mercredi 28 décembre 2022

Mes 5 derniers livres lus (n°11)

Les vacances m'ont permis de lire les deux derniers gros pavés de cet article ! Je n'ai pas lu autant que je le voudrais, la faute au Serpent Ouroboros sur lequel j'ai été plus lente, et je ne vais pas relire sérieusement avant un moment, puisque je vais être occupée avec les corrections de mon roman et que j'ai toujours du mal à lire des romans dans ces périodes ; je ne peux lire que des mangas, des magazines ou des truc scientifiques type catalogue d'expo.

L'avis du deuxième livre n'est pas très précis car je l'ai écrit un assez long moment après lecture ; je les ai lu dans ma période de déprime du mois d'août et je n'avais à ce moment-là aucune envie, ni motivation, ni intérêt ni quoi que ce soit d'écrire la chronique…


Le Château des nuages – Diana Wynne Jones

Loin du pays d’Ingarie, dans le sultanat du Rajpout, un jeune marchand se plaît à rêver à une vie différente. Il s’imagine ainsi fils de roi, promis depuis sa naissance à une belle princesse, bien loin de sa vie miséreuse et de son père ingrat, bien loin de son petit étal de tapis. Lorsqu’un beau jour, un étranger lui vend un tapis volant. La vie d’Abdallah prend un tournant pour le moins inattendu. Les péripéties s’enchaînent et le destin de notre héros semble soudain lié à celui de la superbe princesse Fleur-dans-la-Nuit. Pour la retrouver, il part pour une incroyable odyssée, semée de Djinns légendaires, de sorciers, de prophéties anciennes… et d’un mystérieux château dans les nuages.

Il s'agit de la suite de la Trilogie de Hurle dont le premier tome a inspiré Le Château ambulant d'Hayao Miyazaki.

Je crois que j'ai préféré ce tome-là. Dans mon souvenir, le premier m'avait paru un peu confus, vers la fin surtout, alors que celui-là est plus clair. Les personnages sont bien faits, c'est assez drôle par moments, et on sent la petite touche féministe au passage sur les princesses, à la fin.

J'ai eu un peu de mal à entrer dedans, ça a mieux été à partir de la deuxième moitié ! J'ai beaucoup aimé suivre les personnages, c'est une lecture toute mignonne, sans prise de tête, bien construite, bien menée, et j'ai donc enchaîné sur le tome 3 direct ! Tome 3 qui prend de nouveaux personnages dans un nouveau royaume, donc les tomes sont indépendants. On peut choisir de ne pas lire les 2 et 3 ou de commencer par les 2 et 3 (même si ça occasionnera quelques infos divulgâchées vers la fin).


La Maison aux mille détours – Diana Wynne Jones

Charmaine se voit confier la garde de la maison du sorcier royal Guillaume, son grand-oncle. La mission paraît simple et propice à beaucoup de temps libre. Elle ignore toutefois que la bâtisse n’est pas ordinaire ! Celle-ci est en effet conçue comme un labyrinthe dont chaque porte vous mène à travers le temps et l’espace, vers des lieux différents ! Rejointe par Pierre, un apprenti sorcier pour le moins maladroit, la jeune femme se perd au cœur de la maison aux mille détours et découvre qu’un gigantesque complot s’organise dans le royaume. Le temps est désormais compté. Charmaine et ses amis n’auront que peu de temps pour percer les mystères auxquels ils font face, et empêcher le pire de se produire…

J'ai apprécié ma lecture même si je dois m'avouer déçue qu'il n'y ait pas eu d'histoire d'amour au contraire des deux tomes précédents (c'est mon côté fleur bleue, que voulez-vous !). On y retrouve le ton et l'univers un peu frappé de Diana Wynne Jones. En revanche, la quatrième de couverture est mal écrite. Elle laisse penser à une histoire très vive, avec une bande d'amis qui court partout pour sauver le monde dans les méandres du pouvoir… ce n'est pas vraiment le cas, car ce n'est pas le style de Diana Wynne Jones. Du coup, j'étais assez surprise d'un rythme finalement assez tranquille. Mais c'est une histoire agréable à lire ! Je n'ai par contre pas compris l'histoire du chien. J'étais censée faire, sans doute "ooooh" et "aaaah" et ça ne s'est pas produit, et je n'avais pas l'énergie d'aller chercher dans le texte les indices.


Le Sang des parangons – Pierre Grimbert

Le monde des hommes est en train de s’effondrer. Et toutes les prières, tous les sacrifices, semblent incapables d’y remédier. L’humanité assiste, impuissante, à son crépuscule. Une dernière chose doit cependant être tentée. Une folie, à la hauteur de cette situation désespérée.
Chaque nation, chaque territoire a ainsi désigné son champion. Certains sont des sages, des savants, ou des dévots. D’autres sont des mercenaires, des aventuriers ou des chevaliers. Il y a même des rois et des reines… Ils ne se connaissent pas, ils ont parfois des intérêts contraires, mais ils ont été réunis pour former le groupe des parangons. Une escouade d’exception dont la mission représente la dernière chance de survie de leurs peuples respectifs.
Ensemble, ils vont devoir pénétrer la montagne sacrée, siège du palais souterrain des dieux. Et s’ils parviennent jusqu’aux éternels, malgré les dangers légendaires que renferme cet endroit, ils devront les convaincre de sauver leur monde agonisant. En les suppliant… ou bien en les défiant, si nécessaire.
Mais combien de parangons verront leur sang versé sur le chemin, pour permettre aux autres de continuer ?
En restera-t-il un seul, qui pourra prouver que l’humanité mérite vraiment d’être sauvée ?

Je n'ai pas aimé la fin.

Les personnages sont excellents, comme toujours chez Pierre Grimbert ; c'est sa grande force. Le rythme est bon aussi. Mais je n'ai pas aimé la fin. Le "combat final" m'a paru précipité, un peu tombé de nulle part, trop rapide, comme s'il s'était dit "vite-vite, je n'ai droit qu'à cinquante pages pour tout conclure, ça ne va jamais tenir !". J'ai été perturbée par le rythme de la scène du combat, ou chaque personnage attaque chacun son tour ; j'ai trouvé que ça ralentissait le rythme (les rares personnes qui ont lu mes romans ont droit, à cette remarque, de se gausser :P). Dans un manga, ça passe bien parce que l'on voit bien que chaque intervention de chaque personnage est rapide ; mais dans un roman, le temps de lecture c'est du temps de combat, et du coup même en sachant que c'était hyper rapide, j'avais cette impression de lenteur. C'est difficile d'en dire davantage sans trop en révéler, mais ce qui arrive à certains personnages qui comprennent des choses sur eux m'a paru aussi trop dit, balancé comme ça, je ne sais pas… Je ne pense pas que ce qui m'ait posé problème soit le scénario de cette scène finale : je crois que c'est vraiment le rythme, trop rapide, trop brusque.

J'ai été mal à l'aise de la révélation de ce qu'il y a sous la montagne, aussi. J'avais cette impression de plongée en science-fiction. Si c'était le but de Pierre Grimbert eh bien, ma foi, c'est réussi !

La première partie de l'épilogue a un côté très cynique, rattrapé par la seconde, que j'ai bien aimée, où des couples sont confirmés même si dans tout le roman les rapprochements étaient discrets (je mentionne ça parce que… je suis fleur bleue, que voulez-vous !).

J'ai été rassurée de la fin, aussi, d'ailleurs. Pierre Grimbert avait dit dans une interview que vu le nombre de héros au début (quarante-et-un !) ils n'allaient pas tous survivre. Je prévoyais déjà de perdre les chouchous et de me vider de mes larmes sur les pages mais fort heureusement les morts sont plutôt parmi les héros secondaires. Je dois dire que ça m'a plutôt plu/rassurée/convenu parce que je n'imaginais pas Pierre Grmbert, qui de ce que j'ai lu de lui a plutôt tendance à faire des histoires avec de l'espoir et du bonheur, tuer les préférés ou du moins ceux sur l'épaule desquels on s'était penchés le plus.

J'ai lu une critique sur Babelio qui mettait la foi comme l'un des messages de ce livre : je trouve au contraire que la religion en prend pour son grade, notamment dans la conversation de la mage avec Kamandra, et à la fin, avec Jio, quand ils sont presque arrivés au palais des dieux.

J'ai aimé toute ma lecture jusqu'à la fin, le rythme du voyage dans la montagne et des péripéties est bon, le choix des points de vue aussi. J'ai par contre regretté que certaines blessures soient oubliées. Je pense notamment à Dukern, blessé à l'aine, qui parvient quand même à marcher et à grimper alors que son baudrier aurait dû le gêner. Même dans le chapitre sous son point de vue où il dit se sentir fatigué, il n'est pas fait mention de la gêne, voire la douleur, que cette blessure peut causer. J'ai trouvé dommage que la fatigue et la douleur, ce que les corps enduraient, ne soit pas un peu davantage traité. C'est dit plein de fois, qu'ils mangent et dorment peu, mais on ne le voit pas vraiment (sauf si on considère que ne jamais les voir endormis montre justement qu'ils ne dorment pas :P), voire on fait disparaître une blessure comme celle de Dukern. C'est dommage.

J'ai trouvé intéressant de plonger de nouveaux dans des galeries, un peu comme dans Gonelore et le Cycle de Ji ; même si c'était différent, je trouve intéressant de voir Pierre Grimbert explorer encore ce rapport aux souterrains et à la pierre, particulièrement à la magie de la pierre, ce qu'il avait déjà fait dans le Cycle de Ji. On pourrait tourner ça négativement comme un auteur qui ne se renouvelle pas mais personnellement je ne trouve pas du tout ! C'est davantage comme une variation, en fin de compte.

Donc pour résumer j'ai aimé toute ma lecture, j'ai dévoré les pages, et j'ai achoppé sur la fin, sur la révélation et le combat final. J'ai quand même hâte de lire le roman suivant (vivement 21 lames tome 2 !) !


Les Cités des Anciens, tomes 1 et 2 – Robin Hobb

Les dragons. Leur puissance. Leur magnificence. Leur clairvoyance. Mais leur fragilité, aussi. À celles et ceux qui sauront les comprendre et les protéger s'ouvrira la route des mythiques Cités des Anciens. Les autres, ennemis ou simples imprudents, le paieront de leur vie.

J'ai mis beaucoup de temps à entrer dans le premier tome en partie à cause du résumé : je ne voyais pas vraiment où on allait, où Robin Hobb voulait nous emmener et quelle était l'intrigue. Ensuite, quand ça a commencé à se dessiner un peu mieux, c'était plus facile. Cependant, même si c'est une bonne histoire avec de bons personnages, des choses m'ont un peu dérangées.

Je commence à connaître Robin Hobb, donc certains développements des personnages se devinent dès leur première rencontre avec d'autres personnages. Ensuite, il y a Grig, le chat du bateau, qui apparaît tellement rarement que quand il était signalé je me disais parfois : "ah oui ! c'est vrai, il y avait un chat !" (et il disparaît tout à fait à la seconde intégrale, sans explication aucune) alors que sur une petite gabare, sans le voir toutes les deux lignes, il devrait être plus visible (où fait-il ses besoins ? qui s'en occupe ? n'a-t-il pas peur des dragons ? n'est-il pas dérangé quand la population du bateau augmente du simple au double ?). Comme Robin Hobb a beaucoup de personnages, la majorité n'est pas vraiment développée et ils sont souvent seulement appelés "les gardiens", sans identité à eux. Le fait qu'il y ait une liste de personnages au début du roman n'était déjà pas vraiment bon signe. Je trouve ça un peu dommage, même si c'est vrai qu'il faut aussi faire des choix et qu'il vaut mieux réduire les points de vue que les multiplier vu que la multiplication peut diluer l'évolution des personnages, mais j'aurais quand même aimé en savoir plus sur certains d'entre eux, au moins de manière indirecte.

Du coup, le développement de certains personnages va aussi trop vite, comme la relation entre Sédric et Carson. Le développement d'Alise est assez prévisible, surtout que Robin Hobb a déjà développé un personnage abusif dans Les Aventuriers de la mer ; j'étais un peu embêtée qu'elle ait refait la même chose ici. Passer des messages féministes et humanistes c'est super, mais je trouvais ça un peu redondant, même si c'est toujours bien fait.

Quand ils arrivent enfin à leur objectif, Alise évoque les possibilités de ces nouvelles terres arables mais, quelques pages plus tard, Leftrin lui en parle comme si elle ne se rendait pas compte alors qu'elle vient juste d'en parler. Je mets ça sur le compte des quelques incohérences qui surviennent parfois – comme dans les autres tomes du Cycle des Anciens, d'ailleurs. Par exemple, Kanaï, qui au contraire ce que pensent les personnages, n'est évidemment pas mort, raconte que l'eau les a emporté, lui et sa dragonne, dans le sens du courant : en aval, donc. Là où ils sont arrivés, ils se sont rapprochés de leur but, puisqu'ils ont trouvé des terres arables. Mais le but, quand ils y arrivent tous à la fin, est en amont. Kanaï et Gringalette n'ont pas pu se rapprocher du but en se laissant emporter par la rivière vers là d'où ils venaient. Même en empruntant un effluent. C'est illogique.

En fin de compte, je ne sais pas trop quoi penser de ce premier intégral. J'ai aimé ma lecture mais elle est émaillée de petites contrariétés. J'ai pourtant acheté les intégraux suivant avec mes chèques de Noël. J'ai bien envie de savoir comment tout ça se finit, surtout que je me souviens avoir vu passer la publication Instagram d'une lectrice qui évoquait une sorte de grande révélation qui remet pas mal de choses comprises jusque-là en cause et demanderait de relire tous les tomes à la recherche des indices.

Je ne sais pas trop quoi penser non plus de la seconde intégrale. Là encore, c'est émaillé d'incohérences : Hest de Reddine qui commencent par se vouvoyer puis se tutoient, le dragon Crache qui devient dragonne le temps de quelques lignes, la provenance de la robe cadeau de Leftrin à Alise, la couleur des griffes de Thymara qui passe de noire à cobalt à noire, Ephron Vestrit désigné comme le père de Malta alors que c'était son grand-père… C'est agaçant. Je devrais avoir l'habitude, pourtant, comme il y en a dans tous les tomes de ce cycle, mais j'ai trouvé qu'il y en avait particulièrement beaucoup dans ce tome-là.

J'en ajouterais peut-être même deux. La première, plus de l'ordre de l'invraisemblance – je divulgâche un peu, faudra pas m'en vouloir, surtout que ma divulgâcherie est assez logique du point de vue des besoins de Robin Hobb pour le scénario – ; Hest meurt mangé par un dragon qu'il a provoqué. Il tombe dans l'eau du bain, la jambe arrachée. Ensuite, personne ne sait où est diantre passé Hest. Il m'a fallu un jour ou deux pour me faire la réflexion que, même si les dragons se mettent du sang partout en mangeant, il n'y en a sans doute jamais assez pour colorer le bassin. Or, dans un être humain, il y en a beaucoup, des litres et des litres, et Robin Hobb dit que le sang colore l'eau. Personne ne s'est donc demandé pourquoi il y avait tout ce sang dans l'eau ? Mouais. Même si le bassin est assez grand pour contenir un dragon, l'eau devrait quand même avoir une coloration suspecte. La deuxième, c'est que Tintaglia, à un certain moment, s'inquiète pour ses œufs dans son ventre, dont elle attend la maturité pour pouvoir les pondre et donner naissance à la première génération de dragons. Un peu plus tard, Kalo dit que les œufs de l'année prochaine seront les siens : il faut donc un an pour que les œufs fécondés par un mâle soient prêts à pondre. Or, il y a plusieurs années que Tintaglia a rencontré Glasfeu, puisqu'elle s'accouple avec lui pour la première fois aux alentours du moment où le Fou, dans la partie précédente, apprend qu'Althéa est enceinte, et que quand on rencontre de nouveau Althéa dans cette partie, le petit marche et parle un peu mais surtout que la narration rappelle que l'on n'a plus de nouvelles de la dragonne depuis plusieurs années qu'elles a rencontré son compagnon. Du coup, les premiers œufs auraient déjà dû être pondu et l'avenir des dragons assuré. Ça aussi, il m'a fallu quelques temps pour le réaliser; sur le moment c'est passé crème.

Donc, si j'ai pas calculé n'importe comment, ça ajoute un problème. Je trouve ça dommage car jusque-là Robin Hobb maîtrise sa chronologie, tout s'emboîte entre Terrilville et les Six-Duchés, les histoires des uns et des autres… Alors vous allez me dire, dans une fresque aussi grandiose et immense, on s'en fiche de savoir quand une dragonne pond ses œufs. Ben oui, on pourrait, mais c'est quand même dommage que ça vienne érafler la carrosserie, surtout que ça s'ajoute aux autres petits problèmes, et du coup ça me laisse encore plus un sentiment mitigé à la lecture. J'espère vraiment que la fin du cycle vaut le coup, sinon je vais finir par me demander pourquoi Robin Hobb est autant porté aux nues. Je trouve ça dommage aussi que personne parmi ses relecteurs (elle doit bien en avoir, quand même !) ou éditeurs ne lui aient fait la remarque. J'imagine que, hors intégrales, il a fallu plusieurs années pour écrire tout ça, donc je comprends parfaitement qu'il puisse y avoir des accrocs et c'est extraordinaire qu'il n'y en ait pas plus, sans doute, mais je me demande quand même pourquoi personne n'a eu la vigilance de lui faire ces remarques, surtout que souvent les petites incohérences sont des détails faciles à corriger – et que perso ça fait plusieurs années que j'ai lu les intégrales précédentes et je m'en souviens suffisamment bien pour remarquer certaines choses, donc c'est que c'est possible même sans tout relire avant.

Certaines choses, comme la survie de Tintaglia, qui débarque pile au moment où on trouve de quoi la soigner, est au compte des choses prévisibles.

En fait, je suis en train de me dire que c'est le problème avec les longues sagas, quand les tomes du milieu dépendent de la suite. Tu peux avoir les meilleurs personnages du monde, les plus précis, les mieux construits (et ceux de Robin Hobb sont comme ça – avec un bémol sur les viols qui suscitent tous la même chose chez les victimes, la même ligne d'évolution) : tu es quand même bloqué par ce dont tu as besoin pour la suite. Je crois que Les Cités des Anciens sont des tomes de transition : on place des changements dans le monde comme tremplin à la suite. Et on se retrouve bloqués. Pour conclure l'arc d'Alise et Sédric et leur affranchissement à Hest, on est obligé de faire disparaître Hest, puisqu'il est impossible de raisonner Hest et que, sans sa mort, l'intrigue ne serait pas achevée à la fin du roman. Et pour que Malta et Reyn restent en vie et servent pour la suite, on est obligé de sauver Tintaglia. J'étais surprise quand elle a failli mourir, je me suis dit : "tiens, Robin Hobb a décidé de nous surprendre" et en fait non, parce qu'elle est bloquée (et en vrai je comprends aussi de ne pas faire mourir les personnages, je n'aime pas faire souffrir les miens xP) pour la suite, si elle fait ça.

J'ai aussi trouvé moins de finesse à Robin Hobb dans ses messages féministes. Elle y va de front et devient redondante : encore des viols et violences psychologiques, sur plusieurs personnages (j'en ai compté 6 sur 15 femmes sur tout le cycle auxquelles il faut ajouter Selden et Sédric – et toujours avec le même développement, alors qu'il y a autant de niveau de résilience que de victimes donc l'argument du "oui mais dans la vraie vie" ne tient pas) ; encore de méchants manipulateurs abusifs ; encore des garçons qui ne pensent pas aux conséquences des grossesses des filles. Je la trouvais plus fine avant, moins directe, et surtout moins à raconter toujours la même chose. Ça m'a aussi agacée ; peut-être que je n'étais simplement pas de bonne humeur pour lire des triangles amoureux tendus et des leçons rabâchées.

Je n'ai pourtant pas cessé ma lecture, je voulais savoir le fin-mot de l'histoire et j'en garde le souvenir d'une lecture agréable une fois que les passages agaçants sont passés. C'est pour ça que je ne sais pas quoi penser de cette lecture. Les personnages sont bien fait, c'est assez bien construit. Mais, là encore, je ne sais pas si c'est parce que je commence à connaître Robin Hobb ou parce que les ficelles étaient grosses, mais certaines choses sont prévisibles, certains développements, comme la relation d'Hennessie et Tillamon – quoi que Robin Hobb ait eu la bonne idée de le traiter rapidement sans en faire des caisses. Donc, je ne sais pas.

J'ai aussi trouvé que la multiplicité des personnages n'était pas forcément bien gérée (même si je sais que c'est un exercice très difficile) : beaucoup de dragons ne sont jamais nommés si bien qu'on les oublie, et de même, sur peut-être les deux tiers du livre voire un peu plus, Alum n'apparaît jamais. Il est dans les conversations et les pensées de Skelli et Leftrin, par exemple, mais il n'est jamais nommé quand on est avec les gardiens : on ne le voit jamais participer à la chasse, au soin des dragons, etc. C'est un peu corrigé ensuite, mais c'est dommage qu'il disparaisse ainsi, car du coup on l'oublie et il ne paraît pas avoir d'existence réelle.

Je crois que je m'attendais à être complètement retournée, comme toujours jusque-là avec les personnages de Robin Hobb, mais ça ne s'est pas produit, et les défauts m'ont encore plus sauté au visage par contraste. Je n'ai pas détesté ma lecture, je l'ai même appréciée et je n'en garde pas un mauvais souvenir, mais je ne l'ai pas non plus adorée, parce qu'elle s'est émaillée de contrariétés. J'ai suivi l'histoire de manière un peu détachée, je crois, par rapport à d'habitude.


Le Serpent Ouroboros – E. R. Eddison

Sur la lointaine Mercure, les trompettes de la guerre viennent de retentir, les tambours de chanter le fracas des armes et les épées de se parer de leur manteau de pourpre. L’honneur des Démons a été foulé aux pieds par le roi de Sorcerie, et pour laver l’affront, le seigneur Juss et ses alliés s’apprêtent à livrer un combat épique. Leur périple les conduira à travers forêts et déserts, mers et marais, au coeur des fabuleuses contrées de la terre du milieu, depuis leur majestueuse Démonie aux mille montagnes jusqu’aux plus hautes cimes enneigées de la terre.

C'est Lessingham, Terrien comme vous et moi, qui emprunte un charriot magique et se retrouve spectateur de l'histoire sur Mercure, mais je me demande si ce n'est pas juste un prétexte à Eddison pour faire entrer le lecteur dans son univers en un temps où la fantasy naissait à peine, parce qu'en fin de compte Lessingham disparaît tout à fait et on ne le retrouve même pas dans un épilogue.

C'est un roman étrange. Toute la première partie traite moins de la guerre en elle-même que des aventures de Brandoch Daha et Juss pour retrouver Goldry enlevé par une espèce de diable invoqué par le roi de Sorcerie. Puis, ensuite, il est question de guerre, de mouvement des armées, mais dans un style vif et rapide, et pas en interminables expositions, donc je ne me suis pas du tout ennuyée. C'est un roman entre le rêve, le conte, le roman médiéval, le récit d'aventure à la Jules Verne avec ses quêtes impossibles taillées pour des héros extraordinaires, dans un univers imaginaire qui en fait un roman de fantasy.

J'ai aimé mais j'ai quand même repéré des contrariétés. À un certain moment, une prise d'armes a lieu dans une salle de banquet : il n'est jamais fait mention des dames présentes : si elles crient, se cachent sous les tables, prennent un coup perdu… elles disparaissent purement et simplement. Quand ils sont en Lutinie, Crachefeu se trouve séparé de Juss et de Brandoch Daha, puis on ne parle plus de lui, puisqu'on suit les deux autres, et on le retrouve à faire face à la guerre, en Démonie, de l'autre côté de la mer, sans qu'on sache comment il est arrivé là puisqu'aux dernières nouvelles il était pourchassé. Et enfin, quand Juss et sa bande de preux reviennent au lac de Ravary pour, cette fois, libérer Goldry de sa prison, je n'ai pas trop compris comment ils étaient arrivés là, parce que la première fois ils ont dû traverser des montagnes abruptes, donc l'ont-il refait, ou y avait-il un autre chemin ? On parle d'un bateau qui attend, mais ensuite on dit qu'ils repartent (à pied) pour retourner à leurs bateaux beaucoup plus loin. Puis même avant ça, on les avait laissé bien des chapitres plus tôt à ce même endroit avec un probable départ en Démonie pour chercher un œuf, mais finalement quand on les retrouve en Démonie, l'œuf est récupéré comme ça, comme sur un coup de tête, comme s'il avait été précédemment oublié. Cette suite de séquences-là, surtout le retour au lac, m'a paru un peu bancale.

J'ai beaucoup aimé la place des femmes dans ce livre, à la fois "à leur place de femmes" et à la fois indépendantes, qui se déjouent des hommes, parfois.

J'ai bien aimé, et j'ai bien aimé la fin, assez étrange aussi, qui colle pas mal à l'histoire et donne un autre relief au titre, j'ai trouvé.

J'ai aimé le style aussi, avec ses phrases parfois construites bizarrement et ses métaphores. Je pense que ça ne plaira pas à tout le monde ; il faut aimer les plumes marquées, les styles personnels.


J'enchaîne sur des mangas, je pense, pour chasser de ma tête ce style bizarre et reparamétrer un peu mon cerveau avant de corriger mon propre roman :)

Que lisez-vous en ce moment ?

lundi 5 décembre 2022

La confiance et le rejet

Source – Ruca Souza

Il s'est passé aujourd'hui un truc très étrange, enfin… ça n'aurait pas été étrange un an en arrière mais, aujourd'hui, ça l'était : je n'ai pas ressenti le besoin d'envoyer des messages autour de moi à chaque truc qui m'arrive (une boulette en studio, réaliser que j'avais peut-être pas éteint le radiateur en partant ce matin, etc.). Ce n'est même pas que j'ai dû résister à l'impulsion ; c'est mieux que ça : je ne l'ai pas ressentie. Sur le chemin des toilettes, en milieu de journée, je me suis même surprise à penser qu'aujourd'hui mes pensées n'étaient rien qu'à moi, et à en éprouver une sorte de soulagement. J'ai toujours été secrète, jusqu'à ses derniers mois où j'ai commencé à envoyer des messages à deux amis au cours de la journée pour me décharger d'émotions que je ne pouvais gérer de l'intérieur, sans être vraiment sûre que ce soit bien consenti ou bien perçu de l'autre côté, et surtout sans le choisir vraiment puisque c'était plus de l'ordre de l'impulsion. Rétrospectivement, je n'ai pas eu cette impulsion hier non plus. Ni samedi, pas trop. 

Et je me rends compte en fait que ça me faisait souffrir ou du moins que j'étais bien aujourd'hui, avec mes pensées rien qu'à moi, et surtout à me surprendre à être capable de gérer et de prendre du recul par moi-même. Quand j'ai réalisé que je n'avais peut-être pas éteint le radiateur de la salle de bain ce matin, je me suis dit que je n'aurais qu'à pas l'allumer dans les jours qui viennent pour compenser, et que de toute façon j'étais encore bloquée en studio et que je ne pouvais rien y faire. J'avais laissé mon tapis sécher dessus. C'est un sèche-serviettes, donc normalement pas de risques, mais j'ai quand même approché mon téléphone d'une fenêtre pour vérifier si on ne m'avait pas appelée pour me prévenir d'un incendie. Dans la voiture, je me disais que tous ces messages que j'envoie depuis des mois à longueur de journée pour me décharger ne font en fait que me diluer. Je me dilue dans l'attente que les autres m'apportent un soulagement, reconnaissent mon existence alors même que je suis pour eux une relation fictive ; je me dilue en espoir d'être reconnue, d'être englobée par l'autre pour ne pas avoir la sensation d'être rejetée ; je me dilue et je perds mon énergie, celle qui me permettrait de gérer moi-même.

Sur un article précédent, Virevolte m'a parlé de la blessure de rejet et m'a donné le lien d'un article de magazine. Je m'y suis beaucoup reconnue. Le soir-même j'ai fait un rêve dans lequel une amie qui n'était pas vraiment elle (pas la bonne coupe de cheveux et couleurs d'yeux) listait ses complexes et je me disais : "moi aussi quand ce sera mon tour dans le groupe de parler, je dirais ça" et elle a parlé de sa taille et tout à coup je me suis sentie me redresser. Je me suis demandée si le fait que j'ai tendance à être tassée n'était pas en lien avec le fait de vouloir passer inaperçue, trait de la blessure de rejet. Le refuge du monde intérieur, se sont bien sûr mes fantasmes envahissants ; quant au faux-self, ce sera celui du signe extérieur de valeur et cette pensée qui me traverse parfois : "quand je serais publiée, ils verront tous que…" – ils verront tous que rien du tout, puisque ça ne veut rien dire. En revanche, je ne me suis pas reconnue dans les causes. J'en ai parlé à la psy lors du dernier rendez-vous. Je voulais parler de blessure de rejet, et elle m'a amenée sur ma famille ; je n'ai pas trop compris le lien, j'ai toujours l'impression d'être sortie de là sans avoir parlé de ce pour quoi j'étais venue.

À peu près au même moment j'ai réalisé que le forum d'écriture sur lequel j'étais me prenait beaucoup d'énergie pour pas grand-chose : les messages échangés en privé devenaient plus intéressants et stimulants pour moi que les sujets du forum. J'y perdais aussi énormément de temps à chercher à répondre à des choses (je me demande si ça n'a pas un lien avec une sorte de "si je les aide, si je réponds, ils ne pourront pas me rejeter" ?). J'ai réalisé qu'à force de mettre mon nez dans les débats stériles avec des wokistes frappés du bulbe je m'étais usée en anxiété et en baisse de l'estime de moi. Quand vous ne discutez qu'avec des personnes qui vous prennent de haut avec condescendance et admettent débattre avec cette idée de vous convaincre et de penser mieux que vous, vous avez beau être certain d'avoir raison et de bien agir, ça use. Or, au même moment, sur un groupe Discord avec quelques membres du forum, on me faisait comprendre que je n'étais pas la seule à trouver certains comportements limites, et on me faisait des compliments. J'ai aussi réussi à retourner à l'aïkido après plusieurs semaines sans en faire, et le prof m'a dit qu'on avait demandé après moi et qu'ils étaient contents de me voir. Ça m'a fait plaisir, je me suis sentie comme une gamine, et j'ai réalisé à quel point ça me manquait, d'entendre et de lire des choses gentilles. C'est fou comme on peut changer de regard sur soi quand on parle aux bonnes personnes.

Grâce à Haikyuu j'avais déjà compris que mes fantasmes envahissant me font plus de mal que de bien, parce qu'ils creusent encore plus profondément le gouffre qu'ils essayent frénétiquement de combler. Hier j'ai pris toute la mesure du problème, ou du moins sur une dimension autre. Pour la première fois depuis longtemps je me suis masturbée sans fantasme particulier, sans imaginer quelqu'un avec moi, juste en me concentrant sur les sensations (vous m'excuserez de ne pas avoir recours à des euphémismes et de jolies formules comme "plaisirs solitaires", etc. : appelons un chat, un chat) et j'en suis ressortie beaucoup mieux, dans mon corps, dans ma tête, que quand il y a fantasme envahissant. Faut dire aussi que j'ai un rapport compliqué à l'auto-érotisme, je crois même que je n'en ai jamais parlé ici, encore, parce que je n'ai jamais su vraiment trouver les mots ; mais, bien souvent, j'ai cette impression que le désir revêt plus un côté pulsionnel et soulageant plutôt que réel. Je sais maintenant que je suis beaucoup mieux en moi quand mes fantasmes me laissent tranquilles et quand je les repousse au lieu de les accueillir.

Je parle de cette découverte parce que je me demande à quel point elle a eu des répercussions dans ce qu'il s'est passé aujourd'hui ou plutôt dans ce qui ne s'est pas passé.

Hier, j'ai aussi lu toute la journée, et dans le roman un dragon envoie ses pensées à un humain avec frénétisme – un peu comme moi avec mes messages, me suis-je dis tout à l'heure dans la voiture. J'ai découvert que je pouvais éprouver de la joie par moi-même, aller mieux par moi-même, sans avoir quelqu'un qui me guide ou qui conditionne ma joie. Donc, je peux aussi réguler mes émotions par moi-même, sans avoir besoin d'envoyer des messages frénétiques, impulsifs, et de me diluer. Je peux passer une bonne journée sans m'inquiéter de recevoir ou non des messages (j'ai encore tendance à regarder beaucoup mes boîtes de réception quand je m'ennuie, en revanche, ou plutôt quand les tâches qui m'attendent ne me bottent pas plus que ça ~ et aussi quand j'ai vraiment peur qu'une personne ne réponde pas ou ne réponde plus pour X raisons qui lui appartiennent mais qui m'effraient). En studio, j'avais mal au dos ; j'ai pensé au vieux fantasme de l'ami qui me masserait, et je me suis morigénée : si j'ai mal au dos, plutôt que d'attendre un soulagement extérieur qui de toute évidence n'arrivera jamais, je peux tout aussi bien faire mes étirements correctement. Personne ne m'apprendra à mieux parler une langue, dessiner ou jouer du piano : si je veux apprendre, je prends le temps et je fais moi-même. Personne ne me motivera de l'extérieur à faire mes exercices pour le dos, les étirements et la musculation, pour rester plus droite. Ça m'a fait une sorte de petit électrochoc (ce qui est étrange en soi, d'ailleurs, car je sais depuis longtemps que ces vieux fantasmes d'un "ami-enseignant" ne sont justement que pur fruit de mon imagination). Je ne sais pas s'il sera vraiment suivi d'effets immédiats dans la mesure où prendre soin de moi a toujours été compliqué.

En tout cas, j'aime cette sensation d'avoir mieux la maîtrise, de moins subir ce que je pense ou mes impulsions – même si je reste très à fleur de peau, ces derniers temps, et facilement irritable. J'aime cette sensation de ne pas me sentir obligée d'aller voir sur Whatsapp si une amie a répondu. J'ai l'impression que c'est un changement plus balbutiant que celui qui a suivi Haikyuu, mais aussi plus profond et, donc, plus durable si je l'accompagne.

Je ne sais pas si je voudrais parler de ça à la psy tout de suite. On a beaucoup parlé (enfin, elle m'a beaucoup fait de remarques) sur le fait de s'accorder le droit d'avoir de la joie ou du plaisir (qui ne soit pas forcément sexuel, je précise) et d'accepter de ressentir ça. Je ne lui ai pas encore dit que quand j'étais au collège je me trouvais ridicule de vouloir partager les choses qui me rendaient joyeuses, que je trouvais ça niais, et que donc, je ne le faisais pas, ou je me rabrouais après. Je n'y pense jamais, mais il va falloir.

La prochaine fois, je voudrais plutôt parler du bruit dans ma tête. Ça chante beaucoup en ce moment, beaucoup trop. Samedi dans la grande ville du coin quand je dépensais mes chèques de Noël dans des livres (oui, j'ai tout passé dans des livres !) ça allait, je n'ai rien entendu chanter. Quand je lis non plus, ça ne chante pas. Généralement, en ce moment, ça chante plutôt le matin et le soir. Mais la semaine dernière c'était très permanent.

En tout cas, j'espère que ce qu'il s'est passé aujourd'hui va continuer, et que je vais garder mes pensées pour moi toute seule. J'ai l'impression d'être plus entière, plus libre, et de mieux réfléchir quand je garde mes pensées pour moi toute seule au lieu de me diluer dans les autres. J'étais soulagée aussi, je crois, que mon amie dans une situation grave ne m'ait pas répondu : le fait de devoir réfléchir à sa situation me prend beaucoup d'énergie, j'y pense beaucoup trop et ça s'entremêle à mes propres problèmes, je me laisse envahir et mes pensées ne sont plus à moi. Je vais essayer de ne me connecter à Whatsapp qu'à la pause déjeuner seulement chaque jour, voir si ça aide. J'aime bien garder mes pensées que pour moi et ne pas m'éparpiller. J'ai remarqué aussi que ces derniers mois, quand je parlais toute seule chez moi pour m'aider à réfléchir, c'était seulement pour mon amie, ou en lien avec le forum, et plus pour moi (sauf pour le roman), pour démêler mes pensées, alors que parler toute seule pour réfléchir m'a toujours permis de réfléchir plus vite et de mieux me comprendre.

Dites : est-ce que les papillons dans le ventre qu'on a pour soi-même quand on tombe amoureux, c'est les mêmes que quand on lit des romans ?