lundi 8 mars 2021

La Petite fille toute-seule

Source – Rene Asmussen
Remise de mon rhume, je me suis lancée dans la lecture de Psychanalyse des contes de fées de Bruno Bettelheim, depuis longtemps présent dans ma "pile à lire" virtuelle et que j'ai trouvé par hasard lors de la vente de livres d'une bibliothèque pas loin de chez moi. Pour une fois, je ne me suis pas dit que c'était un signe, mais que c'était par contre la bonne occasion d'obtenir ce livre pour deux euros (alors qu'il est toujours vendu en librairie pour un peu plus cher : voilà donc une bonne affaire !). Mais peut-être que, finalement, c'était un signe

Bruno Bettelheim parle du besoin de la "pensée magique" des enfants, si on veut, et qu'il ne faut pas dire aux enfants, par exemple, que les géants n'existent pas. Sinon, ça peut donner des adolescents pour lesquels il faut faire appel "à des années de croyance au magique pour compenser le fait que l'individu en avait été privé prématurément au cours de son enfance, après avoir vainement essayé de lui imposer la stricte réalité". Il dit aussi que tant que l'enfant "n'est pas sûr que son environnement humain immédiat le protégera, a besoin de croire que des puissances supérieures" le protègent. En gros, plus l'enfant se sent bien en sécurité dans le monde, plus il recherche des explications rationnelles plutôt que magiques à ce qui l'entoure. Et ces passages m'ont un peu travaillée. D'un autre côté, c'est difficile pour moi d'interpréter mon enfance parce que je n'ai pas beaucoup de souvenirs de cette période, du coup je dois construire de grands ponts entre chaque fragment, ou en rassembler "beaucoup" pour tirer quelque chose (un quelque chose qui reste de toute façon une interprétation).

Je ne sais pas si c'est le rêve vraiment zarbi que j'ai fait qui a secoué le cocotier, ou juste le travail mental qui s'est terminé pendant que je dormais, mais la sensation que j'ai eu en lisant le livre s'est précisée. Je pense que mon besoin de sécurité n'est pas assouvi. C'est bête, parce que le besoin de sécurité est un des six besoins fondamentaux avec : le besoin de puissance (en possédant ou apprenant des choses) ; le besoin d'accomplissement (faire des choses gratifiantes) ; le besoin d'excitation (adrénaline) ; le besoin d'évasion (s'abstraire du quotidien) ; et le besoin de distinction (se sentir différent et supérieur aux autres). Cette liste n'est pas toujours la même en fonction des psychologues et je ne me souviens plus où j'ai eu celle-là mais toujours est-il que, peu importe la liste, le besoin de sécurité est toujours dessus.

Or, si je me penche un peu sérieusement sur la question, il est évident que je ne me sens pas en sécurité : ni en sécurité sociale (je n'ai pas de statut social dans le sens où je ne suis ni salariée ni étudiante) ; ni en sécurité intérieure (avec mes problèmes d'estime de soi dont le blog fourmille haha :P) ; ni en sécurité physique dans le sens où j'ai quelques problèmes de santé, démangeaisons et insomnies ; ni en sécurité affective dans la mesure où je n'ai pas vraiment quelqu'un à qui me confier même si j'essaye de faire des efforts là-dessus, et dans la mesure où je n'ai fait de câlin à personne depuis le collège c'est-à-dire... dix ans ! (oui, dix ans, l'écrire fait un peu mal haha ^^'). En même temps, je n'aime pas qu'on me touche donc difficile d'accepter des câlins ou d'en demander.

Bruno Bettelheim dit (et démontre) que les contes sont super importants pour le développement des enfants, mais qu'ils ne fonctionnent vraiment que s'ils ne sont pas illustrés (afin de laisser l'enfant fabriquer ses propres images). Le truc c'est que je ne me souviens pas d'un livre de contes, enfant, qui n'ait pas été illustré (ce qui entre dans les limites de ma mémoire de cette période (d'autant qu'on avait... beaucoup de livres !)). Ado, j'ai délaissé les contes. Je ne me souviens pas trop mais je crois que j'y suis revenue en fin d'adolescence/début âge adulte. Je dirais pendant ma Licence, donc il y a environ six ou sept ans, peut-être un peu moins.

Assez souvent, quand je me parle à moi-même à l'intérieur, je me qualifie de "petite fille toute-seule". Je ne sais pas à quel moment j'ai commencé à utiliser cette appellation, mais ça fait déjà plusieurs années. Elle m'est venue comme ça, spontanément, et m'a paru correspondre tout à fait à ma situation psychologique. Ce qui est assez triste, c'est qu'elle montre toute la désespérance de ma vulnérabilité intérieure. La petite fille, c'est la figure fragile, immature émotionnellement (ce que je suis sans doute étant donné ma difficulté à gérer mes émotions et à les réguler dont je parlais la dernière fois), qui doit être guidée, protégée, rassurée, sécurisée. Toute-seule, ben... la solitude et donc, en creux, la non-appartenance au moindre groupe (familial, amical, professionnel...). Pourtant, j'ai des amis, hein, mais d'abord on ne "fait pas groupe" ; et ensuite pour appartenir il faut se lier un peu intimement et pour ça il faut se confier et pour ça il faut avoir confiance... tout ce que je ne sais pas faire (même si en voyant une amie l'autre jour je m'étais lancé comme défi de dire des trucs que j'avais dit qu'ici).

J'ai un doudou, aussi. Paraît que beaucoup de femmes gardent leur doudou. J'ai même trouvé un livre là-dessus sur Cairn mais les chapitres étaient un peu longs, je n'aime pas lire sur ordinateur, et ce n'était pas tout à fait le sujet de mon article, du coup je ne l'ai pas lu. En revanche, je peux déjà dire que mon doudou c'est ma sécurité. Je ne pourrais pas dormir sans, par exemple (même avec j'ai des insomnies, alors imaginez sans ! l'horreur abyssale !). Parfois, quand je suis dans une situation stressante, je le prends avec moi dans l'hostile monde extérieur. Il m'est arrivé de le mettre dans mon sac à main et de l'emporter en entretien d'embauche (je crois, ou en tout cas situation du même genre) par exemple. Comme une sorte de talisman magique qui assure que tout va bien se passer. C'est puérile au possible. Et pourtant parfaitement indispensable. Il m'arrive aussi de me dire que mon doudou est la seule personne (chose ?) qui me comprenne. Ce qui est somme toute à la fois tout aussi désespérant (ça ne fait que souligner ma solitude) que logique dans la mesure où personne ne peut me comprendre si je ne donne pas les clefs pour être comprise.

Comprendre que je suis en insécurité profonde c'est aussi mieux comprendre mes émotions. Les émotions envoient des signaux et révèlent si on a assouvi ou non ses besoins (par exemple, ma grande fierté quand mon patron de stage m'a fait un compliment, révèle mon grand besoin de reconnaissance (reconnaissance que je ne peux m'apporter moi-même et que je recherche à l'extérieur)). Ça me prouve surtout, s'il en était encore besoin, que je ne suis pas prête à me retrouver dans une relation amoureuse. Parce que je chercherais toujours la sécurité auprès de mon compagnon (alors que lui-même aurait parfois besoin d'être rassuré par moi) alors qu'il ne pourra pas remplir le gouffre à lui tout seul. J'ai besoin d'un socle de sécurité intérieure personnelle.

Dans un chapitre de Les compétences émotionnelles, les auteurs expliquent que voir les fonctions positives (apporter un message) des émotions négatives aide à mieux les accueillir et les accepter. Je trouve ça tout à fait juste, et je vais sans doute partir de là pour travailler sur mes émotions et mes besoins fondamentaux. Parce que j'ai décidé que cette année serait l'année où je prends soin de moi. Prendre soin de soi c'est prendre soin de son corps mais aussi de sa sécurité intérieure. Pour que la petite fille ne se sente plus toute seule :)

Et vous ? Arrivez-vous à combler vos besoins fondamentaux ?

4 commentaires:

  1. Tout un programme la sécurité intérieure! Il faut bien se connaître je crois pour que ce besoin soit assouvi, sans perdre de vue qu'on peut être sécurisé un instant dans une situation donnée et pas dans un autre.
    De tant en tant je suis en manque et j'arrive désormais à m'en rendre compte. Alors je sais qu'il est temps de prendre davantage soin de moi.
    Est-ce que tu arrives à la faire?
    Pour ce qui est des contes, oui, je suis d'accord, beaucoup disent que c'est mentir aux enfants, je ne pense pas, c'est comme ça aussi que leur imaginaire se développe, grandit et qu'ils peuvent faire la différence entre la réalité et le rêve.
    Merci pour tes partages que je trouve très riches!

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    1. Bon, j'ai supprimé ma réponse par une mauvaise manip' donc c'est reparti pour un tour x)

      Effectivement, c'est tout un programme ! D'ailleurs, je ne sais même pas comment je fais pour pas me sentir écrasée tellement ça devrait me paraître insurmontable... peut-être parce que c'est lié au fait de prendre soin de soi et que j'avais déjà pris la décision de travailler là-dessus et que donc ça signifie que mon inconscient était prêt.

      Est-ce que j'arrive à prendre soin de moi, tu veux dire ? Haha ^^' c'est assez compliqué... Pour te donner une idée voilà le genre de trucs que je fais avec mon corps : quand j'étais encore à la fac je prenais un repas pour midi. Un jour j'ai oublié ma fourchette. Plutôt que de me dire (comme toute personne normale, je pense) "tant pis, je vais acheter un sandwich" je me dis ça "mais t'es vraiment trop conne, ma pauvre fille, du coup tant pis pour toi, tu manges pas, fallait y penser avant, ça t'apprendra" et j'ai pas mangé. L'autre jour, j'ai lu un article de blog sur comment faire son gommage soi-même. Au final je me tâtais parce que ça me paraissait prendre trop de temps (ce qui est une grosse connerie parce qu'il y a pas de cuisson ou quoi : trois ingrédients, on mélange, et c'est tout ! et par ailleurs je voudrais faire ma lessive moi-même quand je vivrais toute seule, donc le temps n'a rien à voir là-dedans d'une manière "objective"). Mais en fait, c'est surtout que ça demande de prendre du temps "pour mon corps" et donc tout de suite ben... ma première réaction c'est de regimber ! Après, sur identifier les moments où j'ai plus de problèmes de sécurité, comme je découvre tout juste l'ampleur du problème c'est moins évident. Mais j'ai aussi l'habitude de m'analyser et du coup je pense que je serais vite capable d'identifier les moments problématiques !

      Oui, tout à fait ! Bettelheim explique même que c'est stupide de dire qu'on ment aux enfants ! Les enfants comprennent très bien que ce n'est pas le monde tel qu'il est. En revanche, ce qu'il se passe dans les contes est très vrai du point de vue de la vie psychique des enfants ! Mais aucun enfant ne croira qu'un dragon peut venir l'enlever, par exemple. Et si à la fin d'un conte un enfant demande "est-ce que c'est vrai" il ne faut surtout pas dire "non" mais "il n'y a certainement plus de dragons qui vivent ici depuis très longtemps".

      Merci ! Ravie que tu n'ais pas eu l'impression de perdre ton temps en passant par ici ! :D

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  2. oula, j'ai lu ton billet un peu à la va vite, bébé s'est réveillé entre temps...
    je ne peux donc pas répondre à ta question finale...
    par contre j'ai souri au passage du doudou... du haut de mes 35 ans, j'ai encore le mien aussi, il est posé sur mon lit et il y a peu je me suis dit qu'il faudrait le ranger... Je ne dors plus que rarement avec lui, mon mari l'envoie balader... Je le prenais souvent quand mon époux était en déplacement... Il me servait aussi pendant mes grossesses pour caler mon ventre (c'est un grand doudou lol). Puis je l'ai prêté ) mes deux aînés, ils savent que c'est mon doudou mais il les a consolé les nuits où ils avaient peur ou étaient triste pour x raisons.... Brave doudou !

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    1. Brave doudou, comme tu dis !
      Je ne suis pas étonnée que ton mari l'envoie balader haha ^^' (pauvre doudou). Mais du coup tes enfants prenaient ton doudou plus le leur ?

      Le mien, c'est le 3ème. J'en ai perdu 2, dont un quand j'étais adolescente et des fois je me dis que j'aime pas mon doudou comme je devrais l'aimer à cause de cette perte... c'est bête un peu mais c'est comme ça...

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