dimanche 11 avril 2021

La parenthèse et l'inconnu

Source – Karolina Grabowska

Depuis quelques jours je me demande si je n'écrirais pas un article pour donner des nouvelles. Pas de réflexions sur mes problèmes psychologique, pas d'interrogations sur mes fonctionnements, juste des nouvelles. Mais je n'osais pas trop et je ne savais pas trop non plus si j'arriverais à me lancer, à aligner les mots, vu que c'est quelque chose que je ne fais jamais et que donc je ne sais pas faire. Et puis j'ai lu un article de Marie Kléber sur le fait d'écrire le bonheur, et cela tout en écoutant l'interview de Frédéric Lenoir dans C Ce soir sur France 5 qui disait que, quand on parle que du malheur on contribue à faire descendre l'humeur générale, alors que si on parle du bonheur au contraire on peut faire sourire les gens et qu'on a parfaitement le droit d'être heureux quand le monde va bien. C'est marrant parce que ça correspond aussi à une remarque de Petite Ombre dans le dernier commentaire qu'elle m'a laissée... Et donc je commence cet article sans trop savoir où je vais. Bon, avant de commencer je dois quand même dire que je ne vais pas étaler du "bonheur" : juste parler un peu de tout et de rien : je ne suis pas dans un moment de liesse non plus, hein. (On dirait que je m'excuse...)

J'ai appelé cet article "la parenthèse" parce que j'ai l'impression que ces derniers mois constituent une parenthèse dans ma vie : une parenthèse dans laquelle je ne travaille pas (parce que je ne trouve pas de travail) et peux passer mon temps à lire et à écrire si je le veux. Une parenthèse dont je dois sortir pour gagner mon indépendance, une parenthèse dont je veux sortir parce que je veux cette indépendance, mais une parenthèse bien confortable dont quelque part je ne veux pas sortir. Moins j'en fais, et moins j'ai envie d'en faire, et parfois je me prends à souhaiter que les lieux culturels rouvrent pas, comme ça j'aurais pas à aller bosser comme saisonnière à Versailles ; ou à regretter de devoir aller passer des tests d'admission pour une formation en alternance de journaliste radio, alors même que je sais que j'aime faire des reportages, des interviews, rencontrer des gens ; que l'alternance c'est un moyen d'avoir de l'argent pendant les études, de pouvoir avoir mon indépendance dès la rentrée prochaine, et de pouvoir ensuite avoir du travail, un vrai chez-moi avec mes meubles à moi et pas dans un appartement meublé comme j'en ai eu pendant mon Service Civique ou mon Master (dans des appartements tout naze, en plus...).

Mais c'est dur de me remettre dedans, de sortir de mes livres pour me plonger dans le flux de l'information anxiogène que je ne suis plus depuis plus d'un an. Quand j'ai eu l'entretien téléphonique avec le monsieur de la formation, et qu'on en est venus aux questions d'actualité, j'étais larguée et j'ai sauvé les meubles, alors même que j'avais révisé un peu quand même... Et d'un autre côté je commence aussi tout doucement à aimer analyser l'info, en apprendre les enjeux, etc. Et en même temps je prends peur de cet intérêt parce que j'ai peur de me perdre dans l'info, de me laisser engloutir. D'autant qu'en ce moment je suis une vraie éponge, donc l'actu me fatigue très vite. C'est aussi pour ça que je me tourne vers les émissions qui prennent le temps, comme C dans l'air, C Ce soir et C Politique sur France 5 ; Les Carnets du monde sur Europe1... Il faudrait aussi que je rattrape mon retard dans ma lecture des National Geographic.

D'un côté, ça réveille mon appétence pour les réflexions sur les sujets de société, les débats, etc. et la lettre d'un violeur publiée par Libération a titillé mon cerveau. Des féministes y ont vu une honte, y ont vu la culture du viol, quelque chose que l'on ne devait pas laisser lire. Moi, j'y ai vu un formidable outil pour discuter de la culture du viol. Parce que, Samuel est très ambivalent dans cette lettre : il reconnaît son geste, et en même temps il dit "c'est aussi la société", en gros, et demande à chacun de s'interroger. Et on comprend qu'il ne veuille pas se coller sur le front l'étiquette de "criminel" ou de "monstre". Personne ne voudrait d'une telle étiquette. (En revanche, et je crois en relisant le chapô qu'il a été modifié, la présentation qu'en fait Libé pose question car ils le présentent comme une analyse sociologique ou quelque chose d'objectivé ; ce qui est faux.) Mais les féministes aussi ne sont pas, selon moi, dans le juste : elles ont balayé le fait que lui-même a été victime d'abus sexuels, comme s'il l'avait utilisé pour excuse. Or, on sait très bien que les jeunes victimes ont plus de probabilités de devenir elles-mêmes les bourreaux. Bref. D'un autre côté, ça me fait peur, parce que le débat actuel est tellement polarisé, tellement pas dans la nuance... J'ai discuté avec une personne sur Twitter. Elle pointait la polarisation actuelle sans se rendre compte qu'elle-même participait de cette polarisation en caricaturant ma position et sans chercher à la comprendre.

Du coup, me replonger dans l'info dans cette période, devenir journaliste dans cette période, devoir gérer des débats d'invités, choisir qui j'invite ou qui je n'invite pas pour que ça ne parte pas en couille... c'est compliqué. Prenons le cas Alice Coffin. Je n'aime pas ce qu'elle dit, mais au-delà de ça je n'aime pas son positionnement dans les débats. Je ne l'inviterais pas. Mais, d'un autre côté, c'est une personnalité publique qui a le vent en poupe, ne pas l'inviter, c'est lui offrir une prise pour son discours (elle a travaillé dans les médias, elle maîtrise très bien son discours). Donc je dois lui trouver un débatteur qui lui ne soit pas dans la polarisation ou le spectaculaire. De préférence un féministe, pour ne pas avoir une opposition frontale sur la base même des inégalités. C Politique a fait le choix de Jean Viard, très bon choix, j'ai trouvé ses interventions intéressantes. Vous allez me dire, ces questions sont des questions que les journalistes se posent depuis toujours. Mais j'ai l'impression justement qu'on ne se les pose plus... et que se les poser est être "rabat-joie". Débarquer dans ce monde-là aujourd'hui, maintenant, ça m'effraie. Peut-être que c'est aussi l'une des raisons pour lesquelles je souhaite me tourner vers les radios associatives, où peut-être j'aurais plus de marge de manœuvre.

Bon, cet article ne prend pas vraiment la direction que j'avais prévu, mais d'un autre côté je n'avais rien prévu de précis héhé ;P

Je dois donc sortir de ma parenthèse pour entrer dans le monde, émerger de ma couette, me lever de mon lit, me plonger dans le monde, dans l'info, dans la rapidité, dans le temps et la succession des jours qui n'étaient jusque-là marqué que par le rythme des personnes qui vivent avec moi. Mon rythme à moi était hors du temps, hors de la réalité, hors du monde. Je dois me reprendre tout ça en pleine face, sans cesser de me protéger ; trouver un refuge en moi-même pour me replier, transformer le cocon en carapace dans laquelle je pourrais me rétracter au besoin, une carapace aux parois couverte de livres où tout se termine bien. Pour affronter le monde. C'est "l'inconnu" du titre de cet article : l'alternance, je n'ai jamais fait, ce sera un nouveau système, une nouvelle ville... Le confort de ma parenthèse m'engourdit et parfois je me dis que si je rate les tests ce serait pas bien grave. Mais il ne faut surtout pas que je me complaise là-dedans !

Ce qui est bien, c'est qu'une radio à laquelle j'ai envoyé ma candidature il y a quelques mois m'a appelée pour me demander si je cherchais toujours du travail. J'ai dit oui, et j'ai enchaîné en disant que j'avais même une recherche qui pourrait les arranger financièrement : l'alternance. Le monsieur avait l'air intéressé, et moi ça m'a motivée à travailler pour obtenir les tests ! En plus, c'est dans une région bien chouette, dans laquelle j'aimerais bien retourner.

Voilà...! Article un peu inhabituel, j'espère que ça ne vous a pas trop ennuyé ! Maintenant que le replay de l'émission que j'ai écouté en écrivant est terminé, je ne suis plus "portée" et j'hésite à publier mais disons que je dois me lancer pour tenter un truc nouveau... au pire, je pourrais toujours supprimer plus tard... On verra bien !

8 commentaires:

  1. Merci pour cette page de ta vie, une parenthèse que j'ai pris beaucoup de plaisir à lire. J'aime bien les articles comme ça aussi, qui parlent de nos émotions, ressentis, qui semblent aller dans tous les sens, mais qui sont plein d'évolution!

    Pas facile quand on est bien dans une routine d'en changer. Même si on sait que c'est nécessaire et meilleur pour nous.
    Je te souhaite de trouver ton alternance. C'est un cap et tu te trouveras un nouvel équilibre aussi.

    Quant aux débats en ce moment, je trouve qu'il n'y en a pas vraiment. Il y a une ligne directrice et dès qu'on dévie un peu, ça devient extrêmement conflictuel. Les gens sont incapables de s'écouter. S'écouter vraiment. Il n'y a pas plusieurs chemins mais une vérité. J'avoue que moi-même je n'expose pas toujours mon propre point de vue. Par crainte.

    Belle semaine à toi et au plaisir!
    Marie

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    1. Ça me fait plaisir si tu t'es pas ennuyée, des fois je me dis que les "racontage de vie" sont peut-être pas très passionnants pour mes lecteurs (alors que moi j'adore en lire, donc je pense juste que c'est encore une pensée à mettre sur le dos de mon mauvais niveau d'affirmation de soi !).

      Merci ! Je vais faire mon possible pour aller au bout de se projet !

      C'est vrai qu'il y a cette impression qu'il y a la BONNE manière de penser, c'est une ligne de crête hyper étroite, et dès qu'on fait un pas de côté, tout le monde nous tombe dessus... Du coup, les gens avec un avis nuancés soit se polarisent comme moyen de défense, soit quittent le débat : dans les deux cas ça renforce le "tout noir ou tout blanc".
      Je trouve qu'il y a beaucoup de gens comme toi qui n'osent pas donner leur avis. J'admets que même moi parfois je m'apprête à répondre à un tweet et finalement je renonce parce que je me dis que ça va encore faire des histoires... J'ai publié un article sur les "sensitivy reader" qui ne va pas du tout dans le sens "populaire" sur ce système. Une lectrice est venue me voir en message privé pour me dire ce qu'elle en avait pensé, parce qu'elle avait peur qu'on lui tombe dessus... je trouve ça super triste qu'on en soit arrivés là !

      Belle semaine à toi aussi :D
      Enir

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  2. Merci pour cet article ! C'est cool que tu livres tes émotions et ce que tu ressens ! Moi je parais too-much aha !

    Sinon, oui, c'est difficile d'être journaliste, surtout quand on est en reconversion comme nous et en sachant que ce milieu est ultra bouché... Mais tout est possible, il suffit de rester soi-même et de savoir tirer son épingle du jeu.

    Et je comprends totalement ton envie de rester chez toi, sans forcément prendre de risques. J'ai eu des envies similaires car j'avais peur du monde, des gens. Je deviens un brin misanthrope de toute façon mais paradoxalement, j'ai envie d'aider les humains à y voir plus clair dans leur vie.

    Les gens oublient que "communiquer" est la base pour avoir de bonnes relations et un discours constructif. Même si on n'est pas d'accord, on ne doit pas se renfermer sur soi-même, c'est inutile. Il vaut mieux écouter les arguments de chaque parti et défendre les siens mais sans se gueuler dessus. Enfin bref, on ne va pas refaire le monde de toute façon... Le monde post covid-19 sera étrange, je le sens...

    Courage pour ton alternance, jeune padawan, que la force soit avec toi.

    Xoxo

    Anha.

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    1. Oh merci ! :) Pourquoi too-much ?

      Le milieu est bouché mais comme tu dis on peut tirer son épingle du jeu, et en même temps je me demande s'il est si bouché que ça. Je veux dire... globalement, les candidatures que j'ai faites via Pôle Emploi, il y avait autour d'une vingtaine ou d'une trentaine de candidats étant passé par Pôle Emploi, ce qui n'est pas si énorme, au final. Mais c'était des radios associatives. Le milieu est clairement bouché pour les grosses radios genre RTL ou Europe 1, tout le réseau public des France Bleu, France Culture, où en plus les postes de stagiaires sont réservés aux étudiants des écoles, etc. Mais tout le réseau des radios associatives recrute plutôt beaucoup ! Mais trouver les offres n'est pas toujours facile et les postes sont souvent précaires (contrats-aidés, etc.). Mais c'est possible de travailler dans le journalisme aujourd'hui. Il y a aussi la possibilité de tirer son épingle du jeu par des podcasts, etc. donc je pense que c'est possible. Simplement, les étudiants des écoles de journalisme briguent en premier lieu les grands médias, et pas du tout les réseaux plus modestes comme les RCF et autre.

      Moi ce n'est pas que j'ai peur des gens (même si je préfère les individus aux gens) mais je comprends ces tendances à l'anti-socialité parce que j'ai un peu les mêmes x) Et c'est vrai que, intégrer une nouvelle formation, un nouveau poste, c'est aussi intégrer un nouveau groupe humain et c'est toujours compliqué pour moi de me lancer dans de nouvelles relations "en vrai". (Ma première amie en Licence je l'ai eu au début-milieu du deuxième semestre de L1...)

      Tout à fait ! Communiquer, c'est la base !
      Le monde ante-Covid l'était déjà !

      Haha merci beaucoup !!

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  3. J’ai beaucoup aimé ton article ! J’ai aimé ne pas savoir où tu nous emmenais, suivre ta pensée au fil des mots, comme si on était littéralement dans ta tête ! Ça change des articles structurés et c’est chouette ! Avoir les prises de conscience comme tu as eu, du fait qu’il faut sortir de ton confort actuel, c’est super et l’étape juste avant de passer à l’action. Je lis que tu as peut être une piste pour retrouver du travail/une alternance, je te souhaite qu’elle se concrétise et quoi qu’il en soit, elle aura servi de tremplin pour te mettre en marche !
    Laura ✨

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    1. C'est gentil ! J'avais peur que ça ennuie le lecteur, et paradoxalement c'est le genre d'article que j'aime bien lire chez les autres !
      Haha ben dans ma tête comme t'as pu voir c'est le bordel x)
      Merci beaucoup ! J'espère aussi que ça va réussir parce que c'est dans la région où j'ai fait mon Service Civique et où j'aimerais beaucoup pouvoir retourner !

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  4. Une parenthèse qui ne dérange pas du tout ... tu devrais le faire plus souvent... Mais tu restes très "philosophique" quand même lol... c'est ta personnalité...
    Tes peurs et tes envies sont naturelles... On est tous un peu pareil dans le fond, je comprends donc ce que tu as essayé de nous faire suivre au fil de tes pensées... Se relancer ce n'est jamais facile et le contexte n'aide pas du tout, mais une fois qu'on remet la machine en route, ça reprend tout doucement mais ça reprend !!! Donne nous des nouvelles concernant cette place à la radio !!!!!

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    1. Ah bon tu me trouves philosophique ? Moi je ne trouve pas trop... mais je me suis encore retrouvé à m'interroger sur moi-même et mes mécanisme, c'est vrai ! ;P

      Ça reprend vraiment très, très doucement ! Mais je sais aussi que j'ai du mal à me relancer parce que je viens d'une période de "rien". J'avais déjà connu ce phénomène quand j'étais en stage en télétravail, on m'envoyait presque rien à faire, et du coup quand on m'envoyait enfin un truc à faire j'avais pas du tout envie x)

      Je donnerais des nouvelles quand j'en aurais ! :)

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