mercredi 16 janvier 2019

Le regard des autres

Source – Michael Nichols / National Geographic / WWF
Aujourd'hui, une camarade et moi attendions devant notre salle de classe, tandis que les autres attendaient plus loin, au bout du couloir, et discutaient tous ensemble. Alors ma camarade me lance "on n'est pas très bien intégrées...". Pas faux. Moi je m'en fiche. De toute façon pour être intégrée il faut aller en soirée (et je songe maintenant que pour être invitée en soirée il faut être intégrée). Elle m'avoue que c'est ce qu'elle pensait aussi au début, mais maintenant... De là on commence à discuter de l'image que l'on peut renvoyer aux autres. Enfin "on"... moi surtout. Et je sais très bien que la mienne n'est pas très reluisante. À partir du moment où personne ne vient vous parler, c'est bien que ce qu'ils pensent de vous n'est pas très positif.

Je sais que je peux avoir l'air d'une gamine dans les attitudes que je peux prendre. Ou que je peux avoir l'air froid et méprisant. Parce que j'ai tendance à m'agacer, à maugréer dans mon coin quand quelque chose qui est dit me déplaît, que je trouve ça agaçant ou malhonnête, ou... quelque chose comme ça. Et cette réaction un peu épidermique, je ne la contrôle pas. D'ailleurs, comme je le disais à ma camarade – sa propre histoire pas simple, même si je n'en connais pas les détails, et le fait que nous soyons isolées dans un couloir désert et pas très bien éclairé étant approprié à la confidence –, je me contrôle déjà tellement sur d'autres plans que, si je devais penser à contrôler mes réactions quand j'entends des choses que je trouve être des bêtises je péterais sans doute un câble.

Je l'avais déjà dit dans mon ancien blog, je crois. Ce n'est peut-être pas tant mon corps que je cherche à contrôler – quoique je peux chercher à contrôler mes gestes ou mes postures – que mes pensées, par exemple. Le fameux "il faut que" dont parlait un psychologue dans un article et qu'il faut que (hrm hrm) l'on évite d'utiliser. Il faut que je fasse ceci. Il faut que je pense comme ça. Il faut que je mange moins de ceci. Il faut que je sois plus comme ça. Je dois être ceci. Ou je dois être cela. Et même, dans le même genre, la pensée "tu as le droit". Si-si ! Des fois c'est comme ça que je m'adresse à moi-même. "Tu auras le droit de faire une sieste et de regarder des mangas", que je pense quand j'égraine la liste des choses que je dois faire dans la journée (et dont ne fait pas partie l'écriture de cet article, par ailleurs). Je me contrôle déjà tellement, et je pense déjà tellement "qu'il faut que" j'arrête de me contrôler, que si en plus je devais penser à mes réactions agacées, à les empêcher pour penser à ce qu'elles provoquent chez les gens, je finirais sans doute par péter un plomb. Pas tout de suite, non, non pas tout de suite, mais dans quelques mois ou quelques années, quand mon esprit ne pourra plus en supporter davantage.

En discutant avec cette camarade, j'ai songé à la raison de ce mépris que je peux renvoyer (alors même que je ne le ressens pas le moins du monde, étant je pense quelqu'un d'assez bienveillant et compréhensif, dans le fond). La raison profonde, je veux dire. Le commencement. La genèse. J'ai songé à mon année de Seconde. Je débarquais dans une classe de pas moins de trente-six élèves. Je n'en connaissais véritablement du collège que deux. Et je n'avais "d'amie" qu'une seule. Je mets des guillemets car, au collège, elle s'était retrouvée dans notre groupe après une dispute avec ses amies à elle. Ensuite, par loyauté ou pour ne pas nous vexer, elle est restée avec nous, alors que ça s'était arrangée avec son groupe d'amies. Du coup, au lycée, elle s'est naturellement éloignée de moi et moi, je lui en ai un peu voulu, de me laisser sur la touche et de ne pas m'aider à socialiser. Alors j'ai songé aujourd'hui que c'est pour me protéger que j'ai commencé à penser qu'ils étaient tous cons, de toute façon, et que j'étais bien mieux toute seule.

Et j'ai songé, sentant les sanglots poindre tout au fond mais les retenant parce que quand même ç'aurait été un peu ridicule de pleurer pour ça, que cette année de Seconde m'avait peut-être davantage marquée que ce que je croyais. D'ailleurs, je n'en avais jamais parlé (de toute façon, à qui voulez-vous que j'en parle ? pour se confier il faut avoir une oreille, et pour avoir une oreille il faut se confier... et comme je ne fais pas confiance...).

C'est drôle parce que, même si je sais quelle image je peux renvoyer, l'entendre ça fait un peu bizarre. Dans le fond, on ne parle jamais aux autres de comment on les voyait avant de se parler, ou de comment on les voit aujourd'hui. Par peur de vexer ou par pudeur. Sans doute peut-être plus souvent par pudeur, d'ailleurs, car la manière dont on est vu et dont on voit les autres touche à l'intime, au plus profond de la personnalité de chacun, et je pense que ce n'est pas le genre de sujets que l'on aborde beaucoup.

Au final, tous mes... "problèmes" sont liés à la même choses : je ne sais pas faire confiance : je me ferme comme une huître : je renvoie une image de froideur ou de mépris : personne ne me parle, je ne parle à personne ; et ainsi de suite. Une bonne petite psychanalyse ne serait sans doute pas de refus... x)

14 commentaires:

  1. Juste pour dire que cette phrase est fausse, ou du moins que c'est hyper réducteur: "À partir du moment où personne ne vient vous parler, c'est bien que ce qu'ils pensent de vous n'est pas très positif"
    Il existe des tas de raisons pour ne pas aller parler à quelqu'un. On peut être timide par exemple ou simplement être un(e) flemmard(e). Voire ceux qui ne font pas forcément attention aux autres. Ne pas remarquer une personne ne vient pas forcément de la dite personne. Certains sont dans leur bulle c'est tout.

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    1. Mmmmm moui. Ben... oui, d'accord, mais que chaque individu de toute une classe (ou presque) ait une raison bien à lui de pas me parler me paraît hautement peu probable x) Ou alors je suis tellement rayonnante et impressionnante qu'ils n'osent pas mwahahahaha ! (ce qui est aussi très peu probable).

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    2. Ouais mais tu penses en masse là. Les gens sont dans des groupes ils vont pas s'amuser à s'écarter du troupeau ça serait trop dangereux tu vois ? xD

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    3. Ouais, pas faux non plus x) Ceci dit on se met pas en groupe avec les gens qui nous plaisent pas au premier abord.

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  2. Longtemps très longtemps et encore parfois je me suis sentie invisible. J'étais là, j'observais, j'analysais, je savais beaucoup de choses sur les personnes autour de moi mais elles ne me voyaient quasiment pas. J'attendais qu'on vienne vers moi et quand on me parlait, je m'ouvrais. Enfin sauf si vraiment la personne en face ne m'inspirait aucune confiance. Dans ce cas je peux me fermer totalement. Avoir des enfants (et un blog) m'a changé. Maintenant quand j'en ai envie je vais vers les autres, je n'ai plus peur. Cependant je reste une introvertie qui préfère parfois la solitude. Une chose est sûre, j'ai tendance à fuir les personnes extraverties.

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    1. Je ne sais pas ce qui est le pire entre savoir qu'on renvoie une image de mépris et se sentir invisible...
      Je pense qu'on ne peut pas changer fondamentalement. On ne fera pas d'un d'extraverti un introverti même si on peut le canaliser. De la même manière ont ne peut pas totalement s'extravertir quand on est introverti par nature... on peut juste faire des efforts.
      Je ne dirais pas pour ma part que je fuis les personnes extraverties, c'est surtout que l'on ne se correspond mutuellement pas donc ça ne fonctionne pas.

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  3. Coucou ! Je me reconnais beaucoup dans tes mots bien qu'à 24 ans, mes réflexions ont beaucoup évolué et m'ont permise de mieux comprendre certaines choses. Les relations aux autres sont tellement compliquées... On aimerait qu'ils nous voient comme nous nous voyons, nous-même, pour qu'ils puissent comprendre.. Mais pour cela il faut tellement de temps.. Et même avec beaucoup de temps, personne ne pourra savoir vraiment tout ce qui se passe au fond de nous. Si je devais te donner un seul conseil, ce serait qu'avant de vouloir quoi que ce soit des autres, il faut d'abord apprendre à s'aimer soi-même, inconditionnellement...
    J'espère que ça t'aidera..
    Merci Hellocoton pour cette belle découverte en tout cas :) Enchanter !
    Justine,
    http://blogdunepartageuse.com

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    1. C'est vrai que, quand on grandit, on prend du recul. Je ne réfléchis pas du tout pareil à 22 ans qu'à 15 et c'est heureux !
      Ce conseil, je le connais déjà ! Et il est bien vrai ! On ne peut pas être bien avec les autres si on n'est déjà pas bien avec soi-même ! Mais entre le savoir et y parvenir, il y a un gouffre !

      Haha c'est gentil :) Enchangée également :)

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  4. C'est fou comme, encore une fois, j'aurais pu écrire, en grande partie, ce que tu écris. Cette image froide qu'on renvoie alors qu'à l'intérieur, il n'y a aucun courant d'air. Cette solitude à l'entrée au lycée.
    Et cette façon qu'ont les gens de te dire, une fois à l'aise : "en fait, t'es pas du coup comme on t'imagine au premier abord... t'es assez sympa, finalement ! " Finalement...
    Ça fait bizarre au début, puis on s'y fait ^^ Je me dis qu'au final, c'est un avantage : c'est assez rare qu'on m'aborde dans la rue :P

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    1. "alors qu'à l'intérieur, il n'y a aucun courant d'air" j'aime beaucoup l'image ! :D
      Finalement, ouais... Enfin je me dis, vaut mieux ça qu'être comme les gens qui paraissent super sympa et sont en fait de vrais connards !
      Je crois que je suis pas trop abordée non plus (si on compte pas toutes les personnes sans domiciles fixes qu'il y a dans ma ville...), puis je crois que comme je parle toute seule quand je marche dans la rue, ça aide pas à avoir envie de m'aborder (genre "cette fille est tarée, écarte-toi" xD)

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  5. Cet article c'est l'histoire de ma vie. Mais je dois avouer que je m'y suis faite une raison. Je n'ai pas très envie d'aller vers les autres, mais j'essaye tout de même de paraître un peu sympa. j'ai eu beaucoup de retours de personnes qui me disaient : "J'ai jamais osé venir te parler parce que tu avais l'air inacessible, et trop bien."
    Ah, et bien merci ? J'avais vraiment une sorte d'image comme ces stars tu vois ? Comme si on était pas du même monde, et que j'étais trop au dessus pour eux. Mais bon, je crois qu'on est tous dans la même dimension ? A partir de là j'ai un peu essayé d'aller vers les autres, sans vraiment non plus me forcer, et j'arrive à avoir des relations un peu plus cordiales avec les gens de ma promotion par exemple. Mais ce n'est pas pour autant que je suis vraiment membre de leur groupe ( sauf sur la discussion de promo sur FB... mais c'est plus un défouloir de meme stupides. C'est plus facile de réagir avec eux sur internet. en IRL je suis en PLS )

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    1. Haha "un peu sympa" x)
      Moi, j'envois une image tellement négative, qu'on vient pas me faire de retours comme ça, c'est con, je pourrais en profiter pour faire ressortir mon côté "un peu sympa". D'ailleurs des fois je me dis que ça serait drôle que je travaille en duo avec l'un de mes camarades qui m'aime pas trop, comme ça il pourrait aller prêcher la bonne parole aux autres en expliquant à quel point je suis fantastique ! x)
      C'est vrai que sur internet, genre le groupe FB, c'est un peu plus simple parce qu'il y a des codes d'internet qu'on peut utiliser (genre les smileys) alors que dans la vraie vie tu fais jamais une tête de smiley. Puis en plus, sur internet, les gens qui lisent pas tes messages ou s'en tamponnent, ils te le font pas savoir, que IRL quand quelqu'un t'écoute pas ça se voit x)

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  6. oula c'est corsé les réflexions avec toi !!!
    on ne me parle pas non plus, je suis souvent celle qui est sur le côté toute seule. Pourtant quand on me parle je réponds et avec le sourire, mais ça ne va jamais plus loin, dans le sens où en fait je pense servir de bouche trou le temps de quelques minutes.
    Je pense que comme toi je dois pas renvoyer une bonne image, ou une image faussée de qui je suis en réalité.

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    1. Haha un peu ! L'intérieur de ma tête est un sacré sac de nœuds ! Quelle idée de déterrer mes articles, aussi ! ;P

      J'ai souvent servi de bouche-trou aussi... Ce qui est "marrant" c'est que les autres pensent sans doute qu'on ne s'en rend pas compte alors qu'en réalité ça crève les yeux...

      Dans le fond, on renvoie tous une image faussée de nous... mais certaines personnes se méritent plus que d'autres ! ;) Je ne sais pas si je me suis améliorer de ce point de vue-là, je ne pense pas... en même temps, difficile à dire puisqu'on enchaîne télétravail, chômage et confinement... je pense aussi que j'ai plus de facilités à montrer mon "vrai moi" un peu frapadingue par écrit/chat box/forum et blog de tous genre !

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