dimanche 9 août 2020

Me suffire à moi-même

Source – Paula Schmidt

J'ai eu une révélation. Depuis quelques temps je me suis rendue compte que ma détresse affective est sans doute induite par une dépendance affective. D'ailleurs, j'ai souvent été déçue, plus jeune, de découvrir que mes amies, pour lesquelles j'avais une grande affection et dans la relation avec lesquelles je mettais beaucoup d'espoir et d'implication, ne voyaient pas notre relation de la même manière. Qu'elles avaient déjà une "meilleure amie" et des gens avec qui partager tous leurs secrets. Par ailleurs, comme je n'ai moi-même véritablement confiance en personne, je ne me confiais pas, et ne pouvais donc pas attirer les confidences des autres. C'est donnant-donnant. Une amie au téléphone le mois dernier parlais de vases communiquant, mais disait aussi que ça pouvait dépendre du moment dans la relation parce que l'un des deux peut avoir plus besoin de l'autre à un moment donné. Je trouve qu'elle a parfaitement raison. Et c'est quand on se rend compte que les vases ne communiquent jamais qu'il y a un problème. Partant de là, je me suis rendue compte, donc, que ma détresse affective n'est que le symptôme d'une dépendance affective. Ce que je cherche, c'est une personne en qui avoir confiance mais aussi qui m'aimera pour deux. Qui verra mes qualités quand moi je n'ai tendance à voir que les défauts. Mais la révélation ne tient pas à ça. La révélation est la suivante : c'est sans doute moins une question d'amour qu'une question d'être "assez".

Souvent je ne me trouve pas assez. Pas assez jolie, pas assez sociable comparée aux autres (toute l'ambivalence résidant dans le fait que mon degré de sociabilité convient très bien à mon équilibre), pas assez intelligente, je ne connais pas assez de mots, je n'ai pas assez de talent, je ne fais pas assez d'efforts pour atteindre mes objectifs, je ne suis pas assez fine, je ne suis pas assez spontanée, je ne passe pas assez de temps à lire, je ne sais pas assez maîtriser ma colère quand quelque chose entre en conflit avec mes valeurs, me bouscule, me jette dans un sentiment de vulnérabilité... Je ne suis pas assez bien.

Souvent j'ai cette idée que si je n'ai jamais eu d'animal de compagnie dans ma vie (ma plus grosse blessure d'enfant, je pense, et ma plus grosse blessure tout court) c'est que je ne l'ai pas mérité. Parce que pouvoir s'occuper d'un animal est quelque chose de précieux. Et que moi, je ne l'ai pas (encore) mérité. Je ne suis pas assez indépendante de mes parents, je ne suis pas assez bien, et j'investirais sans doute cette relation de la même manière que j'investie (ou ai investi) à peu près toutes mes relations : trop. Je serais toujours là à lui faire des papouilles. Bref. C'est très con, parce que des animaux entre les mains de gens méchants, il y en a des tas. Alors mon raisonnement ne tient pas. Ce n'est pas un raisonnement, c'est une terreur.

Il y a quelques semaines, une amie m'a invitée à sa crémaillère. Je vous en avais parlé dans mon article sur les ânes (oui, encore celui-là, décidément cette idée ne quitte pas ma tête : je veux des ânes !) et me comparer avec mon amie qui a maintenant cette grande maison et ce grand terrain à ne plus savoir qu'en faire ne m'a pas fait que du bien. Mon amie est célibataire et le vit bien, elle a un boulot qui lui plaît, elle s'entend bien avec sa famille, elle a des super amis, elle est super elle-même, et elle gère toute seule avec l'aide de ses parents les travaux de rénovation de sa maison. Ce qu'elle me renvoie, c'est qu'elle n'a besoin de personne.

Qu'on s'entende : on a tous besoin des autres à un moment donné ou à un autre de notre vie. On a tous besoin d'un service de temps en temps, d'un coup de papatte, d'un conseil, d'un encouragement, d'un soutien, etc. Mais on n'a pas besoin des autres pour tenir debout. On tient tout seul, on peut avancer tout seul, et les autres viennent en appui. C'est ce que me renvoie cette amie. Elle tient toute seule, comme un bel arbre, vous voyez, et elle n'a pas besoin des autres pour aller bien. Son moral ne dépend pas d'une désillusion sur l'investissement dans une relation ou autre. Vous voyez ce que je veux dire ? Elle se suffit à elle-même (ou du moins c'est l'image qu'elle me renvoie car nous n'en avons pas vraiment parlé ensemble).

Et moi je me rends compte à quel point je suis faible. À quel point je suis incapable de tenir une résolution. Que j'arrive à écrire mon roman tous les jours tient du miracle ! Je voulais me remettre à l'espagnol : j'ai tenu deux semaines avant de me laisser glisser vers autre chose, de repousser, happée par des choses plus importantes sur le moment et, avant que je ne m'en rende compte – paf ! – je n'ai plus lu un seul mot d'espagnol de la journée. Ce n'est que plusieurs semaines plus tard que je me suis dis "ah oui, tiens, ça fait longtemps que j'ai pas fait d'espagnol, j'avais dit que je m'y remettrais !". Du coup, devant cette incapacité à faire des efforts, à tenir une barque, je me sens coupable, toute petite, et bien vulnérable. Je me sens aussi bête parce que j'ai l'impression (la conviction ?) que j'ai du potentiel, et je ne l'utilise pas, et je m'en veux encore plus, d'autant que j'ai une tendance à l'ambition (ça aussi, j'en avais parlé dans mon article sur les ânes, comme quoi tout est entremêlé). Je suis aussi incapable de prendre soin de moi, comme si je me punissais, et quand j'essaye, ça finit comme pour toutes les autres résolutions. Sauf le roman. Quand je vous dis que c'est un miracle !...

Plus qu'un miracle, ça doit tenir à une motivation supérieure mêlé d'un besoin vital. Autant je ne sens pas le besoin vital d'aller chez le médecin dès que j'ai mal quelque part, ce qui fait que des problèmes traînent pendant des années avant que je daigne m'y intéresser ; autant je ne pourrais pas arrêter d'écrire.

J'ai l'impression d'avoir un peu dérivé dans mon propos. Ce que je voulais dire, c'est que je ne me suffis pas à moi-même. J'attends des autres. Plutôt que d'apprendre le piano dans mon coin, j'attends en fantasmant qu'un jour quelqu'un qui sache jouer m'apprenne. C'est pareil pour l'apprentissage du japonais, du roller, etc. J'attends. Je ne fais même pas l'effort d'aller prendre des cours : j'attends que le fil rouge du destin – en lequel je ne crois d'ailleurs même pas – mette sur mon chemin la bonne personne. Je trouve ça triste, ridicule et même, disons-le, risible. Au moins, j'ai compris le mécanisme. Mais je sens que je ne trouverais pas la solution toute seule. Comme j'avais déjà prévu d'aller voir un psy (quand j'aurais des thunes, du coup), ça sera à ajouter à la liste des questions. D'une thérapie brève on est parti pour dix ans de suivi x) Le pauvre... (ou la pauvre, d'ailleurs). Il en a pas fini avec un boulet comme moi.

Pas assez bienveillante avec moi-même, non plus, du coup.

6 commentaires:

  1. Je ressens ça, aussi, souvent. Ou plutôt, pour moi, ce n'est pas vraiment que j'ai l'impression de ne pas être assez, mais que j'ai raté plein de choses, que j'ai pris plein de mauvaises décisions, et que c'est trop tard pour retomber sur mes pieds... Mon cerveau me chuchote que ce n'est pas vrai, mais mon cœur a du mal à y croire. Et j'ai aussi cette même impression d'avoir du potentiel que je n'utilise pas.

    Oh, et j'ai aussi une amie, que j'aime beaucoup, mais avec qui il vaut mieux que je ne me compare pas, parce que ça me renvoie tout ce que je n'ai pas fait ou ne sais pas faire...

    Mais en fait, tu sais, vu de l'extérieur, du moins de très loin à l'extérieur, de là où je suis, à travers ce que tu écris sur ton blog, tu as l'air de quelqu'un qui sait ce qui veut, qui a du talent (tes articles de blog sont très bien écrits, fluides, intéressants, bien organisés - je suis sûre que ton roman est très très bien aussi malgré tes doutes), quelqu'un qui a encore tout le temps devant soit pour faire de belles choses. Je ne te connais pas, évidemment, mais je pense que quelqu'un qui te connait pour de vrai te dirait sûrement la même chose ;)

    Bref, courage, aie confiance, continue comme ça. Si tu n'as pas tenu ta résolution d'apprendre l'espagnol, c'est sûrement que ce n'était pas si important pour toi. Tu tiens pour ton roman, et c'est ça le plus important.

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    1. Je suis d'accord avec ton cerveau, on peut toujours retomber sur ses pieds, mais ça demande de rencontrer les bonnes personnes aux moments-clefs, parfois.

      Oh je comprends tellement ça ! Surtout que ses amis, on les considère comme nos pairs, nos égaux, du coup une comparaison "rabaissante" pour nous fait vraiment mal... Surtout, ne jamais se comparer à ses amis...

      Je sais ce que je veux, et ce que je ne veux pas, ça, c'est clair, mais j'ai beaucoup de doutes sur ma capacité à obtenir ce que je veux. Y compris pour mon roman. Par exemple, je suis tombée sur la page de soumission d'une maison qui dit qu'elle ne prend pas au-dessus de 600 000 caractères espaces compris. Quand j'ai lu ça il y a quelques jours, la borne était déjà allègrement dépassée. La maison dit aussi qu'au-dessus de 1 000 000 c'est même pas la peine d'envoyer. Or, je suis bien partie pour atteindre le fameux million de caractères. Du coup, je me dis qu'à caser en maison, avec un million, un premier roman, qui m'a l'air de pas trop rentrer dans les cases, et qui s'inscrit dans le genre de la fantasy qui est over saturé, ça va être vraiment la grosse galère, et je me fais déjà des scenarii catastrophe où personne en veut parce que c'est trop long, voire où mes bêta-lecteurs abandonnent la lecture... quoi que, bizarrement, les scenarii catastrophe sont pas si pire comparé à ce sur quoi je peux embrayer dans d'autres domaines.
      Oh merci ! Ravie que mes articles te paraissent agréables à lire :)
      Le problème c'est qu'il y a ce que les gens disent, ce que mon cerveau est prêt à admettre, et ce que mon cœur est prêt à dire "OK" x)

      Haha merci pour tes encouragements !
      Je te les retourne : une décision change rarement le cours entier d'une vie, il y a toujours moyen de revenir dessus et de raccrocher les wagons. Après tout, quand un écureuil est d'un côté d'un arbre, il ne redescend pas par le tronc pour remonter de l'autre côté : il court en haut de l'arbre, il saute, et en deux temps trois mouvements il est à l'opposé de là où il se trouvait 3 secondes avant ! Sois un écureuil ! :D

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  2. Coucou,

    Bravo pour cet article et ce blog très sympathique ! J'aime énormément les photos de profil et de bannière. Sais-tu s'il est possible de contacter le photographe afin d'utiliser une ou plusieurs de ses photos (en le mentionnant bien sûr ).As-tu payé pour cela ?

    Merci d'avance

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    1. Salut,

      Non, je n'ai pas payé, ce qui n'est pas bien du tout et c'est pour ça que je le cite partout. J'ai cité son compte dans ma bio Twitter et je le suis sur le réseau social (donc je me dis qu'il a dû me capter depuis longtemps). Je l'ai aussi cité comme tu peux le voir dans mes widgets en haut du blog et aussi dans la page "À propos" (d'où l'astérisque sur la bannière). De plus, j'utilise des photos "petit format" et pas des photos à 4 000px.
      Je pense qu'il est possible de contacter Laurent Baheux par mail (via son site internet) et via Twitter où il est très actif.

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  3. Ton article est encore une fois très touchant. On lit à travers tes lignes un manque de reconnaissance et surtout une estime de soi (= l'amour que tu te portes à toi même) très fragile pour le moment. Mais tout peut changer ! L'estime de soi, ça se travaille. EN te donnant des petits objectifs réalisables, en faisant des choses qui sont en lien avec tes valeurs, en prenant conscience de tes points forts et de tes limites.

    Prends soin de toi,
    Line de https://la-parenthese-psy.com/

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    1. Oui, c'est vrai, j'ai un problème avec mon estime de moi et la reconnaissance (que je cherche aussi chez les autres puisque je veux publier mon roman dans une maison à compte d'éditeur et que pour moi l'auto-édition est inenvisageable), à tel point que dans ta phrase j'enlèverais le "pour le moment" x'D
      Effectivement je sens que je peux évoluer là-dessus. Par exemple, en écrivant mon roman tous les jours je sens que je peux vraiment en faire quelque chose de bien ! En me donnant aussi des objectifs de lecture qui me permettent de terminer "vite" un livre, etc. Je pense que ça ira aussi mieux quand j'aurai trouvé du travail (ahem).

      Merci pour tes conseils en tout cas ! :D

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