dimanche 2 octobre 2022

Coûts irrécupérables

Source – Rakicevic Nenad
Une amie m'a fait réaliser que j'étais tombée là-dedans. Je ne connaissais pas ce concept, mais elle avait raison. En fait, les coûts irrécupérables, c'est quand on se force à faire quelque chose qui ne nous plaît pas parce qu'on y a investit (par exemple, terminer de voir un film parce qu'on a dépensé de l'argent pour l'acheter).

Quand j'ai postulé à mon emploi actuel, je me disais que j'y resterai maximum cinq ans avant de revenir à un endroit où je pourrais faire plus de reportages, mais aussi me rapprocher de la mer (les goélands, ça manque !). Au bout du premier mois, j'étais tombée à trois ans. Au bout même des quinze premiers jours, d'ailleurs, je crois, dans mon souvenir. Finalement, le poste ne correspondait pas trop à la fiche ou en tout cas pas dès le début (quand dans l'annonce on te parle de faire des ateliers avec les jeunes (c'est le cas maintenant) et des prises de sons extérieures mais que dès le début le chef dit qu'on n'a pas le temps). Et puis aussi il y a ce moment où, disant que je n'ai aucune culture musicale, le chef me dit que si j'avais dit ça à l'entretien, je n'aurais pas eu le poste (en même temps, l'avait qu'à l'écrire dans l'annonce ! j'ai pas postulé aux endroits où ils écrivaient "bonne culture musicale exigée", "culture musicale serait un plus", etc.). Ça m'a un peu plombée. Aujourd'hui, je n'arrive pas à me concentrer sur le positif. Je trouve l'émission que je fais vide d'intérêt, la plupart du temps, puisque je ne fais que des annonces d'événements. Je prends mon pied quand j'ai un invité pendant une heure sur un sujet sérieux. Mais c'est rare.

J'ai voulu faire comme Jacques Salomé conseille : me responsabiliser : voir ce que je pouvais faire avec les cartes que j'avais pour améliorer ma situation. J'ai émis l'idée de faire une deuxième émission, mensuelle, sur le thème des journées mondiales, pour traiter des sujets sérieux. J'ai lancé des invitations à des structures et des personnes, dans l'idée de préparer le calendrier à l'avance et d'avoir deux ou trois émissions d'avance. Une seule personne a répondu (la super sexologue !) : je n'ai pas pu faire cette nouvelle émission. Du coup, j'essaye d'injecter du sérieux dans mon émission quotidienne, mais ce n'est pas facile. Je n'aime pas ce que je fais. J'aime mon travail quand j'ai du son à monter, que je peux m'amuser à tailler dans le gras ce que les gens disent pour en tirer le plus important. Mais je fais ça rarement, parce que je manque de temps. Gérer les publications sur les réseaux sociaux, ça ne m'intéresse pas non plus.

Quand j'ai pris mon poste, le chef a dit que répondre aux messages sur Facebook et tout ça ne le dérangeait pas tant que le travail était fait. Et j'ai pensé très fort que c'était très con, que j'étais là pour travailler, pas pour parler avec des amies. L'été dernier, j'ai commencé pourtant à parler avec des amies, à me connecter sur le forum d'écriture… en fin d'année, tout le monde est en vacances, donc c'est plus difficile de trouver des intervenants dans les émissions, et au final il n'y a pas grand-chose à faire. Et puis comme je n'avais pas grand-chose à faire, je repoussais ce que j'avais à faire pour en garder pour le lendemain. Quand j'ai minimisé auprès de la psy en disant que c'était juste parce que j'avais envie des vacances et qu'il n'y avait pas beaucoup de travail, elle m'a dit : "vous êtes sûre ?". J'ai dit oui. Nous sommes en septembre, et je me connecte sur le forum, je me connecte sur Discord, je joue au Sutom bien avant la pause déjeuner… je perds du temps de travail par dizaines de minutes pour répondre à un seul message privé. Et je n'ai plus l'excuse des vacances. D'ailleurs, il faut que j'arrête ça parce que l'autre jour le chef m'a demandé ce que je faisais – ça faisait plusieurs fois en quelques jours que, passant derrière moi, il voyait la page marron sur l'écran – et j'ai dû répondre que je prenais cinq minutes pour répondre à un truc important sur un forum. Comme il a le sens politique, je pense qu'il a demandé comme ça juste pour me faire comprendre qu'il avait bien vu malgré mes tentatives de changer de fenêtre avant son passage, etc. Donc je vais devoir me calmer x)

Mais j'avais dit que je restais trois ans, donc je devais faire cette année et la suivante. C'est là que mon amie m'a parlé des coûts irrécupérables, et que rien ne m'oblige à rester trois ans. C'est vrai. Et c'est intéressant d'ailleurs parce qu'à l'origine c'était "maximum trois ans" et au final mon esprit a dérivé sur "je dois rester trois ans" pour : faire de l'expérience, mettre de l'argent de côté pour le déménagement, espérer améliorer mes compétences (genre, je sais même pas poser ma voix). Mais le coût est trop important. Et, en fait, je suis vraiment soulagée et plus calme depuis que j'ai décidé que mon amie a raison, et de chercher du travail au printemps (le moment où les offres sont publiées dans mon domaine).

C'est bête parce que j'ai toujours pensé que je pourrais avoir un travail dans lequel je suis bien et je trouvais dommage mon camarade de Master qui partait déjà du principe qu'il aurait un job juste pour l'alimentaire et s'épanouirait dans ses passe-temps, distractions, passions, etc. Nous passons tellement de temps au travail, que partir du principe que nous n'allons pas nous y plaire, je trouve ça horrible ! Et de fait, j'aime travailler et avoir un chouette travail c'est chouette. Mon stage de M1 s'est bien passé, j'adorais aller travailler malgré les heures de trajets quotidiens, la fatigue chronique encore pire que d'habitude… Mon Service Civique aussi, j'ai aimé ! Les gens étaient sympa, l'émission que je faisais intéressante, j'apprenais plein de trucs. J'aimerais retrouver ça.

La région ne me plaît pas non plus. C'est vrai que les paysages sont jolis, mais bon, la France, c'est beau partout. Moi, j'aime la mer. Entendre les goélands piaffer à trois heures du matin en été, ça me manque. Et les voir dans le ciel, trancher l'air comme des lames, aussi. Puis, j'aime pas les gens. Partout où je suis allée, on vous demande : "tu viens d'où ?" – tout en s'attendant à peu près, réponse habituelle peut-être, à ce que vous donniez le nom du patelin du coin, mais au moins la question est ouverte – ; ici, on vous demande : "tu viens d'ici, du coup ?". Non. Non, je ne viens pas d'ici. Et je t'*mm*rd*. Je ne trouve pas les gens particulièrement sympa. Donc j'aimerais partir. L'herbe est toujours plus verte ailleurs, comme on dit. (Et donc j'ai peur que, partant, je me retrouve dans une région que j'aime pas non plus.)

Le chef, au début, quand je doutais, disait que j'étais la bonne personne pour le poste. Peut-être que je suis la bonne personne pour le poste, mais l'inverse n'est pas vrai : ce n'est pas le poste fait pour moi. J'aimerais faire plus de journalisme que d'animation, plus de montage, et aller au fond des choses.

Je vais partir. Enfin, "je vais"... C'est un grand mot. Je vais essayer. Étant donné le calendrier de recrutement et mon préavis de trois mois, je dois trouver avant fin-mai. Les offres sont publiées fin-mars, au plus tôt. Sachant qu'il me manque des compétences de bases qui vont forcément s'entendre dans la maquette, et que les patrons prêts à vous former ne courent pas les rues ; sachant que je ne suis pas aussi mobile qu'il y a deux ans pour passer des entretiens d'embauche en présentiel à l'autre bout de la France ; je ne donne pas cher de ma peau. À mon avis, je serais toujours là dans huit ans, incompétente et aigrie. Ou je me serais peut-être flinguée avant. Mais je vais essayer. Des candidatures spontanées et des réponses à des offres. J'aimerais une RCF, pour rester dans l'associatif tout en faisant du journalisme (alors que je suis agnostique, c'est quand même cocasse haha). J'aimerais près de la mer, mais pas trop dans le Sud. (Oui, parce qu'en plus j'ai une liste de critère longue comme celle d'un candidat à Recherche appartement ou maison, m'voyez.)

Avant, je regardais les annonces d'appartements à louer à l'autre bout de la France juste pour rêver, soulager ma frustration, maintenant je regarde pour voir comment je m'en sortirais dans une ville plus grande, donc plus chère, avec globalement le même salaire. Je vais devoir passer d'un trois-pièces à un deux-pièces, je pense, mais ça ne pose pas de problèmes !

J'aimerais partir.

4 commentaires:

  1. Si jamais tu as besoin d'être hébergée pour passer des entretiens dans le sud Bretagne, ma porte est ouverte...(oui, je saute tout de suite à la fin du processus !). Bon courage et bonne chance dans ta recherche en tout cas !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Wouah merci beaucoup ! *o*
      C'est pas plus mal de sauter direct à la fin du processus, vu que moi j'en suis déjà à regarder l'heure des cours de volley et d'aïkido, le prix des licences et des apparts, à estimer le coût de mon déménagement… Genre ça va se faire alors que… ben rien n'est sûr, au contraire ! Surtout qu'en plus je conduis une voiture auto, et je pense pas que beaucoup de radios aient des boîtes auto ou soient prêtes à rembourser les frais kilométriques, etc.

      Supprimer
  2. Cela te donne un objectif pour avancer, ce n'est pas plus mal. Après on ne fait pas tous le job de nos rêves non plus.
    Ton article m'a refait pensé à la dernière année où j'ai travaillé avant la naissance de mon premier garçon.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est vrai, ce n'est pas plus mal et en même temps je me demande si tenir toute l'année en sachant que je veux partir est une bonne ou une mauvaise chose. Il faut que je reste concentrée dans mon travail, et aussi que j'arrive à me projeter dans ce travail parce que sinon, quand on sera fin-mai et que j'aurais rien trouvé et que je serai donc bloquée, je vais tomber de très, très haut.
      C'est vrai, on ne fait pas tous le job de nos rêves, et d'ailleurs j'avais ce camarade de Master qui avait déjà fait une croix sur le fait de faire un métier dans lequel il s'épanouirait. Ceci dit je pense que l'on devrait quand même tendre, dans la mesure du possible et quel que soit notre milieu de départ, à tenter des trucs pour faire un métier/avoir un poste dans lequel on est bien. On y passe quand même 35h/semaine (en gros), 47 semaines par ans, 42 ans dans une vie donc euh… vaut mieux être à un endroit qu'on apprécie !

      Supprimer