mardi 5 janvier 2021

Se relativiser pour apprendre à s'aimer

Source – Karolina Grabowska

Hier, on parlait acceptation de soi avec Eikomania sur Twitter et un peu plus tard dans la soirée je laissais mes pensées divaguer sous la douche quand soudain une idée plus forte que les autres a transpercé mon esprit : c'est dur de s'aimer. Puis j'ai réfléchi et je me suis dit qu'en même temps je suis meilleure à débusquer mes défauts et traquer mes mauvais mécanismes qu'à me trouver des qualités. Je pense que ce blog est d'ailleurs un assez bon reflet de cette capacité que j'ai à m'examiner fort bien et avec recul et lucidité... mais d'un seul point de vue.

Il y a quelques temps je vous avais fait un article dans lequel je vous disais que je ne me trouvais pas assez bien. Pas assez ceci ou assez cela. Dans le fond, dans cette idée de ne pas être assez il y a celle de ne pas être parfaite. Or justement "sois parfaite" est l'un de mes messages contraignants forts. Avec "fais des efforts". Du coup, je me retrouve à me dire que même si un jour je tombe amoureuse ce ne sera sans doute pas réciproque puisque je ne suis pas assez musclée pour qu'on s'intéresse à moi (oui, c'est stupide) : donc pas assez parfaite. Le "fais des efforts" est pas mal gratiné aussi parce que comme j'ai l'impression de ne jamais en faire vraiment, de me reposer sur mes facilités de raisonnement et d'apprentissage, je culpabilise de ne pas savoir assez de choses, de ne pas faire assez bien, de n'avoir aucun talent (talent qui est une chimère mais chhhut, faut pas le dire). J'avais déjà remarqué à quel point mes problèmes et mes questionnements sont imbriqués mais c'est drôle de voir à quel point c'est vrai !

Parfois, je me lance dans une liste de qualités pour essayer de me démontrer que j'ai de la valeur, comme tout le monde. Et il se passe à peu près la même chose qu'il se passe avec la fierté dont on parlait hier : la voix qui souffle "oui, mais". Oui mais cette qualité est moins intéressante qu'une autre. Oui mais quand même y a ci ou ça. Ou alors, tout simplement, je n'y crois pas. Parce que le truc avec la méthode Coué c'est qu'il ne suffit pas de se le répéter pour y croire : il faut associer image/sensation/émotion. En gros, il faut faire ressentir au cerveau que ce que vous dites est vrai.

Cette année, j'ai décidé de me concentrer sur l'essentiel, poussée par un tirage de cartes oracles qui insistait dessus. L'essentiel, c'est de faire remonter cette estime de soi toute nulle sur l'échelle de Rosenberg dont je vous parlais hier. C'est de se pardonner, de se respecter, et de prendre soin de soi (d'ailleurs je pense que c'est ce que j'ai le plus dis quand j'ai souhaité la bonne année !). Pour prendre soin de soi, il faut s'aimer.

Et je réfléchissais à tout ça, à cette incapacité à me voir en tout entière, à ce biais qui consiste toujours à pointer ce qui ne va pas – d'ailleurs c'est bien connu que l'on parle des trains qui arrivent en retard et pas de ceux qui arrivent à l'heure – quand je me suis rappelée d'une méditation qu'Olivia Kissper a publiée il n'y a pas si longtemps. Elle parlait plus ou moins du fait de s'accepter et elle a fait un parallèle qui a fait mouche : elle a dit que, dans les romans, quand les personnages font des erreurs, ont des défauts, on les aime quand même. D'ailleurs, on peut même aller plus loin que ça : on les aime parce qu'ils ont des défauts, qu'ils nous ressemblent.

Il n'y a rien de pire qu'une Mary Sue à la Tara Duncan, ce personnage parfait à qui jamais rien de vraiment triste ou mal n'arrive. Perd-t-elle ses parents ? Elle peut se rendre dans le monde des morts pour leur parler. Rencontre-t-elle une difficulté ? Elle a toujours un objet magique pour augmenter ses pouvoirs. Etc. Agaçant. Les personnages qui ne nous ressemblent pas, qui ont l'air inhumain tant ils sont parfaits, on ne les aime pas. On aime les personnages avec un caractère, ceux qui dont des erreurs et se relèvent, ceux qui se trompent, ceux qui ont des défauts. Bref : les personnages comme nous.

C'est intéressant parce que si l'on est capables d'aimer ainsi nos reflets, on devrait être capables de s'aimer nous-mêmes !

On a peut-être même pas besoin d'aller chercher dans les romans – même si ce parallèle permet de prendre un peu de distance – : nos amis ont des défauts, et on les aime quand même.

Donc peut-être que nous pourrions décider de nous aimer comme on aime nos amis, et de nous aimer comme on aime les personnages de nos romans préférés. Peut-être que nous pourrions nous regarder comme si nous étions le personnage de notre propre roman.

Parfois pour relativiser je repense à ce truc que j'ai entendu dans je-ne-sais-plus-quel animé : imaginez si le monde, tous vos souvenirs et tout ce que vous connaissez avait été créé il y a cinq secondes. C'est bête et complètement impossible, mais cette idée me procure un certain apaisement, un peu comme si ça écrasait les déterminismes et les repoussait un peu plus loin, vous voyez ?

Alors peut-être qu'on pourrait gommer un peu ce qui nous fait peur en nous disant que ça n'a que cinq secondes d'existence, et se voir comme le personnage de notre propre roman. Pour se relativiser et prendre du recul. Et voir que finalement c'est pas si pire et qu'on a tout autant de valeur que les autres personnages du même roman et des autres romans sur l'étagère.

Et vous ? avez-vous réussi à vous accepter tel(le) que vous êtes ?

6 commentaires:

  1. Coucou ! Comme toujours, super article ;). C'est juste ce que tu dis. Personnellement je crois me voir comme le personnage principale de mon propre roman, même s'il ne faut pas non plus tomber dans le narcissisme. En fait, ça revient à trouver cet équilibre qu'est la bonne estime de soi: une personne qui n'a pas confiance en elle n'a pas une bonne estime d'elle-même, mais une personnalité narcissique ne l'a pas non plus. Par rapport à l'identification du lecteur au personnage de roman, je pense aussi que c'est une question de traitement et de recul. Pour moi, un bon personnage de roman, c'est celui qui nous amènera à poser cette question cruciale: "Quel genre de personne voudrais-je devenir?". Après tout, c'est cette question là qu'il faudrait poser aux adolescents quand on commence à les interroger sur leurs orientations professionnelles. Peut-être que, si c'est le cas, on aurait moins de gens perdus dans la mer du doute. Là-dessus, je trouve que la littérature française en générale fait de gros efforts. Espérons que, bientôt, on mettra les Mary Sue au bûcher ! (ce serait déjà plus intelligent que de brûler les sorcières).

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    1. Salut !
      Merci beaucoup !

      Effectivement, une personne narcissique a une estime trop élevée, ou alors ce cache derrière une prétendue estime trop élevée comme une barrière ! D'ailleurs, l'échelle de Rosenberg remarque ce stade puisque au-dessus de "estime de soi normale" il y a "estime de soi" élevée !

      C'est très intéressant ce que tu soulèves sur l'orientation scolaire ! Je n'avais jamais vu ça comme ça !
      Les éditeurs de Young Adult et Jeunesse publient de plus en plus de choses qui permettent de "s'élever". D'ailleurs, il serait intéressant de savoir si un bouquin avec une grosse Mary Sue comme Tara Duncan serait publié aujourd'hui !

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  2. bonjour, c'est tellement vrai. et tellement difficile à la fois. bonne journée!

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  3. C'est une belle approche de la vie. Tout comme toi, je vais faire des efforts pour apprendre à m'accepter telle que je suis.

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    1. Je trouve que c'est le plus dur ! Mais bizarrement, je me prends de plus en plus à stopper mes pensées en me disant "dans les romans..." comme un rappel. Comme quoi, rien n'est perdu !

      Je te souhaite d'y arriver ! :)

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