jeudi 16 avril 2020

Violence auto-agressive

Source – Emiliano Arano
Ici, j'ai déjà évoqué le fait que je me suis sans doute coupée de mes émotions. Mais qui dit que je me suis coupée de mes émotions dit aussi qu'elles me reviennent en pleine face comme un boomerang et de manière puissante. C'est ainsi que parfois, devant un film pas particulièrement triste mais montrant par exemple une scène où un personnage est accepté comme il est, je vais avoir une montée de larmes. Je les maîtrise (on va quand même pas chialer pour si peu !), mais elles sont là, brusques, et repartent aussi soudainement qu'elles sont venues. À d'autres moments, c'est plutôt la violence qui jaillit, comme une vague qui enfle. Celle-là, j'ai beaucoup plus de mal à la maîtriser. Je peux même dire que je n'y arrive qu'avec l'aide de sentiments et de pensée dans lesquels résident aussi une certaine forme de violence.

Je vous avais déjà écrit mon rapport à mon corpsà la peau et au sang, et à ma santé en général, donc je ne vais pas m'étendre dessus mais pour résumer je peux me mordre l'intérieur de la joue quand je suis angoissée, anxieuse, en un sentiment total d'insécurité et parfois avec tellement de violence que j'arrache des morceaux gros comme une tête d'épingle et que je me fais peur moi-même. Mais je peux aussi me mordre la joue au sang si je suis en cours et que j'ai tellement faim que mon ventre gargouille. Je me triture aussi régulièrement la peau – en ce moment beaucoup les lèvres. Donc, en fait, l'auto-agressivité sur mon corps est quotidienne. Elle se double d'une certaine agressivité sur mon esprit, du genre que l'on a un peu tous : manque d'estime de moi à base de "je suis vraiment trop nulle !" ou "j'y arriverais jamais !". Parfois, les deux se mélangent : je ne suis pas satisfaite de moi, je culpabilise très fort, par exemple, donc je vais laisser mon corps avoir mal. C'est moins sur un mode "je vais te faire mal" que sur un mode "je ne te soignerai pas" (oui, parce qu'en plus je me tutoie).

Mais parfois, beaucoup trop souvent j'imagine, quand les sentiments de frustration et de colère envers moi-même sont trop grands, quand je sens que ça ne va pas comme je veux, que ça m'échappe, et que, en gros, je me retrouve dans l'insécurité psychique la plus totale, ça va un peu plus loin. Par exemple – je crois que j'en avais déjà parlé – je me tape le front avec le talon de la main pendant plusieurs répétitions, au point où une fois ma sœur qui était dans sa chambre à côté de la mienne a cru que je tapais contre le mur. Plus rarement je peux m'enfoncer les ongles dans le dos de la main ou me mordre, ou me pincer, en exerçant une pression croissante, jusqu'à ce que je n'y arrive plus – et avoir cette petite pensée quand j'arrête que quand même je tiens vraiment pas longtemps. De temps en temps, c'est accompagné d'image (genre : tomber du troisième étage devrait m'infliger une douleur suffisante pour me calmer, n'est-ce pas ?) tout en sachant que je ne passerai jamais à l'acte. Il ne s'agit pas de suicide (j'ai des trucs à faire, moi !) mais de calmer la violence de mes émotions par une autre violence. Mais je pense que le processus à l'œuvre fait intervenir un peu les même mécanismes mais que c'est à la fois différent.

Là où je dis que j'éteins ces émotions et ces pensées qui m'assaillent par d'autres qui recèlent aussi une certaine forme de violence, c'est que par exemple je ne pourrais pas me scarifier (pourtant, faire sortir mon sang de mon corps ne me pose pas de problèmes et au contraire je le recherche) parce que, quand j'ai l'image de scarification dans mon esprit (sans que jamais ce soit ma main libre qui en soit autrice, comme si ma peau s'était ouverte d'elle-même), la pensée qui suit immédiatement c'est que, si je commençais, je ne pourrais pas m'arrêter. Comme une drogue. Je trouve que c'est une pensée violente parce qu'elle sous-entend que je suis dans l'incapacité totale de me maîtriser. Je cherche à maîtriser une image, une émotion, en me promettant que je suis incapable de le faire. De la même manière, je me dis souvent qu'il ne vaudrait mieux pas que je finisse dans le coma un jour parce que, à part mes parents (et parfois, quand mes émotions sont pas au top, je pousse en ajoutant "par obligation"), il n'y aurait personne d'autre pour venir me voir. Que mes amies ne se déplaceraient pas pour moi.

Au final, je pense que tout ça c'est une histoire de contrôle. Puisque je cherche à contrôler mes pensées, mes gestes, et jusqu'à mes interactions, il est juste que tout ce que je refoule me revienne en pleine face avec violence. Plus on a peur de ses émotions, dont la colère, et plus elles reviennent fortes. Mais même dans mes accès de violence, quand je voudrais crier et frapper, je maîtrise tout. Si on me mettait face à la mer sur une plage déserte où seule moi pourrais m'entendre et qu'on me disait de crier, j'en serais incapable. Tout est tellement reclus loin que même quand je l'invoque ça ne vient pas. Alors je suis asservie et opprimée (ce ne sont pas les mots que je cherche) par ces émotions que j'ai chassées. D'un autre côté, les montées de larmes devant les films sont aujourd'hui beaucoup plus nombreuses qu'il y a... je dirais deux, trois ans où elles étaient vraiment rares. Et pour des bêtises. Ce qui veut dire que je laisse aussi la porte plus ouverte à mes émotions. Je crois...

Comment parvenez-vous à gérer vos émotions ?

2 commentaires:

  1. Violence auto-agressive...

    Ca fait plusieurs minutes que j'observe mon écran, puis par ma fenêtre, puis à nouveau mon écran, mais je ne parviens pas à organiser mes pensées. Je ne sais pas trop quoi dire.

    Je me suis reconnue dans certaines de tes actions, certaines de tes pensées; mais je sens que ce sont des... degrés (?) différents. Et de mon côté, même si j'ai des périodes de souffrance, plus ou moins longues qui me mettent plus ou moins mal, ce n'est pas/plus au quotidien.

    Une fois sur Pinterest, je me souviens être tombée sur une épingle disant que la jalousie, la colère, et les autres émotions négatives étaient... normales ? naturelles ? qu'elles agissaient comme une sonnette d'alarme pour indiquer qu'il nous manquait quelque chose. De l'affection, de la reconnaissance. Que sais-je d'autre.

    Enfin, voilà. Je ne sais pas si ce que j'ai écrit fait grand sens. Ce sont des pensées un peu décousues. J'ai envie de finir avec peut-être des recommandations, ou des conseils, mais je ne sais pas si c'est ma place de le faire...

    Je te souhaite de parvenir à accepter tes émotions

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    1. Haha désolée de te perturber !

      Je fais la distinction entre le fait de m'arracher la peau des lèvres parce que je suis anxieuses et que je réfléchis, au fait de me taper dessus, si ça peut te rassurer, et je ne me tape pas dessus tous les jours ;) Mais c'est vrai que c'est assez régulier pour qu'on puisse dire que ça fait partie de mon quotidien.
      Je vois parfaitement ce que tu veux dire dans les degrés ! Je pense que c'est le même mécanisme pour les complexes. Entre quelqu'un qui trouve ses cernes moches dans la glace en se levant le matin et qui appréhende ce que les autres vont penser, et quelqu'un qui complexe tellement qu'il va porter des lunettes de soleil toute la journée pour se cacher, il n'y a pas de différence de nature, seulement d'intensité du sentiment de complexe. C'est ce que tu veux dire par degrés ?

      Oui, les émotions négatives sont parfaitement normales ! le stress et la peur sont là pour te protéger, à l'origine ! Mike Horn disait d'ailleurs que le jour où il n'aurait plus peur il arrêterait. Ce sont des émotions naturelles et utiles. Mais comme je ne suis pas très en phase avec mes émotions (positives ou négatives), je me laisse débordée.

      Est-ce que ça a besoin de faire sens ? Je ne suis pas sûre ! Je savais en écrivant l'article que ça pourrait gêner certaines personnes, dans le sens mettre mal à l'aise, parce qu'on ne parle jamais de ces choses-là, et moi-même par exemple quand je lis des témoignages sur plein de choses différentes, ça peut me laisser pensive et un peu coise parce qu'au final je ne sais pas quoi dire, je l'ai reçu et, finalement, je ne sais pas quoi en faire.
      Quant à la question de la place, je pense qu'elle ne se pose pas. Bien sûr, un psychologue serait plus "légitime" à donner des conseils, mais on a tous des expériences de vie, des valeurs, et des réflexions qui font que l'on peut donner de bons conseils, même si ce n'est pas forcément notre "légitimité".

      C'est gentil ! :) J'essaye, en tout cas :)

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