vendredi 10 mai 2024

Rater sa vie professionnelle

Source – Yannick B
Ça a commencé en Master, quand j'ai raté un stage dans le Parc naturel régional des boucles de la Seine parce que je n'avais pas le permis, et que je n'ai pas pu candidater à une alternance pour la même raison. Non, en fait, ça a peut-être même commencé quand j'ai essayé après le lycée d'entrée en Licence option journalisme, à Lille, et que j'ai échoué deux années de suite. Ensuite, j'ai échoué à trouver du travail, j'ai tenté d'intégrer le centre de formation de l'ESJ Montpellier, et je n'ai pas eu d'alternance alors que j'étais le coup de cœur de la recruteuse, parce qu'elle a eu peur que je me laisse marcher sur les pieds par le journaliste. Ensuite, j'ai trouvé le travail où je suis actuellement, en sachant que ça allait être compliqué, que je ne voulais pas y rester trop longtemps, et ça s'est révélé plus dur à vivre que ce que je pensais. C'est pas un mauvais travail, pourtant, il y a des avantages, comme le nombre de semaines de vacances, mais je n'aime quand même pas. Pour moi, les inconvénients dépassent les avantages. Alors, j'ai essayé de trouver un autre boulot, l'été dernier, et je ne suis parvenue à rien. Cette année, j'ai pu être acceptée dans une formation, j'ai cherché une alternance, et entre les musées auxquels j'ai candidaté trop tard, ceux qui n'ont jamais répondu, et les recruteurs à côté de la plaque, le rendez-vous annulé une semaine avant faute de budget, je pense que j'ai été servie. Et maintenant voilà, j'en suis là. Une année de plus à la radio, et surtout sans assurance de trouver autre chose. Après tout, si je n'ai pas trouvé l'année dernière, si je n'ai pas trouvé cet hiver pour la rentrée 2024, pourquoi je trouverai l'année prochaine pour la rentrée 2025 ?

J'avais parlé à la dame du Port-musée de Douarnenez qui m'avait dit de revenir vers elle. Je l'ai fait. Pas de réponse. Je vais attendre que passe la nuit des musées pour relancer, je pense.

En parallèle j'ai aidé une copine de fac à refaire sa lettre de motivation, et clairement ça fait carrément mieux ressortir ses compétences comme ça, et soudain je me suis sentie toute petite et toute médiocre et toute nulle et j'ai compris pourquoi moi je ne trouvais pas, même avec une bonne lettre, alors qu'elle sans doute va trouver sans trop de mal, maintenant. Puis, ma mère m'a appelée, aujourd'hui. Donc j'ai appris que ma sœur, non contente de gagner 1 800 euros net par mois, se fait aussi des primes à 1 500. Ma mère a dû sentir que ça me saoulait un peu, vu que moi je suis au SMIC et que quand j'ai le malheur d'avoir une prime moitié moins importante je perds en même temps la moitié de ma prime d'activité sur trois mois ce qui fait que je suis perdante au final, car elle m'a dit : "rien ne t'empêche de faire un BTS Opticien…". Euh, si, ça s'appelle les maths. Ensuite elle m'a dit de me mettre à mon compte. Ah oui ? Et pour proposer quels services ? Je ne suis spécialiste en rien, puis la concurrence est rude, et s'il tu n'as pas le petit truc mieux que les autres pour te démarquer c'est mort d'office, sans compter que l'administratif et moi… "Tu peux embaucher quelqu'un, pour ça". Oui, pour embaucher quelqu'un il faut de l'argent, donc il faut que mon activité tourne, en fait. Puis, elle m'a dit : "tu peux publier un livre". Mais oui bien sûr, comme si c'était si facile. J'ai donc dû lui expliquer les pourcentages de droits d'auteur et tout le reste. Et enfin, le coup de grâce : "il faudrait que tu refasses une formation". Ah bah tiens, c'est pas comme si ça faisait six mois que j'essayais d'en intégrer une ! Mais je la paye comment, ma formation, si je n'ai pas d'alternance ? Alors je sais bien qu'elle essayait de m'aider et pas de m'enfoncer, mais vraiment ce n'était pas le moment de me sortir des idées au hasard, vu que tout tombe en même temps (les feux de la voiture à changer, l'invasion de fourmis dans la salle de bain, la Fnac qui ne me livre pas deux livres que j'attends depuis le 23 mars).

Avant-hier j'ai envoyé le mail à la fac pour dire que j'abandonnais, que je laissais ma place aux personnes de la file d'attente. Je n'aurais pas de réponse avant lundi mais ce n'est pas grave. J'avais jusqu'au 15 mai pour remettre ma lettre de démission. Enfin, je me suis donné jusqu'au 15 mai, pour ne pas mettre mon chef dans la panade. La psy va me dire : "c'est vous qui êtes dans la panade, maintenant". Certes, mais je ne me serais pas sentie bien de partir au dernier moment sans qu'il ait le temps pour le recrutement de la personne suivante. J'en veux un peu au prof, même s'il est très gentil, parce que la première fois que j'ai évoqué ce délais il m'avait dit : "ne vous en faites pas, ensemble on va trouver", mais je n'ai pas eu l'impression qu'il m'aidait plus à chercher que les autres étudiants. Et derrière, ma mère me dit que je dois faire une nouvelle formation. Bah oui mais je fais comment, hein, si personne n'a de fric dans son putain de service culturel pour ouvrir un poste en alternance ?

En plus, j'ai raté un cours de hiéroglyphes, et maintenant je suis vraiment paumée. Et comme c'est tard, je ne comprends rien parce que je suis fatiguée.

En vrai, même si le SMIC c'est vraiment pas beaucoup, et que je suis vraiment dégoûtée quand je pense que je vais gagner ça à peu près toute ma vie, parce que le poste à Douarnenez c'est juste agent d'accueil, c'est pas avec ça que je vais me faire un salaire digne de ce nom, j'aimerais au moins avoir un travail qui me plaît, dans un endroit qui me plaît, pouvoir avoir un appart' sans (trop) de problèmes, et au moins un cadre qui me convient, et tant pis pour le salaire, on peut toujours trouver des solutions, pour ça, du côté des associations, ou je ne sais pas. J'aimerais au moins m'en aller de là. J'aimerais, juste une fois, atterrir dans un appart' correct (un jour je vous raconterais peut-être la longue liste de mes péripéties en ce qui concerne le logement : c'est comme tout le reste, je n'ai jamais eu de chance, j'ai toujours mal choisi).

Et autour de moi, je vois plein de gens, comme ma sœur ou d'autres, qui se reconvertissent, ça se passe bien, et derrière ils trouvent un boulot, et ça se passe bien, et oui c'était dur de se lancer dans la reconversion, de sauter le pas, mais une fois qu'ils y ont été ça a roulé presque tout seul. Moi… "tu ne peux pas faire les choses simplement ?" m'a fait une copine hier pour rire et c'est marrant parce que c'est ce que je me dis tous les jours. Rien n'est simple. Même commander un livre sur internet et le recevoir en boîte aux lettres donne lieu à des rebondissements à n'en plus finir. J'aimerais juste trouver un travail qui me convienne dans un endroit qui me convienne, avec du temps pour écrire. Tant pis pour le salaire, je m'en fous, enfin je crois. Enfin, non, mais je suis prête à faire le sacrifice pour un poste qui me plaît.

8 commentaires:

  1. Je ne sais pas comment te remonter le moral.oui, il y a des moments où tout est gris et plus c'est gris dans la tête plus on voit gris partout ! Je crois surtout qu'il faut arrêter de regarder chez les autres.on a toujours l'impression que l'herbe est plus verte ailleurs mais c'est un leurre. Si tu te focalises sur ce qui ne va pas, tu ne verras plus que ça. J'ai été comme ça par rapport à ma vie de couple. Je pensais être la seule à avoir mal choisi. J'avais l'impression que tous les autres étaient plus heureux que moi.
    Le vent va tourner c'est sûr. Tu verras...

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    1. Des fois j'arrive à me dire que je vais à mon rythme et que j'ai le parcours que j'ai et des fois non. Quand j'ai pensé écrire cet article au tout début j'étais plus pragmatique : j'ai raté ma vie pro parce que je n'ai jamais eu ce que j'ai essayé d'avoir. Mais je crois que ça a tourné dépressif après l'appel avec ma mère qui m'a vraiment démoralisée, en fait. Plus l'invasion des fourmis, ce n'est pas génial pour le moral (elles ont encore trouvé de nouveaux passages, je les déteste).

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    2. Pour les fourmis, je compatis, j'en étais envahie tous les ans dans mon ancienne maison, elles avaient littéralement mangé le polystyrène du placo derrière la faïence de la salle de bain. je te dis pas la tête du plombier quand il avait changé le robinet de la baignoire, les bras et le mur noirs de fourmis. Elle avaient aussi fait leur nid derrière le radiateur de la chambre de mes enfants, et au printemps elles sortaient par centaine pour se reproduire, donc des fourmis ailées, elles empêchaient mes enfants de dormir, elles faisaient du bruit toujours sur le polystyrène. je ne savais plus quoi faire. les petites boites pièges fonctionnaient bien quand même !
      Et pour ta vie professionnelle, elle ne fait que débuter ! Et gagner un gros salaire n'est pas une fin en soi, mes enfants ont fait des études et n'ont pas choisi de faire un boulot dans leur cursus mais quelque chose qui leur plaisait. Tu peux encore changer, trouver autre chose, ma fille avait dû attendre 4 ans pour enfin faire ce qui lui plaisait. Rien n'est perdu !

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    3. Ouah... j'espère que je n'en arriverais pas là. Je ne pourrais pas survivre à ce stade ! Là, pour le moment, ce que j'ai bouché + le fumigène ça tient, je n'en vois plus, donc ça a l'air d'aller depuis quelques jours, en espérant que ça continue comme ça !
      Non, gagner un gros salaire n'est pas une fin en soi, mais c'est vrai que ça s'ajoute au reste : boulot dans lequel je ne suis pas bien, région dans laquelle je ne me plait pas, petit salaire, ça se cumule, quoi !

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  2. C'est vrai que c'est démoralisant ces coups de fils maternels (rires jaunes), un peu yaka faukon (ma mère est pareil). En ce moment pour ma mère, c'est sur les travaux : "mais pourquoi vous faites pas faire ça et ça ?" Ben ptet parce que faudrait qu'on sorte 10 000 balles et qu'on les a pas, en fait.
    L'idée qui me vient quand je te lis (et que je comprend mieux ce que tu essais pourtant de m'expliquer depuis des semaines), c'est aussi que tu es dans un domaine pas simple niveau emploi (que ce soit le journalisme ou les musées). Dans le sens où comme le dis Virevolte, l'herbe semble toujours plus verte ailleurs parce qu'on compare des choses qui sont pas comparables, genre des gens qui sont dans des domaines pros "simples" où ils trouvent presque sans chercher (je ne sais pas ce que fais ta soeur) et des domaines beaucoup plus compliqués, avec peu de postes, peu de turnover, beaucoup de candidats...etc. C'est un peu la rançon je me dis de ce type de secteurs pros liés à une passion et à la culture (et c'est beau d'aimer ça). Parfois, les gens qui ont des métiers moins utiles voire carrément nuisibles ont des parcours pros plus rectilignes (je pense à mon frère dans le pétrole lol !).

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    1. Le domaine est très compliqué, oui. Il n'y a pas de sous dans la culture, et le journalisme c'est bouché, la plupart des journalistes sont des pigistes. On imagine toujours qu'ils gagnent beaucoup d'argent et tout parce qu'on pense aux têtes d'affiches des gros médias, mais quand Europe1 a été rachetée par un type d'extrême droite, des journalistes ont dit qu'ils ne pouvaient pas démissionner parce qu'ils devaient remplir le frigo.

      Ma sœur est opticienne, et clairement elle avait trois propositions alors qu'elle n'était même pas encore diplômée !

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  3. Ahhh mais on est de ta team chez moi.... Jamais rien de simple pour nous...
    Tu es encore jeune, donc ce n'est pas encore le drame absolu.... Tu ne sais pas de quoi est fait l'avenir, des fois on a des surprises quand on s'y attends le moins et oui je te balance une phrase cliché !! Mais moi je pense que ça finira par bouger pour toi !!!!!!! Et tout ce que tu ressens, je l'ai ressenti aussi plus jeune, j'ai encore des piques des fois maintenant... on se refait pas.... quand la chance sourit toujours aux autres...
    Je suis de tout coeur avec toi en tout cas !!

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    1. Je sais que ce n'est pas un drame, mais telles que les choses se goupillent pour le moment (et continuent de se goupiller) je n'ai pas l'impression d'être prête d'en sortir. La psy a émis l'idée de déménager avant d'avoir un travail, pour être sur place et que ce soit plus simple, alors j'ai contacté des agences. J'ai parlé à une agente à Quimper, mais quand j'ai dit que je n'aurais pas de travail parce que je venais pour en trouver, j'ai senti un froid. Je ne peux pas trouver de travail sans déménager (ou difficilement), mais je ne peux pas non plus déménager sans avoir de travail…

      Merci !!

      Quand j'ai lu ton commentaire, j'y croyais au truc "qui arrive quand on s'y attend le moins" parce que j venais de recevoir des réponses à mes mails au Louvre et au Port-musée, mais au final il n'y a eu aucune suite.

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