dimanche 27 mars 2022

Le temps d'écrire

Source – Karolina Grabowska
Des fois, je me demande ce que je fous là. J'ai toujours pensé que rien n'arrive jamais par hasard et que tout a une raison. Mais je cherche le pourquoi je suis dans un département où la mer – les goélands – me manque de plus en plus, où les gens sont moyennement sympa et répondent jamais aux mails et sollicitations, où rien n'avance jamais dans ce boulot… Et puis je me rappelle que, si je n'étais pas là, si j'avais eu mon alternance à Orléans, par exemple, je n'aurais pas un petit loyer, dans ce département pas cher, ni même un vrai salaire (en alternance, on gagne même pas mille balles) pour me permettre d'acheter des trucs que je veux depuis des années. Et j'aurais pas autant de temps pour écrire.

Avant même de commencer à travailler, j'ai mis la priorité sur l'écriture. J'ai fait d'un objectif le fait de pouvoir écrire le soir après le travail alors que je suis plutôt du matin, et de pouvoir gérer mon roman et autres projets en priorité. C'est vrai que je dispose du petit coup de main de mon employeur : nous avons une semaine de vacances à chaque congé scolaire. Du coup, j'ai pu relire mon roman sur une semaine en novembre au lieu d'un mois ; j'ai pu corriger le plus gros de la post-bêta-lecture sur ma semaine de février. D'un point de vue organisationnel, c'est assez pratique : je sais que j'ai des vacances en avril, que c'est là que j'aurais le plus de temps, la possibilité de m'enfermer dans mon bureau dix heures par jour pour faire de la correction orthographique, donc je me prépare mentalement, comme un athlète sait qu'il a les Jeux Olympiques au 26 juillet et qu'il doit être au top de sa forme à ce moment-là. Plus que le temps en lui-même, c'est surtout que j'ai des bouées sur toute mon année pour organiser mon calendrier : je n'ai pas à choisir une date moi-même : j'ai juste à être prête au moment où c'est le plus opportun.

Ceci dit, avoir le temps d'écrire, je crois que c'est avant tout une question de motivation et de priorité. Quand je dis que je peux passer une semaine à corriger mon roman, on me dit qu'on sait pas comment je fais, que je travaille vite. Oui, c'est vrai, je travaille vite. Mais c'est un choix. Je sors peu de chez moi à part pour faire les courses, j'ai beaucoup abandonné Instagram et un peu délaissé mon blog. Je ne regarde plus de séries, et j'ai mis une éternité à lire cinq livres et à publier mon dernier article littéraire. J'ai aussi plein de fois repoussé mon ménage à la semaine suivante parce qu'entre une et deux heures pour le faire, c'est entre une et deux heures en moins pour écrire. Parce que ma priorité, c'est l'écriture. La relecture, la correction. Bref : les romans. Avoir le temps d'écrire, c'est un choix ; comme avoir celui de bingewatcher des séries, d'aller jouer au foot avec des copains, ou de zieuter Instagram.

Il faut dire aussi que j'ai assez peu d'incompressibles dans la gestion de mon temps : j'ai un travail mais pas d'enfants, pas d'animaux de compagnie, pas d'amis proches de chez moi, un seul loisir qui m'occupe un soir par semaine, et même pas de mec. Mais n'empêche, je pourrais utiliser mon temps libre à autre chose. Comme apprendre ou m'améliorer dans les quatre langues que je rêve de savoir parler. Lire plus. Aller me balader davantage. Le temps ne se "trouve" pas sous une pierre comme on trouverait un trombone bleu, une pièce de franc, ou un bouton de manchette. Il se "dépense" comme disent les Anglais. Une fois qu'on sait ça, on peut s'organiser, mettre ses priorités en fonction de nos besoins.

Je m'accroche à l'écriture comme une moule à son rocher. Quand la psy a eu un désistement de dernière minute et a pu me caser, c'était pendant mes vacances, et le premier truc que je me suis dis c'est : "je vais perdre deux heures sur le roman". Et je me suis mise à calculer combien de pages j'allais prendre en retard et si j'aurais le temps de rattraper sur le reste de la semaine. Quand un château dans le coin a fait une visite au flambeau cet hiver, et aussi quand j'ai pu reprendre l'aïkido, je me suis dit que ça me servirait pour les romans. C'est ce qui m'a motivée à mettre le nez dehors. Quand j'hésite à aller me balader, je me dis qu'un bol d'air va m'éclaircir les idées et que j'écrirais mieux. Une vraie monomaniaque.

C'est en partie pour ça que j'ai postulé pour être famille d'accueil de chats. Avec un chat, je serai obligée de décoller mon cul de ma chaise pour jouer avec lui, faire le ménage plus souvent pour qu'il soit bien, pour me forcer à quitter un peu les mondes imaginaires qui flottent dans ma tête. Parce qu'un petit chat, c'est un petit être vivant et il faut bien s'occuper de lui.

N'empêche, le temps d'écrire, c'est subjectif. C'est une question de perception, de priorité, de motivation. De peur, parfois aussi, parce qu'on peut avoir tendance à regimber devant un texte ou une séquence de texte difficile à écrire pour X ; c'est une question de choix. Je pense aussi qu'il faut bien se connaître. Par exemple, je sais à peu près à quelle vitesse je relis : je peux donc estimer combien de pages je suis capable de lire dans une journée, et si donc ça rentrera dans ma semaine. Une routine peut aider aussi : la ou les heures d'écriture sont ainsi prévues à l'avance dans l'emploi du temps.

Cet article est un peu bizarre… entre le "voilà ma méthode pour avoir le temps d'écrire" et le racontage de vie. Pas sûre que cette hybridité soit bien heureuse…

Et vous ? Prenez-vous vraiment le temps de faire ce que vous rêvez de faire ?

12 commentaires:

  1. Tout est question de priorités - toujours.
    Pour mener mes projets littéraires à terme, je faisais comme toi, tout mon temps ou presque était dédié à l'écriture. Et même avec un enfant et un boulot à plein temps.
    C'est super que tu te donnes à fond pour ce en quoi tu crois. Keep going!

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    1. C'est gentil, merci beaucoup !

      Est-ce que tu as trouvé réponse à la question de lâcher et de laisser tomber de l'article que j'avais commenté il y a quelques temps ?

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    2. Oui merci je l'ai lu et ça m'a remotivée, un peu!

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  2. Cette hybridité est très heureuse, je trouve...
    On ressent bien ce que tu exprimes...Ca fait mal de se demander ce qu'on fout là, mais c'est aussi un questionnement qui est sûrement incontournable et ce régulièrement dans la vie...

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    1. J'espère que ça ne va pas durer trop longtemps, comme questionnement, parce que la pente est dangereuse dans mon cas. J'ai plutôt une tendance au pessimisme, et je considère que la vie d'une manière générale est absurde : on naît, on meurt, et rien de ce qu'on a fait au milieu n'a la moindre importance ; on peut toujours essayer de donner du sens en aidant les autres, mais on aide des gens dont les vies n'ont pas plus d'importance, d'intérêt, ou de répercutions que la nôtre : du vide dans du vide. Du coup, plus je passe du temps à me demander ce que je fous là, et plus je me rapproche dangereusement du cercle vicieux de l'absurde. Vaut mieux pas tomber dans l'étang, à mon avis ; on sait pas trop ce que ça pourrait donner. Je ne pense pas que j'irais au suicide, je considère ne pas en avoir le courage, et puis j'aimerais quand même publier mes romans avant, alors je m'accrocherais, mais c'est pas pour ça que la période sera sympa... Surtout que je pense avoir une tendance à l'addiction. Donc plus tôt j'arrêterais avec ce questionnement, et mieux ce sera !

      En tout cas, tant mieux si l'hybridité de cet article n'est pas un problème ! :D

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  3. Depuis bientôt 7 ans que je suis séparée et que je vis presque seule la plupart du temps quand mes enfants ne sont pas là et bien oui, je prends le temps de faire ce que j'ai vraiment envie de faire. Je peux ne pas aller en courses, ne pas préparer mon boulot pour l'école, ne pas faire le ménage,la lessive et autre pour aller marcher et photographier. J'essaie même de prendre mes rendez-vous en fonction de mes temps de marche pour ne pas avoir à les rater. ma marche du matin, c'est ma priorité le mercredi et le samedi !
    Et, moi, je dis qu'on utilise son temps libre comme on le souhaite et qu'on n'a de compte à rendre à personne, nan, mais ! Alors si ça te plait de passer tout ton temps à écrire et bien tu aurais bien tort de t'en priver juste pour être dans "la norme", quelle norme d'ailleurs ? qui a raison ? Hein ? :D

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    1. C'est vrai, la norme, c'est nul, ça sert à rien !
      Faire ce qui nous plaît quand ça nous plaît c'est un bol de liberté et c'est salvateur !

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  4. Virevolte a raison, tu n'as pas de compte à rendre sur ta façon de gérer ton temps libre et surtout de ce que tu en as fait !! Tu es jeune, le monde t'appartient lol... Mais plus sérieusement, ne te poses pas autant de questions.... Tu veux écrire, alors écris.Tu as raison de profiter de temps que tu as pour faire ce que tu aimes et ce dont tu as envie!!!

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    1. J'ai pas l'impression de me poser beaucoup de questions x) J'écris c'est tout mais c'est vrai que quand on me dit que je travaille vite et tout y a toujours une micro-seconde où je me dis : "trop vite pour faire bien ?" ou bien je me dis que les personnes en face qui disent qu'elles aimeraient bien avancer aussi seraient pas prêtes à plus voir leurs amis x)

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  5. Effectivement écrire est un choix mais ta vie va se transformer avec les chats ! Miaou !

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    1. Ah bah ça !... J'ai dû déplacer le frigo pour caser les litières, j'ai un arbre à chats dans mon salon, et j'ai rempli un placard de litière et de croquettes, donc rien que le paysage change alors que j'ai même pas encore les boules de poils !

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