samedi 9 février 2019

Je n'écris plus

Source – David Negstad
Enfin, ce n'est pas tout à fait vrai. J'écris. J'écris toujours des histoires. Mais pas des choses sérieuses. Enfin si, je les écris sérieusement, mais je ne les écris pas pour autre chose que pour moi. Hrm. Pour que tout ça soit clair, il faut que je vous explique les deux catégories principales de ce que j'écris habituellement.

La première est composée des textes que je considère comme des romans, et que je traite comme des romans. Je pars en connaissant la fin, et je commence en me servant d'un proverbe ou d'une citation pour fil-rouge. Je le prends avec plus de sérieux quand j'écris, je fais plus attention à mon style (ou à mon semblant de style). Dans la deuxième, je mets ce que j'appelle les "juste comme ça". Un juste-comme-ça c'est une histoire souvent interminable (quatre-vingt-page et on n'est pas à la moitié, quand mon dernier "roman" s'il mérite de nom avait cent dix pages), où je sais où je vais sans vraiment avoir une fin, où je ne fais pas plus attention que ça à la manière dont j'écris, je ne réfléchis pas trop, il y a souvent beaucoup de dialogues et une histoire d'amour (je n'en mets pas dans les romans parce que je considère qu'en mette une pour en mettre une ça sert à que dalle). Ce sont plus des choses que j'écris pour traiter des sentiments, des émotions, les extérioriser. C'est bourré de clichés et encore plus attendu que quand je suis sur un roman. J'en ai plusieurs à la fois, à des points d'avancée variable, qui pour certains ne bougeront plus avant un long moment, alors que les romans je n'en ai toujours qu'un à la fois. Il arrive aussi que j'arrête un juste-comme-ça parce que je voudrais en faire un roman, parce que finalement y a un vrai truc à faire avec.

Ces derniers temps, il n'y a plus que ça que j'écris. Par manque de temps (ou plutôt parce que je décide de ne pas en prendre), parce que je n'ai pas la place dans mon esprit de penser à ça (ma recherche de stage me prends tellement d'énergie, et je suis tellement dans une période d'auto-flagellation que si je me mets à écrire un roman je ne m'en sortirais jamais), et parce que je me suis rendue compte que je n'écrivais pas avec le bon état d'esprit.

Il y a quelques mois j'ai fini un roman. Je l'ai envoyé à deux amies, qui ne l'ont pas fini, et à ma tante qui, si elle ne l'a pas dit comme ça parce qu'elle est gentille, l'a trouvé mauvais (pour ne pas dire nul). Le fait est qu'il n'y avait pas vraiment d'histoire dans le sens où ça n'évoluait pas trop, mais je suis quand même contente d'avoir réussi à finir quelque chose. Je crois que dans ce récit rien n'était vraiment clair pour l'esprit d'un lecteur extérieur, et que c'est ça le vrai problème.

Depuis que j'ai commencé à écrire je ne cesse de répéter que je n'écris que pour moi, que l'écriture c'est un processus de moi à moi. Je l'ai même écrit sur des forums. Sauf que, au final, je pense que ça ne peut pas fonctionner. Je pense que l'on n'écrit pas de la même manière, on ne s'exprime pas de la même manière, quand on s'exprime à soi et quand on s'exprime aux autres. Quand je me parle toute seule réfléchir (ce que je fais de moins en moins, peut-être parce que j'ai peur que mes colloc' m'entendent, et ça manque), je ne me parle pas pareil que quand je vous écris à vous. Je ne peux pas demander à des lecteurs extérieurs de comprendre ce que j'écris si, à la base, j'ai écrit pour moi.

Et donc, le temps que ça se décante (genre, ça va se faire tout seul), je n'écris plus. Je crois que je dois aussi mieux gérer ce que je mets de moi et ce que je garde pour moi dans un roman. Je dois être plus mesurée. Je peux me servir d'un juste-comme-ça comme d'un psy, pour mettre en scène mes émotions, mes peurs, mes aspirations, mes désirs, mais ça ne peut pas fonctionner avec un roman. Alors je vais bousculer la liste que j'avais (oui, parce qu'en plus, dans ma tête, je savais ce que j'allais écrire plus de trois histoires à l'avance) et je me relancerai sur un récit avec de vraies péripéties, et dont je sais qu'il est bon. D'ailleurs, d'une manière générale, je sais que mes idées sont bonnes mais, comme pour tout le reste, c'est la réalisation qui pêche, et ça me frustre beaucoup, car j'ai l'impression que je pourrais faire plus, faire mieux. C'est l'histoire de ma vie. Mais je ne peux m'en prendre qu'à moi. Je sais que je ne fais pas assez d'efforts, que dans ce cas je ne lis pas assez, je n'écris pas assez... J'ai toujours eu des facilités, donc je ne sais pas travailler. Je dois faire le deuil d'un vieux rêve : le talent. Le talent n'existe pas. Il va falloir que je l'intègre.

Il y a quelques temps j'avais répondu à un appel à textes. La dame m'avait fait beaucoup de critiques (que je n'ai pas trouvées toutes justes) et avait fini par me dire d'aller sur des forums pour progresser. Je suis sur un forum, je squatte la partie Écritoire, sur toutes les questions d'écriture. Mais je réponds, juste. Et je ne veux pas publier mes textes, des chapitres, sur ce forum. Parce que je ne veux pas que les avis influent sur le processus d'écriture. Sur la correction, pourquoi pas. Mais pas sur la gestation.

Et puis je ne pense pas avoir besoin de ça pour progresser. Je sais qu'en disant ça j'ai l'air de la fille un peu méprisante ou imbue d'elle-même, qui pense que les autres sont tous des cons et qu'elle vaut mieux que ça, mais ce n'est pas ce que je veux dire. Ce que je veux dire c'est que, les conseils et tout c'est super, mais ce sont des trucs techniques. Comme le fait de ne pas doubler les termes (par exemple une pierre qui brille d'un éclat jaune, m'voyez ?). Mais ça n'améliore pas intrinsèquement le texte, ce sont des détails. En cours, nous avons rencontré le journaliste Ramsès Kéfi il y a peu. Il nous disait qu'il prenait tous les sujets, parce que ça pouvait lui permettre de progresser, parce que ce sont les sujets qui font progresser. S'il voit par exemple une scène qu'il n'a jamais décrite, et qu'il doit réfléchir à comment la décrire, ça va le faire progresser.

Je pense que, pour l'écriture de fiction, c'est un peu pareil. Il faut prendre du recul sur ce que l'on fait et se laisser aussi guider par son histoire. Si je dois décrire une émotion que je n'ai jamais décrite, je vais forcément apprendre de nouveaux mots, de nouveaux verbes, qui vont me permettre de mieux la décrire, ou même le simple fait de devoir la décrire avec des mots que j'ai. Et puis lire, pour voir comment les autres font, et apprendre des trucs. Par exemple, il y a quelques mois, j'ai lu Jules Verne et j'ai compris la différence entre "!..." et "...!". On dirait un détail dont je parle un peu plus haut, mais en fait, c'est beaucoup plus que ça, ça change tout au ton du personnage ! Il y a aussi quelque chose que j'adorerais savoir faire parce que je trouve ça juste génial. Vous savez, quand un auteur décrit un personnage en une ou deux phrases, sans presque rien dire du physique, mais que vous le voyez bien dans votre tête, physiquement, parce qu'une description de son caractère suffit. Je vous mettrais bien un exemple, mais je n'ai pas le livre sous la main... Mais ça, ce n'est pas sur des forums que l'on apprend à le faire, c'est en essayant.

Pour progresser, j'ai besoin de changer d'état d'esprit, j'ai besoin d'ouvrir un document Word en me disant qu'à la fin ça finira dans les mains d'autres personnes d'un éditeur, que j'écris pour partager et pas pour moi, que je n'enverrais pas à un éditeur par défaut, pour tester, juste pour voir, au cas où. Et quand j'en serai là, je vous pondrai un chef-d'oeuvre ! :) (on y croit !)

8 commentaires:

  1. Bon voilà, du coup je squatte un peu, non je ne suis pas une psychopathe et non je ne te stalke pas XD
    J'ai toujours beaucoup écrit, et puis un jour je n'ai plus réussi à écrire et pendant 5 ans, je n'ai plus rien écrit (je parle comme toi fiction, je ne compte pas les articles divers). Je n'ai repris qu'il y a un peu plus d'un an et pour la première fois de ma vie j'ai fini un roman. Même si ça a été un gros manque pendant ces cinq années, je crois que c'est ce qu'il me fallait pour reprendre du bon pied. De fois, c'est bien de se faire un peu violence pour lancer la machine mais des fois, il faut savoir accepter la page blanche. Mais ça n'a pas vraiment l'air d'être l'absence d'écriture ton problème, et du coup, même si tu n'écris pas de "vrais" romans, même si tu n'arrives pas à écrire "pour quelqu'un", ça reste un bon exercice, je pense. Tout exercice d'écriture, quel qu'il soit, exerce ton style, te permet d'essayer, de tâtonner, de chercher et tester du vocabulaire, bref, je suis sûre que tu progresses, même en écrivant des "juste comme ça", même en écrivant des articles sur ton blog.
    Pour ce qui est du talent, en tout cas, je trouve que tu écris très bien. Même si ce n'est pas de la fiction que tu écris ici, tu arrives à décrire des moments et des émotions suffisamment bien pour qu'on visualise parfaitement ce que tu cherches à dire. Et ça, c'est pas donné à tous les auteurs. C'est, à mon avis, l'un des principaux talents que doit avoir un bon auteur.
    Juste par curiosité, le nom de ce forum ne commencerait-il pas par un J ? ^^
    (J'ai l'impression que mon commentaire est complètement décousu et à côté de la plaque... désolée...)

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    1. Pas de problème, tout e monde a le droit de squatter par ici ! ;)

      Effectivement, ce n'est pas vraiment la page blanche, mon problème. Les idées je les ai, c'est juste que je ne suis pas vraiment disponible pour les écrire et, comme je sais qu'elles sont bonnes je ne peux pas les gâcher, parce que si je les gâche je me connais, je ne pourrais pas y revenir plus tard pour les réécrire...
      Oui, je pense que je progresse un peu avec un juste-comme-ça. Je m'exerce surtout aux sentiments des personnages. Comme je me suis un peu coupée de mes émotions, c'est pas facile pour moi de décrire celles des autres, et encore moins de personnages... autant les romans sont plus concentrés sur une histoire, autant là il y a davantage d'enjeux au niveau sentimental/émotionnel.
      C'est drôle que tu me dise ça vue que les émotions sont là où je galère le plus et où j'ai l'impression d'être la plus artificielle. Sur le blog c'est plus facile, parce que je parle de moi...
      Haha sisi ! C'est Jeunes écrivains, mais je n'ai pas ce pseudo-là, j'ai celui de mon ancien blog (je n'ai pas pu modifier) et je n'y suis pas allée depuis un moment. Je m'y suis connectée hier mais rien ne m'a paru vraiment intéressant... donc je ne vais sans doute pas y retourner avant un moment.
      (Ton commentaire n'est ni décousu ni à côté de la plaque ! :D)

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  2. Eh bien, moi, je l'attends ton chef d'oeuvre ;)
    (et j'espère que j'aurais ma dédicace :P)
    Sérieusement, je suis certaine que tu as tout ce qu'il faut pour réussir à créer un roman digne de ce nom. Peu importe le temps que ça te prendra à lui donner vie.

    Je pense qu'écrire un bon roman ça demande non seulement de la passion, du temps, et beaucoup de travail, mais ça implique aussi de traverser de nombreuses périodes de doutes, et de remises en question... C'est à force d'écrire que tu progresseras, et que tu réussiras à atteindre tes buts.
    Crois en toi :)

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    1. Pression-pression (bis) !
      J'espère que ça me prendra pas trop longtemps non plus... si je suis trop vieille et que je peux plus faire les plateaux télé ça sert à rien x)

      C'est gentil de m'encourager (surtout qu'en ce moment ça va pas fort, mais c'est pas facile de se soigner, je pense que je suis pessimiste de manière intrinsèque !)

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  3. Coucou, cet article est hyper touchant, je trouve. J'ai déjà vécu ce genre de sensation : avoir l'impression que j'écris juste pour moi et puis voir que je le partage et que ça ne touche pas grand monde, donc me rendre compte que non, j'écris aussi pour les autres. Et maintenant j'écris SURTOUT pour les autres. Du moins, à partir du moment ou je veux que ce soit un texte publié, alors j'essaie de penser plus à l'autre qu'à moi, tout en étant sincère et en accord avec moi-même. Si j'ai besoin d'écrire pour moi, je sors mon journal intime.
    Quand j'ai compris ça, ça a tout changé, et certains de mes textes ont parlé aux gens. Alors j'espère que ce sera exactement ton cas pour tes futurs livres ! :)

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    1. Ah bon ? "Touchant" n'est pas le qualificatif que j'aurais employé, mais je prends quand même ! :)
      Ce que tu me dis me donne du courage parce qu'entre la théorie et la pratique il y a un monde donc savoir que la pratique atteint son but m'aide beaucoup ! Merci ! :D Par contre je suis incapable de tenir un journal intime...

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  4. Je pense que l'écriture est un exercice très difficile sur bien des plans. Sur tous ses aspects en fait. C'est gravir une montagne ! Y'a un côté personnel qui demande de puiser en soi, il y a une intimité difficile à partager, du style (à trouver/avoir), des "règles" (de grammaire, de ponctuation, de ceci ou cela...), de l'imaginaire combiné à quelque chose d'ordonné (dans un sens) à mettre en place et finalement la somme de toutes ces chose forme un tout très subjectif qui peut plaire comme ne pas plaire. Bref, je trouve ça tellement chaotique personnellement x) Et pourtant j'adorerais raconter une histoire un jour aussi, mais c'est comme un épais brouillard pour moi.

    Tout ça pour dire que tu ne choisis pas l'activité la plus simple xD Donc forcément, ça mène a beaucoup de critiques.

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    1. Mais tu pourrais raconter une histoire autrement qu'en écrivant ! En dessinant par exemple !

      Haha mais pour moi écrire c'est simple, c'est pas facile, c'est difficile mais c'est pas complexe, enfin c'est simple, quoi... par contre dessiner c'est pas simple du tout ! Donc tu vois, on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a !

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