dimanche 28 avril 2024

L'apprentissage du choix

SourceSource – James Wheeler

Je pensais vraiment que cette fois je mettrais moins d'un mois à écrire le prochain article et au final… c'est raté ! J'aurais plein de choses à raconter, pourtant. J'ai aussi envie de plus lire vos blogs. Je suis souvent fatiguée la semaine, et le week-end, du coup, j'ai juste envie de lire et écrire. Je vais finir par rattraper tout mon retard, pourtant, promis juré !

Je ne sais plus ce que j'avais raconté ou pas. Je suis passée à un cachet par jour au lieu d'un demi depuis mon arrêt inopiné et la remarque de la psy comme quoi du coup mon état était pire que avant. Eh bien en fait, un cachet, c'est parfait. Un demi, parfois, je sentais bien que ce n'était pas suffisant, que je finissais quand même par me morfondre des heures entières. Là, quand il arrive un truc, je suis un peu triste et je passe à autre chose, j'avance. C'est très perturbant, comme sensation, parce que je n'ai pas l'habitude. Au début, plein de fois, je me trouvais un peu perchée. Oh les jolis chants des oiseaux, oh le ciel bleu, oh le chat, oh le canard, ooooh c'est beau cette lumière. Vraiment, je me trouvais un peu perchée, un peu trop joyeuse, et un peu trop capable de passer à autre chose quand je recevais une mauvaise nouvelle. Du coup, je me disais à la fois que c'était peut-être ça l'état normal des gens (on est un peu triste et on rebondit) et à la fois que c'est vraiment bizarre, comme état, un peu comme si rien n'avait d'importance ou que l'on pouvait empêcher des chaînes de nous attraper aux chevilles rien qu'en continuant à marcher. Maintenant ça va, je m'habitue. Il paraît que c'est l'état normal des gens. Je ne suis pas perchée, je suis juste capable de voir du bien au lieu de m'apitoyer sur mon sort. Un peu étrange. Souvent, les ruminations, se morfondre, c'est aussi se rassurer, ça fait moins peur, puisque c'est un schéma connu.

Je me suis rendue compte que je n'avais plus besoin de sauter sur mon téléphone pour raconter des trucs dès qu'ils m'arrivent à ma meilleure amie, alors que bien souvent juste après avoir envoyé le message je n'ai pas besoin d'une réponse, ça va déjà mieux. J'arrive à mieux gérer mes émotions par moi-même (enfin : le cachet gère mes émotions pour moi) et du coup je peux choisir ce que je raconte ou pas. C'est bizarre, ça, comme sensation. De ne pas écrire en réaction, frénétiquement, comme une pulsion, mais d'écrire parce que j'ai envie de raconter quelque chose, de partager quelque chose, d'avoir un avis. Pas demander un avis pour me noyer dans l'avis des autres, me diluer, mais juste parce que j'en ai envie. Être capable de garder mes pensées et mes doutes pour moi si je le souhaite, et de partager si et quand je le souhaite. Du coup, j'ai du mal à savoir, souvent, si je veux raconter parce que j'en ai envie ou si je veux raconter par besoin, comme avant. Comme avec mon problème de masturbation, finalement. Avant, tout le désir était forcément faux, généré par le stress. Là, je peux choisir, je peux le repousser quand il est faux, un peu, et un peu l'appeler quand j'en ai envie. Et des fois, je ne sais pas. Je ne sais pas si l'envie est fausse ou vraie. J'apprends. Il va falloir que j'apprenne la sensation de faim, aussi, parce que souvent je ne sais pas si j'ai encore faim ou pas, quand je termine de manger.

C'est un peu bizarre de me dire que je ne suis presque plus soumise à mon anxiété, que je ne suis plus dans la réaction mais dans l'action. Je crois que c'est pour ça que je doute pas mal, que je me pose pas mal de questions, et que j'ai du mal à me concentrer quand j'écris, enfin en partie en tout cas.

J'ai envie de continuer à explorer le fait de choisir ! Choisir plutôt que subir. Choisir plutôt qu'être une petite marionnette, d'être dans la pulsion. C'est assez libérateur, en fait, sur la confiance en soi, je trouve, un peu, la maîtrise de soi, même si je ne maîtrise pas tout. J'ai juste peur que ça s'arrête quand j'arrêterai les cachets, même en réduisant la dose progressivement, même avec l'aide de la psy.

J'ai envie de vous lire plus souvent et d'écrire ici plus souvent.

Mes 5 derniers livres lus (n°14)

Ça fait vraiment longtemps que je n'avais pas publié mes avis lecture. En même temps, après l'écriture du roman, j'ai eu du mal à me remettre dans la lecture parce que j'étais souvent fatiguée le soir. Mais là, je reprends, des journées entières, et l'article suivant devrait arriver dans peu de temps, enfin je pense.


Contes des marins
– Paul Sébillot

Lorsqu’au XIXe siècle, les marins de Saint-Cast (Côtes-d’Armor) embarquaient pour la longue pêche de Terre-Neuve, ils tuaient le temps en se racontant des histoires. « Parfois ils entraient tellement dans leur sujet qu’ils croyaient aux aventures qu’ils décrivaient », précise Paul Sébillot.
Rapportés avec toute la verve dont faisaient preuve nos navigateurs bretons, ces Contes des marins constituent le dernier des trois volumes des « Contes populaires de la Haute-Bretagne », publiés entre 1880 et 1882 et jamais réédités depuis. Témoignages inestimables d’une culture désormais disparue et véritables monuments de littérature orale, ces textes sont une référence indispensable aux amateurs de traditions populaires et, pour tous, une source de plaisir.

J'adore les contes ; je les ai redécouvert dans mon adolescence et j'adore les comparer, les rapprocher… j'avais tenté une formation de conteuse, un jour, mais j'étais malade le deuxième jour, et le premier avait été tellement éprouvant moralement, de devoir me retrouver à parler devant tout le monde… Enfin bref. J'ai bien aimé ces contes, même si je m'étais attendue à ce que davantage d'entre eux se passent en mer. J'avais aussi acheté le recueil dans l'espoir de trouver un truc pour le roman. Pas trouvé, par contre j'ai pêché quelques termes de marins, c'est toujours bon à prendre !

Certains motifs reviennent d'un conte à l'autre, un très long conte enchaîne plein de motifs connus, c'est intéressant de voir comment le pauvre héros semble ne jamais devoir finir son aventure, un peu comme si le conteur n'avait pas su choisir ses passages préférés et les avait tous rassemblés. Quatre mois après ma lecture, plus ou moins, j'en garde un bon souvenir !


Maîtresse des maîtresses
– Eric Rücker Eddison

Après la mort du roi Mézence, monarque qui maintenait d'une poigne de fer les Trois Royaumes – Rerek, la Meszrie et le Fingiswold –, de nombreux nobles tentent de s'accaparer le pouvoir. Complots et trahisons mènent la danse dans ce qui s'avère un ensemble d'intrigues politiques complexes qui présagent l'éclatement prochain de la Zimiamvie tout entière. Mais Lessingham, homme au tempérament et à l'intelligence hors du commun, entend maintenir la paix entre les différents camps, quoi qu'il en coûte, et compte bien s'armer de ruse pour déjouer les conspirations des plus rebelles.

Comme j'avais beaucoup aimé Le Serpent Ouroboros, je me suis jetée sur ce livre sans vraiment lire la quatrième de couverture ni même ce qu'il y avait de dans (d'habitude, je lis les premières lignes pour me faire une idée), et c'est ainsi que j'ai découvert en l'ayant dans les mains qu'il s'agit en fait du premier tome d'une série. Je veux la suite !

C'est indéniablement une lecture exigeante, tant par le vocabulaire que les tournures, les idées, les concepts, et la manière dont les temporalités se mélangent et parfois je ne savais pas si c'était vrai ou un rêve ou quand est-ce que j'avais basculé dans le rêve. Et pourtant j'ai adoré ! Les personnages, d'abord, dont Lessingham, qui par certains aspects a un petit côté héros de Jules Verne, beau, grand gaillard, honnête, remarquable en tous points… C'est un roman très dense, et pourtant l'histoire avance toujours, jusqu'aux prémices d'une guerre extérieure une fois les braises de la guerre civile éteintes. Pour la suite, il faudra attendre le tombe d'après !

J'ai été très impressionnée de la manière de E.-R. Eddison de gérer les descriptions. Je me retrouvais à lire des descriptions sans savoir quand elles avaient commencées, et où se trouvait la frontière avec l'action, tout coule tout seul, est super fluide, et j'adorerais savoir faire ça !!
Roman beaucoup moins étrange que le précédent, et pourtant tout aussi agréable à lire, avec un côté onirique, et une belle langue. J'ai adoré !


Murtagh
– Christopher Paolini

En Alagaësia, des mois se sont écoulés depuis la chute du tyran Galbatorix. Murtagh le Dragonnier et son dragon Thorn sont toujours considérés comme des traîtres et des meurtriers, car le royaume ignore l’aide qu’ils ont apportée à Eragon et Nasuada. Ils vivent en parias, à l’abri des regards. Mais la rumeur d’étranges évènements, aux confins de l’Alagaësia, ravivent de douloureux souvenirs pour Murtagh et Thorn. Et nul ne peut se soustraire à son destin. Commence alors pour nos héros un voyage épique à travers des terres à la fois familières et inexplorées. Confrontés à des ennemis aussi terrifiants qu’imprévisibles, ils auront besoin de courage et d’espérance. Car une mystérieuse puissance œuvre dans l’ombre…

J'ai eu beau avoir adoré Maîtresse des maîtresses, il reste exigeant et j'avais besoin d'enchaîner sur quelque chose de plus simple. L'écart a été tellement brusque que j'ai eu du mal à m'adapter sur toutes les premières pages, et puis finalement je suis entrée dans l'histoire, dans les pas de Murtagh et Thorn et, indéniablement, ce sont eux deux qui sauvent ce roman.

Murtagh, c'est la suite de L'Héritage commencé avec Eragon il y a... très longtemps. J'étais ado. Autant dire que je ne me souvenais de rien, même si les noms propres m'évoquaient quelque chose, un souvenir lointain, une musique sur la langue que j'avais déjà entendue, je serais quand même bien incapable de vous faire un résumé de l'histoire là où elle s'était arrêtée. Heureusement, ce nouveau tome, qui commence environ un an (enfin, je pense ?) après la fin des événements précédents, rappelle ce qui est nécessaire, donc je n'ai pas été perdue.

Le roman suit donc Murtagh, dragonnier détesté car connu de tous pour sa traîtrise, et son dragon Thorn, tous deux traumatisés des événements des années précédentes, de leur enfermement, des abus, etc., jetés dans une enquête sur les traces des vilains, et dans une quête vers un peu plus de paix intérieure. Et si je dis que ce sont eux qui sauvent le roman, c'est parce que je les ai trouvés vraiment très attachants, tous les deux, et que leur histoire traite des sujets vraiment très importants, qui peuvent parler à plein de gens, qui m'ont parlée, en tout cas. Pour eux, je lirai la suite avec plaisir.

Pour le reste… bon. Entre les quelques incohérences (du type : elle est censée porter une armure d'homme mais en fait c'est une jupe mais en fait c'est un pantalon ; ils sont en armure noire, puis en pagne mais en fait bien en armure noire), les comparaisons qui tombent un peu à côté ("l'eau [de la rivière] était comme de la glace liquide" : euh, oui, c'est un peu le principe, la fonte des glaciers l'été, tout ça, était solide, état liquide, état gazeux donc euh bah oui en fait hein l'eau de la rivière est de la glace liquide), les séquences dont on sent bien qu'elles sont là pour impulser quelque chose mais qui tombent un peu comme un cheveu sur la soupe (la caisse noire), ça peut devenir assez pénible à lire. Surtout si on ajoute à ces problèmes de l'auteur la bonne vingtaine de fautes, coquilles, mots manquant… c'est simple, en huit cents pages il doit y en avoir une vingtaine. "Sourdre" conjugué au passé simple alors que c'est normalement impossible, deux phrases avec des "que" et "qui" qui manquent, rendant la compréhension difficiles, des erreurs dans les accords… franchement, de la part d'une grosse maison d'édition comme Bayard, je trouve ça très peu sérieux et très peu professionnel. J'espère que la traduction de la suite – car Christopher Paolini évoque lui-même une suite – sera un peu mieux réalisée de la part de Bayard.


Le Château Solitaire dans le Miroir
– Mizuki Tsujimura

Un beau jour, le miroir dans la chambre de Kokoro se met à scintiller. À peine la jeune fille l’a-t-elle effleuré qu’elle se retrouve dans un formidable château digne d’un conte de fées. Là, une mystérieuse fillette affublée d’un masque de loup lui expose la raison de sa présence : elle dispose d’une année pour accomplir une quête fantastique qui lui permettra de réaliser un seul et unique souhait. Seulement Kokoro n’est pas seule : six autres adolescents ont le même objectif qu’elle.

Je l'ai pris sur un coup de tête, parce que je passais devant le rayon, que j'en avais entendu parler, que je payais avec mes chèques cadeau Culture, qu'il me tentait et je me suis dit allez zou, j'embarque. J'ai bien fait ! J'ai beaucoup aimé (même si je me suis malencontreusement divulgâché une partie de la résolution en jetant un œil à la mauvaise paaaaage ToT Ne faites pas ça, vraiment, parce qu'il y a un retournement, une astuce, bref : ne faites pas ça). Pourtant, ça partait un peu mal parce que moi, le récit à la première personne, j'ai vraiment du mal. Mais l'histoire est vraiment intéressante, alors je suis entrée dedans.

Le roman aborde le harcèlement scolaire et surtout ses conséquences. Mais pas que. Certains des jeunes de l'histoire ne sont pas des victimes, c'est plutôt qu'ils ont du mal à s'exprimer auprès des autres, alors ce qu'ils pensent peuvent être mal interprété, ou pas interprété du tout s'ils se taisent. Un moment, il y a une métaphore sur le suicide, le désir de ne pas retourner affronter le vrai monde, trop dur et trop moche. Plein de choses m'ont parlé, plein de choses sont profondes. Quelques répétitions m'ont toutefois gênée parfois.

C'est un super roman, une super histoire, et si on creuse un peu la fin, les implications, ça devient tout de suite assez abyssal (oui parce que, bien sûr, on finit par savoir ce qu'est ce château, si c'est un rêve, la réalité, une autre dimension, un délire psychotique, un film…, mais je ne peux rien dire !)


Les Prodiges de l'empire
, tome I : Darien – C.-F. Iggulden

La cité de Darien arrive au terme de son âge d’or. Douze familles y maintiennent l’ordre grâce à leurs soldats, leurs artefacts, leurs espions et leurs souvenirs, se cramponnant à une paix qui menace de s’effondrer. La population subit ce qu’elle ne peut changer.
Parmi ces vieilles querelles, un complot est ourdi pour éliminer un roi. Des étrangers à la ville seront contraints de s’y rendre : Elias Post, un chasseur ; Tellius, un vieux bretteur banni de chez lui ; Arthur, un garçon qui ne peut parler ; Daw Threefold, joueur et arnaqueur ; Vic Deeds, qui n’éprouve jamais la moindre culpabilité ; et Nancy, une jeune femme dont le pouvoir pourrait les perdre tous.
Au coucher du soleil, leur entrée dans la ville va provoquer une succession d’événements explosifs. Avant le lever du jour, six destinées auront été bâties – ou détruites – à Darien.

J'étais tombée dessus à la librairie il y a plusieurs mois alors que je cherchais parfaitement autre chose, et j'ai embarqué parce que ça me plaisait. Et comme, souvent, je ne rate pas trop mon coup dans mes choix, j'ai aimé !

D'abord, j'ai aimé tous les personnages ! J'ai eu peur au début que Vic Deeds soit un peu caricatural, ou que Daw et Vic se ressemblent trop, mais en fait pas du tout, tout est parfait ! Dans les qualités comme les défauts, j'ai trouvé ces personnages parfaits ! J'ai beaucoup aimé la plume aussi, la manière dont les choses sont menées. La fin se fait à un rythme bon aussi, alors que souvent j'ai l'impression dans ce type d'histoires où la fin explose, que l'auteur est allé à fond la caisse parce qu'il n'avait plus de pages pour prendre son temps. Là, non, c'est bien géré ! Et j'ai aimé la fin centrée sur Vic et Elias (oui, bon, j'aime Vic Deeds, j'avoue !).

En revanche, je trouve que le résumé n'est pas tout à fait juste, car une partie des personnages se trouve déjà à Darien. L'autre chose c'est que tous ne survivent pas (je ne divulgâche rien, c'est dans le résumé) et j'ai trouvé ça teeeeeeellement dommage parce que bon déjà je les aime tous donc forcément je suis triste mais surtout j'ai eu l'impression que l'auteur tuait un peu… disons "bon, je n'ai plus besoin de toi, donc tu sors" et peut-être qu'il y avait quelque chose d'autre à faire, je ne sais pas. J'étais triste, et jusqu'à la fin je me suis demandée si un pouvoir n'allait pas se révéler pour provoquer un retour de la mort et… non. Mort vraiment mort. En même temps, mort cohérente, mais quand même je garde cette impression de : "je n'ai plus besoin de toi" et ça me gêne un peu.

L'autre chose qui m'a dérangée, c'est que l'auteur fait référence à César, ou à la Bible, sans que le lien avec notre monde réel soit clair ou même établi autrement que par ces mentions, ce qui laisse une impression un peu étrange. C'est sans doute voulu, mais ça m'a un peu perturbée, tandis que, chez E.-R. Eddison, aucune de ce genre de mention du monde réel n'est dérangeante parce que dès le début il est établi qu'un lien existe, même si non explicité, et du coup les incursions de références du réel paraissent plus justes, plus à leur place.

Ce qui n'empêche que j'ai passé un bon moment, avec un auteur qui fait comme moi : qui saute les points de vue à l'intérieur d'une scène, et ça passe crème, c'est donc que la solution existe pour que ça marche (donc ça me fait plaisir, parce que je veux bien apprendre à mieux gérer les points de vue, mais j'aime bien aussi pouvoir en changer et ça me fait plaisir de savoir que mon naturel n'est pas forcément une erreur et peut marcher, bref).

J'ai aimé aussi le traitement des sentiments amoureux, avec beaucoup de subtilité, et en fait à la fin du roman je me suis dit que ça m'avait fait du bien de lire des amoureux que l'on devine sans que ce soit dit avec les gros sabots et qu'on en fasse tout un plat.

J'ai aimé ! La suite sort en juin, le troisième tome sans doute dans un an (en poche, en tout cas, car tout existe déjà chez Bragelonne), et j'ai bien hâte de savoir comment tout cela va se finir !