dimanche 10 octobre 2021

Indépendance

Source photo – Amar Preciado
Il y a une semaine, j'ai commencé mon nouveau boulot. Mon premier, en fait, qui ne soit pas un stage. J'avais continué à chercher du travail en radio associative en parallèle de ma recherche d'alternance. Je crois que je dois bien être la seule de ma "promo" à ne pas avoir trouvé d'alternance, d'ailleurs, puisque la dame de l'organisme de formation finissait par m'appeler directement pour me demander si telle ou telle offre pouvait m'intéresser alors que la période de recherches avait commencé avec des mails groupés. En postulant à l'offre de mon travail actuel, j'avais dit que le poste m'intéressait tellement que, si je l'avais, je ne serais pas trop fâchée de ne pas avoir trouvé d'alternance. Et c'est vrai. (Mais n'empêche j'ai quand même acheté un livre pour me former de mon côté au journalisme pur.)

Mais en même temps je découvre à quel point les budgets sont serrés ce qui fait que je vais avoir du mal à partir en reportage, ce qui est très frustrant, sans même parler du temps qui manque pour tout faire, et de la problématique qui se met encore par-dessus : je conduis une boîte automatique : donc je ne peux pas emprunter de voiture à ma structure, donc la structure doit me rembourser les frais kilométriques, donc ça plombe les budgets. Puis j'ai eu le malheur de dire à mon patron que je n'étais pas très musique et il m'a dit franco que je n'aurais sans doute pas eu le poste si je l'avais dit en entretien (en même temps, il a jamais demandé si j'avais une bonne culture musicale, donc il avait qu'à poser les bonnes questions). Par-dessus ça, je me révèle particulièrement pas douée avec la technique (console d'enregistrement, etc.). J'ai aussi dit que je n'étais pas trop bonne conductrice et que j'étais infoutue de conduire une boîte manuelle. Ça commence à faire beaucoup, je suis un peu sur la sellette, je crois.

Le gars m'a dit qu'il avait hésité entre moi et un ancien Service Civique devenu bénévole à la radio, autonome en technique et que finalement il m'avait prise parce qu'il avait pensé que j'intellectualisais les choses et que j'avais de la réflexion. À vrai dire ça m'a même pas fait plaisir parce que je ne sais pas ce qui, dans ce que j'ai dit à l'entretien, a pu montrer ça. Mais ça n'empêche qu'avec toutes les problématiques autour de mon embauche, il n'a pas vraiment de raisons de me garder… On verra bien ! En attendant, j'évite de trop décorer l'appartement, et j'ai décidé d'attendre avant d'acheter un canapé… On sait jamais ! Ceci dit si je ne vais pas au bout de ma période d'essai je ne pense pas que je retournerais chez mes parents tout de suite ; je vais d'abord essayer de trouver un job alimentaire dans le coin pour garder ma toute nouvelle indépendance si laborieusement acquise.

J'ai pris un trois pièces pour pouvoir avoir un salon, une chambre, et un bureau. J'ai la chance d'être dans une région pas très chère au niveau des loyers. Après trois ans (enfin, une fois dix mois et deux fois six mois, plutôt) de studios, j'avais besoin d'espace. Je pense que le Covid est aussi un peu passé par-là. Sans le Covid, sans le confinement et sans l'année de chômage passée chez mes parents avec un père au chômage puis ma sœur et ma mère en vacances d'été, etc. je pense que j'aurais pu me contenter d'un deux pièces. Mais là, j'avais besoin de tout cloisonner : on travaille dans le bureau, on dort dans la chambre, etc. Une pièce, une fonction. (Même si dans les faits je mange dans le salon devant la télé (pas bien).) Pour ma concentration, c'est mieux aussi. Une fois que la porte de la chambre est fermée, j'ai l'impression que j'ai plus de facilités à couper des activités que je peux avoir dans le bureau, par exemple. Je suis du genre à ressasser et ruminer, donc ça ne se coupe pas d'un coup, mais j'ai l'impression que c'est plus facile de le repousser. C'est aussi plus facile de dire "je suis dans le bureau, je travaille".

Vivre de nouveau seule, c'est le pied ! Je suis à mon rythme, je ne suis obligée de parler à personne au petit-déjeuner ou quand je rentre, je mange à l'heure que je veux, je mets de la musique si je veux, je parle toute seule si je veux – je ne dérange personne –, et je dors mieux ! En attendant la livraison de mon futon je dors sur un matelas par terre et je dors mieux que dans mon lit chez mes parents (un creux avait fini par se faire dans le matelas, un désastre !). Les volets ne laissent passer aucune lumière, je n'entends personne ronfler ou descendre les escaliers à grands pas… et je n'ai pas à subir les sautes d'humeur de mon père. Ça faisait longtemps que je n'avais pas si bien dormi !

En parlant de saute d'humeur, la veille du déménagement, tous les deux stressés et fatigués, on finit par s'engueuler. Il me crie dessus en me disant qu'il me parle et je lui fais remarquer que ce n'est pas ça, parler. Il me sort, très calmement, sur un ton entre le raisonnable et le mielleux, comme quand on veut calmer un enfant déraisonnable, un peu : "Et puis si je m'énerve c'est à cause de toi, c'est parce que tu m'empêches de parler". Ça m'a choquée. Il aurait dit ça en hurlant, ça aurait juste été dans la ligne des remontrances beuglées. Mais là, calme, ça montre juste qu'il le pensait vraiment, que c'était vraiment comme ça qu'il voyait la situation. Pas comme un mec stressé, qui se sent acculé parce que des problèmes lui tombent sur la tête, et qui explose contre une pauvre fille tout aussi fatiguée et aculée psychologiquement pour plein de raisons, mais comme un pauvre homme qu'on ne laisse pas parler.

Cette phrase, la tournure, la manière de la dire… tout, absolument résume le bonhomme : un mec avec un complexe d'infériorité manifesté en supériorité qui, à l'écouter, n'est jamais responsable de rien parce que tout est toujours de la faute des autres qui ne l'écoutent pas, ne le comprennent pas, et le persécutent. Je le savais déjà ; lors d'une autre explosion, contre ma mère, ma sœur et moi, il avait lâché : "Moi je fais tout pour vous" un truc du genre, avant de nous insulter de salopes. Je pense qu'il nous voit comme ça. Comme des espèces de sorcières qui complotent contre lui et ne lui rendent pas son amour et son affection. Il ne se rend même pas compte qu'il est toujours sur son téléphone et ne parle jamais, ou n'écoute pas quand on lui parle, ne retient pas ce qu'on lui dit, s'énerve pour rien (un jour il a quitté la table juste parce que le plat était pas assez salé, en disant qu'il en avait marre de manger des trucs pas bons). Bref. Tout ça pour dire que ça ne me manque pas. Le coup de "c'est à cause de toi, c'est parce que tu m'empêches de parler" ça m'a achevée. Je ne veux pas avoir à lui parler ni à lui demander quoi que ce soit. Il m'épuise. En même temps c'est pas plus mal, ça va me permettre de me démontrer à moi-même que je suis capable de me débrouiller toute seule plutôt que de toujours demander de l'aide à papa-maman (au point où quand ma mère m'a demandé de lui envoyé une photo du collier de serrage pour le tuyau de la machine à laver, ça m'a irritée…) Enfin, au moins ça me fera un truc à dire au psy. (Je dis ça mais même sans ça j'ai des tas de trucs à dire au psy.)

Psy pour lequel je n'ai toujours pas pris rendez-vous alors que ça fait des mois que je dis que, quand j'aurais ma nouvelle vie, je sauterais sur un psy. Oui, mais voilà : je suis dans une région où c'est un peu le désert. J'ai contacté une psy que je sentais bien, mais malheureusement elle m'a proposé de me mettre sur liste d'attente. J'ai demandé combien de temps ça pouvait prendre et si c'est plus de trois mois j'essayerais d'en contacter une autre. Je dis une autre parce qu'en ce moment mes digues intérieures cèdent, je pleure de plus en plus, certaines choses commencent à me travailler sérieusement, et sincèrement je ne me vois pas dire à un psy homme que j'ai envie d'être touchée par un homme, que j'ai envie de découvrir ce que ça fait d'avoir un amoureux, etc. Trop gênant. Déjà dire ce genre de choses à quelqu'un en particulier plutôt qu'à personne comme sur mon blog c'est difficile, mais alors à voix haute et à un homme… jamais j'y arrive. Du coup, ça réduit pas mal les possibilités aussi. De la même manière je n'ai toujours pas dégoté un médecin parce que j'ai des démangeaisons à un endroit un peu intime, que je me suis déshabillée devant peut-être une dizaine de médecins, et qu'il me faut une femme. Sauf que des femmes, dans ma ville, y en n'a pas des masses.

Histoire que cet article ne ressemble pas à un bureau des plaintes je dois quand même dire que je conduis tous les jours pour aller au boulot, qu'aujourd'hui j'ai conduis jusqu'à la ville d'à côté, et que pour le moment, tout va bien. Sauf quand je perds une demi-heure parce que je suis infoutue de tourner à l'endroit que me dis le GPS… Et je ne sais pas me garer, non plus. Mais j'arrive à déplacer la voiture sans être un danger public, ce qui est déjà un bon point !

Je regarde la date et je me rends compte que ça fait presque un mois que je n'ai pas écrit, depuis que j'ai fini le premier jet de Roman 2. J'ai prévu de reprendre un texte exutoire ce soir, que j'ai relu hier pour me le remettre en mémoire. Je me suis troublée moi-même… je n'avais pas réalisé à quel point j'avais mis des sentiments compliqués dedans.

Je pense aussi prendre un potichat. Je pense que je vais attendre janvier, histoire de mieux y voir question budget et aussi d'avoir trouvé un vrai rythme avec le travail car j'ai des horaires annualisés qui peuvent bouger et que je vais devoir trouver un équilibre pour ne pas laisser le travail bouffer ma vie privée. J'ai décidé que la priorité c'était l'écriture. Reprendre l'aïkido (en novembre, je pense) rentre dedans car se vider la tête, rencontrer des gens, et apprendre des trucs sur la baston (l'aïkido ce n'est pas vraiment de la baston, mais n'empêche que ça m'a bien servi pour les romans !), c'est toujours utile. Mais je dois ne pas me disperser, et renoncer à mes idées de bénévolat dans d'autres médias, pour ne pas m'éparpiller. L'écriture, l'écriture, l'écriture. J'en ai envie, j'en ai besoin. L'écriture et le potichat. J'en ai besoin aussi. J'en rêve depuis que je suis toute gamine. (Et du coup dans les mauvais jours je me dis que c'est égoïste, que le chat, lui, n'aura rien demandé et que si ça se trouve il ne va pas m'aimer, ou que comme je me suis jamais occupé d'un chat je sais sans doute pas faire…, etc.)

En gros, ce début de nouvelle vie ne commence pas aussi bien que je l'avais prévu, surtout dans ma vie psychique. Je me trouve pas mal de signe de stress, des tics qui reviennent et une tendance à vouloir beaucoup parler à une copine de Twitter, avec ce sentiment de trop m'accrocher comme si, si je n'avais personne à qui parler, je tombais dans une sorte de vrille – je ne sais pas trop comment expliquer –, une tendance aussi à ne pas pouvoir ne pas manger devant la télé, pour avoir du bruit et ne pas me retrouver "seule avec moi-même". Même le soir, je mets des méditations ou trucs du genre sur mon téléphone, ça m'évite de trop ruminer (mais à long-terme ça ne fait que bloquer mon cerveau alors qu'il devrait traiter des tas de trucs). Mais paradoxalement je dors assez bien. Avant le déménagement, il fallait le préparer, donc j'avais tout le temps des sollicitations de mes parents, etc. trop de sollicitations, trop de stimuli pour mon cerveau d'introvertie, et je pense que je paye un peu le contre-coup, d'une certaine manière. Je n'ai toujours pas eu une journée où je ne parle à personne, et paradoxalement je suis sortie aujourd'hui parce que j'avais besoin de voir d'autres gens que mon patron (non pas que je ne l'apprécie pas, mais quand je côtoie trop longtemps quelqu'un ou que je bingewatch une série je me retrouve avec les voix et les façon de parler des gens dans la tête, ce qui est assez déplaisant quand c'est pas Tao Ren de Shaman King ;P).

Voilà pour les nouvelles ! Ce n'est pas terrible, mais ça pourrait être pire !
Comment allez-vous ?

6 commentaires:

  1. Tout début demande des aménagements et un rythme à trouver. Surtout quand tout bouge d'un coup comme ça.
    Il est un peu bizarre ton boss quand même et assez direct/ C'est lui qui t'a recruté non!
    Je me dis souvent que les psys doivent en entendre des trucs, c'est leur job après-tout!
    Allez haut les coeurs et on y croit. Sinon super pour roman 2.

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    1. En fait, comme je suis une routinière pure souche, je pense que j'aime pas les instants de flottements où il y a un rythme à trouver x)
      Oui, il est très direct et il attend que je sois aussi directe avec lui ! C'est assez déstabilisant !
      Ils doivent en entendre des vertes et des pas mûres... mais finalement le plus dur c'est peut-être pas d'entendre mais de dire ?
      Merci ! :D

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  2. ben , moi, je me suis rendue compte il y a six ans quand je me suis séparée de mon conjoint que je n'avais pratiquement pas vécue seule, une petite année mais même pas vrai puisque je fréquentais déjà mon ex. L'année suivante on a emménagé ensemble.Alors, il y a six ans quand je l'ai quitté et que mes enfants n'étaient pas là, ça me faisait tout drôle de vivre seule, de faire ce que voulais quand je voulais sans avoir à me justifier, m'expliquer ou prévoir pour quelqu'un. Un vrai bonheur ! Donc je comprends ce que tu dis ! Après c'est sûr qu'il faut prendre le temps de prendre ses marques.
    Moi aussi j'ai envie d'un chat ou d'un chien mais vu l'expérience avec mes poissons rouges, je me dis que je suis bien trop sensible pour avoir un animal de compagnie. J'ai failli me rendre malade pour mes poissons rouges qui étaient malades et qui sont morts tous les deux ! j'ai essayé de les soigner et j'ai fini par trouver comment euthanasier en douceur mon dernier poisson qui souffrait et que je ne pouvais pas achever. Tu vois le tableau ! :D
    Pour le boulot tu verras bien, vous ne vous connaissez pas ton patron et toi.

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    1. Mon plus gros problème dans la prise de marques c'est de trouver un rythme. J'ai des horaires tout pétés et j'ai du mal à lâcher-prise et à me concentrer le soir quand j'essaye d'écrire... surtout que les problèmes administratifs et les recherches de meubles sur Leboncoin me prennent pas mal de cerveau disponible (et comme je sais pas lâcher-prise, je sais pas déconnecter et me dire "maintenant, j'écris).
      Oh je suis désolée pour tes poissons rouges !! :'( Je pense que j'aurais été super mal aussi à ta place !!
      Oui, je verrai, et plus je vois plus c'est complexe x) C'est un sacré merdier c'te radio x)

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  3. Flûte j'avais écrit un long commentaire puis fausse manip'... Je ne sais plus trop tout ce que j'avais dit...
    Tu as eu un chamboulement avec tout ce nouveau.... Faut trouver ton rythme de croisière et je pense que tu pourras tenir tes objectifs...
    Tu moulines encore pas mal dans ta petite tête, j'espère que tu trouveras un professionnel pour t'aider. As-tu un CMP dans ton coin, cela peut t'aider aussi ?

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    1. Oh :'( C'est pour ça que quand j'ai fini d'écrire mes commentaire je sélectionne tout et je copie comme ça si jamais j'ai plus qu'à faire "coller" et hop !
      Le plus dur c'est de trouver un rythme de croisière quand les horaires sont différents chaque jour...
      Haha oui je mouline et encore plus maintenant, je crois ! Sans compter que certaines barrières intérieures pètent donc c'est vraiment le bordel !
      Je n'ai pas regardé les CMP mais les délais sont tellement longs que je ne pense pas que ça m'aidera beaucoup, j'aurais sans doute un rende-vous avec eux après être sortie de la liste d'attente de la psy que j'ai contactée...

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