mardi 16 novembre 2021

Corps en chantier

Source – Engin Akyurt
J'emprunte mon titre à une exposition sur le sculpteur Ipoustéguy. Je trouvais que ça collait plutôt bien à mes problématiques du moment autour de mon corps.

Il y a très longtemps à l'échelle d'un blog, j'avais fait un article sur le rapport que j'entretenais avec mon corps. J'ai la sensation que beaucoup de choses sont en train de changer, actuellement. Par exemple, je suis un peu moins mal à l'aise d'être nue hors de la salle de bain. Depuis quelques semaines/mois je dors sans pyjama, juste en culotte, alors que j'ai toujours détesté ça. Ça m'a prit un peu d'un coup : c'était pendant mon année de chômage, à moitié confinée avec ma famille, tout à coup je n'ai plus supporté la sensation de mes vêtements sur ma peau. Ça me le faisait même en journée. J'ai commencé à dormir sans, pour n'avoir que la couette sur moi et ma propre peau. Je pensais que ça me passerait, mais en fait non. C'est très bizarre parce que ce sont des changements qui se sont fait de manière très brusque.

Il y a aussi mon regard sur mon corps, qui fait toujours la bascule. De loin, dans le reflet déformé d'une vitre, j'aime à peu près la silhouette et puis, en sous-vêtements dans le miroir, avec la graisse, la peau, etc. rien ne va plus et je trouve ça presque dégoûtant… Puis à un autre moment je vais me dire que ça va. Puis la seconde d'après, de puis près ou sous un autre angle ça n'ira plus du tout. J'imagine que ça fait ça à un peu tout le monde, mais j'ai l'impression que chez moi c'est toujours sans demi-mesure : soit je me trouve presque sexy, soit le complet inverse.

Avec ma difficulté à m'adapter à la reprise du boulot, j'ai aussi récupéré des manifestations de stress. En fait, je ressens assez peu mon stress ou disons qu'il faut que je sois très stressée pour le reconnaître. Je sais que je suis stressée quand je commence à reprendre certains tics. Par exemple, j'ai recommencé à triturer ma peau à la base du pouce. Il y a quelques années je le faisais tellement souvent que de la cale s'était formée ; c'est un peu en train de revenir. Je recommence aussi à me mordre l'intérieur de la joue au sang.

Ce qui m'embête vraiment, avec ça, c'est que ma bonne résolution de 2021 c'était de prendre soin de mon corps. C'est complètement raté. Les mois ont défilé à la vitesse de l'éclair et je n'ai progressé sur rien. Pire, j'ai même régressé sur un certain nombre de choses. Heureusement, je vais reprendre l'aïkido demain, ça devrait m'aider à reprendre un peu possession de mon corps, de ses limites (j'entends par-là ses limites dans l'espace, le volume qu'il prend quand il se déplace, ses frontières). D'ailleurs peut-être que c'est une histoire de frontière du corps qui explique que je ne supporte plus mon pyjama ?

J'ai aussi de plus en plus conscience de mon envie (besoin ?) d'être touchée, de toucher les autres et plus précisément de savoir ce que ça fait de toucher la peau de quelqu'un avec sa propre peau. Le truc c'est que je ne suis vraiment pas tactile. Je déteste qu'on me touche. Au collège, j'avais commencé à refuser de faire la bise à mes amies. Quand ma sœur essaye de me faire un câlin par surprise, je suis vraiment très mal à l'aise. À l'aïkido ça va parce que l'on se se touche pas n'importe comment. En gros, ça s'arrête aux bras (parfois la tête) et c'est normé. Chez le médecin ça passe aussi, à peu près. C'est un peu… comme un conditionnement, comme si je m'étais "dressée" (je ne sais pas comment expliquer autrement) : je sais qu'on va (potentiellement) me toucher donc je suis préparée. Mais sinon, tout ce qui relève du "toucher social" (les accolades, les mains sur le bras et compagnie), c'est très difficile. Du coup, je peux bien avoir envie ou besoin d'un "peau à peau", c'est pas demain la veille que je vais l'avoir (sans même compter que pour ça il faut avoir des gens avec qui le faire, m'voyez, et que j'ai toujours du mal à faire confiance aux gens).

Je réfléchissais tout à l'heure et je me demande à quel point les changements dans ma psychologie, les barrières qui tombent, ne se font pas encore plus vite depuis que je me suis retrouvée sur liste d'attente de la psy. Dans le sens où je me demande si c'est possible que ça ait "tenu" jusqu'à ce que j'emménage et que je sois en mesure de prendre rendez-vous, mais que maintenant que la date est repoussée à un instant inconnu et sur lequel je n'ai ni contrôle ni maîtrise, tout lâche. Je ne sais pas si c'est possible. Mais ce que je sais c'est que je me retrouve à verser ma petite larme pour tout et n'importe quoi. Un reportage à la radio, un dessin animé… ce qui est aussi très nouveau avec ma relation avec mon corps, vu que j'ai passé des années, depuis le collège, pendant lesquelles je m'empêchais de pleurer (à ne pas faire, c'est mauvais pour la santé !). Je n'en suis pas encore à sangloter et pourtant il faudrait…

Du coup, je me demande dans quelle proportion mon sentiment d'être un peu perdue vient de mon corps que je perds un peu dans le sens où à la fois tout est pareil (je n'ai pas pris ou perdu beaucoup de poids ou de muscle, par exemple) et à la fois tout est différent (dans mon regard, dans ce que je peux faire ou pas (je n'ai pas fait de sport pendant un an et demi donc j'ai reperdu tout ce que j'avais gagné en terme de souffle, par exemple), dans ses frontières). Et en même temps, même si les changements ont été brusques, rien n'est différent du tout au tout. Ce sont des changements suffisamment marqués pour être sentis, et en même temps pas spectaculaires non plus. Ce qui est encore plus troublant, pour moi, je crois. Je me demande aussi dans quelle mesure le fait que je n'aide pas mon corps à être en accord avec l'état où il serait mieux avec lui-même, plus en accord (j'ai les cheveux un peu longs, par exemple, mais pour le moment j'ai d'autres priorités que d'aller chez le coiffeur), ne rajoute pas une toute petite goutte, juste suffisante pour troubler un peu plus l'état des choses. Et dans quelle mesure le fait que je ne respecte pas les promesses que je me suis faite (prendre soin de moi, aller me faire masser, aller chez le coiffeur, faire mes exercices pour me tenir plus droite, les étirements du dos, etc.) n'altère pas encore un peu plus la relation entre corps et esprit. En gros, c'est un peu le bordel.

4 commentaires:

  1. On sent qu'il y a du mouvement, du changement et c'est un peu comme si tu ne te donnais pas le droit de vivre pleinement cela, comme si les vieux démons n'étaient pas loin comme un rappel, comme si tu t'empêchais.

    C'est mon ressenti à la lecture de ton texte!
    Bonne reprise de l'Aikido.

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    1. Je ne le sentais pas vraiment comme ça mais en lisant ton commentaire je ressens qu'il y a peut-être un peu de ça ! C'est que, j'ai aussi oublié de dire dans l'article que mon rapport à la masturbation a changé, aussi, et que peut-être c'est comme une expérience positive (au-delà du plaisir sexuel, j'entends) avec mon corps... apparemment, des orgasmes réguliers réduisent la durée des règles, et effectivement mes règles ont réduit de moitié en terme de durée, et c'est allé très vite. Du coup c'est assez perturbant surtout que, adolescente, je détestais vraiment avoir mes règles et les 5 jours me paraissaient interminables. Aujourd'hui les 2-3 jours ma paraissent passer à la vitesse de l'éclair...

      Le truc c'est que... ben même si la situation d'avant n'était pas souhaitable, au moins je la connaissais et je pouvais avoir le sentiment de la maîtriser. Alors que là, ça change et je ne sais pas ce qu'il y a de l'autre côté du changement, et je n'ai jamais aimé le changement... donc oui je pense que quelque part c'est possible qu'une partie de moi empêche l'autre de vivre ça...

      Merci ! :)

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  2. ah les femmes et le rapport à leur corps.... de toute façon qu'on le veuille ou non au fil des années le corps évolue...
    ne te poses pas trop de questions, facile à dire je sais !

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    1. Haha pour le coup je pense que les hommes ont aussi ce genre de problématiques mais en parlent moins parce que ça fait pas viril !

      Oui, le corps évolue, mais là c'est pas tant mon corps que ma relation avec lui, alors que mon corps lui reste le même (c'est pas comme si j'avais subitement pris ou perdu du poids, par exemple), c'est ça qui est compliqué !

      Quant à ne pas se poser de questions, c'est déjà dur en temps normal mais alors en ce moment !... O.O

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