jeudi 19 octobre 2023

Dépression

Source – Emma Li

J'ai vu la psy ce matin. À la fin, elle a fait toute une liste de trucs, elle me l'a fait voir, et elle m'a demandé ce que ça m'inspirait. J'ai dit que ça ne respirait quand même pas la joie de vivre. Tu m'étonnes. Je me mords l'intérieur de la joue depuis que je suis gamine, pour avoir du sang, parce que j'aime bien le sang, quand je suis stressée ou angoissée ou quoi, et ça, en fait, c'est comme si je me scarifiais. Je dors mal (ce n'est pas nouveau). Je mange… bon, un peu n'importe quoi parce que flemme de cuisiner mais après j'ai trop faim donc je prends un goûter (en déjeuner, en fait) sur le chemin du retour du boulot, mais c'est du sucre, et puis je mange McDo quand ça ne va pas, à peu près tous les trois mois (comme aujourd'hui – sauf que ça ne fait pas trois mois) (tout ça, je ne l'ai pas dit à la psy, je n'y ai pas pensé, sur le coup). Le fait que ça devient de plus en plus difficile de sortir de chez moi ; objectif de ma semaine de vacances : rester sous la couette sans rien faire, juste avec un livre, deux livres, plein de livres, et lire du matin au soir (je dois mettre la voiture au contrôle technique, mais c'est une obligation). Et je pense que la vie c'est de la merde. Je me trouve nulle, la plupart du temps.

La psy m'a fait remarquer que je lui disais ce que ce n'était pas, mais qu'elle avait demandé ce que c'était. J'ai dit : "la dépression ? le contraire de la joie de vivre, c'est la dépression ??". Elle m'a dit des trucs, je ne me souviens plus quoi, puis elle m'a demandé pourquoi je pensais à la dépression, et j'ai dit que ben le contraire de la joie de vivre… c'est la dépression. Donc voilà.

C'est un peu bizarre. Déjà, pour moi, dans ma tête, la dépression c'est plus quelqu'un roulé en boule sur le canapé et qui ne peut rien faire (et là, la psy m'a dit : "et qu'est-ce que vous allez faire, pendant vos vacances ?" haha…). Puis, ma meilleure amie est en dépression, et elle va encore moins bien que moi, donc je me dis que je ne dois pas faire une vraie dépression, plus comme un gros caprice, vous voyez ? En même temps, la psy pense que je fais une dépression, et encore c'est sans savoir que ça m'arrive de penser au suicide. Pas comme un truc que je vais faire, plus comme une espèce de possibilité dans tout le champ des possibles de la vie. Du coup je ne sais pas si ça compte comme une pensée suicidaire.

N'empêche que c'est vrai que faire des trucs devient compliqué. J'ai arrêté de faire à manger le week-end pour la semaine qui vient. Je lis beaucoup moins souvent vos blogs. Je n'écoute plus la radio dans la voiture, ni les infos ni rien, parce que ça m'angoisse. Mener des trucs à terme est compliqué : mes recherches sur Philomène du XIXème siècle trouvée au cimetière sont arrêtées (le carnet sert même à autre chose, maintenant) ; cet été je ne suis pas allée jusqu'au bout du sport ; et là j'ai arrêté d'écrire un texte par jour pendant Inktober, parce que finalement ça ne me plaisait plus… Et faire le ménage… ça me paraît la plupart du temps insurmontable, même si en vrai ça ne me prend qu'une heure…

La psy m'a suggéré de passer aux médocs. J'ai pris rendez-vous chez le médecin aujourd'hui, parce que je savais que sinon je n'y arriverai pas. Ça m'a tellement angoissée de me rajouter encore un rendez-vous sur le dos alors que je veux juste écrire que j'en ai eu un peu mal au ventre. Je vais commencer par des trucs naturels genre millepertuis, je pense. C'est surtout que la psy m'a demandé que j'aie vu le médecin la prochaine fois que je la vois. Et comme je ne veux pas sortir des vacances qui sont dans deux semaines, je n'avais pas trop le choix que de faire ça vite.

C'est bizarre de parler de dépression. Enfin, dans ma tête la dépression c'est pour les gens qui ne vont vraiment pas bien. Je savais que je ne vais pas bien, mais de là à parler de dépression… ça doit être une dépression légère.

La psy a dit que chaque fois que l'on frôlait l'origine du problème, il y avait un blocage, et que c'est ça aussi qui lui faisait penser à la dépression, parce que la dépression c'est comme un brouillard qui empêche littéralement certains neurones de fonctionner. Elle m'a demandé ce que j'aurais aimé comme réaction quand j'étais enfant et que je me mordais la joue et que je mettais du sang sur mon doudou. Sur le coup je n'ai pas trop osé répondre, mais je crois que j'aurais aimé de l'inquiétude plutôt qu'un : "arrête de te mordre". Dans la voiture j'ai repensé à des trucs que j'ai écrit. Dans une de mes histoires il y a un personnage qui a fait pas mal de conneries quand il était jeune donc il a pas mal de cicatrices et une fille lui demande l'histoire de l'une d'entre elles et ça l'horrifie et elle lui demande de s'arrêter de se mettre en danger et le garçon réalise qu'il attendait ça depuis longtemps. Il y a aussi cette bêta-lectrice qui m'a dit, sur le dernier roman, que j'avais un peu trop poussé l'inquiétude des autres personnages pour l'héroïne (ha ha…). Donc ben… nous voici sur une partie de la réponse, j'imagine.

Je crois que j'en avais déjà parlé ici mais j'ai du mal à prendre soin de moi, à prendre rendez-vous chez le médecin (j'y vais toujours avec plusieurs trucs à dire, du coup ; là, ça fait plusieurs semaines (mois ?) que je n'ai plus de gouttes pour les yeux, mais je n'ai quand même pas pris rendez-vous, j'attends d'y aller pour les autres trucs et d'en profiter), et les autres spécialistes. Je ne m'arrête pas quand je n'ai plus faim (alors que quand j'étais enfant je pouvais m'arrêter au milieu d'une glace parce que je n'avais plus faim). Des fois, je suis vraiment fatiguée, mais je vais quand même pousser pour ne pas aller me coucher, alors que je sais que je me fais du mal, mais je le fais quand même. J'essaye d'arrêter, mais j'ai eu une période où quand j'avais besoin d'aller aux toilettes, je me retenais exprès (le temps de fermer les volets de l'appart' le soir, par exemple) au lieu d'y aller tout de suite. C'est un truc que je devrais dire à la psy, maintenant que j'y pense…

J'ai voulu aller sur des serveurs Discord de gens qui ont besoin d'aide, mais le premier mettait carrément "autodiagnostic interdit" et "l'avis d'un psychologue n'est pas un diagnostic". Ah. Bon. Heureusement qu'ils précisaient qu'on pouvait quand même parler de son mal-être sans diagnostic, dites donc. L'autre, c'était moins pire, mais il n'avait pas l'air très actif, et finalement en survolant quelques messages je me suis dit que macérer dans une atmosphère comme ça de tas de gens qui ne vont pas bien… bof. Pas pour moi.

Je ne sais pas trop ce que ça me fait, ce mot "dépression". Je ne m'y retrouve pas trop, je pense. Pour moi, je ne vais pas assez mal pour être en dépression. Je veux dire, oui, j'ai quelques symptômes peut-être, mais à petite intensité, donc ce n'est pas vraiment trop comme une dépression. La psy m'a dit que la première fois que je suis allée chez elle, elle pensait que j'étais en état dépressif (en gros, une dépression pas installée dans le temps). Je respirais déjà la joie de vivre.

Bon. Du coup j'espère que vous allez mieux que moi !!

6 commentaires:

  1. Waw tu es un vampire en fait ??? Désolé, mais quand tu as dis que tu aimais le sang direct j'ai pensé à ça... Faut y aller quand même pour se mordre et saigner.
    Moi je pense qu'il y a plusieurs niveaux de dépression... De la plus grande à la plus petite... Ou des petites rechutes de dépression. C'est le mot à la mode aussi à notre époque... Tu ne vas super bien, c'est un fait... Tu le sais, tu le sens. Après on s'en fou du mot qui va étiqueter ce moment de ta vie...
    Je continue de penser que la société actuelle nousu façonne pour qu'on aille mal !Certains y sont plus facilement sujets, j'en fais partie et toi aussi... Un jour après l'autre, c'est ce que je me répète. Aujourd'hui n'est pas demain mais ce n'est pas comme hier non plus. Je le sais il y a des périodes où ça va et d'autres non..
    Je t'avoue que depuis quelques jours je laisse le négatif prendre le dessus aussi... Bref, je ne t'aide pas vraiment avec tout ce que j'écris mais juste pour te dire que tu n'es pas seule. Comme dis Slimae et Vitaa, la vie ça va ça vient.... On avance et puis voilà. Il faut juste trouver les trucs qui nous aide à voir le verre à moitié rempli plutôt qu'à moitié vide.
    Allez, on souffle, bordel, on se laisse pas abattre... Oui on accepte les mauvaises passes et on accueille les bonnes !!!

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    1. Haha nan si j'étais un vampire je vivrais la nuit et, moi, je suis une couche-tôt !! (il est déjà tard, là, pour moi !)
      Je ne sais pas si on s'en fout, enfin dans le sens où la dépression est une maladie, et si je suis malade faut des médoc'. Si je ne suis pas malade, pas de médocs. Donc c'est assez important, mais oui, ça ne change pas mes besoins.

      Qu'est-ce que tu entends par "nous façonne" ?

      Si, tu m'aides !! :D

      Le problème c'est que, des bonnes, en ce moment, il n'y en a pas beaucoup (mais le nouveau film de Miyazaki sort dans quelques jours et, ÇA, c'est vraiment troooooop bien !)

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  2. Misère, je ne vais pas pouvoir t'aider non plus. On ne m'a jamais dit que je souffrais de dépression mais honnêtement je pense que si. Il y a des moments où on voit tout en noir, c'est ça la dépression. Le moment où vraiment on n'arrive plus à voir les petites choses positives, les moments où tout nous semble difficile, triste, compliqué. Les moments où on ne voit vraiment aucune solution à nos problèmes. Alors, petite ou grosse dépression, je ne crois pas qu'on puisse mesurer la dépression comme cela.
    La dépression est une maladie oui, mais je ne pense pas qu'elle puisse être réellement soignée uniquement par des médicaments. Une thérapie me semble une meilleure solution car la guérison ne peut venir que de nous-même.
    Pour guérir d'une dépression je pense qu'on doit réellement changer son rapport à la vie.
    Mon premier psy avait mis le doigt sur ce qui fait mal en me disant que tant qu'on se victimise, on ne peut pas trouver de solution et aller mieux. J'avais mis un certain temps avant de comprendre ce qu'il me disait et j'avais été tellement en colère après cette phrase que je n'étais plus allée le voir. Mais il avait raison, tant que j'ai pensé: " je suis malheureuse, ma vie est moche, mon conjoint est terrible, je veux qu'il s'en aille" mais que je ne faisais rien pour que cela change et bien ma vie était toujours moche. Quand j'ai pris la décision de le quitter, de changer de vie, de partir, de ne plus attendre que les choses changent autour d moi et bien cela a été un soulagement. Je ne dis pas que c'est facile, loin de là ! Mais l'inertie n'est pas bonne.
    Et je crois réellement qu'il faut arrêter d'espérer quelque chose qui ne viendra jamais. Par exemple, l'inquiétude de tes proches vis à vis de toi, le changement de mon conjoint pour moi. Quand on a compris que cela ne viendra jamais, on se résout à autre chose je crois.
    Ce n'est pas miraculeux, aujourd'hui encore j'ai des passes à vide, je n'arrive pas souvent à agir comme je le voudrais mais comme on dit je me soigne ! ;)
    je pense à toi !

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    1. Il n'y a pas que les médicaments, non ! En fait, ce que la psy m'a expliqué, c'est que les médicaments permettent de dissiper un peu le brouillard et de réutiliser les neurones littéralement mis HS par la dépression, et du coup tu peux travailler sur toi et creuser pour voir d'où vient le mal.

      Ce truc sur la victimisation, c'est quelque chose que dit Jacques Salomé, aussi ! Il dit qu'il faut se responsabiliser, c'est-à-dire utiliser les cartes que l'on a en mains !

      Tu sais ton commentaire m'aide, hein !! :D <3

      Je crois qu'espérer quelque chose qui ne viendra jamais, c'est peut-être le plus dur...

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    2. Ah et bien tant mieux si ça t'aide un peu, c'est toujours compliqué je trouve de réagir sans faire de bourdes.
      Oui, c'est vrai que les médicaments peuvent être une aide ponctuelle pour aller mieux mais en france trop souvent on pense qu'en prenant des médicaments tout va aller mieux et en fait on en prend toute sa vie sans aller mieux. Je pense que travailler sur la victimisation peut faire du bien, ça donne une impulsion pour changer je trouve .
      Et oui, espérer une chose qui ne viendra jamais c'est faire son deuil . Mais quand on a compris que rien ne changera et qu'on obtiendra jamais ce qu'on attend, et bien on bouge. J'ai une cousine qui fonctionne comme ça depuis des années, elle attend quelque chose qui ne viendra jamais, je peux te dire qu'elle est vraiment malheureuse, c'est finalement une sorte de victimisation le fait de ne pas obtenir ce qu'on espère... non ?

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    3. Je pense pas que y a beaucoup de choses que tu puisses dire qui soient une bourde, je pense que je comprends assez bien ce que veulent dire les gens et leur intention, d'une manière générale, donc réagit juste librement ! :D

      Cette idée de la victimisation me jaillit souvent dans la tête en ce moment, je crois qu'un truc va se débloquer... je me dis souvent que façon ça ne sert à rien parce que chaque fois que j'essaye quelque chose qui me tient à coeur, ça ne marche pas. Faudrait essayer plus. J'ai du mal à faire des efforts, aussi...
      Je crois oui que le fait d'attendre que ça vienne de l'extérieur, et ensuite se dire mais oh mon dieu ça ne marche pas, est une force de victimisation, genre "les autres sont heureux et pas moi", sans voir qu'on se laisse aller dans le malheur. Je fais beaucoup ça, me vautrer dans mon malheur.

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