mardi 3 décembre 2019

La cage

Source – Bachellier Christian
Je vous ai déjà pas mal parlé de mon rapport au corps, etc. que ça soit pas le sang, le sport, les règles... je pense aussi avoir parlé de contrôle, de mes pensées notamment... Mais il y a un aspect que je n'ai abordé alors que pourtant il transparaît beaucoup dans les remarques que l'on me fait ces derniers temps : "il faut que ça sorte", "réfléchis pas", "il y a quelque chose à libérer"... Tout ça, c'est une histoire de contrôle. Contrôle du corps, contrôle de la présence au monde, contrôle des pensées, et dans le fond peut-être même contrôle de ce que l'on risque de penser de moi.

C'est le cas à l'aïkido, par exemple. Normalement, quand on pratique vraiment, dans le vrai (et, selon mon prof, ne pas pratiquer vraiment c'est ne pas pratiquer du tout), on fait le kiai, une espèce de cri qui vient du diaphragme, pas de la gorge, quand on produit une technique. La respiration est très importante en aïkido et le kiai en fait partie, notamment lors de l'exercice de la barque (j'ai zappé le nom japonais, oui, après deux ans à le faire régulièrement en cours, je suis un boulet) en référence aux soldats qui arrivaient sur l'île du Paradis et accéléraient à mesure qu'ils s'approchaient de leur destination. À chaque coup de rame, il faut un cri. Ça fait partie intégrante de la pratique. Pourtant, quand les profs demandent à ce qu'on le fasse plus fort, et que je me force à élever un peu la voix, j'ai les larmes aux yeux et je sens que si je fais plus je m'effondre.

On m'a fait une remarque lors d'un atelier radio, aussi. "Faut que... faut que ça..." faut que ça sorte, que ça se libère, que j'arrête de le retenir. La phrase n'était pas finie mais l'idée a bien été comprise. On travaillait sur la voix, donc on enregistrait des flashs infos, et mon ton n'était pas assez... libéré. Comme si le regard des autres me gênait. Ou plutôt comme si un ultime mur en moi empêchait le truc, le fameux, de sortir.

Je manque de spontanéité au quotidien, et je pense que c'est le même système qui sous-tend ma retenue et mon absence totale de spontanéité. Je me suis un peu améliorée là-dessus ; il y a un moment où j'imaginais ce que j'allais dire avant de téléphoner, mais je ne m'arrêtais pas là : j'extrapolais la réponse de l'interlocuteur, ou les réponses possibles, et ma réponse à cette réponse. Aujourd'hui je peux décrocher un téléphone avec juste une idée vague de ce que je vais dire (quel pas en avant fabuleux, sans dec' ! ;P).

Le truc c'est que, ça, ce manque de libération, c'est depuis mon enfance et que ça trouve sa trace aussi dans mon corps. Par exemple je suis incapable de me laisser tomber sur un lit. Encore pire le dos tourné. Comme si le lit allait s'échapper pendant ma chute et que j'allais me retrouver par terre. Je ne sais pas si ça a à voir avec mon manque de confiance en les autres ou si c'est un blocage qui prend racine dans une partie complètement différente du cerveau. Il y a aussi autre chose : quand j'étais enfant, j'ai fait pipi au lit très tard, au point que je suis allée voir une psy. En fait, je faisais pipi au lit parce que j'étais une gamine trop... enfin qui ne se lâchait pas assez, qui respectait trop les règles, etc. et que le pipi au lit c'était se lâcher. Dans un autre genre, on me dit de temps en temps que je suis gracieuse. J'ai toujours un sentiment partagé là-dessus. D'un côté, je suis contente, mais de l'autre j'ai un sentiment un peu amer. Parce que dans mon souvenir (j'ignore si c'est un vrai souvenir) j'ai décidé d'être gracieuse. Je me souviens qu'un jour, dans mon enfance ou ma jeune adolescence, s'est construite cette idée que je devais contrôler mes postures pour être gracieuse. Ou comment maîtriser jusqu'à sa présence au monde.

Mais du coup, c'est tellement incorporé en moi qu'aujourd'hui j'ai beaucoup de blocages. Je sais que je devrais aller voir un psy, mais les thérapies courtes peuvent durer jusqu'à un an, et pour le moment je butine de ville en ville, entre années universitaires, stages et grandes vacances, et donc je ne sais pas si, en étant dans une situation instable, c'est vraiment une bonne idée de commencer. Donc j'attends pour une bonne raison. À moins que ça n'en soit une mauvaise...

4 commentaires:

  1. J'ai beaucoup aimé ton texte, vrai et authentique. Le lâcher prise est l'une des choses les plus difficile à faire. Petit, on grandit dans le "fait ci, fait ça", on est noté, on est dans la comparaison, la performance, on veut bien faire. Trop bien souvent. On ressent l'attente et la pression de notre entourage, on a peur de décevoir, de perdre leur affection... Et ça nous bouffe la vie. Quel est le risque de faire moins bien ? Quel est le risque de baisser la garde et de relâcher le contrôle ?

    Généralement, on va voir le psy quand toutes nos stratégies sont épuisées et qu'on est à bout de ressource. Tu seras peut-être prête à ce moment là ;) Sinon, des alternatives gratuites sont possibles mais avec ses contraintes ...

    Line de https://la-parenthese-psy.com/

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    1. Ah bah c'est sûr que ça aurait été dur de faire plus authentique ! xP
      Tellement dans la comparaison pour moi, que ma mère m'a raconté qu'à l'origine j'étais gauchère et que, comme mes petites camarades étaient droitiers, j'ai commencé à écrire de la main droite ! Mais je ne m'en souviens pas...

      En fait, je sais que j'ai besoin d'un psy et qu'il faut que j'y aille. Mais comme je ne reste que quelques mois dans une ville à chaque fois (là je fais 6 mois dans ma ville d'études et 6 mois dans ma ville de stage et après je sais pas où je serais, en fonction de si je suis prise en psycho ou pas, de si je trouve du travail quelque part ou pas, etc.) et du coup je me vois pas prendre un psy dans une ville et devoir faire des aller-retours pour retourner le voir quand je serai ailleurs (et je ne me vois pas changer de psy en même temps que de ville, j'ai déjà du mal à faire confiance donc si je dois tout recommencer avec un autre psy ça va vraiment être difficile, je pense). Donc c'est pas une question de prix, je suis prête à payer pour la prestation, mais plus la question du fait que je suis jamais assez longtemps à un endroit.

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  2. Ça t'arrive de chanter chez toi ? Mais en t'éclatant tu vois ? Avec ta brosse à cheveux ou une spatule comme micro ?

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    1. Nan, pas à ce point-là ! Je crois que j'y arriverais pas.

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