vendredi 14 mai 2021

Introvertie en mal d'isolement

Source – Tatiana Syrikova
Hier, je me suis énervée pour rien, j'ai été hyper agressive juste pour une remarque de ma sœur, en lui disant que je n'avais pas pu entendre, puisque j'avais le casque anti-bruit sur la tête – chose qu'elle ne peut pas savoir puisqu'un mur nous sépare. J'ai explosé pour rien comme mon père. Je me suis choquée moi-même. J'ai l'impression que je vais de moins en moins bien. En même temps, comme je suis toujours un peu instable, c'est difficile de savoir si c'est une tendance globale ou juste une impression née de ce que je suis dans le creux de la vague. Peut-être que je devrais m'acheter un calendrier et faire une "météo intérieure" tous les jours, peut-être recoupée avec mon cycle menstruel (?) ça me permettrait d'essayer de déterminer s'il y a quand même un cycle dans mon humeur, ou si c'est au petit bonheur la chance. Le livre que je lis actuellement a une ambiance assez lourde, et comme je suis une éponge, ça ne doit pas aider non plus. En fait, c'est comme si j'étais incapable de me protéger de l'extérieur et que chaque chose avait un effet décuplé sur mes émotions. Je crois surtout qu'il est temps que toutes ces conneries de Covid s'arrêtent.

Ça fait quasiment un an et demi que je suis chez mes parents, avec ma sœur, et entre mon chômage, celui de mon père, les cours en distanciel de ma sœur, et les divers confinements, on ne peut pas vraiment dire que j'aie eu ma dose de solitude et de silence. On pourrait me dire que c'est facile : suffit d'aller se balader et hop, je suis toute seule. Mais être dans une rue bondée, ce n'est pas vraiment être seule. Et je dois bien avouer aussi que moins j'en fais, moins j'ai envie d'en faire. Cela conjugué à mon éponge intérieure qui se noie dans les livres pour ne pas avoir à réfléchir et voilà le cercle vicieux qui s'installe. Admettre que je me suis laissée enfermer dedans est déjà une bonne chose. Ma petite virée pour passer mes tests d'admission à la formation a aussi eu pour effet de me couper de Twitter, ce qui est une très bonne chose. Me retrouver seule avec moi-même à l'hôtel, manger ce que je veux quand je veux, regarder ce que je veux à télé, et dormir sans les ronflements de la chambre d'à côté m'a fait un bien fou. Le dernier matin, j'ai passé presque deux heures sans rien faire dans un parc, juste à en faire le tour, puis assise dans l'herbe à... attendre. (J'ai quand même failli me faire agresser par une bande de canards outragés que j'aie pris ce qui, apparemment, était leur place.)

Parce que même quand je suis dans ma chambre, me parviennent les bruits des chambres qui flanquent la mienne. La musique à fond, le père qui gueule, la sœur qui rit ou qui parle pour son cours en visio… Le casque anti-bruit (prêté aux élèves de la promo de ma sœur par la prof) est absolument génial et me repose beaucoup, m'isole, assourdi tout, mais est aussi susceptible de créer des problèmes (si on m'appelle, je n'entends pas...).

Et tout ça s'ajoute à mes insomnies, mes rêves glauques et malaisants et mon manque chronique de sommeil. Quand je fais la sieste, ce n'est pas une sieste : je sombre, c'est le trou noir, je tombe trop vite et trop profondément pour rêver.

Je suis introvertie. Profondément. Au point que, pendant l'un de mes semestres de Licence, mon emploi du temps concordant avec celui de mes amies, on passait absolument toute la journée ensemble, même le midi. Ne pas avoir de temps de pause toute seule me pesait. Je leur ai demandé de me laisser manger toute seule (et comme mes amies sont cool, il n'y a pas eu d'histoires du genre "tu nous aimes pas blablabla"). J'aime être seule, dans le silence, j'en ai besoin pour me recentrer, trier mes pensées, réfléchir, retrouver de l'énergie parce que parler aux autres m'épuise. Il faut toujours maîtriser son ton, faire en sorte de ne pas blesser, ne pas répondre à côté, ne pas paraître bizarre à outrance… C'est bizarre ce que j'écris parce que d'un côté je me dis que j'exagère et qu'en écrivant ça je passe pour une grosse asociale, et en même temps c'est sorti tout seul au fil du clavier.

Disons qu'avec les inconnus, ou les vagues connaissances, il faut respecter des règles, des codes. Déjà, tu peux pas dire ou montrer que tu ne vas pas trop, trop bien parce que tout le monde s'en fiche (puis bon, je parle déjà pas de ma vie intérieure à ma famille ou mes amies, donc c'est pas pour l'étaler à des inconnus, mais disons que si t'es pas de bonne humeur, faut quand même faire bonne figure). La question "ça va ?" n'est pas une vraie question : c'est la question qui lance la conversation sur des banalités. En Corée, c'est "est-ce que t'as mangé ?", par exemple. Donc, il faut faire l'effort d'être d'humeur égale et sourire, même quand t'as pas envie d'être là. Bon, moi, je pêche : mes émotions se voient sur ma tronche. Je suis une bonne menteuse mais pas une bonne actrice xD En fait, comment dire… peut-être que le fait qu'écrire ça me paraisse "trop", ou exagéré, c'est parce que c'est devenu un réflexe, une habitude. Peut-être aussi que j'analyse trop. Quand j'arrive dans un groupe un peu important, je scrute, pour analyser qui n'est pas d'accord mais ne le dit pas, ou essayer de comprendre pourquoi Untel se comporte comme ça.
J'ai l'impression que ce que j'écris ne correspond pas tout-à-fait à ce que je ressens, mais j'ai du mal à expliquer mieux.

Au-delà d'un certain nombre de personnes dans un groupe, ça devient trop. Trois ou quatre, ça va encore. Au-delà il y a des sous-discussions, tu ne peux pas tout suivre mais en même temps tout le monde peut te répondre au débotté, et il faut gérer les avis de tout le monde. Ça me prend trop d'énergie de traiter toutes ces informations. Comme un logiciel qui traiterait des informations en arrière-plan et prendrait toute la puissance du processeur. Et puis tu ne peux pas non plus être trop toi-même, surtout quand comme moi tu as la peur du rejet. Disons que… en fait, quand tu es dans un groupe avec des gens que tu ne connais pas, ou peu, des "amis d'amis", si on veut, tu dois être lisse. Parce que le but de tout le monde, c'est de passer un bon moment sans prise de tête, donc si un crétin dit une bêtise plus grosse que lui, tu ne sais jamais trop si tu peux le reprendre ou pas, et sur quel ton, parce que ça va foutre la merde. Les relations sociales, c'est trop dur à gérer. Je ne suis ni spontanée ni naturelle. Je ne suis pas programmée pour les relations sociales. C'est comme… Comme si on était au théâtre et qu'il fallait dire le bon truc au bon moment.

Paradoxalement, j'adore apprendre des techniques pour s'affirmer dans un débat, ou gérer les conflits ; j'aime bien… en fait je crois que j'aime bien analyser, et étudier les groupes dans lesquels je me retrouve, mes camarades de promo, par exemple, ou mes collègues ; j'aime bien essayer de voir comment le groupe fonctionne, quels sont les sous-groupes, quelles sont les règles et pratiques tacites, etc. Un peu comme un zoologue face à une nouvelle espèce. Comme Jane Goodall et ses chimpanzés, v'voyez ? J'aime bien la science des dynamiques de groupes, même si j'ai pas encore acheté le bouquin que j'avais repéré. J'aime être l'observatrice un peu à l'écart, c'est analytique, c'est un raisonnement, il n'y a pas d'affect. Voilà, en fait, j'ai un problème avec les émotions, et la vulnérabilité qui va avec (sans déconner ? On s'en serait pas doutés, Enir !).

Cette dernière année et demie a été pénible, quand je regarde l'état psychologique où j'en suis maintenant, ma fatigue mentale et ma lassitude. Et pourtant je n'avais pas l'impression de mal vivre le premier confinement, par exemple. Peut-être parce que j'ai été en stage tout l'été et que, même si je n'avais pas grand-chose à faire, justement je me disais que si j'avais dû aller au bureau je me serais ennuyée toute la journée, alors que là je pouvais m'occuper, écrire, lire des blogs, etc. Mais n'empêche, être "enfermée" avec ma famille, gérer la susceptibilité de mon père, les reproches permanents qu'il fait à tout le monde, le craquage de nerf de ma sœur, et tous les petits ennuis du quotidien (ronflements, musique à fond, etc.), ça use. C'est au point où je ne descends pas le matin s'il y a "trop de monde" dans la cuisine parce que je ne veux croiser personne et pouvoir prendre mon petit-déj toute seule, sans parler à personne (en plus, j'aime pas parler le matin, mais quand je le dis, on se vexe).

Je crois que j'aurais préféré être toute seule dans un appart'. J'aurais moins mal vécu les choses, je pense, paradoxalement et au contraire de tout un tas d'étudiants. Jeunes qui, d'ailleurs, veulent sortir faire la fête mais ne veulent pas se vacciner. Sérieusement ? Si tu veux pas te vacciner ça doit être que tu peux bien tenir encore un peu sans voir tes amis dans ton studio de 9m², nan ? Je sais que je suis un peu injuste de dire ça, parce qu'on a le droit d'avoir peur d'un vaccin (j'ai fait des convulsions quand j'étais gamine après un vaccin, donc j'aurais des raisons de pas vouloir me faire vacciner) mais sans déconner, les enfants, à un moment donné faudrait savoir ce que vous voulez ! Bref, c'est pas le sujet, je m'emporte toute seule…

Du coup, maintenant, je ne rêve que d'une chose : trouver une alternance et pouvoir déménager, dans un appart' toute seule. Ce sera compliqué si je me retrouve en région parisienne, où la plupart des offres sont des colocations. Il est hors de question que j'aille m'enterrer dans une colocation ; c'est un coup à empirer ma gestion désastreuse de mes émotions, mon sentiment d'insécurité, et à péter un câble. En fait, je crois que je rêve d'une cabane perdue au milieu de la forêt. Ou d'une barque au milieu d'un lac géant. De la mer. Aller élever des rennes dans les steppes mongoles. Grimper tout en haut d'une montagne sans la moindre trace humaine où qu'on porte le regard à l'horizon. Mais comme c'est quand même mal barré pour tout ça, je me conterais d'un appartement sympa dans une ville sympa avec du silence.

10 commentaires:

  1. Je comprends complètement! C'est compliqué quand être seul est presque un besoin vital! Sans ma dose de solitude, je deviens irritable et fatiguée, je me mets en colère très vite.
    Etre seule c'est essentiel, pour recharger les batteries. Je ne sais pas faire au milieu du bruit. Je sais me mettre dans ma bulle parfois. Mais c'est pour un temps. Et puis on ne peut pas passer son temps sans sa bulle, quand le monde est là tout autour.

    Tu es bien courageuse d'avoir tenu si longtemps dans le contexte actuel. J'espère de tout coeur que tu vas pouvoir sous peu trouver un appartement et prendre tes habitudes, celles qui te conviennent et que la société ne comprend pas toujours.

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    1. Oui, la bulle c'est pour un temps, et puis je trouve qu'en fonction de la fatigue ou de l'humeur, c'est plus ou moins difficile de rentrer en soi et d'ignorer le monde autour. J'imagine que ça s'apprend avec la méditation. Mais j'ai pas mal usé de méditations guidées ces derniers temps, comme palliatif, et j'atteins les limites du médicament, si je puis dire...

      Je te remercie ! Moi, je ne me trouve pas particulièrement courageuse, c'est plutôt que je n'ai pas eu le choix, et que j'ai l'habitude de mon contrôler (c'est triste à dire) du coup ça m'a empêcher d'exploser (ça ferait mauvais genre).
      J'ai déjà prévu que, quand je travaillerais enfin, je réserve mes dimanches pour le rien, le silence, et le 0 contacts avec qui que ce soit x)

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  2. Hey, salut !

    Tu m'apprends quelque-chose pour la corée, je ne savais pas ! Quand on me demande si ça va, j'aime bien destabiliser l'interlocuteur est lui disant la vérité: "non, ça va pas". Et là, tu vois le malaise dans son regard. Il est piégé à devoir me faire une vraie conversation et plus me lancer des banalités ! Trop drôle.

    Pour le reste, comme je te comprends. Je suis une introvertie, solitaire et mon besoin de silence est énorme. Cette année est complétement usante à tous les niveaux...

    Courage à nous !

    Line

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    1. Salut ! :)

      Haha je pense que j'oserais jamais ! Je préfère sauter la question, je réponds juste "Et toi ?" comme ça je réponds pas et tout le monde comprends que je vais bien, personne m'a jamais redit derrière "Mais toi, ça va ? t'as pas répondu..." donc je garde cette technique (et ça utilise moins de salive).

      Oui, c'est super usant, il est temps que ça se termine !

      Courage à toi aussi ! :D

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  3. bonjour, comment vas tu? la crise sanitaire est bien trop longue pour tout le monde. cela crée de nombreux problèmes. les gens sont insupportables. j'apprhéende cette semaine au travail car on déménage pas mal de choses et avec les caractères et egos de certains, ça va faire des étincelles, je le sens. passe un bon lundi et à bientôt!

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    1. Salut :)
      Comme tout le monde est un peu sur les nerfs, il y a des risques, oui, mais si chacun prend un peu sur soi et communique sans violence ça devrait le faire comme sur des roulettes !

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  4. Introvertie et mère de trois enfants quand même, tous les paradoxes sont dans la nature ;-) Mais j'avoue que j'ai besoin de pauses seule, je ne peux que te comprendre. Saleté de Covid, vivement qu'on soit débarrassé de ça...courage en attendant !

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    1. Haha j'aime bien le "quand même" :P
      Oui, vivement que tout ça se termine !
      Merci, bon courage à toi aussi ! :D

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  5. ohhhhhh moi aussi je déteste parler le matin, il me faut deux heures avant d'ouvrir la bouche et je ne veux pas qu'on me parle non plus! malheureusement mon fils ainé est un moulin à parole, pour le coup il tient pas de moi , je ne serais même pas étonnée qu'il parle la nuit.... je rêve de silence aussi, j'aime le calme et la solitude, même si parfois j'aime être entourée, mais très vite je veux me retrouver dans le calme, tu as raison c'est épuisant, en fait tout ce que tu as écrit j'aurais pu le dire aussi !
    et surtout ça me saoule qu'on me catalogue de timide, car en fait si je parle pas c'est que j'ai pas envie, mais j'observe beaucoup et surtout j'oublie pas!!!!

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    1. Oooooh première fois que je rencontre quelqu'un comme moi ! <3
      J'aime pas non plus qu'on me parle (même pas bonjour, rien, c'est "laisse-moi tranquille" xD)

      On m'a jamais qualifiée de timide x) Mais l'introversion n'a rien à voir avec la timidité ! Je pense que c'est que les gens comprennent plus la timidité, alors ils collent l'étiquette de timide, comme ça c'est facile à comprendre et ils passent à autre chose.

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