes les cartes devant moi et de passer ma main dessus, ça donne des choses qui n'ont absolument aucun sens.

Si l'on fait un tirage pour avoir notre avenir, je pense que ça ne serait qu'une photographie de notre avenir maintenant, si nous ne changeons pas de cap. Ça me fait penser à une série pour ado que je regardais quand j'étais gamine. Phil du futur. Dans un épisode, les héros voulaient savoir s'ils réussiraient leurs examens, parce qu'ils révisaient comme des malades et qu'ils ne voulaient pas faire ça pour rien. La machine leur a montré que oui. Ils ont arrêté de réviser. Ils ont raté les examens. Je pense que la partie divinatoire de ce genre de cartes suit le même principe : une indication de l'avenir si l'on persiste sur notre voie. D'autant que je ne crois pas au destin, je trouve que c'est un concept terrible.

L'idée que des cartes qui soient imprimées à des centaines d'exemplaires partout dans le monde possèdent en elles de la magie me laisse pantoise. C'est aussi ce qui m'amène à penser que la seule personne qui s'en empare, c'est nous-mêmes. C'est un médium pour parler à notre inconscient. Qui lui, sait.

Alors peut-être que je lui trouve trop de pouvoirs, à cet inconscient. Comme un marionnettiste omniscient qui tirerait les ficelles, pour nous protéger pas toujours de la bonne manière. Peut-être que les psychologues qui passeront par ici diront que je délire complètement. Mais c'est ce que je pense. Je pense que les symboles sont connus de nous tout au fond, et que, quand quelque chose que l'on ne connaît pas raisonne en nous et qu'ensuite on se rend compte que ça correspond parfaitement à nos besoins, c'est parce que notre inconscient, lui, savait.