Source – Carlos Reusser Monsalvez |
Ce mois-ci a été un peu plus compliqué que le précédent pour moi, car je travaille toujours sans ma frise chronologique et je dois dire que ça me terrifie de me rapprocher du dernier point de ma chronologie dont je me souviens, et de me dire que je serais sans filets après, et que je dois tenir comme ça encore un mois, car je ne pourrai récupérer toutes mes notes sur mon roman que dans un mois. Par contre, j'ai été très attentive à ce qu'il se passait en moi pendant ce mois d'écriture, à mes questionnements, et j'ai noté plein de choses que je voulais dire ici (heureusement, parce que là, maintenant, tout de suite devant mon écran, je ne m'en souviens plus).
D'abord, je ne sais plus si j'en avais déjà parlé ou pas, mais j'ai remarqué que ma créativité est bien meilleure. Avant, quand je passais des journées entières devant des séries, une fois que venait le soir j'étais incapable d'imaginer ce que j'allais mettre dans mon roman à la séance suivante. Aujourd'hui, même quand je me gave de séries, de films, tous plus niais les uns que les autres, j'arrive quand même à enclencher la machine du roman. D'ailleurs, d'une manière générale, j'arrive à enclencher la machine du roman. Lorsque je me retrouve un peu bloquée, et que je ne sais pas comment je vais faire, quelques minutes me suffisent à trouver la solution, quand il en fallait beaucoup plus auparavant !
Je doute aussi beaucoup sur ce que je fais. Je sors beaucoup de la ligne pour écrire des passages que je n'avais pas prévus et j'ai des fois l'impression que j'écris mon roman comme j'écris mes "juste-comme-ça". Je ne sais pas si j'ai cette impression parce que ce n'est pas qu'une impression, ou si j'ai cette impression parce que je n'ai pas l'habitude de travailler sans filets. Le truc, c'est qu'avant je passais une semaine à réfléchir à ce que j'allais écrire, aux dialogues, etc. Du coup, au moment d'écrire, j'écrivais ce que j'avais prévu. Là, comme je ne prévois pas grand-chose, puisque j'écris tous les jours, je suis beaucoup plus libre, mais du coup, je ne sais pas si ce que je fais est bien. J'ai aussi cette petite pensée que mon écrit précédent était trop court, que ce n'était pas vraiment un roman, et que celui-là sera un peu plus conséquent. Mais je ne sais pas s'il sera conséquent avec du vide ou conséquent avec des choses intéressantes.
Ça me fait venir à un autre questionnement que j'ai eu. Comme j'ai repris l'écriture, je suis redevenue active sur le forum Jeunes Écrivains. Revient beaucoup l'idée que, à la première relecture du premier jet, il faut purger le manuscrit des passages que l'on a écrit pour se faire mousser, parce que c'était joli et qu'on voulait montrer qu'on était capable de les écrire. Je ne pense pas qu'il y aura vraiment de ces passages dans mon manuscrit. Par contre, je vais devoir identifier les passages que j'ai écrit pendant que je réfléchissais à ce que j'allais écrire. Autant mes "digressions" me sont venues toutes seules, naturellement, et je leur fais confiance ; autant plus je les ai écrites il y a longtemps et plus je me demande si elles ont vraiment leur place, si elles apportent vraiment quelque chose. Et je me dis aussi de plus en plus que je ne rentre pas assez dans la tête de l'un de mes personnages, qui est quand même en deuil. D'un autre côté, même si les pages s'empilent, je suis les jours sans en sauter aucun. Donc il me paraît normal que l'on ne parle pas très souvent de son deuil, puisqu'il devrait revenir de manière régulière dans le temps, mais que j'écris jour par jour et que par ailleurs il est actuellement où il se trouve parce que a lui permet de vivre son deuil.
Je me suis demandée si le fait de m'interdire de relire (pour ne pas tout effacer en me disant que c'est nul) ne m'empêchait pas aussi de me rassurer. C'est une méthode à double-tranchant. Je ne relis que les dernières lignes à chaque fois pour bien reprendre de manière logique. Mais je m'interdis de remonter plus.
Depuis quelques jours, je rame. Hier, j'ai écrit neuf minutes. Ridicule quand on sait que j'ai déjà enchaîné des séances de deux heures trente. Le truc, c'est que plus je me rapproche du dernier point de ma frise dont je me souviens, plus je suis embêtée. Si je fais de grosses erreurs dans la rédaction, l'ordre des événements, corriger dans un mois sera vraiment lourd. Du coup, quand j'ai un doute, je laisse en suspend, ce qui n'est pas forcément mieux. Par exemple, j'ai un personnage extérieur à la ville où se passe l'histoire qui s'y rend de temps en temps. Au point où j'en suis, il est venu y faire une chose importante. Mais je ne me souviens plus s'il reste ou s'il repart. Du coup, je n'ai rien dit, et je suis passée à autre chose. Je ne pourrais par contre pas faire ça tout le temps.
J'ai aussi un problème avec les descriptions. Comme je n'ai pas pris vraiment le temps d'imaginer les scènes et les lieux, je me laisse guider par mes séances et les lieux ne correspondent plus aux flashs dans ma tête et ça me perturbe (il en faut peu, certes).
Mais surtout : je rame. Je me laisse complètement immobilisée par le fait que je serai bientôt sans ma béquille. Alors que bientôt ce n'est pas maintenant. Le lâcher-prise, l'instant-présent, tout ça, me posent problème dans tout ce que je fais. En même temps je sais déjà ce que contiendra le chapitre suivant à celui que je suis en train d'écrire. Je rame parce que je ne veux pas me retrouver devant une page blanche, vraiment bloquée et immobilisée, avant d'avoir récupéré mes notes (qui me permettront en plus de terminer le profil psychologique de mes personnages (d'ailleurs, si ça vous intéresse je pourrais vous faire un petit article sur la manière dont j'ai décidé de construire mes personnages)).
Je ne raisonne toujours pas en terme de quantité puisqu'écrire tous les jours est déjà beaucoup pour moi. Mais d'un autre côté je commence à être frustrée quand je n'y arrive pas et que je n'écris "que" trente minutes (imaginez mon désarroi quand je me suis arrêtée à neuf...).
Ce qui est bien, c'est que je resterai en télétravail même après le déconfinement. Je craignais le moment où je devrais reprendre le rythme métro-boulot-écriture-dodo, parce que je risquais de perdre en temps et surtout en qualité du fait d'une fatigue plus importante. Je vais donc pouvoir profiter du télétravail pour maintenir mes habitudes et mes temps d'écriture, ce qui est vraiment super bien.
Je pense que je ferai mon prochain journal d'écriture, sauf évolution majeure, dans la dernière semaine du mois de juin, quand ça sera à peu près un mois que j'aurais récupéré mes notes.
Et vous ? Avancez-vous dans vos projets ?