lundi 20 janvier 2020

Fais des efforts

Source – Gerard Borel
Une copine du volley nous a parlé des "drivers", les messages contraignants identifiés par un psychologues et qui guident nos manières de réagir. Il y en a cinq, et elle nous disait combien il était intéressant de connaître ceux des autres parce que ça permet un meilleur management des équipes. Les cinq sont : sois parfait, sois fort, dépêche-toi, fais des efforts, et fais plaisir. On est guidé généralement par un ou deux messages contraignants. Alors moi, j'ai trouvé un test pour savoir lequel ou lesquels me dirigeaient. J'en ai trois forts, un moyen, et un faible. Les trois forts dans l'ordre d'importance : sois forte, sois parfaite, fais des efforts. C'est assez logique que les deux derniers aillent ensemble. C'est aussi logique que mon principal soit "sois forte" vu que je rechigne à demander de l'aide et que je refoule mes émotions. Ce qui m'a le plus surpris c'est ce "fais des efforts". Dans la vraie vie, je n'en fais pas, des efforts. Disons rarement.

La dernière fois que j'ai fait un effort ? Le bac. Histoire. Je voulais vraiment une bonne note. J'ai travaillé ; j'ai eu dix-sept. J'ai eu mon bac mention Assez Bien. J'ai l'habitude de dire que je ne me suis pas foulée, quand même. D'ailleurs, je me foule rarement... En troisième année de Licence j'ai aussi fait un effort pour l'Histoire du livre et l'Histoire des femmes. J'ai eu dix-huit. Le reste ? C'est passé tranquillement, ni bien, ni nul. J'ai l'habitude de penser que je ne me suis pas foulée. Et je culpabilise. Je culpabilise de ne pas faire d'efforts. De ne pas donner plus. De ne pas travailler plus. De me reposer sur ce que j'ai compris en cours, sur mes capacités, sans vraiment jamais les pousser, pour faire mieux. Pas mieux que les autres : mieux que moi-même.

Je nourrie une tension tout à fait paradoxale. D'un côté, je ne fais pas d'efforts, je ne travaille pas dur, je me "laisse vivre". De l'autre, j'ai la hantise d'être médiocre ; je voudrais être bonne, douée quelque part, forte, exceptionnelle, même. Je ne sais pas trop identifier pourquoi je vivote dans ce paradoxe, alors que je pourrais juste faire des efforts, exploiter mon potentiel, devenir plus forte, meilleure, plus capable. Peut-être qu'il y a une peur de l'échec. Peut-être que c'est la peur du rejet. Après tout, même en faisant des efforts, je n'ai pas l'assurance d'obtenir de la reconnaissance. Alors je continue de vivoter. Peut-être aussi que c'est parce que ce qui m'entoure ne m'intéresse pas assez. Je ne me jette pas dedans à corps perdu parce que ce n'est pas ma passion. D'ailleurs, on a une passion quand on a des émotions fortes. Comme je me suis coupée de mes émotions, je n'ai pas de passion. Il y a des choses que j'aime, qui m'intéressent, mais rien qui me fait vibrer. Alors je me foule pas. Et quand ça m'intéresse vraiment, je me jette dedans. Si c'est ça, en entrant en psychologie du sport, je devrais être capable de faire des efforts, de travailler vraiment. De toute façon je serais tellement en retard du point de vue des connaissances que je n'aurais pas vraiment le choix. Mais je pense que c'est une piste parce que... en volley par exemple, je veux vraiment réussir, et j'ai progressé.

C'est bizarre parce que le fait de ne pas faire d'efforts me fait culpabiliser. Je me dis que, quand même, je devrais travailler plus, que je fous pas grand-chose, que c'est facile d'atteindre le résultat que j'atteins, que j'écrirais mieux, je monterais de meilleures vidéos, je ferais des meilleurs trucs, si je faisais des efforts. Mais du coup, ça atteint aussi mon sentiment de légitimité. Par exemple, si on prend ma formation actuelle, je serais normalement bientôt diplômée, mais j'ai l'impression que je ne serai pas légitime à postuler dans les postes de mon domaine. Parce que finalement, j'ai encore beaucoup de progrès à faire en radio, comme on n'en a pas fait beaucoup. En rédaction, comme on n'en a pas fait beaucoup. En photo, comme on n'en a pas fait beaucoup. Et en vidéo, comme les contraintes de montage m'agacent par rapport à la facilité d'un montage audio. J'ai l'impression que je n'ai pas assez appris, pas de manière assez concrète, et que je ne serais pas capable de travailler pour de vrai, dans une vraie entreprise. Sentiment renforcé par le silence que la plupart de mes candidatures de stage ont laissé derrière elles. Sentiment renforcé par la difficulté des étudiants des promotions précédentes à trouver du travail, aussi... Mais du coup, arguments objectifs et subjectifs se mélangent et me renvoient une impression d'incapacité crasse à faire.

Paradoxalement, je sais que je suis capable de gérer la charge de travail. Quand les autres disent qu'on est très chargé, qu'on est dans le dur, je réfléchis et je me dis qu'en fait, ça passe. Oh peut-être pas large, mais ça passe, tranquille. Si on traîne, on sera dans le dur. Mais pour le moment, ça se gère. Je sais combien de temps je vais mettre pour faire un travail. C'est peut-être aussi pour ça que je ne me foule pas. Le calendrier dans ma tête est clair, tout s'imbrique bien dans le temps qu'il nous reste et je me dis qu'avec une bonne répartition des ressources et une bonne organisation, on a quand même le temps de faire ce qui nous est demandé. Pas besoin de trimer, donc.

Au final, je me dis que je ne suis pas légitime. Pas assez bien. Pas méritante. D'ailleurs, dans mon discours intérieur, la pensée punitive "tu ne le mérites pas", reviens beaucoup. Tu ne mérites pas de prendre un goûter. Tu ne mérites pas d'aller au sport. Tu ne mérite pas d'allumer le chauffage (oui, on en est vraiment là, je suis un peu tarée, quand même) (je vous rassure, je finis par allumer le chauffage). Tu ne mérites pas.

Cet article est un peu confus et se répète beaucoup... j'espère que ça ne vous a pas trop ennuyé.
Quel est votre message contraignant ?

6 commentaires:

  1. Comme je me reconnais dans cet article ! Moi aussi, j'ai toujours eu l'impression de ne pas vraiment faire d'efforts pour réussir (dans les études), et cette impression de ne jamais vraiment être légitime.
    Je dirais que sois parfaite, sois forte et fais plaisir sont les injonctions qui me correspondent le mieux, mais je serais curieuse de savoir quel test tu as fait pour le savoir.

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    1. J'ai fait ce test : https://www.evolution-personnelle.fr/formulaire-parentheses-coaching mais il y en a d'autres je pense :)

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  2. Au final on ne cesse jamais d'apprendre, surtout dans le monde du travail. Et ce serait vraiment l'ennui si on se lançait avec tout d'acquis. Tu es légitime à partir du moment où tu sais ce que tu fais et ce que tu peux faire pour évoluer.

    Tout n'est pas forcément question de mérite, cela peut-être une simple question d'envie et de motivation aussi.

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    1. Mais justement, avec ma formation, je n'ai pas l'impression que j'en sais assez, et quand je lis les attendus sur les annonces de recherches d'emplois, cette impression se renforce... mais je ne sais pas si c'est ma formation, ou moi, le problème...

      Je le sais bien ! :) Mais entre le savoir et le ressentir, il y a un monde !

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  3. Ah, c'est drôle, en tant que psy, je fais passer ce test à beaucoup de mes patients. Ca me permet de comprendre leur fonctionnement et d'assouplir certains traits qui peuvent générer de la souffrance ;)

    Line de https://la-parenthese-psy.com/

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    1. Ça ne m'étonne pas, je trouve ça intéressant comme indicateur !

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