mardi 26 septembre 2023

Les choses fausses

Source – Gustavo Queiroz
Quelqu'un m'a fait un compliment (j'espère qu'elle ne lit pas mon blog… si je savais qu'elle lit, j'aurais fait en sorte qu'elle n'apprenne pas mes déboires intérieurs par ce biais), très enthousiaste, en disant qu'elle n'avait rien eu à redire sur mon texte, que tout est parfait, sauf peut-être deux tournures, c'est tout. Je me suis un peu fait mousser sur un serveur Discord, et elle est intervenue pour dire qu'il y a toujours des choses à corriger et qu'elle m'avait dit que mon texte était très bien et que les corrections étaient minimes. Sauf que ce n'est pas ce qu'elle m'a dit, en privé. Ou plutôt : ce n'est pas ce que j'ai compris de ce qu'elle m'a dit. Au final, les deux propos sont pareils : mon texte est enthousiasmant, mais la couleur est différente. Je ne peux pas m'empêcher de ressentir de la déception et surtout sur moi-même, d'y avoir cru alors que évidemment que ça ne pouvait pas être aussi simple.

J'aurais dû m'en douter parce qu'un jour j'ai commenté une publication sur Instagram en disant que j'aimais beaucoup la couverture du livre, et en disant aussi les choses que j'aimais moins. Et une fille a débarqué en disant : "c'est marrant cette manière que tu as de toujours critiquer avec l'air de ne pas y toucher", avec un smiley. Ben oui, désolée, moi je dis ce que je pense, et du coup le jour où je dis que "j'adore" sans rien derrière c'est que j'adore vraiment. Mais en fait ce que je veux dire c'est que du coup si les autres sont surpris de quelqu'un qui exprime les nuances de son avis, c'est que eux ne l'expriment pas. Pas de "j'adore, mais tel truc" (ou l'inverse : "tel truc, mais j'adore"). Alors forcément, les compliments sont faux, ou disons surjoués, et moi je suis trop bête pour y croire, parce que ça me fait me sentir acceptée et reconnue.

L'autre jour j'ai reçu le SMS d'une bénévole de la radio (alors déjà recevoir des trucs pros sur mon portable perso, c'est non) qui disait : "j'ai écouté l'émission, pas de bol ce n'était pas la bonne, deux heures de préparation pour rien, je suis contrariée". Sous-entendu : tu as programmé la mauvaise émission. À quoi suit, quand je réponds que j'ai programmé ce qui m'a été demandé : "apparemment il y avait deux fichiers". Sous-entendu : tu t'es gourrée. Sauf que moi, je ne supporte pas cette manière de parler. J'aimerais que l'on me dise les choses vraiment. Je ne supporte pas les critiques par en-dessous. Je ne déteste rien de plus que l'hypocrisie. Ça me fait me sentir impuissante et stupide. Comme la remarque n'a pas été faite franchement, tu ne peux pas non plus te défendre franchement. Tu es coincé. Cette bénévole est une ancienne cadre, je crois qu'elle ne connaît que cette manière de s'exprimer, ça doit être devenu une sorte de seconde nature. Mais moi, ça me fait me sentir conne, comme si je n'étais pas assez bien, pas assez digne de respect pour que l'on me fasse les reproches clairement.

Découvrir que le compliment était exagéré m'a fait un peu la même chose. La personne qui me l'a fait bêta-lit en même temps l'un de mes romans, elle a dû se dire que ce serait trop de tout critiquer, et le roman, et ce fameux texte, alors autant en mettre une bonne couche sur l'enthousiasme, ne pas exprimer les nuances, pour ne pas me vexer. Je pense que ce n'était pas du tout méchant, que c'était vraiment pour me faire plaisir, mais découvrir que du coup ce qui m'a été dit n'était pas à prendre au pied de la lettre, était à considérer avec le contexte et tout, me donne l'impression d'être une pauvre fille à qui les autres ne se sentent pas de dire les choses, ou ont peur parce que j'ai sale caractère et que je suis impulsive et des fois assez arrêtée et que ça peut se sentir sur internet aussi, alors pour pas risquer de me faire partir au quart de tour vaut mieux y aller mollo. Ça me vexe, et ça m'attriste. J'ai l'impression de ne pas être assez digne de respect pour que l'on me dise les choses clairement.

En plus, je surinterprète déjà beaucoup de choses, dans la vie de tous les jours – ça doit être en partie dû à une petite anxiété. Quand une amie me dit qu'elle aime lire mes messages, mais que quelques mois après elle me dit que "ça ne la dérange pas", je comprends que je suis sur une pente dangereuse et que je ferai bien d'arrêter de la saouler en lui parlant de ma vie avant qu'elle soit vraiment saoulée. Quand une personne avec qui je correspond par mail ne répond pas pendant deux, trois mois je vais commencer à me dire qu'elle s'en fout, qu'elle a dû se rendre compte que je ne lui apportais rien et que c'était une perte de temps de me répondre. Ça ne me le fait pas avec toutes les personnes avec lesquelles je discute, mais ça me le fait, des fois.

La psy dit que "ça ne me dérange pas" doit juste être compris comme "ça ne me dérange pas". Mais comment est-ce que je suis censée comprendre ça comme ça, et croire les compliments, aussi, quand à côté d'autres personnes disent des "j'adore" qui ne signifient pas "j'adore" ? Moi, quand je dis "j'adore" ben c'est vrai, j'adore. Je me sentirais mal et malhonnête de dire juste "j'adore" alors que j'ai aussi des réserves. Mais comme je suis à peu près la seule, apparemment, ça veut dire que les compliments ne sont pas des compliments, juste des trucs balancés comme ça pour faire plaisir. Je vais partir du principe que les compliments sont tous faux, ce sera plus simple que de devoir me demander si le contexte, ou la personne, ou mon attitude ou quoi crée quelque chose de faux ou si c'est vrai.

En fait, c'est déjà dur pour moi de me raisonner quand je commence à suspecter que je suis la personne la moins appréciée d'un groupe, que je suis un bouche-trou, que les gens vont finir par s'apercevoir que je suis inintéressante et nulle. Ça me demande un véritable effort de me maintenir dans l'idée que les gens me parlent parce que je les intéresse ou qu'ils y trouvent quelque chose, que je peux vraiment intéresser les gens. Alors découvrir qu'en fait la formulation d'un compliment était à interpréter et pas à prendre au pied de la lettre, ça me jette dans mes ruminations habituelles et récurrentes de : "évidemment, parce que je ne suis pas assez bien pour qu'on me fasse de vrais compliments" ou "évidemment, parce que de toute façon ce ne sont pas mes copines, ce sont des relations fictives, comme dit la psy, et de toute façon elles ne veulent pas qu'on devienne copines" etc. C'est un truc tout bête, pourtant, une formulation de compliment, et au final elle aime quand même mon texte. Mais la couleur des deux propos est tellement différente, et moi je trouve ça tellement compliqué de savoir ce que pensent vraiment les gens, ce que je dois interpréter ou pas et comment…

Je vais arrêter de croire aux compliments. Les gens sont faux, ils exagèrent leurs réactions pour faire plaisir aux autres, voilà. En tout cas avec les gens pas assez proches pour mériter une sincérité franche du collier. Puis façon, il y a tout un tas de gens qui méritent plus ces compliments, donc bon…

Ça ira mieux demain...

4 commentaires:

  1. Oula en effet, j'espère que ça ira mieux demain. Tu avais l'air dans une mauvaise phase quand tu as rédigé ce billet.
    Et pourquoi ne pas prendre un compliment comme il est, ne pas chercher à gratter en dessous? Je te le dis souvent, ton cerveau turbine de trop et voilà ce que ça donne.
    Oui le monde est cruel comme on dit, les gens faux sont à la pelle, les gens vrais trop rare. Il faut essayer de passer au dessus de cela,, mais je sais que c'est difficile...
    Bises

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    1. Bon, ben ce n'est pas allé mieux. Enfin si, mais j'ai replongé... c'est pas gagné. J'ai envoyé un SMS à la dame de la médiation animale pour reprendre rendez-vous, mais vu le ton je pense qu'elle ne m'a pas reconnue, du coup, ça me fait angoisser.

      Si je prends un compliment comme il est, ça va me faire plaisir, alors que s'il est faux ou disons surjoué et exagéré, ben ça veut dire que ce qu'il dit n'est pas vrai.

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  2. Mince, je suis désolée que tu sois dans ces questionnements. Je pense comme Petite Ombre qu'il vaut mieux, la plupart du temps, laisser pisser et ne pas essayer d'établir le pourquoi du comment derrière une phrase, ou une différence d'attitude entre deux contextes, car on s'y perd...Finalement, ça appartient aux autres (même si ça peut agacer). Je te dis ça très en mode "yaka faukon" mais je sais que c'est difficile, je rumine comme ça très souvent aussi...

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    1. Je trouve ça très dur à faire, en fait, surtout quand ça arrive au moment où justement un compliment ou quoi m'a fait plaisir et que j'y ai cru et que derrière je découvre que je n'aurais pas dû y croire. C'est un peu comme si les événements me prouvaient que j'avais raison avant, quand je n'y croyais pas.

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